analyse morphologique de l’appareil valvulaire mitral
est aujourd’hui facilitée par l’échocardiographie trans-
œsophagienne (ETO), technique complémentaire de
l’échocardiographie transthoracique (ETT).
L’intérêt de ces techniques est lié au développement de la chi-
rurgie reconstructrice de la valvule mitrale, en particulier dans
l’insuffisance mitrale (IM).
Nous envisagerons successivement :
un rappel de l’anatomie et de la physiologie de l’appareil val-
vulaire mitral,
l’exploration échocardiographique de la valvule mitrale,
l’application à l’exploration d’une insuffisance mitrale.
RAPPEL DANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE DE LA VALVULE
MITRALE
Anatomie de la valvule mitrale
(1)
Il s’agit d’une véritable unité fonctionnelle, constituée d’un
anneau, de deux valves et d’un appareil sous-valvulaire (cordages,
piliers) (figure 1).
Anneau mitral
Le mérite des travaux de Levine (2) est d’avoir montré, en écho-
cardiographie tridimensionnelle, que l’anneau mitral est en fait
une ellipse en forme de selle (figure 2). La partie creuse de la
selle correspond aux zones commissurales en regard des piliers
ventriculaires. Les portions les plus proches de l’oreillette gauche
correspondent aux parties médianes des valves mitrales, anté-
rieure et postérieure.
Le plus grand diamètre de l’anneau mitral est de 36,8 ± 3,9 mm,
le plus petit de 22,7 ± 5,4 mm.
La partie de l’anneau mitral en relation directe avec l’aorte par
le trigone fibreux aorto-mitral est rigide ; par contre, les autres
segments de l’anneau se contractent en systole (figure 3), et peu-
vent participer à la dilatation annulaire.
Analyse morphologique de la valvule mitrale
par échocardiographie
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
27
DOSSIER
R. Roudaut*
*Hôpital cardiologique, CHU de Bordeaux, Pessac.
L’analyse morphologique de la valvule mitrale est un
temps essentiel de l’exploration échocardiographique, au
même titre que la quantification de la dysfonction.
Les approches échocardiographiques transthoracique et
transœsophagienne sont complémentaires, afin d’apporter
au chirurgien un maximum d’informations sur les différents
constituants de l’appareil mitral.
L’intérêt de ces techniques est lié au développement de la
chirurgie reconstructrice de la valvule mitrale.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
L
Figure 1.
Représentation schématique
des différents constituants
de l’appareil valvulaire mitral.
Figure 2. Aspect en selle de l’anneau mitral.
Figure 3.
Anneau mitral (M).
La zone fibreuse du triangle
aorto-mitral est rigide,
alors que les autres portions
sont contractiles.
La valvule mitrale est constituée de deux valves
Il s’agit de :
la valve antérieure ou “grande valve”, caractérisée par une base
d’insertion de 32 mm et une hauteur de l’ordre de 23 mm,
la “petite valve mitrale”, ou encore valve postérieure, dont l’in-
sertion est plus longue que celle de la valve antérieure (de l’ordre
de 55 mm) ; sa hauteur n’est en revanche que d’environ 10 mm.
La petite valve est constituée de trois festons : le feston médian
(hauteur : 11 ± 0,7 mm), le feston antéro-latéral (hauteur :
9±1mm) et le feston postéro-médian (hauteur : 10 ± 1,2 mm).
La face auriculaire de l’extrémité libre des valves est constituée
d’une zone rugueuse, d’apposition des valves en systole (de 5 à
10 mm), véritable zone d’affrontement.
Cordages mitraux et muscles papillaires
Ces cordages sont très nombreux. Il existe des cordages valvu-
laires et des cordages intervalvulaires ou commissuraux. Au
niveau de la valve mitrale antérieure, il s’agit surtout des cordages
de troisième ordre, qui s’insèrent avec bord libre et qui laissent
libre la chambre de chasse du ventricule gauche. En revanche, la
petite valve est amarrée par des cordages de troisième, deuxième
et premier ordres, respectivement bord adhérent, partie moyenne
du corps valvulaire et base. Ces cordages sont issus des piliers
mitraux, chaque pilier prenant en charge les deux hémivalves cor-
respondantes (muscle papillaire postéro-médian = hémivalve
postéro-médiane, muscle papillaire antéro-latéral = hémivalve
antéro-latérale).
