DCEM1 Génétique Médicale

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Faculté de Médecine Purpan
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Année universitaire 2008-2009
DCEM1
Génétique Médicale
E. Bieth,
G. Bourrouillou,
N. Chassaing,
P. Calvas
1
Plan
1°) Génétique clinique
1. Abord du malade en génétique, modes de transmissions et histoires familiales,
2. Examen clinique et notions de dysmorphologie et de syndromologie génétique
2°) Cytogénétique
1. Les anomalies chromosomiques, épidémiologie et signes d’appels,
2. Les examens chromosomiques, leurs indications, leur interprétation
3°) Génétique Moléculaire
1. Le diagnostic moléculaire, ses indications,
2. Les stratégies et l’interprétation,
3. Les règles et les modalités de prescription
4°) Diagnostic prénatal
1. Indications, modalité, limites
2
1 Génétique clinique
1.1 Abord du malade en Génétique clinique
1.1.1 Préambule
La génétique médicale est la discipline qui s’intéresse aux maladies génétiques notamment
dans leur dimension familiale. Il faut rappeler néanmoins que si toutes les maladies
héréditaires ont un déterminisme génétique en revanche la majorité des maladies génétiques
ne sont pas héritées (ex : cancers par mutations somatiques, maladies orphelines par néomutations,…). La mise en évidence du caractère transmissible d’une affection tient une place
essentielle en médecine prédictive et préventive. Elle influe, parfois de façon déterminante,
sur la prise en charge médicale des patients et de leur famille et permet à travers le conseil
génétique des choix reproductifs éclairés. C’est pourquoi, il convient dès lors que l’on
suspecte une maladie génétique de rechercher systématiquement dans les antécédents
familiaux s’il existe ou non des éléments évocateurs d’une prédisposition héréditaire. Cette
recherche consiste en pratique à dresser à l’aide des symboles connus un arbre généalogique
précis (figure 1). Le sujet atteint pour qui un diagnostic a été initialement établi est appelé cas
index ou propositus, il est logiquement le point de départ de l’enquête généalogique. Ce
diagnostic de maladie génétique ou supposée telle repose classiquement sur des critères
phénotypiques et/ou génotypique ou caryotypique. On entend par phénotype l’ensemble des
caractères observables c’est-à-dire des éléments, pathologiques ou non, recueillis par
l’approche clinique. Cette dernière inclue classiquement la recherche des symptômes
fonctionnels grâce à l’interrogatoire, des symptômes dits objectifs grâce à l’examen physique
complet et enfin des signes seulement détectables par des examens paracliniques (imagerie
médicale, explorations en électrophysiologie, en biochimie…). L’approche clinique en
génétique médicale n’est donc pas fondamentalement très différente de celle des autres
spécialités mais, elle s’appuie à chacune des trois étapes de la démarche diagnostique, sur des
points particuliers qui lui confèrent une certaine spécificité. L’importance des antécédents
familiaux recueillis par l’interrogatoire a déjà été soulignée. Lors de l’examen physique on
s’attachera à rechercher plus particulièrement des anomalies morphologiques même minimes
qui peuvent constituer de précieux éléments d’orientation. Ainsi, les données de l’enquête
généalogique d’une part et la description de critères dysmorphiques (dysmorphologie) d’autre
part contribuent à restreindre le champ des hypothèses diagnostiques et à orienter la
prescription des examens paracliniques. Ces derniers visent essentiellement en génétique
médicale à étudier les caractéristiques génétiques : caryotype grâce aux analyses de
cytogénétique et génotype grâce aux analyses de génétique moléculaire. Il convient de
souligner qu’en dehors du caryotype, il n’existe pas aujourd’hui d’examen permettant
d’appréhender de façon globale les caractéristiques génétiques d’une personne. La
prescription de ces examens ne peut donc être systématique mais raisonnée c’est-à-dire guidée
par l’ensemble des éléments sémiologiques recueillis par un examen clinique minutieux. Or,
la sémiologie en génétique médicale est, nous allons le voir, riche, variée et complexe…
1.1.2 Spécificités de l’interrogatoire, enquête familiale et évaluation du caractère
transmissible.
1.1.2.1 Les données de l’interrogatoire sont cruciales tant pour la recherche d’une étiologie
génétique que pour l’évaluation du risque de récurrence d’une affection au diagnostic parfois
incertain et pour laquelle se pose la question du caractère transmissible ou pas. C’est une
3
étape de l’approche clinique aussi essentielle que celle de l’examen physique. L’interrogatoire
en génétique médicale doit, tout en étant concis, viser à l’exhaustivité : des renseignements a
priori d’importance mineure peuvent avoir dans certaines affections syndromiques complexes
une valeur capitale pour l’orientation diagnostique. Il doit aussi être adapté au consultant dont
l’émotivité, les barrières psychologiques (tabous familiaux par exemple) et la capacité de
compréhension (barrière linguistique par exemple) sont autant de difficultés à communiquer.
Enfin, l’interrogatoire doit être orienté : en fonction de l’affection concernée il conviendra de
bien faire préciser les circonstances qui ont conduit à sa découverte ainsi que son évolution
dans le temps (maladie fixée ou évolutive…) et de rechercher dans l’histoire familiale des
éléments susceptibles d’être en rapport avec la maladie.
La situation la plus emblématique est celle du jeune enfant présentant un retard des
acquisitions associé ou non à des anomalies malformatives. Il conviendra ici d’être
particulièrement vigilant aux antécédents maternels ainsi qu’aux circonstances de la grossesse
et de la période périnatale. Certaines données orientent en effet vers des causes acquises
responsables de phénocopies (on entend par phénocopies, des affections au phénotype
comparable mais d’origine -acquise ou innée- différente). La prise de toxiques pendant la
grossesse (alcool, médicaments tératogènes,…) ou certaines maladies infectieuses
(toxoplasme, virus,…) ou métaboliques (phénylcétonurie guérie, diabète,…) sont des causes
acquises bien connues de maladies congénitales malformatives et/ou de retard mental. De
même, une souffrance périnatale peut expliquer en partie ou en totalité un retard sévère des
acquisitions. En revanche, une origine génétique devra être particulièrement suspectée devant,
d’une part, la notion d’un antécédent de fausse-couches à répétition ou d’apparentes
difficultés de conception qui peuvent traduire l’existence d’une anomalie chromosomique
équilibrée chez l’un des deux parents, et, d’autre part, un âge parental élevé au moment de la
conception : âge maternel élevé favorisant les aneuploïdies (trisomie 21 notamment) et âge
paternel élevé favorisant la survenue de néo-mutations responsables d’affections dominantes
d’allure sporadique (achondroplasie par exemple). Il conviendra aussi de rechercher
l’existence d’anomalies détectées lors du suivi systématique de la grossesse et qui peuvent
être en relation avec des manifestations anténatales de l’affection: suivi échographique
principalement (biométries, clarté nucale,…) et éventuellement par le dosage au deuxième
trimestre des marqueurs hormonaux prédictif de trisomie 21.
1.1.2.2 L’enquête familiale est un moment clé de l’interrogatoire. Elle vise d’une part à
collecter les principaux antécédents médicaux des sujets apparentés au cas index et d’autre
part à préciser la structure familiale sur plusieurs générations (généralement deux ou trois). La
réalisation d’un arbre généalogique annoté est le meilleur moyen pour mettre en évidence
dans un pedigree une prédisposition héréditaire à un trait morbide et pour évoquer des modes
possibles de transmission. Ainsi, la notion dans une même fratrie (hérédité d’allure
« horizontale) de plusieurs sujets atteints d’une affection rare et ayant des parents
asymptomatiques doit orienter vers une affection transmise en récessivité. Si de plus l’analyse
de la structure familiale révèle une consanguinité parentale l’hypothèse d’une affection à
transmission autosomique et récessive devient très probable. A l’opposé, la notion de
plusieurs sujets apparentés présentant des symptômes similaires fera plutôt évoquer une
transmission en dominance si ces sujets appartiennent à des générations différentes (hérédité
d’allure « verticale »). L’impact de ces données sur le conseil génétique peut être considérable
conduisant notamment à une évaluation plus précise du risque de récurrence de l’affection
dans la famille concernée. L’arbre généalogique est donc un élément indispensable du dossier
clinique du patient. Il convient d’utiliser pour sa réalisation les symboles et règles admises
internationalement et dont les plus courants ont été représentés dans la figure ci-dessous.
4
Fig. 1
Arbre généalogique et symboles courants
I
12345
II
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
III
IM
123
Femme
Sujet décédé
Homme
Union
Sexe non connu
Divorce
Hétérozygote
Consanguinité
Sujets atteints
Pas de descendance
Consultante
12 SAG
12SAG
Grossesse de 12 semaines
d’aménorrhée gravidiques
Enfant mort-né
III3
Interruption
Grossesse
Médicale
de
Fausse-couche
Propositus ou
Cas Index
Vrais jumeaux
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(figure 1). Chaque membre de la famille est représenté par convention par un chiffre romain
pour désigner la génération concernée (numérotation verticale) et par un chiffre arabe pour
désigner la place dans les fratries d’une même génération (numérotation horizontale). Cette
numérotation permet d’apporter de façon claire les annotations concernant certains sujets de
la famille
1.1.2.3 L’évaluation du caractère transmissible d’une affection est une étape
incontournable du conseil génétique. Elle vise principalement à apporter une réponse, ou des
éléments de réponse, aux questions d’un patient ou d’un couple qui s’inquiète du risque de
développer ou de transmettre une maladie qui l’affecte ou dont est atteint un membre de sa
famille. Il s’agit là d’un motif fréquent de consultation. Le risque de transmission est parfois
relativement simple à évaluer lorsque le diagnostic de l’affection a été porté avec certitude et
qu’il s’agit d’une affection monogénique dont le mode de transmission, de type mendélien, est
bien connu. En revanche, lorsque le diagnostic est incertain et/ou lorsque le mode de
transmission est inconnu, ou de type non mendélien, l’évaluation peut s’avérer complexe
requérant souvent des investigations à visée diagnostiques complémentaires (notamment
génétiques), des expertises cliniques et biologiques, le recours aux données bio
statistiques,…Dans tous les cas, l’évaluation se fera dans un premier temps, arbre
généalogique à l’appui, en comparant les différentes hypothèses de transmission. Cette
méthode aboutit généralement à ne retenir qu’une ou deux de ces hypothèses (la plus probable
et/ou qui se traduit par un risque élevé) qu’il convient ensuite de tenter de valider par des
explorations cytogénétiques ou moléculaires. On comprend que la connaissance des
principaux modes de transmission des maladies génétiques est indispensable à cette démarche
d’évaluation du caractère héréditaire d’une affection. Seules sont résumées ci-dessous les
principales caractéristiques des modes de transmission des affections monogéniques. La
transmission de ces dernières se fait en principe sur un mode mendélien c’est à dire obéissant
à des lois qui découlent de la nature diploïde ou sexuée du génome et sur la capacité du gène à
s’exprimer ou non à l’état homozygote. Certaines définitions doivent ici être rappelées. A un
locus donné (localisation physique sur un chromosome) un même gène peux avoir un grand
nombre de variations (allèles), celles qui n’ont aucune conséquence observable (phénotype
normal) représentent les allèles sauvages du gène en question tandis que celles qui sont
susceptibles de déterminer un nouveau caractère représentent les allèles mutants (NB : en
médecine il est habituel de considérer l’allèle mutant comme étant à l’origine d’un caractère
pathologique). A l’échelle moléculaire la majorité des variations des gènes correspondent à
des changements affectant la séquence nucléotidique. Plus rarement, les gènes peuvent être la
cible de modifications biochimiques laissant inchangée la séquence nucléotidique (ex :
méthylation des cytosines) mais qui néanmoins sont susceptibles d’altérer leur expression ; ce
type de variation est appelé épigénétique. Un individu est dit hétérozygote lorsqu’il porte à un
locus donné deux allèles différents, il est dit homozygote lorsque les deux allèles du gène sont
identiques ; enfin, il est dit hémizygote lorsqu’il ne porte qu’un seul exemplaire du gène
(copie unique des gènes du chromosome X chez l’homme ou copie unique sur un autosome en
raison d’un remaniement chromosomique ayant conduit à la perte d’un exemplaire). On
considère que dans les maladies transmises en dominance l’allèle muté entraîne le phénotype
à l’état hétérozygote ; en revanche pour les maladies transmises en récessivité l’allèle muté est
incapable d’entraîner le phénotype à l’état hétérozygote mais il peut l’entraîner à l’état
hémizygote (cf. la transmission liée à l’X). Il convient ici de rappeler que les notions de
dominance et de récessivité sont définies à partir de l’observation d’un trait à travers plusieurs
générations. C’est donc toujours l’observation du phénotype et du pedigree (arbre
généalogique) qui doit en principe servir de référence à l’établissement du mode de
transmission.
6
La notion de pénétrance traduit la capacité d’un allèle muté à s’exprimer (c.-à-d. à entraîner le
phénotype mutant). On parlera par exemple de pénétrance incomplète d’un allèle mutant si
dans une famille touchée par une maladie à transmission dominante certains sujets
hétérozygotes ne présentent aucun symptôme de la maladie (chez ces derniers l’allèle est dit
non pénétrant). Un défaut de pénétrance peut, par exemple, être mis facilement en évidence
devant un apparent saut de génération : cas du sujet sain qui a un parent et un enfant atteint.
