La dynamique des groupes restreints

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La dynamique des groupes restreints
Didier Anzieu - Jacques-Yves Martin
Psychologie sociale
(Fiche de lecture)
Institut d’Economie et de Management de Nantes - IEMN
Institut d’Administration des Entreprises - IAE
Master d’Administration des Entreprises - M2AE
2008 - 2009
Brémaud Xavier - Ledean Pierre - Yuan Bo - Zhou Yudan
3 janvier 2009
1
Table des matières
Table des matières
2
1 Introduction
1.1 Biographie des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Postulats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
3
3
2 Le groupe et les groupes
2.1 Le concept de groupe .
2.2 Historique . . . . . . .
2.3 Théories . . . . . . . .
2.4 Méthodes . . . . . . .
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4
4
5
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3 Pouvoir, structure, communications
3.1 Le pouvoir et la structure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Les communications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
9
11
4 Intégration, affectivité
4.1 Les réseaux d’affinités et le moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 L’autorité et l’influence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
12
12
12
5 Eléments de dynamique des groupes comparée
14
6 Applications aux milieux professionnels
6.1 Les groupes de négociation . . . . . . . . . . . . .
6.2 La formation des adultes en groupe . . . . . . . . .
6.3 L’intervention par le groupe dans les organisations
6.4 L’analyse transitionnelle . . . . . . . . . . . . . . .
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7 Les
7.1
7.2
7.3
7.4
7.5
7.6
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psychothérapies de groupe
La sociothérapie . . . . . . . . . . . .
Le groupe-analyse . . . . . . . . . . .
Les groupes d’enfants par des activités
Les thérapies familiales . . . . . . . . .
L’analyse transactionnelle . . . . . . .
Les nouvelles thérapies . . . . . . . . .
Du groupe à la communauté . . . . . .
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8 Discussion
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Annexe 1 : Classification des groupes humains
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Annexe 2 : Schéma de classification des groupes d’après leur taille
20
2
1
1.1
Introduction
Biographie des auteurs
Didier Anzieu (1916-1999), a été professeur à l’université de Paris-X Nanterre. Il était psychanalyste et reconnu en tant que chercheur (psychologie clinique). On note dans sa bibliographie des
ouvrages traduits en plusieurs langues ce qui lui confère une véritable légitimité à l’échelle internationale.
Le Docteur Jacques-Yves Martin (1917-1994), neuropsychiatre et psychosociologue-conseil, a été maı̂tre
assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris-X Nanterre. Il s’est consacré ensuite au
monde de l’entreprise en qualité de consultant (1991).
La collaboration de ces deux hommes a duré une trentaine d’années (première édition 1968). L’un
ayant une vision psychosociologique et l’autre une perspective clinique et psychanalytique à l’étude
des groupes.
1.2
Postulats
L’idée forte de l’ouvrage est que le groupe (“lieu investit d’espoir et de menaces”) permet d’établir
un lien entre les occupations personnelles et les activités sociales mais favorise la séparation de l’individu de la société. Une manière d’étudier les représentations sociales est donc d’examiner et de
comprendre les comportements de groupe.
Kurt Lewin a mené de nombreux travaux (1935/1945 - USA), en tant que science expérimentale,
ce qui donna naissance à la notion de “dynamique de groupe”.
Dès lors, d’autres axes de recherche de type béhavioriste (et/ou cognitiviste), sociométrique, psychanalytique ou analogique ont vu le jour. Désormais, on parle de la science des groupes : “le fonctionnement
d’un groupe” est connu et il est établi que “le groupe favorise le changement social”.
Cependant, l’intérêt grandissant porté à cette nouvelle science à engendrer une abondance de textes,
de synthèses et voire même de contradictions. C’est pourquoi, ces deux auteurs s’attachent à éclaircir
ce domaine en reprenant l’historique du concept de groupe (p17-45) puis en développant la chronologie des différentes recherches, théories et méthodes (p46-156) qui nous permettent de comprendre
les groupes d’un point de vue de psychologue. Dans une deuxième partie (p161-210), ils traitent des
phénomènes de groupe : pouvoir, structure, communication, interaction, affectivité. Enfin, la dernière
partie (p303-360) aborde les domaines d’application de cette science : dynamique des groupes comparée, milieux professionnels - formation, psychothérapie de groupe.
3
2
Le groupe et les groupes
2.1
Le concept de groupe
Dans le premier chapitre, les auteurs abordent l’étymologie du mot groupe, et le concept qui en
découle. Le mot « groupe » aurait été importé d’Italie au cours XVIIème siècle et emprunté au monde
des beaux arts (groppo) qui signifiait “un assemblage d’éléments, une catégorie d’être ou d’objet”.
L’origine italienne du mot donne deux significations qui sont « nœud » et « rond ». La première
connote le degré de cohésion entre les membres du groupe, et la deuxième représente d’avantage un
« cercle » de personnes. Les langues anciennes ne disposaient donc d’aucun terme spécifique pour
désigner une association de personnes en nombre restreint poursuivant des buts communs.
Cette notion de groupe semble donc non-natuelle, parfois inexistante, éphémère et le fruit du hasard. Il semblerait que les Hommes ne conçoivent que des relations inter-individuelles plutôt que de
“groupe” (résultats d’enquête de l’AFAP1 menée en 1961). De nombreuses résistances à l’acceptation
de principe de groupe expliquent cela :
– Les préjugés individuels et collectifs d’ordre psychologique et psychanalytique qui ressortent de
l’étude, indiquent que les personnes concèdent volontiers que l’efficacité groupale est supérieure
à l’efficacité individuelle mais que le concept de groupe en tant que tel, pose le problème de
l’aliénation : “viol de la personnalité” (p20). Freud souligne que “le narcissime humain et l’obstacle le plus solide au progrès des connaissance” et la science de groupe ne semble pas déroger
à la règle.
– Des préjugés d’ordre sociologique constituent une seconde forme de résistance (épistémologique).
Dans certains cas, le groupe est perçu comme une évidence, un tout dans lequel l’individu seul
se mélange pour devenir une partie indissociable d’une groupe : la famille, la tribu, le village...
Ainsi, la prise de distance pour étudier son groupe d’appartenance est proscrite et l’introduction
de nouveaux membres est impossible.
– Une autre résistance réside dans l’attitude des grandes organisations collectives (état, armée,
ordres religieux) envers les groupes restreints. Ces derniers seraient une force mais représenteraient
également une menace. C’est pourquoi, une certaine méfiance et un certain contrôle (de la part
des grands groupes envers les petits) s’installent pour réguler les éventuelles conspirations et
pour préserver son autorité (p23).