Physiologie de l’appareil valvulaire mitral
L’appareil valvulaire mitral est une véritable unité fonctionnelle
qui subit des variations tout au long du cycle cardiaque : en sys-
tole, l’anneau mitral se contracte sur lui-même et est attiré vers
la pointe du cœur du fait de la contraction ventriculaire. Les valves
mitrales se ferment par apposition de leur extrémité libre au niveau
de la zone rugueuse. Le point de coaptation des valves mitrales
se situe dans le ventricule gauche, en avant du plan de l’anneau
mitral.
Rapports anatomiques de la valve mitrale
L’anneau mitral oblong est en rapport direct avec l’anneau aor-
tique, l’auricule gauche, la croix du cœur et la jonction VG-OG
(figure 4).
L’orientation générale de l’appareil mitral au niveau du cœur
gauche suit un axe oblique, d’une commissure à l’autre. La com-
missure externe est en situation antéro-latérale (sous l’auricule
gauche) et la commissure interne en situation postéro-médiane
(en regard du muscle papillaire correspondant).
En systole, l’appareil valvulaire mitral, contracté, laisse parfai-
tement libre toute la voie d’éjection du ventricule gauche.
L’abord chirurgical de la valvule mitrale se faisant par l’oreillette
gauche, le chirurgien découvre avant tout la face auriculaire de
l’anneau et des valves mitrales, et les structures avoisinantes déjà
citées : aorte en haut et à droite, auricule gauche en haut et à
gauche.
EXPLORATION ÉCHOCARDIOGRAPHIQUE DE LA VALVULE
MITRALE
ETT et ETO sont tout à fait complémentaires pour une étude fine
de l’appareil valvulaire mitral (3).
Incidences en ETT
L’ETT, par ses différentes incidences (parasternale, apicale, sous-
costale), permet d’explorer les différents éléments de l’unité fonc-
tionnelle : anneau, valves, cordages, piliers.
Le diamètre transversal de l’anneau peut être mesuré en diastole
en parasternal grand axe (entre la partie postérieure de l’anneau
aortique et la jonction VG-OG). Le diamètre longitudinal est
quant à lui accessible en incidence apicale des quatre cavités (du
bord septal au bord latéral) (figure 5).
La longueur de la valve mitrale antérieure est au mieux mesurée
en incidence parasternale coupe grand axe, de la racine de l’aorte
à l’extrémité de la grande valve. Le rapport diamètre transversal
de l’anneau sur longueur de la valve antérieure mesuré en inci-
dence parasternale grand axe est, chez le sujet normal, toujours
compris entre 1 et 1,2. Un rapport supérieur à 1,3 témoigne d’une
dilatation de l’anneau mitral.
Pour compléter l’étude morphologique de la valvule mitrale, sou-
lignons l’intérêt d’en mesurer l’épaisseur au tiers distal. Une valve
normale mesure moins de 3 mm.
Il est intéressant également de mesurer la longueur des cordages
et la distance muscle papillaire-anneau mitral en systole.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
28
DOSSIER
Figure 4.
Vue schématique
de la valve mitrale
et des structures
avoisinantes.
M : mitrale ;
AO : aorte ;
AP : artère pulmonaire ;
T : tricuspide ;
AUR : auricule gauche.
Figure 5. ETT : incidence parasternale grand axe, mesures de l’anneau
mitral et de la valve mitrale antérieure.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
29
Enfin, compte tenu de la morphologie “en selle” de l’anneau
mitral, il ne faut plus rechercher le prolapsus en incidence
quatre cavités du fait du risque de faux positif. Par contre, en inci-
dence parasternale grand axe, on parle de prolapsus si le point de
coaptation des valves est déplacé au niveau ou en arrière du plan
de l’anneau, et si le corps valvulaire ballonise dans l’oreillette
gauche.