Le pourcentage des sujets malades parmi l’ensemble des sujets hétérozygotes défini le degré
de pénétrance de l’allèle (cf. la transmission autosomique dominante). Il est important de ne
pas confondre la notion de pénétrance avec l’expressivité variable qui caractérise les allèles
mutants de certaines affections notamment celles transmises en dominance. C’est ainsi que
dans une famille, où sévit par exemple une neurofibromatose, les sujets malades ayant hérité
pourtant du même allèle mutant peuvent avoir des symptômes très différents en type et en
sévérité.
Enfin, certaines maladies pourtant monogéniques ont un mode de transmission complexe qui
n’apparaît pas strictement mendélien et qui résulte en fait de propriétés particulières du
génome. Dans l’ignorance des mécanismes physiopathologiques qui les sous-tendent, le
défaut de pénétrance et/ou l’expressivité variable de certains allèles compliquent en effet
l’interprétation des pedigree et constituent des pièges lors de l’évaluation du caractère
transmissible de ces affections. Cependant, ces vingt dernières années les découvertes sur les
mutations instables, les mutations du génome mitochondrial ou sur des phénomènes
physiologiques tels que la lyonisation de l’X ou l’empreinte parentale ont permis de mieux
comprendre l’hérédité complexe de ces maladies monogéniques et de préciser les risques de
récurrence dans la descendance des sujets concernés.
1.1.3 L’hérédité autosomique dominante
Les maladies à transmission autosomique et dominante peuvent atteindre de nombreux sujets,
hommes ou femmes, sur plusieurs générations (transmission verticale). Elles résultent de
l’expression d’un allèle mutant présent chez le sujet atteint à l’état hétérozygote ou à l’état
homozygote (dans ce cas l’affection est habituellement plus sévère). Un sujet atteint a en
principe un parent atteint et le risque a priori qu’il transmette son affection a son enfant est de
50%. Mais, ces règles générales sont souvent prises en défaut…. En effet, il convient de ne
pas oublier que :
- beaucoup d’affection dominante surviennent de manière sporadique (pas d’autre cas
familial) ; on notera que c’est d’ailleurs presque toujours le cas pour des affections
sévères peu ou pas compatible avec la procréation. Dans cette situation, aucun des
deux parents d’un sujet atteint n’est porteur de l’allèle mutant ce qui permet de
conclure au caractère de novo de la mutation. Pour autant, le risque de récurrence en
cas de nouvelles grossesses du couple n’est pas nul. En effet, l’un des parents peut
avoir un mosaïcisme germinal souvent impossible à préciser (mutation cantonnée à la
lignée germinale et touchant une fraction de gamètes). Bien que le risque de
récurrence soit très inférieur à 50% il est néanmoins considéré comme non négligeable
et doit inciter à un conseil génétique prudent (un diagnostic prénatal peut parfois être
indiqué lorsque la mutation a été caractérisée).
- la pénétrance des allèles mutants est dans certaines affections incomplète ce qui peut
parfois conduire à être faussement rassurant lors de l’évaluation du risque de
récurrence. Cependant, la pénétrance d’un allèle peut parfois être précisée par l’âge de
survenue du ou des caractères qu’il détermine. Par exemple, dans la neurofibromatose
la pénétrance vis-à-vis des tâches café-au-lait est de 95% à 20 ans alors que vis-à-vis
des neurofibromes elle est de 50% au même âge et de 90% à 40 ans. Ainsi, après un
7
-
-
examen clinique rigoureux il est possible de se montrer rassurant vis-à-vis du risque
lié un défaut de pénétrance chez un sujet adulte ne présentant ni tâche café-au-lait ni
neurofibrome.
l’expressivité variable qui caractérise les allèles mutants de certaines affections
dominantes est parfois importante et cela au sein d’un même pedigree. Les symptômes
peuvent être subtiles (formes dite pauci-symptomatiques) et échapper à un examen
clinique trop rapide ce qui peut conduire à des erreurs diagnostiques lourdes de
conséquence sur le plan du conseil génétique (faux statut de non transmetteur). En cas
de doute, il est parfois possible d’avoir recours à des examens para-cliniques
(imagerie, investigations électrophysiologiques,…). A ces difficultés s’ajoutent parfois
celles liées au caractère pléiotrope de certaines maladies dominantes telles que la
neurofibromatose, le syndrome de Marfan, ou la sclérose tubéreuse de Bourneville. Le
pléiotropisme traduit la capacité d’un allèle mutant à s’exprimer dans de nombreux
organes ou tissus affectant parfois plusieurs appareils (cf. figure). Dans ces situations,
il convient de faire un interrogatoire (histoire familiale) et un examen clinique complet
et méticuleux.
certaines affections à transmission dominante liées à des mutations dynamiques (voir
encadré ci-dessous) montrent une hérédité d’allure non mendélienne. Le phénomène
d’anticipation que l’on observe en analysant la structure familiale explique en partie
l’hérédité particulière de ces maladies qui correspondent pour la plupart à des
affections neurodégénératives (chorée de Huntington, dystrophie myotonique de
Steinert,…). Les expansions polynucléotidiques (trinucléotides le plus souvent) qui
caractérisent les allèles mutants ont en effet une propension à s’accroître au cours de la
méiose (instabilité). Le caractère délétère sur l’expression étant généralement
proportionnel à la taille de l’expansion la conséquence est une aggravation de la
maladie au fil des générations. Ainsi, les symptômes apparaissent plus sévères et de
survenue plus précoce (d’où l’anticipation) chez les sujets appartenant à la dernière
génération de la famille. Par ailleurs, le sexe du parent transmetteur peut influer
défavorablement sur l’instabilité méiotique des mutations dynamiques. L’exemple le
plus emblématique est celui de la dystrophie myotonique de Steinert où seule les
mères atteintes sont susceptibles d’avoir un enfant ayant la forme la plus sévère de la
maladie (forme létale ou d’expression néo-natale).
Exemples de mutations dynamiques
1
CGGn
3
GAAn
UTR3’
UTR5’
ATG
1
2
3
4
Stop
CAG2n
CTG4n
Syndrome de l’X Fragile (CGG>200)
Chorée de Huntington (CAG>35)
Ataxie de Friedreich (GAA>200)
Dystrophie myotonique de Steinert (CTG>50)
1.1.4 L’hérédité autosomique récessive
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Les maladies à transmission autosomique et récessives touchent dans les familles concernées
peu de sujets, hommes ou femmes (égale fréquence), appartenant généralement à une même
fratrie (transmission horizontale). La consanguinité facilite la survenue d’affections récessives
rares. Ces maladies résultent de l’expression d’allèles mutants présents chez le sujet atteint à
l’état homozygote ou à l’état hétérozygote composite (deux allèles mutants différents). Un
sujet atteint a en principe ses deux parents sains et hétérozygotes. Tous les sujets
hétérozygotes pour un allèle mutant sont sains. Le risque a priori pour un couple de sujets
hétérozygotes d’avoir un enfant malade est de 25%. Le risque a priori d’un sujet sain d’être
hétérozygote est de 66% (1/3) si son frère est malade. Le risque a priori d’être hétérozygote
pour une affection autosomique récessive donnée peut être calculé pour un sujet sain non
apparenté à une famille à risque en utilisant la loi de Hardy-Weinberg (voir encadré cidessous). Pour un sujet sain apparenté à une famille à risque, le risque a priori d’être
hétérozygote est fonction du coefficient de parenté (voir encadré). Le risque pour un couple
de sujets apparentés d’être tous les deux hétérozygotes est fonction du coefficient de
consanguinité (voir encadré). Le risque d’hétérozygotie vis-à-vis de certaines affections
récessives peut être considérablement augmenté chez les sujets appartenant à des groupes
ethniques dans lesquels l’incidence de ces affections est élevée (résulte d’un effet fondateur).
En France, si la fréquence des sujets hétérozygotes est faible (<1%) pour la plupart des
affections récessives, en revanche le risque d’hétérozygotie est non négligeable vis-à-vis des
plus fréquentes telles que la mucoviscidose (risque autour de 1/30) et l’amyotrophie spinale
infantile (risque autour de 1/40).
1.1.5 L’hérédité liée à l’X
Les génopathies liées à l’X sont provoquées par des mutations affectant les gènes portés par le
chromosome X (1300 gènes dont 500 avec phénotypes connus). Les femmes ayant deux
chromosomes X et les hommes un seul, l’expression des allèles mutants et leur transmission
sont différentes selon le sexe : les maladies sont généralement plus sévères chez les hommes
et il n’y a jamais de transmission père-fils (une transmission père-fils dans un pedigree exclue
par définition une hérédité liée à l’X). Les allèles récessifs ne s’expriment que chez les
hommes qui sont dits hémizygotes tandis que les femmes hétérozygotes sont toujours saines
mais transmettrices (elles sont appelées conductrices saines). Une conductrice a 25% de
risque a priori d’avoir un enfant atteint, 50% si cet enfant est un garçon. Un homme atteint
n’a pas d’enfant atteint mais toutes ses filles sont transmettrices (elles sont dites conductrices
obligatoires). Le risque de récurrence de l’affection dans un pedigree peut être élevé. C’est
pourquoi dès lors que l’on se trouve en présence d’un garçon atteint d’une affection sévère
d’origine indéterminée il convient de toujours se poser la question d’une hérédité liée à l’X
(même s’il n’y a pas d’autre cas rapportés).
Les allèles dominants s’expriment dans les deux sexes mais avec une sévérité accrue chez les
hommes pouvant avoir chez ces derniers des conséquences létales (cas du syndrome de Rett
ou de l’incontinentia pigmenti : seules des filles sont atteintes…).
Mais, ces règles générales sont parfois prises en défaut…. En effet, il convient de ne pas
oublier que :
- la plupart des affections liées à l’X peuvent survenir de manière sporadique (pas
d’autre cas familial) ; c’est d’ailleurs la règle pour des allèles dominants dont
l’expression particulièrement sévère est incompatible avec la procréation (syndrome
de Rett par exemple). Parmi celles transmises en récessivité (myopathie de Duchenne
de Boulogne, hémophilie A,…) on constate que jusqu’à 50% des mères ayant un
enfant atteint, sans autre cas familial rapporté, ne sont pas porteuses de l’allèle mutant
ce qui permet logiquement de conclure au caractère de novo de la mutation. Pour
autant, le risque de récurrence en cas de nouvelles grossesses de ces mères non
9
Loi de Hardy-Weinberg
•
Enoncé et conditions d’application:
au cours des générations, la fréquence des génotypes reste constante (à l’équilibre), en l’absence de
sélection, si la population est grande et homogène (absence de migration) , si le taux de néomutation
est faible et si les unions se font au hasard.
•
Le modèle mathématique:
soit un locus autosomique ayant 2 formes alléliques A et a, si,
p = fréquence dans la population de l ’allèle A => fréquence des génotypes AA = p2
q = fréquence dans la population de l ’allèle a => fréquence des génotypes aa = q2
p + q = 1 (il n ’y a que 2 allèles…) => fréquence des génotypes Aa et aA = 2pq*
alors, p2 + 2pq + q2 = 1
*
NB: lorsque l’allèle a est rare, cas d’un caractère pathogène, la fréquence des hétérozygotes (2pq
n’est pas très différente de 2q
•
Applications:
- calcul de la fréquence des hétérozygotes à partir de la fréquence des sujets homozygotes:
l’incidence de la mucoviscidose en France étant de 1/3600 (q2), q = 1/60, donc 2q (ou 2pq)= 1/30 ;
- calcul de la fréquence des homozygotes à partir de la fréquence des sujets hétérozygotes:
si 2q (ou 2pq)= 1/100 alors q = 1/200 et q2 = 1/40 000 .
10
conductrices n’est pas nul. En effet, la possibilité, invérifiable, d’un mosaïcisme germinal
(mutation cantonnée à la lignée germinale et touchant une fraction d’ovocytes) ne peux être
exclue. Bien que le risque de récurrence soit très inférieur à 25% il est néanmoins considéré
comme non négligeable et doit inciter à un conseil génétique prudent (un diagnostic
prénatal peut être indiqué lorsque la mutation a été caractérisée).
Mais, ces règles générales sont parfois prises en défaut…. En effet, il convient de ne pas
oublier que :
-
la plupart des affections liées à l’X peuvent survenir de manière sporadique (pas d’autre
cas familial) ; c’est d’ailleurs la règle pour des allèles dominants dont l’expression
particulièrement sévère est incompatible avec la procréation (syndrome de Rett par
exemple). Parmi celles transmises en récessivité (myopathie de Duchenne de Boulogne,
hémophilie A,…) on constate que jusqu’à 50% des mères ayant un enfant atteint, sans
autre cas familial rapporté, ne sont pas porteuses de l’allèle mutant ce qui permet
logiquement de conclure au caractère de novo de la mutation. Pour autant, le risque
de récurrence en cas de nouvelles grossesses de ces mères non conductrices n’est pas
nul. En effet, la possibilité, invérifiable, d’un mosaïcisme germinal (mutation
cantonnée à la lignée germinale et touchant une fraction d’ovocytes) ne peut être
exclue. Bien que le risque de récurrence soit très inférieur à 25% il est néanmoins
considéré comme non négligeable et doit inciter à un conseil génétique prudent (un
diagnostic prénatal peut être indiqué lorsque la mutation a été caractérisée).