Cette enquête indique que différents types de groupes peuvent être classés selon différents degrés
croissants : individu, groupe d’amis, équipe de travail, institution, société. L’individu accepterait les
paliers qui précèdent celui où il est situé, mais rejetteraient ceux qui le suivent.
La question qui se pose maintenant est de savoir à partir de quand ou de combien peut-on parler
véritablement de groupe. Les auteurs stipulent que le groupe trouve sont origine avec l’apparition
d’une troisième personne dans un binôme mais “les phénomènes des groupe ne se manifestent pleinement qu’à partir de quatre membres”. On parlerait de groupe quand le nombre de relations possibles
deux à deux dépasserait le nombre des membres : entre 3 personnes ABC, il y a 3 relations possibles
AB, AC, BC, alors qu’entre 4 personnes, il y a six relations possibles : AB, AC, BC, AD, BD, CD.
Les auteurs offrent une classification (cf Annexe 1 ou p.42) des différents groupes de personnes selon
ses traits propres. :
1
Association Française pour l’Accroissement de la Productivité
4
– la foule : des individus se retrouvent au même endroit, sans l’avoir vraiment voulu. Chacun vise
à satisfaire une même motivation individuelle. Le point commun de chacun est la solitude,
– la bande : les membres sont réunis volontairement et ont du plaisir à se retrouver parce que
l’exigence d’adaptation est supprimée ou suspendue. Ses membres sont en nombre limité,
– le groupement : réunion de personnes en nombre varié, avec une fréquence de réunions et permanence relative des objectifs. (exemple : les associations du genre Loi 1901),
– le groupe primaire (ou restreint) peut être déterminé par son nombre limité, permettant à
chacun une perception individualisée de l’autre et des échanges interindividuels nombreux. Les
participants ont en commun les mêmes buts, une interdépendance, une solidarité en dehors
des réunions et actions communes, d’où la constitution de sous-groupes (relation affective). Des
normes, des signaux et des rites propres s’érigent visant la conservation du groupe comme réalité
physique et comme image idéale.
* Le groupe primaire est nuancé par les liens personnels, intimes, chaleureux qui s’installent ;
alors que le groupe restreint (6 à 13 personnes) connote une dimension numérique.
* Parallèlement au groupe restreint, les auteurs identifient le groupe large (25 à 50 personnes)
comme étant une particularité où il est impossible de connaı̂tre chacun.
– le groupe secondaire ou organisation : système social fonctionnant selon des institutions à
l’intérieur d’un segment de la société (hôpital, école).
Cette répartition des groupes peut être différentes si l’on décide de la classifier en fonction de leur
taille (cf Annexe 2 ou p.44).
Pour terminer le premier chapitre, les auteurs définissent deux néologismes : “groupal” qualifiant
les relation entre les individus dans le groupe et “groupalité” désignant les caractéristiques internes
essentielles au groupe.
2.2
Historique
Les premières véritables origines de groupe semble à associées au christianisme : Jésus et les 12
apôtres.
La première formalisation de science de groupe est celle de Charles Fourier datant du XIIème siècle.
Selon lui, l’Homme, qui est un être social et groupal de part sa nature psychologique, a pour objectif
de satisfaire une ou plusieurs tendances :
– 5 se rapportant aux plaisirs des sens : goût, tact, vue, odorat, ouı̈e,
– 7 se rapportant aux sociales
* 4 en lien avec le désir d’établie des liens affectueux : amitié, ambition, amour, parternité
* 3 en lien avec la recherche de l’accord de l’autre, nécessaire au bon fonctionnement des groupes
Ces 12 passions se combinant de manière différente et unique pour chaque Homme, cette diversité
doit permettre la réalisation naturelles de toutes les tâches.
La deuxième grande étape dans l’histoire de cette science arrive au XIXème siècle avec Durkheim.
Il émet l’hypothèse d’une conscience collective et évoque une idée forte : “Le groupe social comme
étant plus que la somme de ses membres, c’est à dire comme totalité”. Le groupe remplirait aussi des
fonctions attrait à la psychologie : intégration, idolâtrie, régulations des relations inter-individuelles.
5
La perspective dialectique menée par J.P. Sartre au XXème conduit à penser que le groupe n’est
pas statique mais plutôt un “tout dynamique, en mouvement, à faire, avec des rapports dialectiques
d’intériorité entre les parties”. Pour passer du simple rassemblement au groupe, 3 conditions sine qua
none s’imposent :
– l’intérêt que les membres ont en commun est assez puissant pour que ceux-ci l’intériorisent et le
prennent en charge, et que d’intérêt en commun, il devienne intérêt commun,
– que l’on passe des communications indirectes aux communications directes,
– l’existence dans la société globale de groupes qui défendent activement des intérêts antagonistes
et qui appellent implicitement à la lutte contre eux.
D’après les travaux de recherches des sociologues germaniques, 3 catégories de groupes semblent
émerger :
– la Gemeinschaft, groupement de parenté ou de localité,
– la Geselleschaft, association volontaire fondée sur un contrat,
– le Bund, alliance d’adolescents ou d’adultes motivée par la poursuite de buts communs.
Le XVIIIème siècle voit naı̂tre aux Etats-Unis les premiers groupes (aménagés par les colons anglais)
nommés Quakers qui avaient pour particuliarités de “répandre les idées de tolérance religieuse, de justice sociale, d’anti-esclavagisme, de pacifisme, d’humanisation du système pénitentiaire, d’instruction
des filles”. C’est Alexis de Tocqueville, qui de retour des USA, ramena en Europe ces groupes à forte
conception démocratique de groupe.
C’est grâce à l’australien Elton Mayo au début du XXème siècle que des études vont être conduites
pour étudier le comportement des personnes au travail. Ces travaux de recherches (grâce aux “testroom” : installation d’un laboratoire sur le terrain de l’environnement de travail des individus observés)
sur les relations humaines au travail (psychologie du travail) montrent que l’individu réagit selon sa
perception du groupe, qui dépend du climat au sein du groupe auquel il appartient et de son degré
d’appartenance au groupe. Par exemple, plus l’intérêt des “chefs” est important vis à vis des ouvriers
et plus ces derniers développent leur sens de la responsabilité.
2.3
Théories
Une nouvelle technique d’étude a été développée par Jacob-Levi Moreno et se nomme la sociométrie. Il part de l’hypothèse qu’il existe simplement 3 relations possibles entre les êtres : sympathie,
antipathie et indifférence. Grâce à l’utilisation d’un questionnaire et en analysant les résultats (sous
forme de tableaux), il est possible de déterminer les liens socio-affectifs et la cohésion du groupe. Un
schéma, appelé sociogramme, permet une représentation visuelle de ces liens.
