Le rôle productif des filets de protection sociale

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Note d’orientation en matière de travail et de protection sociale
Avril 2012 | Numéro 3
Note d’information pour la Stratégie de la Banque mondiale en matière de travail
et de protection sociale (2012–2022)
Le rôle productif des filets de protection sociale
L
a protection sociale a longtemps été considérée comme un
instrument de redistribution des fruits de la croissance
qui favorise l’égalité, et n’est perçue que depuis récemment
comme un système qui, bien conçu, entraîne une augmentation
de la croissance. Le document de référence résumé dans cette
note est la synthèse la plus récente et la plus complète des travaux
consacrés à la question de la contribution de la protection sociale à
la croissance. Il propose un cadre d’analyse pour examiner les liens
entre protection sociale, croissance et productivité, et présente une
analyse des implications pour les politiques sociales.
Selon les données disponibles, tout programme de protection
sociale contribue à la croissance économique à trois niveaux :
macro, méso, et micro. Au niveau macro, la protection sociale a
pour effet d’atténuer l’opposition politique aux réformes induisant
la croissance, et donc d’améliorer les résultats économiques.
Au niveau méso ou de l’économie locale, elle dynamise les
économies locales : augmentation des investissements dans les
actifs, amélioration du fonctionnement du marché du travail et
stimulation de la demande. Au niveau micro ou des ménages,
elle permet aux bénéficiaires des programmes de protection
sociale de compenser les inefficacités des marchés du crédit,
des intrants (engrais) et des assurances. Le schéma ci-dessous
montre comment la protection sociale réduit la pauvreté de
manière directe, grâce à la redistribution des ressources au
bénéfice des couches pauvres et vulnérables de la population et,
de manière indirecte, en favorisant une croissance pro-pauvres.
Les données sur les effets au niveau micro (mise en valeur du
capital humain) en termes d’essor de la productivité et de la
croissance, sont relativement abondantes. Il existe notamment
des données probantes sur les effets des transferts monétaires
conditionnels et des programmes d’alimentation scolaire, ainsi que
Cette note s’inspire des travaux d’Alderman, Harold et Ruslan Yemtsov. 2012.
« Productive Role of Safety Nets ». Document de synthèse portant sur la
protection sociale et la promotion du travail n° 1203. Banque mondiale,
Washington.
Incidence de la protection sociale sur la productivité, la croissance et la réduction de la pauvreté
Filets
de sécurité
Politiques
du marché
du travail
Accès aux
services
Effets
Niveau macro et politique : économie nationale
• Favorise la cohésion sociale et politique, diminue la violence, facilite les réformes
• Développe les marchés des capitaux : les fonds de retraite fournissent des capitaux aux marchés des
actions et des obligations
• Stimule la demande globale : les filets de sécurité permettent des dépenses contracycliques lors des
ralentissements économiques
Niveau local
• Crée des actifs productifs au niveau des populations locales/infrastructures : par ex. travaux publics
• Améliore le fonctionnement du marché du travail, mobilise le surplus de main d’œuvre
• Crée des effets d’entraînement localement : l’accroissement de la demande stimule l’investissement
et la productivité
Niveau des ménages
• Favorise l’accumulation et la préservation des actifs, en permettant d’éviter les ventes en catastrophe
• Valorise l’entrepreneuriat, en réduisant le coût des risques de dégradation de la situation
• Valorise le capital humain et augmente la productivité : inscriptions scolaires, compétences, recul
de la malnutrition
Rend la société plus équitable par le biais de la redistribution
en permettant d’éviter la misère et l’engrenage de la pauvreté
Réduction de la pauvreté
Assurance
Mécanismes
Croissance économique
Instruments
Note d’orientation en matière de travail et de protection sociale
sur l’incidence des interventions en matière de nutrition sur le recul
de la malnutrition. Ces résultats laissent présager un accroissement
des revenus nets à l’avenir. L’accès à la protection sociale peut aussi
influencer les décisions d’investissement des individus en modifiant
les incitations auxquelles ils sont soumis. Ainsi, les transferts
monétaires — conditionnels ou autres — peuvent faciliter la
recherche de travail ou l’achat d’intrants agricoles en temps voulu.
Les transferts peuvent aussi encourager les investissements dans
la santé et l’éducation, pour lesquels il est généralement difficile de
contracter des emprunts.
