VertigO - la revue
électronique en sciences de
l'environnement
Volume 15 Numéro 2 (Septembre 2015)
Temporalités, action environnementale et mobilisations sociales
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Claire Etrillard et Michel Pech
Mesures de compensation écologique:
risques ou opportunités pour le foncier
agricole en France?
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Référence électronique
Claire Etrillard et Michel Pech, «Mesures de compensation écologique: risques ou opportunités pour le foncier
agricole en France?», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume
15 Numéro 2|Septembre 2015, mis en ligne le 05 octobre 2015, consulté le 19 octobre 2015. URL: http://
vertigo.revues.org/16450; DOI: 10.4000/vertigo.16450
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Mesures de compensation écologique: risques ou opportunités pour le foncier agricole en (...) 2
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 15 Numéro 2 | Septembre 2015
Claire Etrillard et Michel Pech
Mesures de compensation écologique:
risques ou opportunités pour le foncier
agricole en France?
Introduction
1Dans un contexte d’urbanisation et d’anthropisation des milieux naturels ordinaires et
remarquables d’une part, et d’un développement économique accéléré d’autre part, il est
devenu nécessaire d’appliquer efficacement les mesures existantes en matière de protection
de la biodiversité. La compensation des impacts écologiques des aménagements fait partie de
ces mesures.
2En France, les mesures de compensation écologique constituent une obligation pour tout
maître d’ouvrage qui mène une opération d’aménagement susceptible de causer des dommages
environnementaux. Cette obligation légale, qui date de la loi sur la protection de la nature
de 1976, constitue la dernière phase du principe dit «ERC» (Eviter, Réduire, Compenser).
Une fois les effets dommageables sur l’environnement évalués, le maître d’ouvrage doit en
effet exposer les mesures envisagées pour compenser les effets négatifs du projet qui n’ont
pu être évités ou suffisamment réduits. Les mesures de compensation que le maître d’ouvrage
propose doivent pouvoir être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité
de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne. Elles doivent théoriquement
annihiler les incidences négatives des projets d’aménagement et si possible améliorer la qualité
des milieux.
3Bien que la compensation écologique existe depuis près de 40 ans, la réalisation effective des
mesures de compensation est longtemps restée aléatoire et difficile à évaluer. Impulsée par le
Grenelle de l’Environnement, la récente réforme de l’étude d’impact a toutefois fait évoluer
la réglementation dans le sens d’une meilleure efficience du mécanisme de la compensation.
De plus, le ministère de l’Environnement, s’inspirant notamment d’exemples étrangers, est
à l’origine d’expérimentations intéressantes sur le territoire national (Caisse des Dépôts et
Consignation [CDC] Biodiversité, expérimentation relative à l’offre de compensation qui a
débuté en 2008), dont les résultats en écologie de la restauration apparaissent d’ores et déjà
plutôt probants.
4L’accès au foncier apparaît comme un enjeu important dans la mise en œuvre de la
compensation écologiquepuisque le foncier est impacté à la fois par les aménagements et
par les ratios de compensation. Dans le contexte actuel de pression foncière sur les espaces
agricoles et naturels, on observe que les aménageurs, qui doivent démontrer la «faisabilité
foncière» des mesures de compensation qu’ils envisagent au moyen de conventions de gestion,
de titres fonciers…, rencontrent parfois des difficultés pour obtenir les surfaces nécessaires à
la compensation (CGDD, 2013).
5L’analyse du contexte règlementaire de la compensation écologique et plus particulièrement
des outils fonciers actuellement mobilisables (première partie), permet d’envisager des pistes
d’amélioration en termes de gouvernance, d’anticipation et de mutualisation des mesures de
compensation (seconde partie).
Encadrement et mise en œuvre des mesures de
compensation écologique sur les surfaces agricoles
6Pour analyser une politique publique, il est nécessaire de comprendre le fondement et les
objectifs de cette politique, ainsi que le cadre juridique nécessairement évolutif de sa mise
en œuvre. Mais dans le cas particulier de la compensation écologique, il convient également
de s’interroger sur son «support», c’est-à-dire sur la disponibilité et la maîtrise du foncier
agricole, au travers plus particulièrement des stratégies et instruments fonciers envisageables.
Mesures de compensation écologique: risques ou opportunités pour le foncier agricole en (...) 3
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 15 Numéro 2 | Septembre 2015
Fondement, objectifs et cadre juridique de la compensation
écologique
7La compensation écologique se définit comme « un ensemble d’actions en faveur de
l’environnement permettant de contrebalancer les dommages causés par la réalisation d’un
projet qui n’ont pu être évités ou limités » 1. Le ministère de l’Écologie, en accord avec
les préconisations du Business and Biodiversity Offsets Program (BBOP)2, précise que les
mesures compensatoires sont « des actions écologiques permettant de contrebalancer les
pertes de biodiversité dues à des projets d’aménagement, lorsque l’aménageur n’a pu ni éviter
ces pertes ni les réduire» (CGDD, 2012).
8Selon le Comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN),
«la première limite de l’application du principe de compensation en France est liée à la
difficulté de trouver des terrains sur lesquels conduire les actions. De plus, la majorité
des maîtres d’ouvrage ne savent pas ni vers qui se tourner pour réaliser leurs mesures
compensatoires» (UICN, 2011).