En transposant la Gestalthéorie (psychologie de la forme) à l’étude des groupes, Kurt Lewin postule que de la structure qui s’établit entre le sujet et son environnement à un instant donné, il est
possible d’expliquer les actions individuelles. Cette structure est un champ dynamique, un système de
rapports de forces en équilibre. Par l’étude de groupes artificiels en faisant varier les climats sociaux,
il illustre ce concept d’équilibre :
– l’autoritarisme conduit soit à l’obéissance passive soit à de violentes révoltes,
– la démocratie amène très peu d’agressivité, suffisamment pour être productif dans les tâches à
accomplir,
6
– le laisser-faire engendre le taux d’agressivité le plus élevé.
Par extrapolation aux groupes naturels, Lewin souligne que la modification structurelle du champ
social dynamique peut ne reposer que sur le changement d’un élément uniquement. En effet, selon lui,
le groupe est irréductible à la somme des individus qui le compose et à la similitude de leur buts :
“le groupe et son environnement constituent un champ social dynamique dont les principaux éléments
sont les sous-groupes, les membres, les canaux de communication, les barrières”. La force d’un groupe
réside dans son système d’interdépendance : “dynamique de groupe” (1944).
Ceci conduit Lewin a mené des études sur le changement social et plus précisément sur la résistance au
changement. Puisque tout changement structurel du champ de force entraine une hausse de la tension
dans le groupe, il est nécessaire de soit augmenter très fortement une force opposée soit de diminuer
l’intensité interne. Il est à noter que lorsqu’un seuil de changement est atteint, il tend à se poursuivre
de lui-même pour atteindre un nouvel équilibre. Ainsi, Lewin note qu’il faut 3 étapes afin d’instaurer
un changement perenne : décristalliser (le champ de force établi), changer, puis cristalliser (le nouvel
état d’équilibre qui était souhaité).
Serge Moscovici vient se positionner en contradicteur des expérimentalistes. Il rejette les épiphénomènes
de « conformité-déviance » (contrôle social, exigence de conformité, recherche de consensus) mais axe
son étude critique “sur l’existence de minorités considérées en tant que sources d’innovation et de
changement social”. Il établit que le style de comportement a son importance ainsi que l’influence
sociale qui est unilatérale, mal répartie, maintient et renforce le contrôle social. Aussi, le rapport de
dépendance détermine le poids de l’influence sociale et l’incertitude que l’on souhaite réduire. Il émet
les principes suivants : “chaque membre du groupe, indépendamment de son rang, est une source et
un récepteur potentiels d’influence ; le changement social autant que le contrôle social constitue un
objectif ; les processus d’influence sont liés à la production et résolution de conflits (. . .)” (p.101).
La conception psychanalytique de Freud est que la famille et la société sont différenciées à partir
d’une réalité groupale : le clan. Il pose l’interrogation suivante sur le plan psychologique : existe t-il
d’autre source d’autorité et d’organisation du groupe que l’autorité patriarcale ? “Le progrès social
semble représenté le passage du groupe social fondé sur l’autorité du père et l’identification au chef.
Mais ce progrès n’est pas accompli une fois pour toute” (p.109).
Avec W.R. Bion, une autre conception psychanalytique, établit que le comportement d’un groupe
s’effectue à deux niveaux : la tâche commune et les émotions communes. Les membres du groupe
se combinent instantanément et involontairement pour agir selon des états affectifs : la dépendance
(protection d’un leader) ; le combat-fuite (refus de la dépendance au leader) et l’assemblage combat
-fuite (formation de sous-groupes).
Enfin pour conclure, Didieu Anzieu dit que les individus demandent au groupe une réalisation imaginaire de leurs désirs refoulés. Il emploie même le terme d’illusion groupale (recherche dans les groupes
d’un état fusionnel collectif). Il parle aussi d’organisateurs psychiques (le fantasme individuel, les
fantasmes originaires, l’image, le complexe d’œdipe, l’imago du corps propre).
7
2.4
Méthodes
Il existe différentes approches afin de conduire une étude sur les groupes naturels.
– l’approche clinique qui s’effectue sur le terrain. On distingue l’enquête de type sociométrique
(le groupe connaı̂t lequel de ses membres est le psychosociologue observateur et cela pose le
problème que les acteurs peuvent et agissent souvent différemment qu’ils agiraient en réalité
du fait de se sentir observer) de celle de type participante (le groupe ignore la présence de
l’observateur). Dans cette approche essentiellement constituée d’observations, il est difficile de
prouver qu’une variable a influence sur un phénomène sauf si l’on se place dans un contexte
exceptionnel car une telle situation tend à supprimer ou augmenter une variable expliquant
l’existence du groupe.
– L’approche psychanalytique (de Bion) constitue la deuxième alternative pour l’étude des groupes
naturels. Elle consiste à appliquer des principes psychanalytiques à des observations.
– Elton Mayo inaugure l’approche expérimentale. Ici, enquêtes directement sur le terrain et expériences
en laboratoire sur des groupes-test sont mêlées afin d’approfondir la méthode clinique.
Toutefois, il est parfois plus simple d’avoir recours à l’étude de groupes artificiels. On distingue là
encore 3 différentes approches d’études :
– l’approche expérimentale nécessaire afin d’analyser le comportement groupal. Au XIXème siècle,
l’important était de “savoir si le travail en groupe est supérieur ou non au travail individuel”.
Lewin va plus loin en stipulant que le groupe (et donc sa structure dynamique) influence le
comportement de chacun de ses composants (individu) suite à des études de type “hypothéticodéductive” : peu importe la tâche affectée au groupe, la seule chose importante est de vérifier
une prédiction (telle modification doit engendrer telle modification dépendante).
– l’approche clinique (T-group ou groupe de diagnostic) datant de 1947 permet l’analyse des
effets de communications, des affinités, et de l’autorité dont on observe une vacance du pouvoir.
On peut noter qu’en France le groupe de diagnostic est adopté depuis 1956. Il consistait en
“l’apprentissage de la négociation et de la concertation et l’entraı̂nement du travail en groupe”.
– l’approche psychanalytique qui s’est attachée à définir des règles (libre parole, abstinence,
discrétion) afin de transposer les variables d’étude individuelle au groupe.
L’analyse de l’interaction est une méthode ni clinique, ni expérimentale, qui convient aux groupes
naturels comme artificiels (aucune différenciation). La méthode la plus célèbre est celle de Bales.
On ne retient que les comportements observables au cours de réunions-discussions qui peuvent être
classés en 12 catégories (solidarité, détente, accord, donne des suggestions, donne son opinion, donne
une orientation, demande une orientation, demande une opinion, demande des suggestions, désaccord,
tension, antagonisme). Cette méthode est d’une grande rigueur mais est en conséquence trop étroite
dans son domaine d’étude. C’est pourquoi, cette méthode n’est que peu utilisée.