-
l’inactivation de l’X (phénomène de lyonnisation) est biaisée chez un petit pourcentage
de femmes. Dès les premières semaines du développement l’un des deux chromosomes
X est inactivé dans chaque cellule de l’embryon féminin. Le « choix » en principe
aléatoire du chromosome X conduit à un mosaïcisme cellulaire avec en théorie 50% de
cellules avec l’X d’origine maternel inactivé et 50% de cellules avec l’X paternel
inactivé. En fait, des études ont montré que cette répartition est de type gaussienne et
qu’ainsi pour une minorité de femme la majorité de leurs cellules (>95%), voire parfois
la quasi totalité, portent un même chromosome X inactivé. On conçoit par conséquent
qu’un biais complet du chromosome X puisse jouer défavorablement chez une femme
porteuse d’un allèle récessif mutant sur son chromosome X. D’authentiques dystrophies
musculaires de Duchenne de Boulogne ont pu ainsi être observées chez des
conductrices ayant un biais complet d’inactivation du chromosome X (biais au dépend
de l’X sain). Inversement, un biais complet de l’X peut jouer favorablement chez une
conductrice porteuse d’un allèle dominant. C’est pourquoi, il convient de toujours
vérifier chez une mère ayant eu une fille atteinte d’un syndrome de Rett le caractère de
novo de la mutation causale. Il faut rappeler pour conclure que les biais complets
d’inactivation de l’X sont rarement observés en pratique mais qu’il faut avoir à l’esprit
cette possibilité pour ne pas « passer à coté » d’un diagnostic ou donner un conseil
génétique faussement rassurant.
-
le syndrome de l’X Fragile, génopathie liée à l’X, deuxième cause de retard mental
(après la trisomie 21), se transmet sur un mode dominant particulier (paradoxe de
Sherman). Il est par exemple possible d’observer dans un pedigree de nombreux
transmetteurs, hommes ou femmes, non atteints. La découverte en 1991 du gène en
cause (FMR1) et des premières mutations dynamiques (expansion de triplets CGG) a
permis d’expliquer l’apparent paradoxe de transmission qui défiait alors les lois de
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Mendel. Ainsi qu’il a été dit plus haut (voir l’hérédité dominante), les expansions
trinucléotidiques ont une propension à augmenter en taille au-cours de la méiose. Cette
instabilité est d’autant plus importante que l’expansion est de taille importante. Dans le
syndrome de l’X Fragile, un retard mental est observé pour des expansions composées
de plus de 200 trinucléotides répétés (entraîne une inactivation du gène FMR1 par le
biais d’une hyperméthylation). Toutefois, l’instabilité méiotique commence à apparaître
pour des expansions de 50 CGG (les allèles normaux ont la plupart 29 ou 30 CGG).
Ainsi, les sujets, hommes ou femmes, porteurs d’expansions comprises entre 50 et 200
sont sains mais transmetteurs d’un retard mental qui se déclarera une ou deux
générations plus tard. Ce type d’expansions prend le nom de pré-mutation par
opposition aux expansions de plus de 200 triplets qui sont appelées mutations
complètes. Ces dernières ont une expression de type dominante puisque les femmes
porteuses d’une mutation complète présentent majoritairement un retard mental léger à
modéré. Toutefois, un tiers d’entre elles ont des performances cognitives normales sans
doute du fait d’une inactivation inégale de leurs chromosomes X. Aujourd’hui, dès lors
que l’on suspecte un retard mental lié à l’X, il est recommandé de réaliser, compte tenu
de la fréquence du syndrome de l’X Fragile et des conséquences en terme de prévention
du risque de récurrence, une analyse du gène FMR1 visant à détecter une expansion
CGG pathologique.
1.1.6 Hérédité liée à l’empreinte génomique parentale (genomic imprinting)
L’empreinte parentale correspond à un processus biochimique de contrôle épigénétique de
l’expression de certains gènes qui sont dits « soumis à l’empreinte génomique ». Ces gènes,
peu nombreux, ont comme caractéristique essentielle de subir au cours de la gamétogénèse et
via la méthylation de l’ADN un « marquage » qui est différent selon qu’il s’effectue dans la
lignée germinale mâle ou femelle. Cela conduit, dans les cellules somatiques, à des différences
d’expression des deux allèles paternel et maternel de ces gènes, reflétant donc la non
équivalence fonctionnelle des génomes parentaux. L’empreinte génomique entraîne le plus
souvent une exclusion allélique (allèle fonctionnellement inactif). Presque tous les
chromosomes possèdent un ou plusieurs locus concernés par ce phénomène mais c’est à propos
de gènes localisés dans la région chromosomique 15q11-q12 que l’empreinte génomique a été
pour la première fois décrite chez l’homme. Ainsi, il a été montré que le locus concerné mesure
2 Mb et contient 12 gènes soumis à l’empreinte génomique, pour 10 d’entre eux il s’agit d’une
empreinte maternelle tandis que deux sont soumis à une empreinte paternelle (voir figure).
Trois types d’anomalies affectant ce locus sont à l’origine de deux pathologies syndromiques
comportant toutes les deux une déficience mentale : le syndrome de Prader-Willi (dysmorphie,
troubles comportementaux et obésité) et le syndrome d’Angelman (dysmorphie, ataxie et
épilepsie). Les anomalies les plus fréquentes (70%) consistent en des délétions : celles touchant
le chromosome 15 paternel entraînent le syndrome de Prader-Willi tandis que celles concernant
le chromosome 15 maternel conduisent au syndrome d’Angelman. Le second type d’anomalie
est représenté par les disomies uniparentales du chromosome 15 (DUP15). Il s’agit d’une
situation dans laquelle les deux chromosomes d’une même paire proviennent du même parent
(résultat d’une trisomie corrigée). Tout comme les délétions, les DUP sont révélatrices des
régions chromosomiques soumises à l’empreinte génomique. Ainsi, les DUP15 maternelles
sont à l’origine du syndrome de Prader-Willi et les DUP15 paternelles sont à l’origine du
syndrome d’Angelman. Le dernier type d’anomalie conduisant aux deux syndromes cités sont
représentées par des petites mutations affectant le centre de l’empreinte ou le gène UBE3A. Le
premier est constitué d’une séquence de quelques Kb contrôlant le mécanisme de l’empreinte.
12
Entre 1 et 5% des cas de syndromes de Prader-Willi et d’Angelman sont provoqués par des
microdélétions limitées au centre l’empreinte.
Etat normal
Syndrome de
Prader-Willi
i
i
i
i
del15q11-q12
Syndrome
d’ Angelman
Exemple d’empreinte parentale :
le locus 15q11-q12
i
del15q11-q12
i
DUP15m
i
i
DUP15p
i
Mutation du centre
de l’empreinte
i
i
i
Mutation du centre de Mutation
UBE3A
l’empreinte
Le gène UBE3A est l’un des deux gènes soumis à empreinte paternelle, les mutations
ponctuelles qui l’affectent sont à l’origine d’environ 10% des cas de syndrome d’Angelman.
Contrairement aux délétions et aux DUP qui sont toujours de novo, les petites mutations sont
13
elles souvent héritées et sont donc à l’origine des formes familiales de syndrome de PraderWilli ou d’Angelman. Si par exemple, le père (sain) d’un enfant atteint d’un syndrome de
Prader-Willi est porteur sur son chromosome 15 maternel d’une mutation du centre de
l’empreinte le risque de récurrence pour ses autres enfants sera de 50%. Ces données sont par
conséquent cruciales pour le conseil génétique.
1.1.7 Hérédité mitochondriale
Les mutations touchant le génome mitochondrial sont à l’origine de pathologies parfois
familiales. Leur transmission est exclusivement maternelle et n’est donc pas mendélienne. On
rappelle brièvement que les mitochondries possèdent plusieurs exemplaires d’un petit génome
constitué de 37 gènes répartis sur une molécule d’ADN circulaire de 16,5 Kb. Seuls 13 gènes
codent des protéines, toutes impliquées dans le chaîne respiratoire, les 24 autres gènes codant
pour les ARNt et ARNr mitochondriaux. Parmi les différentes caractéristiques qui le
distinguent du génome nucléaire (absence d’intron, code génétique, …) il faut retenir pour le
génome mitochondrial un taux de mutation plus élevé responsable d’une dérive génétique
(participerait au vieillissement cellulaire). Les cellules contiennent de quelques dizaines à
plusieurs milliers de mitochondries dont le génome est la cible de nombreuses mutations. La
coexistence dans la cellule de mitochondries mutées et de mitochondries non mutées est
appelée hétéroplasmie, c’est la situation la plus fréquente. Cependant, certaines mutations, du
fait d’une dérive génétique favorable, sont retrouvées dans 100% des mitochondries, on parle
alors d’homoplasmie. L’hétéroplasmie est généralement tissulaire c’est-à-dire qu’elle peut
varier selon les tissus considérés ce qui constitue une difficulté pour la mise en évidence des
mutations du génome mitochondrial (mutation non retrouvée dans le sang par exemple…). Elle
explique aussi le caractère pléiotrope de la plupart des pathologies du génome mitochondrial.
Ainsi, c’est souvent la disparité des symptômes sans lien apparent qui oriente vers l’hypothèse
d’une cytopathie mitochondriale (par exemple l’association d’un diabète, d’une surdité et
d’une myopathie / mutation MELAS). Il convient de noter au passage que toutes les
pathologies de la chaîne respiratoire de ne sont pas dues à des mutations du génome
mitochondrial. La plupart des enzymes de la chaîne respiratoire sont en effet codées par le
génome nucléaire (mutations généralement récessives autosomiques). La totalité des
mitochondries d’un organisme sont d’origine ovulaire ce qui explique la transmission
exclusivement maternelle des mutations du génome mitochondrial (pas de transmission pèreenfant). Toutefois, du fait de l’hétéroplasmie la transmission de la maladie maternelle est
rarement observée dans 100% de la descendance. De plus, dans cette dernière les symptômes
peuvent être très variables en fonction du pourcentage de mitochondries mutées héritées. C’est
pourquoi le diagnostic des cytopathies mitochondriales est souvent difficile et le conseil
génétique toujours délicat.
_______________________
14
Exemples de pathologies liées à des mutations du génome mitochondrial
Cerveau:
- Encephalopathies; AVC (MELAS) ; Épilepsie (MERRF);
Ataxie (NARP); Migraine; Psychoses…
Oeil:
- Atrophie optique (Leber); Cataracte; Ophalmoplégie ;
Rétinopathie pigmentaire (Kearns-Sayre);
Oreille:
-Surdité neurosensorielle (MELAS)
Coeur:
- Cardiomyopathie dilatée; Troubles du rythme;
Cardiomyopathie hypertrophique
S. Endocrinien:
- Diabète (MELAS); Hypothyroïdie ; Insuffisance gonadique
Reins:
- Glomerulopathie (MELAS); Tubulopathies ;
Muscles
- myopathies (MELAS)
S. Nerveux périphérique: - neuropathies axonales
15
1.2 Notions de dysmorphologie et de syndromologie génétique
1.2.1 INTRODUCTION
On dénombre plusieurs milliers de maladies génétiques et de syndromes polymalformatifs. 3 à
5% des nouveaux nés sont porteurs d’anomalies du développement. Il est donc important de
faire la part des choses entre des anomalies isolées et des anomalies s’intégrant dans le cadre
d’une maladie génétique ou d’un syndrome malformatif spécifique.
La dysmorphologie (étude des anomalies du développement) et la syndromologie (étude des
syndromes et de leur nosologie) représentent deux aspects particuliers de la génétique
médicale. Basées sur une approche systématique des défauts de morphogenèse
(malformations majeures et mineures), la dysmorphologie et la syndromologie ont pour but de
préciser un diagnostic afin d’établir un pronostic à court et à long terme pour l’enfant atteint,
et d’optimiser son suivi (en fonction des complications prévisibles). Elles permettent
également de préciser le conseil génétique familial et de proposer éventuellement un
diagnostic prénatal.
1.2.2 DEFINITIONS
1.2.2.1 Malformations congénitales
On définit comme anomalies congénitales (malformations, au sens commun) toute variation
anatomique ou fonctionnelle par rapport à la "norme" humaine. Les traits qualitatifs sont
habituellement considérés comme "anormaux" lorsque leur incidence est inférieure à 1 %.
Pour les caractères quantitatifs, la limite de la normalité est arbitrairement fixée à 2 ou 3
déviations standard par rapport la norme. Même dans une forme atténuée (malformation
mineure), elle ne peut se confondre avec la normalité. Par opposition, un "variant" est une
forme inhabituelle d’un phénotype normal. Les malformations sont considérées comme
majeures lorsqu’elles ont des conséquences médicales, psychologiques ou sociales.
1.2.2.2 Classification des anomalies isolées
Les anomalies congénitales n’affectent qu’une région topographique ou qu’un organe. Elles
peuvent être le fait de 4 mécanismes physiopathologiques distincts :
-
-
Une déformation est une altération de la forme ou du volume d'une partie du corps, ou
une position anormale prise par celle-ci suite à l'action de contraintes mécaniques
anormales in utero.
.Une disruption est la conséquence morphologique de la destruction d'un territoire
normal, pendant ou après l’organogenèse
Une malformation (au sens strict) est le résultat du développement incomplet, redondant
ou anormal d’une région du corps, d'un organe ou d'une partie d’organe
Une dysplasie est une anomalie qualitative ou quantitative de la structure microscopique,
de l’organisation tissulaire ou du fonctionnement cellulaire, souvent accompagnée de
différenciation ou de migration cellulaire insuffisantes ou aberrantes.
16
1.2.2.3 Classification des anomalies multiples
Les anomalies simultanées de plusieurs systèmes ou organes vont être divisées en 3 classes:
-
-
Une séquence est un groupe d'anomalies découlant en cascade d'un phénomène
pathogénique unique.