S’agissant des effets au niveau local et macro, les travaux
publiés sont nettement moins fournis. L’impact des programmes
sur les bénéficiaires peut être évalué avec précision en termes
quantitatifs, mais l’incidence des systèmes de protection sociale
sur l’ensemble de l’économie est mal connue. L’étude d’Alderman
et Yemtsov cite les sources disponibles et suggère que les effets
seraient importants : la contribution à la croissance économique
dépasserait le coût des dépenses publiques au titre de la protection
sociale, sans toutefois égaler les investissements productifs les plus
rentables (voir le tableau ci-dessous). Cette constatation n’est pas
surprenante puisque la fonction première de la protection sociale
est la redistribution des revenus et la réduction de la pauvreté,
et que le seul accroissement de la productivité ne constitue pas
un motif suffisant pour investir dans les systèmes de protection
sociale. En justifiant les dépenses de protection sociale par leur
effet positif sur la croissance, ajouté à celui évident de réduction
de la pauvreté, les partenaires du développement peuvent
mobiliser un plus grand soutien en faveur des programmes
de protection sociale. Cependant, le Groupe indépendant
d’évaluation constate que dans 40 % des programmes nationaux
de la Banque mondiale analysés sur la période 2000–2010,
l’argument d’une augmentation de la croissance n’a pas été évoqué
pour encourager l’adoption de mesures de protection sociale.
La protection sociale peut aussi nuire à la croissance. Certains
effets, tels que les distorsions associées aux impôts prélevés
pour financer les programmes de protection sociale, ne sont pas
Avril 2012 | Numéro 3
spécifiques à ce secteur, mais d’autres le sont : par exemple la
désincitation au travail qu’engendreraient les revenus non gagnés,
ou les contraintes sur la mobilité. Toutefois, peu d’études font part
d’effets négatifs, même dans les économies en développement.
À l’avenir, il faudra constituer une base de données plus solide.
Les gains de croissance générés par certains types d’interventions
peuvent être substantiels. Les avantages d’autres instruments
de protection sociale, notamment ceux qui tentent de corriger
les défaillances du marché de l’assurance et d’aider les petits
producteurs à s’assurer contre le risque, sont en revanche moins
connus. Notre attention doit se porter sur les moyens d’améliorer
ces programmes et de renforcer les éléments productifs des
programmes de transferts existants. La valeur économique
des actifs créés par les programmes de travaux publics, par
exemple, mériterait de faire l’objet d’études spécifiques. De
même, les programmes de développement des modes de
subsistance agricoles pourraient être améliorés en y intégrant
des composantes d’atténuation des risques et de mécanismes
d’assurance ; les programmes de microcrédit et d’inclusion
financière pourraient être ajustés de manière à pallier l’absence de
marchés de l’épargne et des pensions.
En poursuivant ces pistes de recherche, nous espérons sortir
de la logique dans laquelle la protection sociale est envisagée
uniquement comme l’une des deux composantes de l’arbitrage
entre équité et efficience, et en même temps inciter les bailleurs
de fonds et les organismes internationaux à renforcer leur soutien
aux systèmes de protection sociale, en contribuant par ailleurs
à modifier la conception de l’aide et l’élaboration des projets de
développement afin que ceux-ci soient axés sur la poursuite d’une
croissance pro-pauvres et durable. Nous souhaiterions obtenir
une plus grande participation des ministères économiques à la
formulation de stratégies de réformes en matière de protection
sociale, et créer un consensus dans lequel les dépenses de
protection sociale sont considérées comme un investissement
dans l’avenir d’un pays, et non comme une simple subvention.
Estimations de l’effet de la protection sociale sur la croissance : niveaux micro, méso et macro
Pays/Niveau
Programme/Type d’intervention
Méthode
Résultats
Afrique du Sud/
Macro
Gundo Lashu et EPWP/TP
MCS
Des TP à haute intensité de main d’œuvre représentant 0,2 % du PIB
ont accru le PIB de 0,34 %
Bangladesh/
Macro
BRAC/Développement rural
Microcrédit
MCS
Le BRAC a accru le PIB de 1,15 % en 1998 pour un coût de 0,2%
du PIB
Brésil/Méso
Bolsa familia/TMC
Régressions
Une augmentation de 10 % du programme a accru le PIB municipal
de 0,6 %, B/ C=3,5.
Malawi/Méso
Dowa Transferts monétaires
d’urgence (DECT)/TM
MCS simplifiées
Total des effets multiplicateurs du DECT compris entre 2,02 et 2,79.
Chine/Micro
Réduction de la pauvreté dans
le Sud-ouest de la Chine/TM
TRR
TRR = 8,6–9,8 % (borne inférieure).
Mexique/Micro
Oportunidades/TMC
TRR
TRR = 8 % par an (borne inférieure) ; 17 % (borne supérieure)
Source : IEG (2011) pour les effets micro des filets de sécurité, Hodge et al. (2011). Notes : pp — points de pourcentage, TM — transferts monétaires,
TMC — transferts monétaires conditionnels, TRR — taux de rentabilité économique, MCS — matrices de comptabilité sociale, TP — travaux publics.
Les observations, interprétations et conclusions présentées ici n’engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas
Banque mondiale nécessairement les vues de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale
et des institutions qui lui sont affiliées, ni celles de ses Administrateurs ou des pays qu’ils représentent. La Banque
mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans cet ouvrage. Pour de plus amples informations,
veuillez consulter le site www.worldbank.org/sp.
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