8
3
3.1
Pouvoir, structure, communications
Le pouvoir et la structure
A la lecture de l’œuvre de Didier Anzieu et de Jacques-Yves Martin il apparaı̂t que la notion de
pouvoir peut être définie comme “un principe structurant, inhérent à la famille, à la société, et aux
organisations, imposé par la répression et/ou l’intériorisation des normes communément admises”.
Dans cet ouvrage, l’auteur aborde le concept de groupe restreint selon une approche systémique. Anzieu précise au préalable ce qu’il entend par « système » ; il définit ce terme comme “un ensemble
d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but”. Dans ce chapitre, l’auteur
récapitule les différents travaux de ses confrères sur la notion de pouvoir et s’appuie notamment sur le
postulat de Lewin qui soutenait l’existence “d’un pouvoir spécifique de l’état groupal”. Anzieu évoque
également les études de G. Balandier qui a travaillé sur des sociétés dépourvues d’Etat étant assimilables à de petits groupes. Balandier mettait ainsi en évidence “l’attribution temporaire à certains de
fonctions de coordination et de commandement éventuellement indispensables à la survie du groupe”.
Anzieu et Martin, à partir de ces différentes recherches, mettent en évidence la nécessité pour chacun de produire des efforts afin de surpasser “sa propre propension à l’ethnocentrisme”, ces derniers
précisent que le pouvoir est “l’émanation du groupe pris dans sa totalité”.
Après cette brève introduction les deux auteurs nous livrent leur ressenti sur la notion de pouvoir
au sein des groupes naturels ; Dans cette optique ils commencent par évoquer la famille romaine et
la notion de « pater familias ». On y apprend que le pouvoir se manifestait à travers la « puissance
paternelle » que l’on pourrait traduire par la loi du père. Anzieu évoque également les travaux de
P.Clastres qui décrivaient précisément le fonctionnement du pouvoir dans les groupes primitifs qu’il
eût l’occasion d’observer. Il apparaı̂t que le chef a le devoir de faire la preuve de sa domination sans
pour autant employer un « discours de pouvoir ». Selon cet auteur, c’est le groupe lui-même qui
détient le pouvoir, celui-ci n’est pas divisé et à pour seul objectif d’empêcher une séparation de la
société résultant des inégalités entre les hommes.
Anzieu et Martin évoquent également dans cette partie du livre les travaux de Maurice Godelier,
celui-ci étudia notamment une tribu de Nouvelle-Guinée. Cette société était dépourvue de pouvoir
centralisé, certains statuts étaient toutefois attribués par le groupe. L’auteur évoque la perception
par la tribu de capacités exceptionnelles chez certains individus les rendant ainsi indispensables aux
activités de la tribu ; Trois types « d’hommes exceptionnels » ressortent de cette étude : les grands
guerriers, les grands shamans et enfin les grands chasseurs. Godelier précise également qu’il avait observé un véritable processus de défense contre l’accaparement du pouvoir par un membre de la tribu
et ce malgré le prestige que ce dernier aurait pu acquérir dans son statut. En temps de guerre ; les
grands guerriers avaient éventuellement un rôle de conciliateur et détenaient donc un certain pouvoir
social, du moins celui-ci leur était consenti par le groupe, mais lorsqu’ils tentaient de s’imposer en
véritable chef, ces derniers étaient automatiquement tués.
Anzieu et Martin ont également étudié la notion de pouvoir dans les groupes expérimentaux. A
partir des travaux de Crokett, ils évoquent notamment le fonctionnement du pouvoir au sein d’une
organisation dans le cadre d’une séance de travail. Il est précisé dans cette étude que le pouvoir avait
été confié au président de séance par l’institution elle-même et que progressivement, au fur et à mesure
de la séance de travail, un autre membre du groupe prenait la direction de celle-ci et devenait ainsi
en quelque sorte le nouveau chef : on parle alors de président émergent du fait qu’il ait dépossédé le
président désigné de son pouvoir. Il apparaı̂t de ce fait que le groupe se constitue lui-même comme
9
détenteur du pouvoir et le confie à l’un de ses membres considéré comme le plus efficace et le plus
enclin à l’exercer malgré qu’il s’agisse d’un groupe institutionnel.
Les auteurs font également référence dans cette partie du chapitre au « groupe de diagnostic » cher à C.
Faucheux. Ce dernier distingue ainsi quatre moments dans le développement du groupe de diagnostic :
– l’incertitude initiale,
– le résolution des problèmes liés aux relations du groupe avec le moniteur,
– l’émergence du pouvoir interne du groupe,
– la conduite réfléchie.
Durant la phase pendant laquelle le pouvoir interne émerge, il apparaı̂t que le groupe lui-même
détermine les besoins qui lui sont propres et qui sont non satisfaits, afin de définir ensuite le rôle
qui pourrait permettre de les satisfaire.
L’œuvre d’Anzieu et Martin traite également le « schéma dynamique des groupes restreints ». Les
auteurs mettent en évidence le fait que le type d’encadrement à une influence importante sur le moral
et la performance d’un groupe.
Une autre notion importante nous ait expliqué un peu plus tard dans cette partie : il s’agit du concept
de « locomotion de groupe ». Selon les auteurs il faut comprendre qu’un groupe peut se déplacer
d’une région à une autre au sein du champ psychologique. K. Lewin est une nouvelle fois cité ici pour
sa définition du groupe d’un point de vue dynamique. Selon lui le groupe a pour fonction de résoudre
les « systèmes de tensions » auquel il est soumis. Ainsi on nous informe de l’existence de système de
tension positive et négative.
Une autre distinction est formulée concernant l’énergie de production et l’énergie d’entretien d’un
groupe ; L’énergie de production symbolise l’énergie utilisée par le groupe afin d’atteindre ses objectifs alors que celle d’entretien a pour principal but de maintenir la cohésion. Cette dernière aurait
deux fonctions : une fonction de facilitation et une fonction de régulation. La fonction de facilitation
regroupe “tout ce qui doit être réalisé pour que la fonction production soit remplie le mieux possible”.
Celle de régulation regroupe quant à elle “toutes les activités qui ont pour but de créer et de maintenir les conditions psychologiques nécessaires à une bonne facilitation et à une bonne production”.
On apprend également ici qu’en fonction de la supériorité d’un type d’énergie par rapport à l’autre
(Eproduction > Eentretien par exemple) les résultats sur le groupe diffèreront. En effet, en l’absence d’un
juste équilibre, des risques d’éclatement sont à redouter.
Les auteurs évoquent également les différents critères à retenir au moment de la prise de décision :
pertinence, clarté et acceptation. Ces critères sont également repris parmi les différentes étapes de
progression à respecter dans l’atteinte d’un but.