Une association a une définition statistique. C’est l’occurrence préférentielle de plusieurs
malformations simultanées, sans mécanisme causal commun connu et sans lien
embryologique.
Un syndrome est un groupe d'anomalies reliées par une étiologie commune, et dont la
pathogénie ne peut se réduire à une séquence.
1.2.3 L’APPROCHE DYSMORPHOLOGIQUE EN PRATIQUE CLINIQUE
Devant un enfant présentant une ou plusieurs anomalies congénitales la démarche
diagnostique se fera en plusieurs étapes : recherche d’antécédents familiaux, anamnèse antéet péri-natale, déroulement des premiers mois ou années de vie, examen clinique, et
investigations paracliniques. L’utilisation de bases de données est d’une grande aide dans le
diagnostic d’anomalies du développement dont les fréquences sont le plus souvent très
faibles.
1.2.3.1 Anamnèse familiale
Il s’agit d’un temps important de la consultation. Un arbre généalogique comprenant 3
générations est réalisé. On recherche plus particulièrement la présence d’autres membres de la
famille atteints par la même symptomatologie que le cas index, ainsi que d’autres
malformations congénitales ou handicap moteur. Il est important de faire préciser la présence
d’une éventuelle consanguinité, ainsi que de fausses couches ou d’enfants décédés en bas age,
ces informations étant souvent omises spontanément.
Ces données peuvent éventuellement orienter vers un mode de transmission particulier
(autosomique dominant, autosomique récessif ou récessif lié à l’X notamment) dans le cadre
d’une maladie génique ou orienter vers une anomalie chromosomique familiale.
1.2.3.2 Anamnèse anté- et péri-natale
Il est important de rechercher des éléments environnementaux pouvant expliquer la présence
de malformations congénitales. Il sera ainsi important de rechercher une prise
médicamenteuse pendant la grossesse ou une infection virale par exemple. L’évolution des
données échographiques, de la quantité de liquide amniotique, des mouvements fœtaux, de la
croissance fœtale sont également des éléments importants à recueillir. Enfin, les données de
l’accouchement (prématurité, souffrance fœtale) sont importantes à considérer dans le
développement neurologique.
1.2.3.3 Déroulement des premiers mois/années de vie
17
On appréciera le développement psychomoteur et staturopondéral de l’enfant. On recherchera
des antécédents de convulsion, de troubles du comportement, de difficultés alimentaires,
d’une constipation sévère…
1.2.3.4 Examen clinique
Il vise à établir le "catalogue" des anomalies présentées par l’enfant. L’examen doit être
systématique. Dans un premier temps sont recueillies les données concernant la taille, le poids
et le périmètre crânien de l’enfant. L’examen recherchera ensuite la présence de
malformations mineures au niveau facial, des membres, du tronc, du périnée, de la peau et de
ses dérivés. Dans l’appréciation de ses anomalies mineures, il est indispensable de comparer
l’enfant à ses parents pour tenir compte des traits familiaux et des caractères ethniques.
a- Analyse de la face
Le visage est observé de face et de profil. Son aspect général est étudié : sa forme (allongée,
rond, asymétrique…), ses traits (épais, infiltrés…) et son aspect (vieilli, amimique…). Il est
ensuite étudié par étage, supérieur, moyen et inférieur.
Etage supérieur
Il correspond à la partie entre le front et les yeux. On étudiera la forme du front (court, long),
des orbites des sourcils. On recherchera un écartement trop (hypertélorisme) ou pas assez
(hypotélorisme) important. On notera l’orientation des fentes palpébrales. On s’intéressera
également à la pigmentation de l’iris et à l’implantation des cils.
Etage moyen
Il comprend le nez, le philtrum (portion entre la pointe du nez et la lèvre supérieure), la
bouche et les oreilles. On pourra décrire ainsi des anomalies du nez (racine saillante ou
déprimée, nez tubulaire, une hypoplasie des ailes du nez, des narines antéversées…), du
philtrum (long ou court, marqué ou déprimé), de la bouche (petite ou grande, anomalies du
palais, de la langue, des dents, des lèvres, des gencives…) et des oreilles (petites grandes,
basses implantées, en rotation postérieure, dysplasiques…).
Etage inférieur
Il s’agit essentiellement de l’étude du menton (petit, en retrait, proéminent…).
b- Analyse des membres
On recherchera la présence de membres courts, longs ou asymétriques. Au niveau des
extrémités (mains et pieds) on recherchera des anomalies du nombre (oligodactylie et
polydactylie), des adhérences (syndactylies), des doigts ou orteils longs ou courts
(brachydactylie), des déviations (clinodactylie), des contractures (camptodactylie)…Au
niveau des pieds on recherchera également des anomalies de position (pied-bot, pied creux,
pied plat, en piolet…).
c- Analyse du tronc
On recherchera des anomalies mamelonnaires (surnuméraires, écartés, ombiliqués..), une
déformation du thorax (pectus carinatum, excavatum, étroitesse thoracique), des anomalies de
fermeture de la paroi abdominale (hernie ombilicale, laparoschisis…).
18
d- Analyse du périnée
On examine les organes génitaux externes à la recherche d’anomalie (ambiguïté sexuelle,
hypospadias, cryptorchidie…). On recherchera également des anomalies anales (fistules,
sténose, antéposition…).
e- Analyse de la peau et de ses dérivés
On recherchera la présence d’anomalies de la pigmentation, de tumeurs, de zone d’aplasie,
d’une hyper élasticité cutanée ou articulaire…On regardera l’implantation des cheveux et leur
structure (fins, bouclés, cassants…). On notera la présence d’une éventuelle pilosité trop
(hypertrichose) ou trop peu (hypotrichose) marquée. Les ongles seront également examinés
(absence, dysplasie…). Enfin on recherchera d’éventuels troubles de la sudation (hypohidrose
notamment).
1.2.3.5 Investigations paracliniques
Celles ci pourront être des examens non génétiques (biochimiques, radiologiques…). Elles
pourront permettre de compléter le bilan morphologique (IRM cérébrale par exemple) ou
préciser des anomalies notées lors de l’examen clinique (radiographies des extrémités pour
des doigts courts ou semblant anormaux par exemple).
Ces examens pourront également être demandé pour rechercher des anomalies spécifiques
pour étayer une hypothèse diagnostique (recherche d’une cardiopathie minime, d’une surdité
par exemple qui pourrait s’intégrer dans le diagnostic évoqué sur les éléments précédemment
recueillis).
Enfin des examens a visée génétique seront dans la plupart des cas demandé soit orientées
pour confirmer un diagnostic évoqué cliniquement (recherche d’une microdélétion
chromosomique, d’une mutation génique…) soit dans le cadre d’un premier bilan en
l’absence de diagnostic précis évoqué (caryotype notamment dans le cadre de syndrome
polymalformatif ou d’un retard des acquisitions).
1.2.3.6 Utilisation des bases de données
Le nombre de maladies génétiques, et de syndromes polymalformatifs, et la description
constante de nouveaux syndromes rend utopique une connaissance exhaustive de ceux-ci. Le
clinicien est donc souvent aidé par différents logiciels ou bases de données accessibles en
ligne pour certain. Ces bases de données sont mises à jour régulièrement et permettent de
rechercher les syndromes connus comportant les anomalies identifiées chez le patient. Une
expertise clinique initiale spécialisée est cependant nécessaire pour recueillir les signes les
plus discriminants pouvant permettre d’aboutir au diagnostic. Elle est également nécessaire
pour retenir parmi les diagnostiques proposés ceux qui paraissent les plus pertinents.
19
1.2.4 Quelques exemples d’anomalies du développement
a
b
c
d
Exemples d’anomalies du crâne et du front : trigonocéphalie (a), turicéphalie (b),
microcéphalie (c), front haut (d).
a
b
c
d
e
f
Exemples d’anomalies des oreilles : dysplasiques mais évoquant des syndromes différents (a,
b, c), anotie (d), stries sur le pavillon (e), pertuis prétragien (f).
a
b
d
c
e
f
Exemples d’anomalies des yeux et des fentes palpébrales : strabisme (a), hypertélorisme (b),
ptosis (c), fentes palpébrales orientées en bas et en dehors (b, c), fentes palpébrales orientées
en haut et en dehors (d), télécanthus (e), colobome irien (f).
a
b
c
d
Exemples d’anomalies sourcils : synophris (a), sourcils archés (b), sourcils fournis et
horizontaux (c), implantation particulière (d).
20
a
b
c
d
e
Exemples d’anomalies du nez : nez triangulaire avec racine du nez déprimée (a), pointe du
nez bulbeuse (b), narines antéversées (c), columelle proéminente (d), ailes du nez
hypoplasiques (e).
a
b
Exemples d’anomalies du philtrum : court et marqué (a), long et lisse (b).
a
b
f
c
g
d
e
h
i
Exemples d’anomalies de la bouche : lèvres fines (a), lèvres charnues (b), microstomie (c),
coins de la bouche tombants (d), macrostomie (e), langue protruse (f), macroglossie (g),
incisives centrales proéminentes (h), incisive centrale unique (i).
a
e
b
f
c
g
h
d
i
21
Exemples d’anomalies des mains : brachydactylie du rayon médian (a), brachydactylie et
duplication du Veme doigt (b), polydactylie et équivalent (c,d), camptodactylie (e), pli palmaire
transverse unique (f), ectrodactylie (g), syndactylies (h,i).
a
b
c
Exemples d’anomalies au niveau thoracique : mamelons ombiliqués (a), mamelon
surnuméraire (b), pectus excavatum (c).
a
b
c
Exemples d’anomalies cutanées et des annexes : hyper élasticité articulaire (a), ongles
dysplasiques (b), zones dépigmentées (c).
22
1.2.5 PETIT LEXIQUE DE TERMINOLOGIE EN DYSMORPHOLOGIE
1.2.5.1 ANOMALIES CRANIO-FACIALES :
- Microcéphalie : petitesse du crâne (PC< -2DS)
nb : prendre en considération la stature (=microcéphalie relative)
Exemples : nombreuses génopathies (syndrome de Seckel, phénylcétonurie...), anomalies
cytogénétiques (trisomie 13, délétions subtélomériques, .....) et foetopathies (syndrome
d’alcoolisation foetale, rubéole, phénylcétonurie maternelle...).
- Macrocéphalie : augmentation pathologique du volume de la tête (PC > +2DS)
nb : prendre en considération la stature (=microcéphalie relative)
Exemples : hydrocéphalie (hydrocéphalie liée à l’X), ostéodysplasie (achondroplasie), maladie
de surcharge (mucopolysaccharidose, ...), gigantisme (syndrome de Sotos), déficience mentale
(syndrome de l’X Fragile).
- Brachycéphalie : crâne plus large que long (caractéristique de certaines races humaines)
Exemple : trisomie 21
nb : peut aussi refléter une crâniosténose (soudure prématurée des deux sutures coronales)
- Crâniosténose (ou crâniosynostose) : déformation du crâne liée à la soudure prématurée d’une
ou de plusieurs sutures crâniennes.
- plagiocéphalie : aspect dissymétrique du crâne lié le plus souvent à la soudure
prématurée d’une seule suture coronale (plagiocéphalies posturales fréquentes).
- trigonocéphalie : (crâne en « trèfle ») : aspect triangulaire du crâne (bosse frontale et
deux bosses pariétales), lié à la soudure prématurée de la suture métopique.
- scaphocéphalie : aspect allongé d’avant en arrière et aplati latéralement du crâne lié à la
soudure prématurée de la suture sagittale.
- dolichocéphalie : aspect allongé d’avant en arrière du crâne (caractéristique de
certaines races humaines).
Exemples d’ostéodysplasies : Syndrome de Crouzon (brachycéphalie+exophtalmie, …)
Syndrome d’Apert (petite taille+ syndactylie, …)
- Hypertélorisme : écartement excessif des yeux (augmentation de l’espace inter-orbitaire « > 1
oeil »).
Exemples : nombreuses génopathies (syndrome de Noonan, syndrome d’Aarskog.....),
nombreuses anomalies chromosomiques (délétions sub-télomériques...)....
- Hypotélorisme : rapprochement excessif des yeux
Exemples : holoprosencéphalie (absence de division du télencéphale : hémisphère unique...),
trisomie 13....
- Télécanthus : écartement excessif des angles internes des fentes palpébrales
- Colobome : fissure affectant l’iris, la choroïde ou la rétine
Exemples : syndrome CHARGE (Colobome, cardiopathie, atrésie des choanes, retard de
croissance, anomalies génitales et surdité), syndrome 4p-.
23
- Hétérochromie : coloration différente des deux iris.
Exemple : syndrome de Waardenburg (surdité, mèche de cheveux blanc antérieure …)
- Synophrys : convergence des sourcils sur la racine du nez
Exemple : syndrome Cornelia de Lange (retard mental, micromélie, ectrodactylie, …)
- Columelle : partie du septum nasal recouverte de peau
Exemple : columelle saillante (s’étendant sous les ailes du nez) dans le syndrome de Rubinstein
Taybi (microcéphalie, retard mental, gros pouces, …)
- Philtrum : région située entre la racine du nez et la lèvre supérieure
Exemples : lisse = syndrome d’alcoolisation fœtale ; long = syndrome de Williams (retard
mental, comportement sociable, comblement péri-orbitaire, grosses lèvres, malformation
cardiaque, …) ; court = syndrome de Cohen (obésité, grandes incisives, …)
- Macrostomie : largeur excessive de la bouche
Exemple : syndrome d’Angelman (ataxie, déficience mentale, épilepsie, rires immotivés, ….)
