
plus large à jouer.  Le philosophe doit  donc 
s’employer à plus de clarté dans  les débats 
biopolitiques  qui agitent les  esprits  de nos 
contemporains.  Même  si  la discussion 
publique  a toujours  été  une préoccupation 
majeure pour  Habermas, il  reste  que  son 
infléchissement  vers  des questions de la 
génétique est récent, comme le sujet lui-même.
On se  rappellera  que  dans les années 
1970, la pensée de  Habermas s’intéressait 
beaucoup  aux  questions relatives  à  la 
philosophie  théorique, en  particulier  à  la 
pragmatique formelle et aux théories  de la 
vérité. Depuis les  années  1980,  elle  s’est 
tournée  vers  la  philosophie  pratique. 
L’essentiel de son ceuvre, dans ces dernières 
années,  sera  consacré  aux  thèmes  se 
rapportant au jugement moral et à 1’ agir dans 
1’uni vers  postmétaphysique. Les  multiples 
contextes socio-politiques de ces années ont, 
sans doute, été à la base de ce changement 
de cap.  II  écrira plusieurs  ouvrages  durant 
cette  période  dont:  Théorie  de  Vagir 
communicationnel en  1981; Morale  et 
communication en  1983,  Ecrits politiques 
en  1985;  De Véthique  de  la discussion  en 
1991;  Droit et démocratie.  Entre faits  et 
normes  en  1992.  Ce dernier livre est  à  la 
croisée de deux styles différents de réflexion. 
II  assure  le  passage  de  ses  thèses  en 
philosophie  politique et  morale vers la 
philosophie du  droit.
II faut constater qu’à ses thèses déjà fort 
bien  connues  en  philosophie  morale, 
politique, juridique  et  sur la démocratique 
délibérative, s’ajoute  aujourd’hui, dans  la 
réflexion de Habermas, un véritable essai de 
bioéthique. II reste que cet essai est à prendre 
au  sens  littéral  comme une  tentative  pour 
parvenir à  un  peu  plus de transparence
dans un écheveau d’intuitions quasiment 
inextricable. Les questions empiriques qu’il 
aborde sont d’une grande  complexité  et 
Habermas n’hésite pas à ajouter une note de 
modestie à ses analyses: «Je suis moi-même 
loin de croire être parvenu ne serait-ce qu’à 
la moitié de ce dessein. Mais je ne vois pas 
non  plus d5analyses plus  convaincantes» 
(ANH, p. 39).
Dans cet écheveau d’intuitions, constate 
Habermas,  des  questions  de  plusieurs 
ordres s’enchevêtrent.  On peut nommer, de 
façon  non  exhaustive,  celles de bioéthique 
soulevées  par  les  nouvelles  techniques  de 
reproduction  qui, depuis les  années  1978, 
suscitent  1’intérêt  des  médias  et 1’attention 
du public.  La  recherche  sur  les cellules- 
souches embryonnaires et sur des embryons 
surnuméraires n’a commencé que récemment 
vers les années 1998. Même si c’est depuis 
«1973  que des  chercheurs  sont parvenus à 
séparer et à recombiner des composants d’un 
génome»  (ANH, p.  30),  il  reste que  la 
technique  génétique et  ses  applications  en 
médecine de  la  procréation,  telles  les 
diagnostics prénatal et préimplantatoire, sont 
récentes. Dans la même foulée, le séquençage 
du génome  humain  a  ensuite soulevé  de 
grands espoirs de voir les thérapies géniques 
se  développer  à plus  grande échelle. Ces 
espoirs  s’accompagnent,  sans  doute,  de 
1’intérêt économique pour leur exploitation 
par des compagnies pharmaceutiques. Sur un 
tout autre ordre, la querelle sur les progrès de 
la  neurobiologie et les perspectives  de 
manipulation  des  fonctions  cérébrales,  est 
aussi récente et suscite autant d’espoirs que 
d’inquiétudes.  Car,  1’on ignore la portée et 
les  conséquences  prévisibles  que pourront