Il est également important de préciser que parmi ces diverses étapes est spécifiée la nécessité que
chacun exprime sa vision des buts du groupe et que des buts secondaires soient choisis. Les auteurs,
après avoir énuméré les obstacles à la progression, évoquent les trois phases du processus de décision :
la collecte d’informations, l’évaluation et l’influence. Différents conflits viennent perturber le processus
de décision. Selon Anzieu, ces conflits doivent être résolus de manière permanente afin qu’un groupe
puisse perdurer. L’accord unanime apparaı̂t ici comme une manière d’éviter le conflit. Cependant
celui-ci est très difficile à obtenir du fait qu’il passe par la satisfaction des différentes attentes personnelles.
On apprend également que c’est au groupe de définir les éléments de décision, le consensus est ainsi
fort quand il est accompagné de la prise en considération et de la prise de conscience des concessions
faites par certains. Il est notamment possible de tester le consensus selon trois critères selon Blake
10
et Mouton : “la nécessité de vérifier la compréhension des conséquences qui découlent de la décision
prise, le double aspect de la décision et la décision du ressort exclusif du responsable” (théorie du commandement). Certaines décisions requièrent une haute qualité et un degré élevé d’adhésion, d’autres
un niveau d’adhésion supérieur à la qualité. Cependant si les seuils requis ne sont pas atteints le
risque d’échec est important. Selon Anzieu, “la décision de groupe aboutit à la suppression de l’inertie
naturelle du groupe, celui-ci devient capable de mobiliser ses énergies pour entreprendre de nouvelles
tâches”.
3.2
Les communications
Selon Lévi-Strauss, “la société est faite d’individus et de groupes qui communiquent entre eux” :
les groupes doivent s’organiser afin de collecter des informations utiles et efficaces qui devront être
distribuées de manière efficace.
A la lecture de cette partie, les auteurs nous font prendre conscience des difficultés de communication au sein des groupes et évoquent notamment le phénomène de la rumeur qui est plus facile à
faire qu’à défaire.
Ils ont également classifié les différents obstacles à la communication comme par exemple les éléments
de personnalité ou encore les éléments objectifs et psychosociologiques. En effet, en communiquant,
les membres du groupe échangent des significations pleines de symboles qui déclenchent des chaı̂nes
d’association au niveau personnel : le message apparaı̂t dans la communication comme facilement
déformable. Au niveau du locuteur, Anzieu énumère différents remèdes comme la recherche et la
précision de l’expression ou encore la reconnaissance de l’existence de différentes visions d’un même
problème. La qualité de la communication et ainsi la performance dépendent de plus de la structure
du réseau au sein des groupes. Dans certains types de réseau la position centrale d’un individu peut
par exemple conférer un avantage dans la communication avec les autres. On peut ainsi penser qu’à
l’inverse, de par leur position éloignée d’autres individus au contraire, on a toute les peines du monde
à accéder à une information « intacte » si l’on peut dire. Certaines formes de réseau sont ainsi plus
performantes que d’autres, ainsi la quantité de production apparaı̂t moindre pour les groupes dits
compétitifs par rapport aux groupes coopératifs qui jouissent également d’une qualité de production
supérieure. La taille du groupe apparaı̂t également comme un critère important et semble être lié à sa
performance. L’homogénéité du groupe est également très important, les groupes de même sexe sont
apparemment par exemple plus efficaces.
11
4
4.1
Intégration, affectivité
Les réseaux d’affinités et le moral
Les deux auteurs commencent par reprendre dans cette partie la définition du moral donnée par
Mayo qui définit le moral comme “la principale condition du succès et de la performance”. Zeleny
définit quant à lui le moral comme “le sentiment partagé de similitude parmi les membres du groupe”.
Il semblerait à la lecture de cette partie que des affinités apparaissent rapidement au sein des groupes
restreints, ces affinités dépendent des situations notamment des climats de compétition et de conflit.
Ainsi la cohésion d’un groupe repose sur des facteurs relationnels et situationnels. Un lien est également
mis en évidence par les auteurs : il s’agit de la liaison étroite entre le moral et le comportement de
l’encadrement.
4.2
L’autorité et l’influence
Dans cette partie Anzieu distingue tout d’abord les groupes autocratiques des groupes démocratiques.
Le groupe autocratique peut être caractérisé par la concentration du pouvoir de décision concernant
les choix par un chef alors que le groupe démocratique laisse une plus grande place aux échanges entre
les membres concernant les choix. On observe une plus grande hostilité envers le chef, selon Lewin le
plaisir à effectuer des tâches est presque absent chez les membres, le sentiment de participation y est
faible tout comme la satisfaction et l’agressivité est présente mais contenue du fait de la soumission
au chef.
Dans les groupes démocratiques les décisions sont au contraire plus unanimes, les tâches y sont mieux
réparties, la satisfaction y est également plus élevée. En ce qui concerne les résultats, la production
du groupe démocratique est la mieux structurée et la plus complète.
Un troisième groupe est également évoqué, le groupe « laisser faire ». Celui-ci fonctionne de manière
dispersée et ses résultats sont par conséquent moindres par rapport aux autres types de groupe.
Les deux auteurs insistent dans cette partie sur l’impact du style de management sur les résultats et
donc sur l’influence au sein d’un groupe. Ils distinguent deux types d’influence :
– l’influence directe qui dépend de la valeur de la participation du manager à l’exécution des
tâches,
– l’influence indirecte qui dépend ainsi “de l’action qu’il exerce sur les autres membres en vue de
maintenir leur participation à un certain niveau et d’en assurer la coordination avec le minimum
de perte d’énergie”.
Anzieu et Martin évoquent également l’expérience d’Asch sur les normes de groupe. Il apparaı̂t ainsi
que le groupe, ou du moins son expression dominante, influence les choix des individus qui vont se
conformer à la vision la plus partagée le plus souvent. D’une manière générale, l’individu va respecter
la norme au sein du groupe afin de ne pas être en marge de celui-ci et de ne pas être exclu ; il est important de préciser que le chef institutionnel exerce une influence importante sur l’opinion du groupe
qu’il commande.
Le problème de la dépendance au sein du groupe est également traité dans l’ouvrage, pour Muller, il
s’agit “d’un lien, établi à partir d’analogie, d’identité, de causes ou de circonstances”.
L’auteur précise également l’existence de quatre différents types de dépendance :
– la dépendance institutionnelle liée au statut social et à la compétence,
12
– la dépendance instrumentale liée à la satisfaction du besoin des autres,
– la dépendance d’effet en rapport aux problèmes de personnalité,
– la dépendance d’information liée à la nécessité de s’adapter à l’environnement.
La réticence aux changements au sein du groupe est ensuite traitée et on apprend qu’il est beaucoup
plus facile de changer la norme du groupe que celle de ses participants isolément. De plus, le changement apparaı̂t comme créateur de réactions d’opposition au sein du groupe.