- Microstomie : bouche de taille réduite
Exemple : trisomie 18.
- Macroglossie : langue de volume excessif.
syndrome
de
Beckwith-Wiedemann,
Exemples :
(mucopolysaccharidose)…
maladies
de
surcharge
- Hypodontie : absence de certaines dents, (forme extrême : anodontie)
Exemple : dysplasie ectodermique anhidrotique (absence de sudation)
- Microtie : pavillon des oreilles de taille très réduite
Exemples : syndrome de Treacher Collins (microrétrognatisme, hypoplasie malaire), syndrome
de Goldenhar (asymétrie mandibulaire, hémivertèbre, …) .
- Micrognathie : développement incomplet de la mandibule souvent associée à une rétrognathie
Exemples : syndrome de Treacher-Collins, syndrome de Smith-Lemli-Opitz, trisomie 18,
délétion 4p.
- Rétrognathie : déformation de la mandibule qui de profil paraît projetée en arrière.
- Blépharophimosis : Etroitesse congénitale des fentes palpébrales
Exemple : syndrome du blépharophimosis familial (autosomique et dominant)
- Epicanthus : Repli de peau devant l’angle interne de l’œil.
Exemples : trisomie 21, syndrome de blépharophimosis familial (épicanthus inversus), …
- Microphtalmie : traduit une diminution des diamètres de l’œil
Exemples : rubéole fœtale, trisomie 13, anomalie d’un gène du développement oculaire (formes
RA, DA, RLX)….,
- Exophtalmie : protrusion du globe oculaire
24
Exemple : syndrome de Crouzon (plagiocéphalie, et/ou brachycéphalie, nez crochu, …).
- Enophtalmie : globe oculaire enfoncé profondément dans l’orbite pouvant traduire une
lipodystrophie
Exemple : syndrome de Cockayne (retard staturo-pondéral, déficience mentale, microcéphalie,
photosensibilisation...).
1.2.5.2 ANOMALIES DES MEMBRES :
Anomalies des extrémités (mains et pieds) :
- Clinodactylie : déviation latérale des doigts ou des orteils (concerne plus fréquemment le 5ème
doigt)
- Brachydactylie : diminution de longueur des doigts
Exemples : trisomie 21, syndrome oro-facio-digital (fente labio-palatine, brachydactylie,
polykystose rénale, déficience mentale, ….) syndrome de Prader et Willi ….
- Camptodactylie : flexion permanente d’un ou de plusieurs doigts
Exemple : syndrome de Weaver (obésité, retard psychomoteur, macrocéphalie).
- Syndactylie : soudure des doigts (peut-être complète ou partielle, cutanée ou osseuse)
Exemple : syndrome d’Apert (crâniosténose, petite taille, …)
- Arachnodactylie : longueur exagérée des doigts
Exemple : syndrome de Marfan (dolichocéphalie, palais ogival, anomalie du sternum, grande
taille, luxation du cristallin, …)
- Acromicrie : petites mains et/ou pieds
Exemple : syndrome de Prader et Willi (retard psychomoteur, obésité, micropénis, petite taille,
…)
- Polydactylie : doigt(s) surnuméraire(s)
Pré-axiale (rayon radial pouce)
Post-axiale (rayon cubital)
Exemples : Trisomie 13, syndrome de Bardet-Biedl (obésité, retard mental, ….)
- Ectrodactylie : absence congénitale d’un ou de plusieurs doigts
Exemples : syndrome de Cornelia de Lange (retard mental, micromélie, synophris, …),
syndrome EEC (dysplasie ectodermique, hypodontie, fente palatine, ….)
Autres :
- Micromélie : défaut de développement d’un ou de plusieurs membres
- Mésomélie : défaut de développement de la partie moyenne d’un membre
Exemple : nanisme mésomélique dans le syndrome de Leri-Weill
25
- Phocomélie : atrophie plus ou moins totale d’un ou de plusieurs membres
Exemple : phocomélie des membres supérieurs dans l’embryofoetopathie liée à la thalidomide.
L’amélie correspond à une forme extrême de phocomélie (tétra-amélie : absence complète des
quatre membres).
- Macroskélie : développement exagéré des jambes
Exemple : syndrome de Marfan
- Cubitus Valgus : abduction exagérée de l’avant bras
Exemple : syndrome de Turner (45,X0)
1.2.6 CONCLUSION
L’approche en dysmorphologie et syndromologie est complexe est doit être systématisée. Il
faut retenir qu’aucune malformation n’est pathognomonique d’un diagnostic, qu’aucune
malformation n’est constante dans un syndrome et que la présence d’une malformation
inattendue ne permet généralement pas d’exclure un diagnostic évoqué. Les critères mineurs
sont souvent une porte d’entrée au diagnostique, ce qui souligne l’importance de les
rechercher attentivement. L’évolution de la symptomatologie nécessite souvent de revoir
plusieurs fois les enfants pour avancer dans le diagnostique étiologique.
Il est important de noter que malgré une approche la plus complète possible, il ne sera pas
possible de retenir formellement de diagnostic étiologique pour la plus grande part des enfants
examinés. De plus, pour une partie importante des diagnostics évoqués, il n’est pas possible de
confirmer l’hypothèse par des tests génétique (gènes non connus ou non étudiés). Le fait
d’évoquer un diagnostic erroné pour un enfant lui colle une étiquette qui n’est souvent plus
remise en question. Il ne faut donc pas chercher à poser un diagnostic à tout prix, mais faire
preuve de patience et d’humilité. En effet, l’évaluation pronostique, la surveillance et le conseil
génétique découlent directement du diagnostic posé.
26
2 Les Anomalies Chromosomiques constitutionnelles
2.1 Epidémiologie, Ségrégation, Signes d’appel
2.1.1 Rappel des définitions
On parlera d’anomalie chromosomique lorsque plus de 6% des cellules d’un
sujet présentent un caryotype ne répondant pas à la classification internationale normale.
Ces anomalies peuvent être de type numériques ou structurales. Celles-ci sont de nature
équilibrée si aucun gain, ni perte de matériel chromosomique n’est visible sur le caryotype ou
de nature déséquilibrée dans le cas contraire.
2.1.2 Epidémiologie
La fréquence et la nature de ces anomalies sont très variables selon les modes
de recrutement. Ces notions sont importantes à connaître pour comprendre les raisons
d’apparition de ces anomalies et surtout l’intérêt de l’indication d’un caryotype chez un sujet
dans le but du conseil génétique à donner tant à lui qu’à sa famille.
Ainsi une anomalie chromosomique est observée
chez 0.6% des enfants tout venants à la naissance et
dans 2/3 des cas elle est de nature déséquilibrée en
rapport avec un phénotype anormal. La plupart de
ces anomalies sont numériques et apparaissent de
novo du fait que 15% des gamètes parentaux sont
eux-mêmes
porteurs
d’une
anomalie
chromosomique. Ces disomies dans les gamètes
sont le plus souvent secondaires à une non
disjonction méiotique ou à une séparation
prématurée des chromatides lors de la première
méiose maternelle.
Cependant 1 sujet SAIN sur 500 est porteur d’une
anomalie chromosomique équilibrée, donc de type
structurale, ne s’accompagnant pas d’anomalie particulière au sein de son phénotype. Celle-ci
27
est alors souvent héritée d’où l’importance médicale et l’obligation légale du conseil
génétique pour donner l’information.
2.1.3 Modes de ségrégation
Par le terme ségrégation on entend la répartition des chromosomes durant la
gamétogenèse et plus particulièrement les méioses 1 et 2.
En pratique médicale, c'est-à-dire dans le cadre du conseil génétique, la connaissance des
modes de ségrégation des anomalies permet soit de pouvoir expliquer le pourquoi d’une
anomalie déséquilibrée soit de prévoir le risque de survenue d’un déséquilibre
chromosomique dans une descendance.
Le mode de ségrégation est variable selon le type de l’anomalie et selon la manière dont les
chromosomes homologues s’apparient lors du stade pachytène de la prophase de la meiose1.
Il est très important de ne jamais oublier que la ségrégation théorique ne sera pas toujours
concordante avec celle observée statistiquement à terme.
- Anomalies numériques : La répartition théorique de l’anomalie de ferra de manière
aléatoire à raison de 50% de gamètes normaux et de 50% de gamètes anormaux
porteurs de la même anomalie. Les conséquences phénotypiques seront donc les
mêmes chez un enfant sur deux.
-
Dans ce contexte des aneuploïdies, et bien que cette notion doive surtout être connue
des généticiens, il convient de dire un mot de la Disomie Uni Parentale (DUP). La
contribution génétique des 2 lots à la fois maternel et paternel est indispensable à la
bonne évolution du zygote. Certains gènes ont une expression qui dépend de l’origine
parentale de l’allèle. Le génome contient physiologiquement des régions définies où
seule la copie maternelle ou paternelle est exprimée. Cette expression allèle spécifique
découle de l’empreinte génomique parentale qui est établie au cours du
développement embryonnaire précoce. La DUP se définit alors par le fait d’avoir
deux chromosomes ou deux segments de chromosomes de la mère OU du père. Une
des causes fréquentes de la DUP, même si ce phénomène est rare, est la correction
spontanée d’un zygote trisomique pour un chromosome pour aboutir à un fœtus
disomique pour ce même chromosome. Dans ces cas, une fois sur trois le foetus peut
être porteur des 2 chromosomes provenant du même parent, qui, s’il est soumis à
empreinte, sera responsable de l’expression d’une pathologie.
28
- Translocation réciproque : Dans ce type de remaniement, du fait de l’existence d’un
quadrivalent, quatre modes de ségrégation (alterne, adjacent-1 adjacent-2, 3:1 et 4:0) sont
connus, conduisant à 16 types de gamètes différents sans tenir compte des recombinaisons
possibles. Statistiquement ce sont surtout les produits des modes alternes, responsables de
formes normales ou équilibrées, et adjacent-1, responsables de formes déséquilibrées, qui
sont majoritairement retrouvés dans les caryotypes des fœtus testés lors de diagnostics
anténataux secondaires à un remaniement équilibré parental de ce type.
Dans ces derniers cas
sont systématiquement
associées une trisomie
partielle
d’un
chromosome et une
monosomie partielle
de l’autre chromosome
impliqué
dans
le
remaniement parental.
De ce fait le phénotype
est anormal et il est
parfois difficile de lier
les signes cliniques
observés à un fragment
précis de tel ou tel
chromosome. Quand le
remaniement implique
des fragments de taille
cryptique, qui ne sont
donc visibles qu’en
technique de cytogénétique moléculaire (FISH par exemple) le risque de déséquilibre
chromosomique à la naissance est élevé, au moins de 10%, car il n’y a pas de fausse
couche pouvant jouer une espèce de rôle de « sélection naturelle » comme cela se voit
pour des échanges de fragment de grande taille.
Pour être complet, la ségrégation adjacent-2, par laquelle les 2 chromosomes homologues
vont d’un même coté du pole cellulaire, et la ségrégation 3 :1, par laquelle la séparation se
fait de 3 chromosomes d’un côté et d’un seul de l’autre, sont très rares mais spécifiques de
certaines translocations et sont alors retrouvées majoritairement parmi les formes
déséquilibrées. C’est au généticien de connaître ces dernières particularités.
29
- Translocation robertsonienne ou par fusion centromérique : Ce remaniement
n’intéresse que les chromosomes acrocentriques d’où la présence de 45 chromosomes au
sein du caryotype. De ce fait l’élément formé au stade pachytène sera un trivalent. Ainsi
va-t- il y avoir, outre les éventuelles recombinaisons, 6 possibilités de gamètes différents à
partir des modes de ségrégation alterne (normales ou équilibrées) ou adjacente (toutes
déséquilibrées). Les formes déséquilibrées n’impliqueront que des trisomies ou des
monosomies puisque les bras p très courts sont souvent perdus et ne sont composés que
d’hétérochromatine Ces chromosomes étant entiers, les trisomies, excepté pour le
chromosome 21, et les monosomies seront pratiquement toujours létales très précocement
ou dans les deux premiers trimestres de la grossesse. La translocation robertsonienne entre
les chromosomes 14 et 21 [t(14 ;21)] est redoutable car responsable, dans 5 à 20% des cas,
de formes dites « héréditaires » de trisomie 21 à 46 chromosomes, la mère porteuse de la
translocation ayant un risque plus grand que l’homme porteur du remaniement équilibré. A
contrario la translocation t(13;14), la plus fréquente de tous les remaniements
chromosomiques équilibrés, a un risque faible (2%) de voir apparaître un enfant avec
déséquilibre chromosomique à la naissance.
- Inversions péricentriques : Ces remaniements rares sont redoutés des cytogénéticiens
du fait de leur gros risque (globalement de 10% environ) de conduire à la naissance d’un
enfant
chromosomiquement
déséquilibré à terme. En effet la
figure observée au stade
pachytène est un bivalent avec
un chromosome en boucle au
niveau de l’inversion lové dans
l’autre chromosome. Cette
figure rend possible des
recombinaisons dans la boucle
d’inversion et donc un grand
risque
« d’aneusomie
de
recombinaison »
entraînant
l’apparition de gamètes à la fois
trisomique et monosomique
pour
des
fragments
du
chromosome impliqué. Plus la boucle est grande plus le risque de recombinaison est
grand. Plus les fragments en trisomie et en monosomie sont petits plus le risque de
viabilité associé à un phénotype anormal est grand. Si aucune recombinaison ne se produit
au niveau de la boucle d’inversion la ségrégation aboutira toujours à un gamète équilibré,
comme le parent, ou normal pour ce chromosome.