Incidences en ETO
En échocardiographie transœsophagienne, il faut souligner la
complémentarité des incidences transgastriques et rétro-œso-
phagiennes basses (4, 5, 6).
L’incidence transgastrique permet, dans un premier temps,
d’obtenir une coupe petit axe du VG passant par les muscles papil-
laires. Grâce aux sondes multiplan, on peut se mettre dans un
plan perpendiculaire au plan transversal 0° et obtenir ainsi une
coupe longitudinale du ventricule gauche qui passe au niveau des
feuillets mitraux, des cordages et des muscles papillaires. Le
muscle papillaire postéro-médian, le plus proche du capteur,
apparaît en haut de l’écran. Cette incidence permet également
de mesurer la longueur des cordages et la distance pilier-anneau
pour chaque pilier (figure 6). Cette mesure est surtout utile si des
néocordages en Gore-Tex®doivent être utilisés.
L’incidence transœsophagienne basse permet de faire des
coupes du cœur transversales, longitudinales et obliques, et donc
de “tourner” autour de la valvule.
La coupe 0° (figures 7 et 7’) prend en enfilade l’oreillette gauche
au niveau des veines pulmonaires, les anneaux mitral et tricus-
pide au niveau de la croix du cœur et le ventricule gauche. Compte
tenu de la position anatomique de la valvule mitrale, le faisceau
ultrasonore coupe les valves antérieure et postérieure dans un
plan assez haut, proche de la commissure antéro-latérale.
Le plan longitudinal 90° coupe la valvule dans un plan très proche
de la commissure postéro-médiane.
Le plan 45° (figure 8) passe par les deux commissures et l’auri-
cule gauche.
Enfin, le plan oblique 130-145° (figures 9 et 9’) passe par la
mitrale et la racine de l’aorte, explorant les parties médianes des
valves antérieure et postérieure.
DOSSIER
Figure 6. ETO : incidence transgastrique 90°, mesure des cordages
mitraux.
Figure 7’. ETO plan 0°.
Figure 7. Représentation schématique des segments de la mitrale étudiés
en ETO dans le plan 0°.
Figure 8. ETO : représentation schématique des segments de la mitrale
explorés dans le plan 45°.
Figure 9. ETO : représentation schématique des segments de la mitrale
explorés dans le plan 130°.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
30
Une segmentation de la valve mitrale a été proposée pour facili-
ter le langage entre médecins et chirurgiens. On appelle par
convention (figures 10 et 10’) :
–segments antéro-latéraux :A1 pour la valve antérieure, P1 pour
la valve postérieure ;
–segments médians : A2 pour la valve antérieure, P2 pour la
valve postérieure ;
–segments postéro-médians : A3 pour la valve antérieure, P3
pour la valve postérieure ;
commissures : C1 pour la commissure externe, C2 pour la com-
missure interne.
APPLICATIONS À L’EXPLORATION D’UNE INSUFFISANCE
MITRALE
L’analyse précise d’une insuffisance mitrale est basée sur la mor-
phologie de la valve et l’étude du jet d’insuffisance mitrale au
doppler couleur (7, 8, 9, 10).
Analyse morphologique de la valve
Cette analyse permet de reconnaître un amincissement (dégéné-
rescence fibroélastique), un épaississement (dégénérescence
myxoïde), des calcifications, des ruptures de cordage...
Les critères de définition du prolapsus mitral, ou maladie de Bar-
low, sont : le recul du point de coaptation de la valve, la balloni-
sation du corps valvulaire et la dégénérescence myxoïde. Excep-
tionnellement, le corps d’une valve peut balloniser sans recul du
point de coaptation ; on parlera alors de ballonisation.
Enfin, l’aspect de rupture de cordage est tout à fait caractéris-
tique, du fait du capotage de l’extrémité valvulaire dans l’OG en
systole. Cette rupture de cordage peut survenir sur des terrains
très variés : maladie de Barlow, valve fibrodysplasique ou car-
diopathie ischémique.