L’apprentissage est également beaucoup plus facile pour les nouveaux entrants dans un groupe par
rapport aux membres du groupe les plus anciens. Il semble nécessaire de “préparer le changement
par une discussion en groupe et évoquer les besoins et les conditions de sa mise en place, ainsi la
frustration chez les participants sera moindre que si le changement avait été imposé”.
La créativité est également évoquée par les deux auteurs, celle-ci est définie comme “une aptitude
particulière de l’esprit qui lui permet de réaliser soit des découvertes soit des inventions”. Plusieurs
formes de créativité sont également mentionnées dans l’ouvrage comme la créativité expressive (artistique) par exemple ou encore la créativité constructive (création de structures).
Les différents rôles et les attitudes dans les groupes restreints sont également étudiés. Il existerait
une interdépendance entre les rôles au sein d’un groupe. En effet, il n’existerait pas de dirigeants sans
dirigés, d’où l’émergence d’une notion de contre rôle. Les auteurs nous précisent également que les
rôles en rapport avec la recherche de la satisfaction des besoins individuels sont des obstacles à la
progression et à l’entretien du groupe dans son ensemble. On apprend également, en ce qui concerne
le leader, qu’il perçoit les besoins du groupe et qu’il s’efforce de les satisfaire, ainsi toute action centrée
sur le maintien de la cohésion du groupe doit être perçue comme un acte de leadership. Le chef institutionnel peut également avoir des rôles de progression et d’entretien. En ce qui concerne les rôles de
progression, il peut par exemple être amené à clarifier les objectifs, à analyser les difficultés ou encore
à formuler les normes acceptées. Les rôles d’entretien font référence à la participation dans le groupe :
le chef peut ainsi concilier, encourager, informer, former ou encore faire prendre conscience des délais
à respecter.
A partir des travaux de F. Redl, les deux auteurs évoquent également les “émotions de groupe”.
Ils distinguent ainsi deux types d’émotions : constitutives et secondaires. Les émotions constitutives
ont un rôle fondamental dans le processus de formation d’un groupe, les émotions secondaires sont
quant à elles éprouvées et développées à partir du processus de formation du groupe.
Toujours à partir des travaux de Redl, sont énumérés dans cette partie les différents facteurs de “contagion”. Il s’agit de la propagation d’un comportement d’une personne à une autre ou à un groupe tout
entier, la contagion peut toutefois être positive ou négative. Parmi les principaux facteurs de contagion
on relève notamment la taille de la structure ou le schéma d’organisation ou encore l’atmosphère du
groupe qui joue un rôle important par exemple.
« L’effet choc » est également traité dans l’ouvrage on y apprend ainsi qu’il s’agit de l’incapacité
pour un individu de supporter l’influence exercée sur lui par le groupe.
13
5
Eléments de dynamique des groupes comparée
Dans ce chapitre, les deux auteurs nous informent de l’importance de l’âge dans la psychologie
des groupes. La culture ainsi que la position par rapport aux normes et aux règles sociales exercent
également une influence sur les membres du groupe. Anzieu analyse successivement dans cette partie
les caractéristiques des groupes animaux et asociaux et s’attarde sur la notion « d’agressivité intérieure
au groupe ». Il fait ressortir trois circonstances génératrices d’agressivité :
– la première est quand le chef dirige sans consulter les membres du groupe et sans leur fournir
d’explications suffisantes,
– la seconde est quand les différents participants ne cherchent pas suffisamment à se faire entendre
les uns des autres,
– la dernière, lorsque le groupe n’arrive pas atteindre les différents objectifs imposés, lorsqu’il
n’arrive pas à réaliser les tâches souhaitées par exemple.
6
6.1
Applications aux milieux professionnels
Les groupes de négociation
Les recherches sur les relations intergroupes ont porté surtout sur les situations de compétition et
de négociation. La méthode des jeux d’entreprises se passe à plusieurs étapes, cette méthode constitue
l’apport original du style Bethel à la formation des adultes. Dans les sociétés modernes industrialisées,
la négociation entre les groupes économiques et sociaux occupe une part de plus en plus importante
et décisive. Ce phénomène a fait l’objet de descriptions romanesques, et d’études scientifiques.
6.2
La formation des adultes en groupe
Les sociétés modernes les plus évoluées effectuent une nouvelle révolution industrielle qui réclame
aux hommes d’aujourd’hui et surtout de demain des attitudes nouvelles. Pour s’adapter à une société
en évolution rapide, les gens devaient devenir un étudiant permanent, c’est à dire continuer d’apprendre. Une gamme variée de méthodes de formation en groupe pour adultes se propose d’entraı̂ner
ceux-ci aux dispositions d’esprit et aux rôles requis par l’évolution des sociétés industrialisées, tout en
accroissant les capacités intellectuelles et techniques et la valeur humaine et sociale des individus. Le
succès de la dynamique des groupes a été rapide et considérable dans ce domaine. Ses méthodes se
sont vite imposées pour la formation aux relations humaines dans l’industrie et le commerce et dans
l’hygiène sociale.
6.3
L’intervention par le groupe dans les organisations
Dans ce monde moderne en changement rapide, les résistances à l’intervention deviennent socialement dangereuses et la dynamique des groupes apparaı̂t comme une technique démocratique possible
du changement social. Dans une entreprise, la constitution de petits groupes à échanges internes
semble être un des meilleurs moyens de faire évoluer par l’intérieur toute l’organisation. L’expérience
de la vie et de la conduite des groupes constitue la meilleure voie pour être introduit à leur science.
14
6.4
L’analyse transitionnelle
En 1953, Winnicott, le psychanalyste anglais découvre les phénomènes, les objets et l’aire transitionnels en montrant l’exemple de la médiation que la mère établit entre les besoins corporels et
psychiques de l’enfant d’une part, et le milieu physique et social d’autre part. Winnicott n’a parlé que
de phénomènes, d’objets et d’aire transitionnels et il n’en a traité que chez l’enfant. C’est René Kaes
qui a élargi la découverte winnicottienne aux adultes, aux groupes, aux institutions en la dénommant
en 1977 : « analyse transitionnelle ».
En psychanalyse individuelle, l’analyse transitionnelle consiste en des aménagements particuliers du
cadre psychanalytique, de ses variables temporelles et spatiales, de certaines des règles qui le constituent, des attitudes intérieures du psychanalyste, de la stratégie de ses interventions, des références
théoriques qui les garantissent.
L’analyse transitionnelle est requise quand un patient, un groupe, une institution ont à aborder une
rupture importante et qu’ils se sentent menacés de la vivre sous forme d’un effondrement. L’analyse
transitionnelle consiste à trouver ce cadre et à y exercer ces fonctions, de telle façon que l’illusion
créatrice, l’espace potentiel, puissent être ré-expérimentés. Elle se trouve particulièrement indiquée
quand il s’agit de démêler les intrications des conflits intergroupes et intragroupe avec les conflits
internes aux individus et ceux internes à une organisation sociale donnée.