30
2.1.4 Signes d’Appel
Les signes d’appel d’une anomalie chromosomique doivent être envisagés en fonction de
la nature de celle-ci
Les anomalies équilibrées n’ayant, dans plus de 98% des cas, aucune traduction
phénotypique, elles ne peuvent être découvertes qu’à partir de deux raisons principales :
- soit dans le cadre d’une enquête familiale
- soit dans le bilan chromosomique d’un trouble de la reproduction : infertilité, masculine
surtout, fausse-couche d’un couple ou bien découverte, in utero ou à la naissance, d’un
enfant chromosomiquement déséquilibré.
A contrario, les anomalies déséquilibrées s’expriment, dans 99% des cas, sur le plan
phénotypique. Certaines malformations permettent de suspecter fortement un diagnostic et
d’orienter la demande de l’examen cytogénétique :
- ainsi l’hygroma kystique fœtal découvert à l’échographie anténatale du premier trimestre
fait-il évoquer une anomalie du nombre des chromosomes en faveur d’une monosomie X
ou d’une trisomie 21, 18 ou 13 ou encore d’une triploïdie. Un prélèvement sur villosités
choriales et une technique d’hybridation in situ par sonde fluorescente (FISH) permet,
sans culture et dans les 48-72 heures, de confirmer un résultat anormal dans plus de 60%
des cas.
- ainsi une cardiopathie cono-troncale dépistée in utero à l’échographie anténatale du 2ème
trimestre faisant suspecter une microdélétion du chromosome 22 peut-être confirmée, dans
40 % des cas en technique FISH, à partir d’un prélèvement du liquide amniotique. Il en est
de même avec la sténose duodénale associée à la trisomie 21 dans 30% des cas …
- ainsi à la naissance ou plus tard dans l’enfance des phénotypes associant une dysmorphie
caractéristique à des malformations particulières orientent la demande vers un syndrome
précis dépistable selon les cas à partir d’un simple caryotype ou d’une technique de
cytogénétique moléculaire.
Plus généralement on pourra soupçonner plutôt une anomalie des autosomes quand il y
aura association de la triade dysmorphie cranio-faciale / malformation viscérale / retard
mental. Pour les anomalies des gonosomes on notera préférentiellement un trouble de la
croissance avec trouble fonctionnel génital ou de la reproduction et trouble cognitifs ou du
comportement.
2.1.5 Conclusion
En conclusion, les anomalies chromosomiques déséquilibrées sont donc la cause de la maladie
chromosomique par le fait qu'il y a gain ou perte de matériel chromosomique chez le sujet
porteur. Excepté pour quelques cas d'anomalies touchant les chromosomes sexuels, celles-ci
ne sont pas transmissibles dans la descendance du fait du handicap profond du sujet malade.
A l'opposé, les anomalies chromosomiques équilibrées sont "sournoises" car portées par des
sujets phénotypiquement normaux selon une fréquence de 1/500 ; elles peuvent être
responsables de la survenue d'anomalies chromosomiques déséquilibrées dans la descendance,
se traduisant par des troubles de la reproduction.
C'est la raison pour laquelle les différents types d'anomalies chromosomiques doivent être
dépistés le plus précocement possible dans tous ces cas, afin qu'un conseil génétique précis
puisse être donné. En cas de nouvelle grossesse chez des couples à haut risque
chromosomique, le diagnostic chromosomique anténatal sera la clé de voûte de ce conseil.
31
2.2 Indications des Examens Chromosomiques
Ces indications se posent dans des circonstances très différentes selon qu’elles sont
postnatales ou anténatales. Seules seront envisagées les recherches d’anomalies
chromosomiques constitutionnelles. Seront donc exclues toutes les indications liées aux
pathologies acquises.
L’établissement du caryotype nécessitera toujours une mise en culture des tissus à explorer
d’où l’obligation de travailler sur un prélèvement fait stérilement. L’analyse en cytogénétique
moléculaire pourra, elle, se faire soit directement sur des noyaux en interphase soit sur des
cellules en métaphases obtenues après culture.
2.2.1 Prescription des examens
Depuis les lois de bioéthiques de 1994 et 2004, les prescriptions de ces examens sont
strictement encadrées et requièrent au préalable de recueillir auprès du sujet à tester un
consentement libre et éclairé après lui avoir donné une information claire et adaptée sur les
avantages, inconvénients et limites de l’examen et du résultat. Tout médecin peut être
prescripteur de l’examen chez un sujet symptomatique. Par contre pour un sujet
asymptomatique seul un généticien ou un médecin faisant partie d’une équipe
multidisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques, dotée d’un protocole
de prise en charge et déclarée au ministre chargé de la santé, peut prescrire (art. R.1131-5 du
Code de la Santé Publique). Il est très important de rappeler que les enfants mineurs ne
peuvent être prélevés à des fins d’examens de leurs caractéristiques génétiques que SI je
résultat de cet examen est bénéfique pour sa prise en charge ou si des mesures préventives ou
curatives peuvent être prises pour sa famille. Le prescripteur devra attester avoir donné cette
information et sera le seul à recevoir les résultats de ces examens qu’il devra remettre en
mains propres au patient en les lui expliquant.
Le laboratoire, habilité par le ministère de la Santé, ne pourra effectuer cet examen que s’il a
un prélèvement adapté à la demande, l’attestation du prescripteur et les renseignements
cliniques justifiant cette demande.
2.2.2 Indications postnatales
Dans cette situation, le prélèvement sanguin, aisément réalisable, est le matériel le plus
utilisé. Ce type de prélèvement doit être réalisé sur anticoagulant (Héparine Sodium de
préférence) au laboratoire ou y être acheminé dans les plus brefs délais puisque l'on travaille
sur des cellules vivantes. Les résultats sont habituellement obtenus entre 2 à 4 semaines pour
le caryotype et l’hybridation in situ fluorescente. Néanmoins, en urgence, le délai peut-être
raccourci à 48 h minimum pour une numération chromosomique.
En fonction de l'âge, les indications sont les suivantes :
- chez le nouveau-né : mort in utero depuis moins de 24 heures ou polymalformé
vivant,
32
- chez l'enfant : présentant, associé ou non, un retard psychomoteur, un retard statural,
une dysmorphie faciale ou un syndrome polymalformatif. Dans le cas particulier où l’on
soupçonne une mosaïque possible à partir d’une asymétrie corporelle et/ou de données
dermatologiques ou que l’on veut contrôler une mosaïque trouvée sur les lymphocytes, une
étude des fibroblastes à partir d’une biopsie cutanée peut être prescrite.
- chez l'adolescent : présentant, associé ou non, un trouble de la croissance, un trouble
pubertaire, des problèmes scolaires et un syndrome dysmorphique,
- chez l'adulte :
* parents d'enfants chromosomiquement anormaux,
* fratrie ou apparentés de sujets ayant une anomalie chromosomique
équilibrée,
* couples présentant des troubles de la reproduction à type :
- d'enfants morts polymalformés sans étude cytogénétique,
- de fausses couches précoces ≥2,
- de stérilité masculine (azoospermie, oligo-asthéno- tératospermie < 5 106 spz/ml),
- de stérilité féminine (aménorrhée primaire ou secondaire).
* enfin couples entrant dans le cadre de la procréation médicalement assistée
(donneur(se) de gamètes), sujets présentant une dysphorie de genre, anxiété d’un couple
devant des antécédents familiaux polymalformatifs mal ou non étiquetés.
2.2.3 Indications Anténatales
Avant tout prélèvement in utero il est nécessaire de s’assurer que la femme enceinte a
bien compris que ce geste n’est pas dénué de risque pour le fœtus. Le prélèvement le plus
pratiqué car le plus fiable, le plus facile et le moins à risque de perte fœtale reste
l’amniocentèse pratiquée dès la 15ème semaine d’aménorrhée. Les indications à réaliser des
examens cytogénétiques, admises communément aujourd’hui sur le plan médical,
correspondent à celles qui sont remboursées par les caisses de la sécurité sociale.
Comme pour toutes prescriptions concernant les examens des caractéristiques
génétiques, le consentement de la parturiente doit être obtenu après information en conformité
avec la loi du 06/08/2004 disant que « Tout diagnostic prénatal doit être précédé d’une
consultation médicale adaptée à l’affection recherchée ».
Il nous semble très important d’insister sur la nécessité de prévenir les futurs parents que la
découverte « fortuite » d’un caryotype fœtal mettant en évidence une anomalie apparemment
équilibrée ou une anomalie touchant les chromosomes sexuels (gonosomes) ne sont pas des
maladies d’une particulière gravité et ne s’accompagnent généralement pas d’un retard
mental.
Dans ce contexte particulier, l’indication à réaliser le caryotype du fœtus ne devrait
être posé que lorsque le risque de trouver une anomalie chromosomique déséquilibrée des
autosomes est supérieur ou égal à 1%.
Ainsi en est-il de :
- Age maternel ≥ 38 ans où le risque global (tous âges confondus) de trouver un
caryotype fœtal déséquilibré est de 2.3 %
- Antécédent d’anomalie chromosomique chez un enfant du couple où le risque global
(tous types d’anomalies chromosomiques confondues) de trouver un caryotype fœtal
déséquilibré est de 1.3 % si la mère avait plus de 35 ans, et de 2.8 % si la mère avait
moins de 30 ans.
33
-
-
Anomalie chromosomique parentale où le risque global (tous types d’anomalies
chromosomiques confondues) de trouver un caryotype fœtal déséquilibré est de 5.9 %
Signes d’appel échographique sur la grossesse en cours où le risque global de trouver
un caryotype fœtal déséquilibré est de 9.8 %. Il peut être possible pour cette
indication, dans certaine circonstance particulière, d’utiliser les techniques de
cytogénétique moléculaire d’hybridation in situ fluorescente pour rendre un résultat
plus rapidement sur technique directe et sans culture. Il faut alors toujours avoir à
l’esprit qu’un résultat normal ne permet d’éliminer que des pathologies
chromosomiques en rapport avec les sondes testées.
Signes d’appel biologique (> 1/250) sur la grossesse en cours où le risque global (tous
types d’anomalies chromosomiques confondues) de trouver un caryotype fœtal
déséquilibré est de 1.2%.
2.2.4 Conclusion
L'étude du caryotype, qui ne peut être réalisé qu'à partir de cellules nucléées vivantes, est un
examen indispensable pour le conseil génétique des anomalies chromosomiques. Ses
indications, bien codifiées, doivent être couplées au type de prélèvement le plus approprié. Un
caryotype standard normal ne permet en général que d’éliminer une pathologie de l’ADN dont
la résolution minimale est de 5 millions de paires de base. La recherche de microdélétion
chromosomique ne peut être indiquée que sur des phénotypes bien particuliers
34
3. Diagnostic moléculaire des maladies
et anomalies génétiques
1. Circonstances et indications
Dans la plupart des pays européens, la recherche d’anomalie des gènes est comme toute
analyse visant à déterminer les caractéristiques génétiques d’un individu contrainte par la
réglementation. L’analyse à des fins médicales est une des indications retenues.
La mise en évidence d’un risque génétique pour l’individu concerné est la condition
indispensable selon les termes de la loi dite de « Bioéthique » révisée en 2004. Les
circonstances de la prescription des analyses génétiques restent cependant variées dépendant
essentiellement du caractère symptomatique ou non de l’individu concerné.
1.1 L’individu est malade :
La réalisation d’un test de génotypage est un moyen diagnostic biologique permettant la
validation d’une hypothèse obtenue par l’analyse clinique et paraclinique habituelle. La
prescription est accessible à tous les praticiens et s’applique aux individus majeurs, non
incapacités après information délivrée au cours d’une consultation médicale adaptée à
l’affection en cause et obtention du consentement expresse et éclairé du patient. Le praticien
atteste de la délivrance de l’information de sa compréhension par son patient et du recueil
approprié de ce consentement par un document écrit nécessaire à la réalisation des examens
par le laboratoire de génétique médicale. Dans les cas particuliers d’incapacité à consentir ou
chez un sujet mineur le tuteur, les titulaires de l’autorité parentales doivent, dans les mêmes
circonstances se substituer au patient.
1.2 L’individu est à risque d’être malade :
La transmission mendélienne d’une maladie fait que les descendants ou les collatéraux de
sujets malades peuvent être, asymptomatiques mais à risque de développer la maladie qui
sévit dans une famille. Dans le cas où l’analyse généalogique préalable (et éventuellement des
analyses cliniques et paracliniques) ne permet pas d’élimine ce risque l’individu majeur et non
incapacité à la possibilité d’accéder à son statut génétique et à la précision du risque qu’il
encourt de développer lui même une affection à début différé (cancer familial, maladie
dégénérative du système nerveux…). L’analyse rentre dans le cadre du diagnostic prédictif.
