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Professions Santé Infirmier Infirmière - No32 - décembre 2001
du patch de fentanyl et
qu’on introduise du clorazépate
à forte dose dans le traitement.
Les médecins n’ayant pas accédé
à ses demandes, il avait alors pro-
féré des menaces puis modifié et
augmenté lui-même le débit des
seringues autopulsées à l’insu des
soignants.
La relation entre le soignant
et le malade
Les différents récits et témoignages
recueillis auprès de certains soi-
gnants confrontés à la maladie
grave d’un parent ont permis de
constater quelques faits. On re-
marque une implication impor-
tante de leur part en tant que
proche et en tant que soignant dans
cette situation. Pour pouvoir ac-
compagner un membre de leur fa-
mille dans sa maladie et pour le soi-
gner, les soignants n’hésitent pas à
mettre entre parenthèses leur vie
privée et à mettre à profit leurs
connaissances professionnelles. Par
exemple, ils l’accompagnent à ses
consultations et ses examens, ils or-
ganisent ses déplacements, utilisent
leurs relations professionnelles
pour lui obtenir un rendez-vous ou
simplement pour être conseillés.
On constate que, pour eux, faire bé-
néficier le proche de soins de qua-
lité et des avancées médicales tout
en le protégeant est une priorité.
Toutefois, même si ces intentions
sont louables, elles restent discu-
tables car elles peuvent conduire le
proche à dépasser ses compétences
à la fois en tant que membre de la
famille et en tant que professionnel
de santé. Par exemple, en s’inves-
tissant d’un pouvoir décisionnel ou
en s’octroyant un rôle qui n’est pas
le sien. Ainsi, la sœur d’un patient
hospitalisé, infirmière, avait an-
noncé à son frère son diagnostic de
tumeur maligne parce que, disait-
elle, «il lui avait demandé ». Une
autre infirmière devait accompa-
gner en consultation de cancérolo-
gie sa grand-mère, hospitalisée,
mais elle ne savait comment lui en
expliquer la raison. Elle lui avait dit
précédemment qu’elle souffrait
d’un kyste sur l’ovaire, alors qu’il
s’agissait d’un cancer. On constate
chez ces soignants une souffrance
psychologique importante lors-
qu’il y a une situation de “non-
dit” entre le patient, sa famille et
l’équipe soignante.
La prise en charge de la famille de
Monsieur L. en témoigne. Celui-ci,
aide-soignant à la retraite, était hos-
pitalisé. Son épouse, aide-soignante
elle aussi, avait expressément de-
mandé aux médecins de ne pas
mettre au courant son mari de la
nature et de la gravité de son état.
Lors de l’entretien avec l’épouse et
deux de ses filles, nous avons pu
mesurer les conséquences de cette
décision, notamment sur l’une
d’entre elles. Celle-ci, aide-soi-
gnante, disait : «Je suis investie par
mon père d’une confiance particulière
compte tenu de ma profession. Je me
sens responsable de lui ! ». Elle disait,
vis-à-vis du mensonge : «Je me sens
encore plus responsable que les autres,
c’est très lourd... On est responsable
de ce qu’on ne dit pas ! ».
Les soignants témoignent souvent
de la difficulté d’être investis par le
parent malade d’une confiance par-
ticulière à cause de la fonction pro-
fessionnelle qu’ils exercent. Cela
peut expliquer en partie la rai-
son pour laquelle ils sont si impli-
qués dans leur accompagnement
et dans leurs soins. On observe
d’ailleurs que, souvent, de manière
consciente ou inconsciente, ils mo-
nopolisent la prise en charge du
proche et hésitent parfois à confier
la réalisation des soins à d’autres
personnes qu’eux-mêmes.
Un référent familial
C’est bien souvent le soignant,
missionné par sa famille, qui
prend des nouvelles du parent
hospitalisé, directement auprès
de l’équipe ou par téléphone.
Souvent, la famille le sollicite sous
prétexte que “lui, c’est son mé-
tier”, “qu’il comprendra mieux
qu’eux ! ”. Après s’être informé de
l’état du proche, il retransmet les
informations au reste de la famille
en s’efforçant de les rendre claires,
franches, tout en ménageant les
proches et en restant neutre. Cela
n’est pas toujours facile !
Dès lors, commencent les ques-
tions de l’entourage auxquelles il
lui faut faire face en restant à la
fois rassurant, “soutenant”, mais
tranché. Il arrive que les proches
omettent que le soignant fait aussi
partie de la famille et qu’il peut
être affecté par la situation. Ce cas
de figure est un peu caricatural,
mais réel.
Pire encore, la situation dans la-
quelle la famille n’hésite pas à
mêler le soignant à la prise de dé-
cision thérapeutique ou à l’an-
nonce du diagnostic !
Un référent
de l’équipe soignante
Qui n’a jamais entendu lors des
transmissions en équipe : «Mon-
sieur V., hospitalisé depuis hier
chambre no18, a une fille infır-
mière ». Puis, quelqu’un demande :
«Ah ? Elle travaille dans quel ser-
vice ? ». Curieusement, on observe
que ce type d’informations figure
parmi celles qui sont les mieux et
les plus vite transmises dans une
équipe. Il faut dire que ce fait n’est
pas anodin puisqu’il entre souvent
en ligne de compte dans le dérou-
lement de l’hospitalisation du pa-
tient, dans sa relation avec l’équipe
et entre l’équipe et le soignant
proche du malade.
Pour l’équipe soignante, savoir
que l’un de ses collègues a un
parent hospitalisé dans son service
entraîne deux sentiments : elle se
sent solidaire de son collègue mais,
en même temps, elle ressent une
certaine méfiance vis-à-vis de lui.
Après la première étape, que nous
appellerons étape “de la trans-
mission de l’information en équipe”,
il y a celle de “l’apprivoisement
mutuel” au cours de laquelle
l’équipe soignante et le soignant
font connaissance. Cette période
est nécessaire aux deux parties, car
elle permet à chacun de voir s’il
Problématique
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