7
Les psychothérapies de groupe
Dans le 9ème chapitre, l’auteur étudie les différentes psychothérapies de groupe.
7.1
La sociothérapie
Des thérapies occupationnelles et des activités sociales amènent une réforme aux psychothérapies
de groupe. Celles-ci nécessitent l’adhésion des malades mentaux afin de dissiper les résistances et les
émois collectifs ainsi que la sensibilisation de chacun à la perception intuitive d’autrui. Il faut mettre
la personnalité des travailleurs médicaux en avant par rapport aux techniques corrélatives, et bien distinguer la maladie à l’institution de celles aux individus par le biais de l’appellation de psychothérapie
institutionnelle. Mais à cause du risque de provoquer une inflammation aiguë de l’épiderme social,
quelques psychanalystes se sont essayés à la rigueur psychanalytique, et la méthode de l’“analyse
transitionnelle” peut servir d’outil pour orienter l’étude.
7.2
Le groupe-analyse
Le groupe-analyse de S.H. Foulkes repose sur l’idée d’une “résonance” inconsciente entre les
membres du groupe et le conseil de comprendre les phénomènes de groupe dans l’“ici et maintenant”. Ezriel a défini une situation de groupe intégralement psychanalytique : 2 ou 3 fois par semaine,
8 sujets sont réunis autour de l’analyste pendant une heure durant laquelle les participants parlent à
leur aise. S’ils se rencontrent en dehors des séances, il leur ai demandé d’en faire part et de raconter ce
qu’ils ont dit et fait ensemble lors de la séance suivante. Lorsque le traitement commence, les rencontres
entre les malades hors séances sont généralement proscrits. L’analyste donne des interprétations sur
l’attitude actuelle du groupe lors des séances : interprétations “ici et maintenant”.
Ezriel s’est arrêté à l’hypothèse des relations d’objet (hypothèse psychanalytique). Ayant besoin de
trouver une solution aux conflits inconscients non résolus en détruisant la tension, les attitudes et
les pensées d’un patient éprouvées pendant une séance d’analyse individuelle sont considérées comme
15
étant le désir d’établir des relations d’objet particulières avec l’analyste dans le hic et nunc du traitement. Ce transfert s’établit entre, au minimum, deux individus rencontrés.
Foulkes a organisé la formation des groupe-analystes (analystes travaillant sur les psychothérapies de
groupe) ainsi que les échanges scientifiques entre eux en discutant des problèmes en Angleterre et en
Europe. De plus, la groupe-analyse est étudiée par quelques chercheurs dans d’autres pays et discutée
au cours de plusieurs colloques.
7.3
Les groupes d’enfants par des activités
Slavson traite les enfants patients avec la psychothérapie de groupe selon leur tranche d’âge. Pour
les enfants d’âge préscolaire, il est commun d’utiliser une orientation psychanalytique des jeux au
jardin d’enfants en ajoutant le traitement des mères en groupes de discussion ; pour les enfants dans
la période de latence, il convient d’avoir recours à des activités matérielles ; pour les adolescents,
aptes à la verbalisation, l’utilisation d’entretiens est préférable. Slavson a aussi tenté de décrire les
différences fondamentales entre la psychanalyse individuelle et celle de groupe : les membres du groupe
se préoccupent des autres au lieu de soi-même.
Considérant les caractères des enfants et des adolescents, le psychodrame inventé par J.-L. Moreno
a subit de petits changements pour s’adapter à l’évolution de la psychanalyse en France. Le but est
d’aider les enfants à exprimer leur vie pulsionnelle et à mentaliser leurs conflits.
7.4
Les thérapies familiales
Avec le principe : “lorsqu’un membre est mentalement malade, c’est le groupe familial tout entier
qui doit être traité”, les thérapies familiales se divisent en 2 grandes orientations : systémique et psychanalytique.
La première réunit la famille malade pour un nombre de séances limité, fixé à l’avance. Cette orientation met à jour les paradoxes scientifiques de cette famille et recourt à la technique du contre-paradoxe.
La deuxième reconnaı̂t la spécificité et le caractère pathogène de la communication paradoxale mais
abandonne la technique du contre-paradoxe.
7.5
L’analyse transactionnelle
L’analyse transactionnelle diffusée par le psychiatre-psychanalyste E. Berne formule que la personnalité est constituée simultanément par 3 “réalités phénoménologiques” : parent, adulte et enfant.
Selon l’origine du stimulus (S) chez l’Agent (Ag) et celle de la réponse (R) chez le Réagissant (Rg), il
existe deux types de transactions simples (unités de rapport social) : complémentaires ou croisées.
Fig. 1: Exemples de transactions simples
16
7.6
Les nouvelles thérapies
Les “nouvelles thérapies” se sont développées dans un rapport ambivalent avec la psychanalyse.
La bioénergie propose un travail sur les tensions, les zones de blocage et la respiration ; la Gestaltthérapie de Fritz Perls implique que nous sommes “morcelés”, “divisés” par des conflits intérieurs et
nous refusons d’accepter des parties de notre corps et des parties de notre personnalité ; les groupes
de rencontre mettent au contraire l’accent sur l’importance de la vie émotionnelle dans les relations
des individus entre eux et en groupe.
Le renouvellement des méthodes de groupe se traduit par celui des formes, des contenus et des buts.
– Le renouvellement des formes a pour objectif de surmonter plus rapidement les seuils de résistance
psychologique et de déclencher plus sûrement des mutations d’attitudes grâce à l’effet cumulatif : les groupes restreints de 8 à 10 personnes à l’origine fermés se transforme aux groupes
de 30 à 60 participants peu à peu ouverts ; une réunion de longue durée des groupes-marathon
remplacent les séances espacées ; on introduit aussi une série intensive de séances ; les séminaires
de formation se déroulent plus librement et indépendamment.
– Le renouvellement des contenus consiste à permettre aux individus de se réapproprier leur corps,
leurs sens, ainsi que toutes les choses négligées par la civilisation industrielle et par une éducation
privilégiant excessivement le langage. L’expression de soi, la créativité et la mobilisation des
images du corps occupent la place de la formation aux “relations humaines”.
– Quant au renouvellement des buts, la distinction classique entre groupes artificiels ou occasionnels et groupes naturels ou réels est remise en question. De plus, la confusion du politique
et du psychologique se trouve pratiquée. Dernièrement, le groupe est parfois identifié à une
communauté de vie totale. Cette tendance appelle 3 remarques :
* un courant anti-scientifique oeuvré par des chercheurs amène le développement anarchique
des expériences et des activités de groupe,
* toute méthode de formation connaı̂t une certaine usure,
* le groupe constitue une puissante surface projective des pulsions non satisfaites, des angoisses
archaı̈ques, des désirs interdits.