L’encadrement légal du diagnostic prédictif est beaucoup plus strict que dans le cadre d’un
diagnostic de confirmation. La prescription découle de la prise en charge du proposant par une
équipe pluridisciplinaire déclarée auprès du ministère chargé de la Santé et composée d’au
moins un spécialiste de la maladie concernée, un psychiatre ou psychologue clinicien, un
généticien. La procédure est destinée à laisser un droit permanent de rétractation au proposant
et de lui assurer un soutien médico-psychologique approprié de même qu’une prise en charge
ultérieure selon les résultats et son souhait (surveillance périodique…). La confidentialité du
résultat est préservée à l’extrême afin que celui-ci ne vienne pas desservir le proposant. Les
modalités de recueil du consentement restent identiques au cadre général. On doit noter que le
diagnostic prédictif n’est pas accessible aux majeurs incapacités où aux enfants sauf dans le
cas très particulier ou le proposant peut en tirer un bénéfice direct immédiat (mise en place
d’une surveillance médicale efficace dans le cadre d’un cancer familial par exemple).
1.3 La descendance ou des apparentés de l’individu (ou des conjoints) risque d’être
malade :
Il s’agit d’un diagnostic réalisé dans le cadre d’un conseil génétique. La démarche est
comparable à celle du diagnostic prédictif, elle s’adresse cependant plus à des affections
récessives ou le risque est plus spécifiquement un risque pour les descendants ou les
apparentés que l’individu (ou le couple) lui même. C’est par exemple le cas de la recherche
d’une hétérozygotie chez un membre d’une famille où la maladie génétique a été identifiée.
L’analyse préalable du risque du proposant (généalogie) est importante. La prescription de ces
tests est le fait d’une équipe pluridisciplinaire adaptée à l’affection recherchée et comportant
un généticien. Elle est donc sauf exception réalisée sur des sujets majeurs, non incapacités,
informés, volontaires et ayant expressément consenti à l’analyse.
1.4 Le diagnostic prénatal :
La pratique d’une analyse génétique est possible au cours de la grossesse à la condition de
disposer d’un prélèvement fœtal approprié. Les circonstances de sa pratique recoupent les
situations précédentes :
-
Une anomalie a été détectée chez un foetus et, on tente de confirmer son diagnostic
par l’analyse moléculaire quand les signes font suspecter une maladie génétique,
Le risque de transmission de la maladie au foetus par un des parents ou le couple a
été préalablement établi.
L’indication d’un diagnostic prénatal relève des principes généraux ci dessus. La mère du
futur enfant est la personne apte à consentir à la réalisation d’un examen prénatal. Elle atteste
par des documents écrits de son accord au prescripteur. Le prescripteur œuvre au sein d’une
équipe pluridisciplinaire regroupant les compétences d’un spécialiste de l’affection recherchée
(pédiatre spécialiste d’organe, échographiste obstétrical), d’un généticien et des moyens
d’accompagnement médical et psychologiques appropriés à la situation (psychiatre,
psychologue, conseiller en génétique). Cette équipe est en général réunie au sein d’un centre
pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) titulaire d’une autorisation du ministère
chargé de la Santé. Ces mêmes CPDP jugent de la recevabilité des interruptions de grossesse
pour motif médical.
1.5 Modalités pratiques de prescription
-
-
Demande d’examen (Bon spécifique ou ordonnance) comportant :
- Identité du proposant (nom, prénom, nom d’usage, date de naissance)
- Nature de l’examen demandé avec le nom de l’affection recherchée ou du gène
concerné
- Origine ethnique et géographique du patient
Tissu approprié à la recherche (sang en règle générale)
Attestation du prescripteur témoignant de la consultation appropriée et de
l’obtention du consentement du patient ou copie du consentement.
1.6 Modalités pratiques de rendu du résultat
36
Tout résultat d’une analyse génétique doit être rendu et expliqué par son prescripteur au
patient concerné au cours d’une consultation. Les résultats ne sont transmis par le laboratoire
effecteur qu’au médecin prescripteur qui doit se charger de les délivrer au patient.
2. Le diagnostic moléculaire
Le diagnostic moléculaire fait suite à une analyse clinique, paraclinique et généalogique ayant
permis d’approcher au mieux le diagnostic de la maladie familiale à évaluer. Il peut aider au
diagnostic de la maladie (diagnostic de confirmation ou d’infirmation) mais est
essentiellement destiné à la mise en place d’un conseil génétique et d’un diagnostic prénatal.
Elle est donc très généralement réservée à des affections particulièrement graves. L’analyse
moléculaire ne peut être dissociée de l’analyse du mode de transmission de la maladie
(dominance ou récessivité, localisation autosomique ou liée à l’X…) et donc de l’histoire
familiale.
Deux situations sont à considérer : la mutation familiale peut être accessible ou seule la
localisation génomique du gène responsable est disponible.
2.1 La mutation familiale est connue ou probablement accessible au diagnostic
On a recours à une procédure de diagnostic « direct » dont le but est la mise en évidence de la
(des) mutations causales de l’affection recherchée. La meilleure approche est donc l’analyse
d’un ou de malades de la famille concernée. Il faut pour cela que le ou les gènes probablement
responsables de l’affection dont le diagnostic est suspecté soient connus.
Cette situation est actuellement la plus fréquente. Elle est aussi la plus précise permettant
quand le caractère causal de la mutation est validé, un diagnostic précis.
De nombreuses techniques permettent actuellement de mettre en évidence des mutations des
gènes (analyse des gènes ou des ARN messagers, des protéines… cf cours de PCEM1).
L’étape clé du diagnostic moléculaire consiste en la validation du caractère causal des
anomalies retrouvées.
Les modalités de la recherche des mutations sont plus ou moins complexes selon que :
-
les mutations sont connues (récurrentes)
les mutations sont inconnues (imprévisibles) dans le gène testé (mutations privées)
le gène responsable du tableau clinique est unique ou qu’il existe au contraire une
hétérogénéité génétique (plusieurs gènes peuvent provoquer la même maladie ou des
maladies très voisines difficiles à distinguer.
2.2 les différentes classes de mutations
2.2.1
les grandes classes de mutation (rappel)
-
Les délétions (de 1pb à plusieurs mégabases)
Les insertions (y compris les duplications)
Les substitutions mononucléotidiques (mutations ponctuelles)
- faux-sens remplacent un aminoacide en un autre dans la protéine codée par le
gène
- non-sens remplacent un codon par un codon STOP
37
-
2.2.2
mutation des sites d’épissage introduisent ou détruisent un signal destiné à
l’excision des introns et l’épissage des exons
mutations décalant le cadre de lecture (insertions, délétions, anomalies d’épissage)
mutations dynamiques (répétition en tandem susceptible de changement de taille
lors de la transmission à la descendance)
la nomenclature des mutations (lecture d’un compte rendu d’analyse génétique)
(Pour de plus amples détails dont la description de mutations complexes voir :
http://www.dmd.nl.mutnomen.html )
2.2.2.1 La description des mutations au niveau nucléotidique
Commence par un « g. » selon que la position de la mutation est décrite à partir de la
séquence de l’ADN génomique ou d’un « c. » pour l’ ADN complémentaire (cDNA ou
ADNc). Le A de l’ATG du codon d’initiation est compté comme le premier nucléotide de la
séquence du gène « +1 », le premier nucléotide en amont est décompté en position « -1 » (il
n’y a pas de nucléotide zéro). Au numéro du nucléotide concerné fait suite la description de la
modification. Quand les mutations siègent dans les introns, et qu’elles sont référencées par
rapport à la séquence du cDNA, elle sont précédées de « IVSn » (intervening sequence ou n
est le numéro d’ordre de l’intron dans le gène) ou du numéro de l’exon le plus proche.
Substitutions
-
g.1023G>C décrit le remplacement d’une guanine en position 1023 de la séquence
génomique de référence du gène par une cytosine
c.45A>G décrit le remplacement d’une adénine en position 45 de la séquence de
référence de l’ADNc du gène par une guanine
g.567+2T>C ou IVS5+2T>C décrit la substitution d’une thymine par une cytosine
pour la deuxième base de l’intron 5 du gène (567ème nucléotide de la séquence
génomique ou deuxième base de l’intron 5)
Délétions et insertions
Utilisent les descripteurs « del » ou « ins » suivis de la numérotation du ou des nucléotides
concernés comme ci-dessus
- c.456_461del ou c.456_461delATTCCG décrit la perte de 6 nt du cDNA
commençant en position 456, (ils peuvent être précisés quand la séquence est
courte)
- c.409_410insC décrit l’insertion d’une cytosine entre les nucléotides 409 et 410 de
l’ADNc
2.2.2.2 description des mutations au niveau protéique
Totalement superposable à la précédente, elle permet de rendre compte de l’effte protéique
des mutations décrites au niveau nucléotidique. La précession par l’indicateur « p . »
témoigne de la référence à la protéine. La position de référence devant celle de l’acide aminé
concerné ; Celui-ci est désigné par son code à trois lettres plutôt que par le code à une lettre
38
(qui reste valide voir encadré « code génétique »). Le codon méthionine initiateur est le codon
N° 1.
-
p.R133H ou p.Arg133His décrivent le remplacement d’une arginine en position
133 par une histidine
p.G40X ou p.Gly40Stop décrivent le remplacement d’une glycine par un codon
de terminaison.
CODE GENETIQUE
1ère
position
extrémité 5'
T
T (U)
C
A
G
seconde position
C
A
3ème
position
extrémité 3'
G
Phe (F)
Phe (F)
Leu (L)
Leu (L)
Ser (S)
Ser (S)
Ser (S)
Ser (S)
Tyr (Y)
Tyr (Y)
STOP (X)
STOP (X)
Cys (C)
Cys (C)
STOP (X)
Trp
T (U)
C
A
G
Leu (L)
Leu (L)
Leu (L)
Leu (L)
Pro (P)
Pro (P)
Pro (P)
Pro (P)
His (H)
His (H)
Gln (Q)
Gln (Q)
Arg (R)
Arg (R)
Arg (R)
Arg (R)
T (U)
C
A
G
Ile (I)
Ile (I)
Ile (I)
Met (M)
Thr (T)
Thr (T)
Thr (T)
Thr (T)
Asn (N)
Asn (N)
Lys (K)
Lys (K)
Ser (S)
Ser (S)
Arg (R)
Arg (R)
T (U)
C
A
G
Val (V)
Val (V)
Val (V)
Val (V)
Ala (A)
Ala (A)
Ala (A)
Ala (A)
Asp (D)
Asp (D)
Glu (E)
Glu (E)
Gly (G)
Gly (G)
Gly (G)
Gly (G)
T (U)
C
A
G
2.2.2.2 description de mutations complexes
Rend compte de mécanismes mêlant les divers types de mutations et leur impact protéique
prévisible
-
c.45_46delATinsCfs7Stop décrit une délétion de deux nucléotides (AT) en
position 45 à 46de l’ADNc, l’insertion entre les nucléotides 44 et 47 de l’ADNc
d’une cytosine introduisant un décalage du cadre de lecture (fs pour frameshift) et
la survenue d’un codon stop dont le premier nucléotide est situé 7 nucléotides
après la cytosine insérée.
2.2.2.3 lecture d’un compte rendu d’analyse génétique
La ou les variations nucléotidique et protéiques prévisibles qui en découlent sont décrites
selon la nomenclature ci-dessus en tenant compte du caractère diploïde de l’individu
39
-
[c.120C>T] + [=] ; [p.Arg40Stop] + [=], décrivent la présence d’une substitution
hétérozygote de la cytosine 120 de l’ADNc par une thymine et sa conséquence
protéique qui transforme sur l’un des allèles du gène le codon 40 arginine en codon
stop.
Une interprétation suit en général la description des variations retrouvées et leur conséquence
sur la fonction du gène et le phénotype de l’individu
2.3 l’effet des mutations
La nature de la mutation n’est qu’un facteur descriptif, l’important est d’en déterminer l’effet.
2.3.1
les mutations par perte de fonction
Une mutation par perte de fonction est le plus souvent récessive. La quantité du produit d’un
gène étant souvent non critique pour la fonction requise. Dans certain cas ou le dosage de la
protéine doit être précis sa réduction de 50% suffit à provoquer une anomalie du phénotype
(mutation dominante) on qualifie cet effet d’haploinsuffisance. Parfois, un peptide non
fonctionnel interfère avec le produit normal du gène chez un sujet hétérozygote provoquant un
effet dominant négatif.
On suspecte une mutation par perte de fonction lorsque le phénotype observé équivaut à celui
constaté lors de la délétion du gène. Dans ces conditions le caractère causal d’une mutation
est très probable et, une analyse fonctionnelle du produit du gène n’est pas indispensable pour
valider la responsabilité de l’anomalie.
Les changements pouvant conduire à une perte de fonction sont multiples :
- délétions, insertions, inversions, translocations
- Petites insertions ou délétions d’autant qu’elles introduisent un décalage du cadre
de lecture
- Mutations non-sens qui produisent le plus souvent une instabilité de l’ARNm qui
est dégradé bien que certaines produisent des protéines tronquées
- Mutations d’épissage dont l’impact fonctionnel est difficile à évaluer quand elles
siègent à distance des séquences flanquantes GT…..AG des introns (nécessitent
l’analyse des ARNm)
- Remplacement d’un acide aminé essentiel
- Perturbation de la maturation post transcriptionnel ou post traductionnel
- Perturbation de la localisation subcellulaire de la protéine produite
De nombreux exemples d’haploinsuffisance sont connus dans des maladies humaines :
- Délétions des gènes de l’alpha-globine dans les alpha-thalassémies (MIM141800)
- Délétion du gène PMP22 dans les neuropathies tomaculaires (MIM162500)1
- Délétion ou mutations non-sens du gène PAX6 dans les aniridies, (MIM106210)
du gène de l’Elastine (ELN) dans les sténoses aortiques supra-valvulaires
(MIM185500), du gène EXT1 dans la maladie des exostoses multiples
(MIM133700), du gène JAG1 dans les syndromes d’Alagille (MIM118450)…
1
Référence de la base de données « Mendelian Inheritance in Man » où sont recensées les maladies et
syndromes dont las transmission héréditaire est démontrée ou fortement suspectée chez l’homme. Les maladies
sont classées principalement par le phénotype, le mode de transmission, le ou les gènes responsables (
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/sites/entrez ?db=omim )
40
Les effets de dominance négative sont plus rares, ils concernent le plus souvent des protéines
actives sous forme de dimères ou de multimères. Le peptide ayant perdu sa fonction interfère
avec le peptide synthétisé par l’allèle normal du gène chez l’hétérozygote. Par exemple, les
mutations des gènes de collagène affectent souvent l’architecture définitive des fibres de
collagène qui sont constituées de triples hélices des chaînes polypeptidiques. Chez l’homme
les mutations du gène COL1A1 illustrent ce phénomène en provoquant des formes plus ou
moins sévère d’Ostéogenèse imparfaite (MIM166200, 166210, 166220, 120150, 120160, OI,
fragilité osseuse constitutionnelle pouvant être extrême et létale) selon la mutation en cause.