La classification des insuffisances mitrales proposée par Car-
pentier(figure 11) a l’avantage d’être extrêmement claire et pré-
cise. Elle est aussi extrêmement importante, en particulier lorsque
l’on envisage une sanction chirurgicale.
Il existe trois types d’insuffisance mitrale :
l’insuffisance mitrale de type I : caractérisée par des mouve-
ments valvulaires normaux mais une dilatation de l’anneau ou
d’autres lésions à type de perforation ou de fente,
l’insuffisance mitrale de type II : caractérisée par un aspect de
prolapsus valvulaire, avec rupture ou non de cordage,
l’insuffisance mitrale de type III : caractérisée par une limita-
DOSSIER
Figure 9’. ETO plan oblique 145°.
Figure 10. Représentation schématique des segments de la mitrale.
AO : aorte ; AG : auricule gauche.
Figure 10’. Représentation schématique de l’analyse par ETO des 6 seg-
ments de la mitrale.
En résumé
Nous étudions en ETO :
- dans le plan 0°, les segments A1, P1 ;
- dans le plan 45°, les commissures C1, C2 ;
- dans le plan 90°, les segments A3, P3 ;
- dans le plan 130-145°, les segments A2, P2.
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
31
tion, une restriction des mouvements valvulaires. Elle reconnaît
deux causes essentielles : rhumatismale par épaississement ou
par fusion commissurale, ou ischémique par rétraction d’un
muscle papillaire, en particulier de la petite valve mitrale en cas
d’infarctus de la paroi inférieure du VG.
Analyse des jets d’IM
(figure 12)
Après ces considérations morphologiques, soulignons l’impor-
tance dans l’analyse du jet de l’insuffisance mitrale. Lorsque le
jet est central, le mécanisme est avant tout une dilatation de l’an-
neau.
En matière de prolapsus, lorsque le jet est excentré vers le plan-
cher de l’OG, c’est essentiellement un jet dit de type grande valve,
par prolapsus de la grande valve. À l’inverse, lorsque le jet est
dirigé vers le toit de l’oreillette gauche, il s’agit d’un prolapsus
de la petite valve.
Enfin, dans les IM “restrictives”, le jet se fait du côté de la valve
atteinte : ainsi, une dysfonction du muscle papillaire postéro-
médian est associée à une restriction de mouvement de la petite
valve et à un jet orienté vers le plancher de l’OG.
AU TOTAL
L’échocardiographie dans ses différentes modalités permet de nos
jours une étude extrêmement précise de la valvule mitrale. Ces
techniques sont tout à fait complémentaires dans le bilan pré-
opératoire d’une IM.
L’ETO peropératoire est d’une aide certaine pour le chirurgien
après un geste de plastie (12, 13).
L’avenir est certainement à l’exploration tridimensionnelle, qui
a l’immense avantage de permettre une meilleure visualisation
dans l’espace et par rapport aux structures avoisinantes et une
meilleure communication avec les chirurgiens.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Loire R. Les formes anatomiques de l’insuffisance mitrale. Ann Radiol 1981 ;
24 : 305-9.
DOSSIER
Figure 11. Classification de l’IM selon Carpentier.
Figure 12. Représentation schématique de la trajectoire du jet d’IM selon
le mécanisme de l’IM : 1. IM centrale (type I). 2. IM excentrée par pro-
lapsus de la valve antérieure (type II). 3. IM excentrée par prolapsus de
la valve postérieure (type II). 4. IM restrictive type III, de type ischémique
(nécrose inférieure).
En pratique
Une analyse complète de la valvule mitrale doit étudier :
l’anneau mitral – diamètre, calcification ?
–texture : normale, épaisseur,
calcification,
les valves – jeu : normal, prolapsus, restriction,
autres lésions : fente, perforation,
végétation...
cordages (dimensions, aspect :
l’appareil normal, élongation, rupture...),
sous-valvulaire – muscles papillaires (normaux,
rupture, fibrose),
le jet de l’IM direction, extension, taille.
Ces éléments sont pris en compte dans l’évaluation
de la sévérité et de la tactique opératoire éventuelle.
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