7.7
Du groupe à la communauté
Le mouvement “C.O.R.I” (confiance, ouverture, réalisation, interdépendance) est élaboré par Jack
GIBB vers 1960. Ce mouvement exerce une importante influence aux Etats-Unis dans le cadre des
entreprises et de la vie sociale tout au cours de son développement. Il est remarqué par ses trois
caractéristiques :
– “l’éclectisme théorique et technique” : il y a plusieurs méthodes selon différents chercheurs mais
toutes ces méthodes repose sur l’idée directrice dont les mots clés sont la confiance réciproque
et le dépassement des peurs,
– “la disparition du leadership et de l’organisation” : les membres de groupe C.O.R.I se réunissent
spontanément sans aucune information sauf au sujet du lieu adéquat prévu,
– “le passage du groupe informel et éphémère à la communauté durable de travail et de vie” :
le processus de C.O.R.I permet aux intéressés de trouver des partenaires pour créer une communauté solide. Mais nos pulsions apparentes et notre inconsient limitent l’utilisation de cette
methode.
17
8
Discussion
Malgré la datation des premiers travaux (début du siècle dernier) on considère la dynamique
des groupes restreints comme une discipline actuelle et nouvelle avec des applications multiples et
généralisées.
Le périmètre d’étude de ce livre englobe la sociologie et la psychologie individuelle. Cet ouvrage
est bien structuré : les auteurs nous présentent l’historique, les théories et les méthodes en donnant
des définitions et des explications assez précises. Ensuite, ils étudient des phénomènes de groupes,
qui conduit à la dernière partie : les domaines d’application. Ce processus très logique (théorie phénomène - application) ainsi que l’emploi de différents exemples facilite la compréhension et permet de cerner assez vite les phénomènes émotionnels et sociaux qui peuvent déterminer l’orientation
des participants et du groupe dans son ensemble. De plus, quelques schémas illustrent les concepts
développés afin de visualiser des parties pouvant être parfois un peu obscures.
Il faut toutefois souligner un petit souci : l’utilisation de nombreux termes techniques et de phrases
complexes dans leur construction tend à accentuer la difficulté (qui nous semble déjà élevée pour les
francophones sans être impossible à surmonter...) de lecture et donc la compréhension pour les non
francophones.
Dans la littérature, les thématiques souvent traitées par les chercheurs dans le cadre de la psychologie
des groupes restreints mènent au développement et au renforcement dans les organisations (groupes
secondaires) :
– “Du management de proximité”2 . Dans cet oeuvre, des « rôles-types » d’encadrement y sont
modélisés tels que : le responsable d’encadrement d’activité, l’assistant auprès du responsable
d’activité, l’animateur par objectifs,
– “Des techniques de coaching individuel et d’équipe”3 . Le coaching viserait à améliorer la communication, à encourager la créativité et le changement, à faire émerger les nouveaux talents.
Ainsi, l’organisation voit s’améliorer les conditions de son fonctionnement grâce à des équipes
(groupes restreints) plus solidaires.
– “De la gestion des difficultés relationnelles dans le management de projets”4 . Cette gestion se
définit grâce à une cartographie qui identifie les acteurs moteurs du changement : la “sociodynamique”.
– “De groupes d’étude du comportement d’achat : le pourquoi des décisions d’achat”. Il s’avère que
les décisions d’achat sont influencées par des facteurs socioculturels, psychosociaux, personnels
et psychologiques (groupe d’appartenance, groupe de référence) - cf cours de Marketing
Pour rester dans le domaine des organisation, on peut citer les normes (pression implicite du groupe
vers la conformité) qui jouent un rôle dans la gestion des hommes (les Ressources Humaines). On peut
dès lors justifier la présence de psychologues dans les processus de recrutements : sonder la personna2
Anne-Marie Letondal, L’encadrement de proximité, Quels rôles dans les changements d’organisation ? Editions de
l’ANCT, 1997
3
Pierre Longin, Coachez votre équipe, Dunod, Paris, 1998
4
Olivier D’Herbemont, Bruno César, La stratégie du projet latéral, Dunod, Paris,1998
18
lité d’un candidat afin de maximiser son adéquation avec le contexte organisationnel (profil du groupe
à intégrer) à travers les tests d’intelligence, de personnalité, d’aptitudes, épreuves de connaissances,
etc. Il est souvent dit que le groupe facilite l’adhésion ; on notera qu’on préfère toutefois limiter le
risque d’échec !
Il n’y a pas qu’au sein des organisations où les recherches sont illustrées. On peut prendre pour
exemple les groupes d’entraide : des individus viennent partager une information et/ou une expérience
qui pourront aider d’autres à résoudre leurs problèmes.
Nous aimerions terminer en faisant le lien entre la psychologie de groupe et la formation à distance.
La formation à distance est le plus souvent usité par les étudiants (ou professionnels) qui ne peuvent
pas fréquenter les universités ou autres centres de formation : maladies, problèmes physiques, lieux
d’habitation, travail en parallèle... Les étudiants reçoivent par fax, courrier et/ou courriel leur travail
et bénéficient d’un tutorat. On note néanmoins que des regroupements peuvent s’opérer pour les travaux pratiques. Ici, les étudiants peuvent communiquer entre eux par le biais du “forum”.
La différence observée entre la méthode classique d’enseignement dans lequel nous sommes et le “elearning”, est que l’un envisage le contact en groupe (restreint ou large) alors que l’autre pas du tout
(liaison Internet ou Intranet depuis un micro-ordinateur).
Ce parallèle avec la formation permet de mettre en perspective l’un des postulats de départ à savoir que le groupe permet d’établir un lien entre les occupations personnelles et les activités sociales.
Par exemple, pour le salarié qui souhaite approfondir ses connaissances, cette méthode peut être
intéressante afin de concilier son emploi du temps professionnel et “scolaire”. Mais pour l’étudiant
n’ayant pas de revenu pour financer ses étude et devant travailler à plein temps, ce type de formation
engendre un isolement de la personne qui doit bien souvent travailler la journée et “bachoter” la nuit.
On peut affirmer que généralement, la formation à distance favorise la plupart du temps la séparation
de l’individu de la société.
Il peut être ironiquement intéressant de souligner que le “e-learning” est promu par le Ministère
des affaires sociales, du travail et de la solidarité pour faciliter l’insertion des personnes handicapées...
19
Annexe 1
Fig. 2: Classification des groupes humains
Annexe 2
Fig. 3: Schéma de classification des groupes d’après leur taille
20
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