Les molécules de procollagène résultent de l’association de 2 chaînes de collagène 1α1 avec
une chaîne de collagène 1α2 codée par le gène COL1A2 dans la matrice osseuse et sont donc
des hétérotrimères. La mutation faux-sens du domaine de trimérisation d’un allèle COL1A1
conduit à la synthèse de 50% des chaînes α1 (1/3 des composants du procollagène) et
aboutissent à des OI sévères. Une mutation non-sens dans la même chaîne aura un effet plus
modeste (OI modérées) en ne faisant que diminuer la quantité de chaîne α1 disponibles sans
altérer la qualité de l’assemblage.
Pour mémoire, les pertes de fonction peuvent survenir du fait de modifications plus difficiles
à évaluer par l’analyse moléculaire et pouvant être la résultante d’effet épigénétique en
l’absence même de modification de la séquence du gène impliqué. A titre d’exemple
l’hyperméthylation d’îlots CpG peut éteindre la fonction d’un gène (mécanisme connu dans
certains gènes dont l’extinction prédispose à des cancers). L’apposition d’empreinte
génomique parentale anormale aboutissent à l’extinction ou au contraire l’activation anormale
d’un allèle parental et à certaines maladie comme les syndromes d’Angelman (MIM105830)
et Prader-Willi (MIM176270) ou le syndrome de Wiedemann-Beckwith (MIM130650).
2.3.2
les mutations par gain de fonction
Le produit du gène acquiert une fonction anormale. La plupart des mutations par gain de
fonction sont dominantes, la présence d’un allèle normal ne prévenant pas l’effet délétère.
Elles impliquent souvent des voies de contrôle en altérant les possibilités de signalisation par
les protéines mutées (régulation positive ou négative). Dans d’autres cas connus, la protéine
mutée acquiert une propriété nouvelle (changement de solubilité etc…)
La distinction est grossière entre ces deux types de mutations et le classement n’est pas
toujours aisé. Une mutation réalisant la perte de fonction d’une protéine peut aboutir à une
modification positive de la fonction d’une cascade biologique et inversement.
Une mutation gain de fonction apparaît dans l’ensemble plus spécifique qu’une perte de
fonction (dont les causes sont multiples) et n’équivaut pas à la délétion du gène (quand le
phénotype provoqué par la délétion est connu). En général, d’autres mutations dans le même
gène provoquent des effets différents (syndromes distincts). L’homogénéité des mutations
dans un gène est un indicateur d’un gain de fonction bien que des causes variées peuvent
expliquer l’existence d’une mutation unique à l’origine d’une maladie.
Les exemples de maladies par gain de fonction sont majoritairement représentés en médecine
par les cancers. Les mutations survenant au hasard dans un gène ont une faible probabilité
d’entraîner un gain de fonction et aboutissent plutôt à un mécanisme inverse. Les exemples de
surexpression aboutissant à une surproduction de protéine sont plus fréquent et peuvent
41
également être pathogènes. A titre d’exemple la duplication du gène de la PMP22 (déjà cité
pour sa délétion cf supra et figure) provoque une neuropathie périphérique par anomalie de
structure de la gaine de myéline, la maladie de Charcot-Marie-Tooth (de type 1A)
La mutation d’un gène peut aboutir à l’activation constitutive plutôt que régulée d’une
fonction. Un exemple est celui de l’activation de la protéine Gsα (une des composantes des
récepteurs des protéines G, cf cours de biologie cellulaire) qui provoque la maladie de Mac
Cune Albright (MIM 174800).
2.3.3
Critères de pathogénicité d’une mutation
Le caractère pathogène d’une mutation n’est pas toujours simple à établir. En clinique
humaine, l’imputabilité doit être obtenue avec une forte probabilité sinon une certitude pour
pouvoir réaliser un conseil génétique et, des diagnostics prédictifs ou prénataux . Tous les
variants moléculaires rencontrés chez une personne malade ne sont pas des mutations
causales. Les critères d’imputabilité utilisables pour en juger sont :
-
-
-
L’existence d’études fonctionnelles démontrant le caractère pathogène
- Il s’agit le plus souvent de modèles cellulaires ou animaux (cf cours de
PCEM1)
Précédents pathologiques
- La variation a déjà été décrite chez des patients porteurs de la maladie mais
jamais chez des sujets contrôles appartenant à la même ethnie que les malades
La mutation est survenue de novo chez le cas index
42
-
-
Elle n’est présente ni chez ses parents sains, ni ses collatéraux (la connaissance
du mode de transmission est capitale)
Le variant n’est pas présent chez un groupe de sujets sains constitué de, par
exemple, 100 à 200 chromosomes contrôles
La nature de la variation de séquence
- Les délétions complètes, les mutations non-sens et décalantes du cadre de
lecture anihilent pratiquement toujours la fonction du gène
- Les mutations des signaux d’épissage des jonctions exon-intron-exon
(GT…..AG) affectent pratiquement toujours l’épissage et détruisent la fonction
du gène
- Une mutation faux-sens a d’autant plus de chance d’être pathogène qu’elle
- Affecte une région fonctionnelle connue de la protéine
- Modifie la conformation de la structure de la protéine (modélisation parfois
possible in sillico)
- Affecte un aminoacide hautement conservé au sein des espèces où la
séquence du gène équivalent (orthologue) ou comparable au sein de
l’espèce(paralogue) est connue.
- La substitution provoque un changement non conservatif de l’aminoacide
(polaire pour un non polaire, basique pour un acide…).
Le caractère récurent d’une mutation dans la population des malades (et exclusivement des
malades en fonction du mode de transmission mendélien) et les études fonctionnelles restent
les seuls critères de certitude du caractère pathogène d’un variant moléculaire retrouvé dans
un gène. De nombreux programmes informatiques tentent de cumuler les données obtenues
sur les mutations authentifiées selon ces deux critères pour établir des algorithmes prédictifs
du caractère pathogène des anomalies. Fort utiles, il ne permettent pas toujours d’acquérir le
degré de probabilité nécessaire à l’utilisation en clinique humaine d’un variant nouvellement
décrit.
2.4 Seule la localisation du gène responsable est disponible pour la réalisation d’un
diagnostic
La situation est celle du diagnostic indirect. Il s’agit d’un diagnostic probabiliste qui ne
permet plus que de délivrer un diagnostic prédictif (pour lequel il est très peu employé) ou un
diagnostic prénatal dans le cadre d’une affection d’une particulière gravité.
2.4.1 Principe
Le principe est celui d’une analyse de la ségrégation familiale (cf. analyse de liaison et
localisation de gène PCEM1) de marqueurs polymorphes associés au locus qui héberge le
gène responsable de la maladie. Il n’est plus possible dans ces conditions de confirmer le
diagnostic de la maladie en retrouvant les anomalies moléculaires responsables. C’est au
contraire la certitude du diagnostic et de l’absence d’hétérogénéité génétique (ou
d’ambiguïté sur le locus responsable quand plusieurs peuvent être incriminés) de la maladie
qui rendent possible la procédure.
Le principe est simple et consiste à génotyper les marqueurs polymorphes flanquants (ou
situés à l’intérieur) le gène responsable. D’analyser au moins un malade pour une maladie
dont la transmission est récessive et d’au moins deux malades pour un maladie dont la
transmission est dominante. De disposer de sujets sains de la famille pour vérifier l’absence
d’identité entre les génotypes des sujets sains et des sujets malades (compatibilité avec
l’implication du locus) et du nombre nécessaire de méioses afin de reconstituer le ou les
43
haplotypes ségrégeant avec le phénotype anormal. La distinction des marqueurs polymorphes
portés par la région hébergeant l’allèle morbide de celle hébergeant l’allèle sain
(l’informativité est essentielle).
2.4.2 Exemple d’une maladie récessive
-
La maladie est connue, le diagnostic établi chez les deux enfants malades. Elle est
due à des mutations récessives d’un gène unique. L’ensemble de la famille a été
prélevé :
2.4.2 Limites et risques du diagnostic indirect
La densité des marqueurs polymorphes du génome humain permet actuellement de considérer
cette technique comme universelle pour la réalisation par exemple d’un diagnostic prénatal.
Les résultats demeurent probabilistes du fait du risque même minime:
-
d’erreur de diagnostic
d’hétérogénéité génétique
de recombinaison entre les marqueurs et le gène testé
Dans l’exemple suivant deux marqueurs flanquant un locus ont des taux de recombinaison (θ1
et θ2) avec le locus qui sont connus. Elles permettent d’évaluer les fréquences ou
- la recombinaison sera détectée mais le diagnostic rendu aléatoire par la
recombinaison marqueur-marqueur (θ1 + θ2)
44
-
la double recombinaison ne sera pas détectée et aboutira à une erreur de diagnostic
(θ1.θ2)
45
4. Le diagnostic anténatal des maladies héréditaires
techniques
Le diagnostic anténatal correspond à l’ensemble des moyens disponibles pour établir le
diagnostic et dans la mesure du possible le pronostic d’une affection génétique sur un fœtus in
utero.
Les techniques disponibles sont multiples et leur caractère invasif variable. L’imagerie, la
mesure de marqueurs sanguins maternels, l’analyse de l’ADN fœtal libre dans le sérum
maternels aussi bien que des prélèvements directs fœtaux (cellules du trophoblastes, du
liquide amniotique du placenta ou du sang fœtal) sont couramment utilisés.
Les moyens analytiques correspondant sont également divers et incluent pour la part
biologique : des analyses de biochimie fœtale, de cytogénétique, de cytogénétique
moléculaire, de génétique moléculaire, de biologie cellulaire, d’hématologie, d’immunologie.
Les indications sont donc également multiples et relèvent :
-
de politiques de dépistage systématique
de l’existence de risques ou d’antécédents familiaux connus de maladie génétique
de la découverte d’une anomalie fœtale, par exemple morphologique au cours de la
surveillance d’une grossesse
Les buts sont l’établissement d’un diagnostic le plus précoce possible en cas de risque établi
ou prévisible avant la grossesse. La complexité des techniques mises en œuvre peut rendre les
délais diagnostiques incompatibles avec la durée d’une grossesse et en règle générale, la
connaissance d’un risque familial doit inciter tout praticien à informer les sujets à risque et à
les orienter vers une consultation de génétique avant une grossesse. Dans ces conditions,
l’analyse de la généalogie, la confirmation ou la révision d’un diagnostic chez un malade de la
famille, la recherche de mutation sur un cas index malade ou une enquête familiale
permettront d’envisager au mieux les possibilités de prévention, la pertinence et la nature d’un
diagnostic anténatal.
Conditions de réalisation
Lorsqu’un diagnostic prénatal peut concourir à la naissance d’un enfant sain et éviter celle
d’un enfant malade, sa mise en place relève d’une activité multidisciplinaire qui comprend :
-
Une consultation médicale appropriée à la maladie recherchée
- Par un spécialiste de l’affection, un généticien…
- L’information à la mère (au couple) de
- la nature de la maladie suspectée ou recherchée
- les modalités de prise en charge thérapeutique de l’enfant, leur efficacité
- l’évaluation du risque de cette maladie pour l’enfant
- la date, les modalités, les risques liés au prélèvements
- la nature, la précision et les limites des résultats escomptés par l’examen
proposé, les délais d’obtention de ces résultats
-
Une datation et l’évolutivité de la grossesse (obstétricien, échographiste
obstétrical)
- L’établissement de la date du prélèvement,
46
-
-
La délivrance ou le renouvellement de l’information sur le prélèvement et ses
modalités…
La réalisation du prélèvement dont la date et la nature dépendent :
- De l’état d’avancement de la grossesse
- Du risque encouru
- De la nature des analyses à réaliser
- Les schémas suivant résument cette procédure du plus précoce au plus tardif.
47
48
Le rendu du résultat et la prise en charge de la proposante et du couple
-
-
Au cours d’une (au moins) consultation individuelle
Par le médecin prescripteur
Dans des conditions ou le dialogue singulier, sa confidentialité, sa durée
puissent être respectés
En assurant le lien pour une prise ne charge pour une éventuelle interruption de
la grossesse pour motif médical (L’IVG pour motif médical sera traitée en
détail dans le module de la conception à la naissance en DCEM3)
En n’omettant pas d’assurer une (ou de renouveler) l’information sur
l’existence de consultations de conseil génétique et de diagnostic prénatal
surtout pour une grossesse ultérieure.
49
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