9À première vue, la compensation écologique consisterait à «recréer» les caractéristiques d’un
écosystème sur un territoire donné. Bien sûr, cette croyance est dénoncée par de nombreux
auteurs, d’une part, parce que cette acception est scientifiquement fausse et, d’autre part,
parce qu’elle justifierait des projets écologiquement dommageables (Cowell, 2003; Mounier,
2010). Cette vision des choses faciliterait aussi le discours des aménageurs qui considèreraient
que les atteintes à l’environnement n’ont pas de réelles conséquences puisqu’il est possible
d’y remédier. Autant d’arguments qui plaident en faveur du développement d’une véritable
stratégie d’ingénieries agro-écologique, mais aussi juridique et économique, en vue de tendre
vers une application efficiente de cette politique ambitieuse.
10 Le fondement du mécanisme de compensation réside dans la non-perte globale (no net loss) de
biodiversité, voire dans un gain net de biodiversité. Cela signifie que toute perte de biodiversité
liée à un aménagement dans un endroit donné doit être compensée au moins de manière
équivalente, voire avec une amélioration nette de valeur écologique, sur un autre site. Selon
l‘UICN, «le principal fondement du mécanisme de compensation est, a minima, la non-perte
voire un gain net de biodiversité» (UICN, 2011).
11 La compensation s’inscrit dans la séquence «Éviter, Réduire, Compenser» (ERC)3. Elle n’est
donc envisagée qu’en dernier recours, une fois que les mesures d’évitement et de réduction
des impacts dommageables ont été examinées. Tout projet d’aménagement portant atteinte à
la biodiversité doit par ordre de priorité: 1) éviter les impacts; 2) réduire les impacts, et s’il
subsiste des impacts, ensuite et seulement, 3) compenser le dommage résiduel identifié.
12 L’évitement des impacts peut impliquer une modification du projet initial d’aménagement
(changement de site d’implantation, modification du tracé, etc.). Il s’agit de rechercher en
amont des solutions techniques et économiques pour supprimer les impacts dommageables
pour le milieu naturel (Quétier et al., 2012). La réduction des impacts consistera quant à elle,
par exemple, en la limitation de l’emprise des travaux, la mise en place de filtres pour les
eaux de ruissellement pendant le chantier, la restauration d’un couvert végétal ou arboré à
proximité immédiate de l’emprise, ou encore la mise en place de passage à faune pendant
la phase d’exploitation. Enfin, la compensation vise à contrebalancer les effets négatifs pour
l’environnement du projet d’aménagement par une action positive. Sa spécificité est donc
d’intervenir lorsque les impacts n’ont pas pu être évités par la conception d’un projet alternatif,
ou suffisamment réduits par des mesures appropriées. C’est seulement s’il subsiste malgré tout
des impacts résiduels notables que la compensation a lieu (UICN, 2011).
13 Les mesures de compensation porteront aussi bien sur des milieux remarquables, dégradés
ou menacés, que sur des espaces de nature dite ordinaire. Elles prennent la forme de
compensations physiques et biologiques sur des milieux : restauration/création de zones
humides, action de renforcement des populations de certaines espèces. Elles peuvent en
outre être assorties de mesures dites d’accompagnement, qui visent à mettre en œuvre des
actions complémentaires de type études patrimoniales, acquisitions de connaissances, actions
de sensibilisation, etc. Les exemples de mesures de compensation écologique en France ne
manquent pas4. Ainsi, il peut s’agir de préservation/gestion de sites existants dans le cadre
Mesures de compensation écologique: risques ou opportunités pour le foncier agricole en (...) 4
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 15 Numéro 2 | Septembre 2015
d’infrastructures de grande envergure. Par exemple, le projet d’aménagement portuaire de Fos
porté par le Grand Port Maritime de Marseille, à la fin des années 2000, a consisté en une
extension des quais et des zones de terre-plein. Ce projet entraînait la destruction localisée de
trois espèces protégées, sans toutefois que la pérennité de ces espèces ne soit remise en cause.
Les mesures compensatoires se sont traduites par la réalisation d’un inventaire de la répartition
de l’espèce la plus impactée (Zostera noltii) pour un budget de 10.000et par la mise en
place de mesures de gestion environnementales globales à l’intérieur de la Zone Industrialo-
Portuaire (sur 345 ha). Il peut également s’agir de protection/conservation d’espaces. Par
exemple, l’implantation en 2006 d’une retenue d’eau d’altitude pour produire de la neige de
culture au sein du domaine skiable de Méribel entraînait une perte d’habitat pour deux espèces
protégées. Les mesures compensatoires ont consisté en la protection et la conservation de deux
tourbières riveraines (pour un coût de 8075€). Il peut enfin s’agir de création d’espaces.
Par exemple, suite à l’étude d’impact réalisée lors du renouvellement de l’arrêté autorisant
l’exploitation de matériaux alluvionnaires de la Seine, des pelouses et landes sur sable ainsi
que des espaces prairiaux en mosaïque avec des fruticées et des bosquets ont été créés à titre de
mesures conservatoires. La création de ces milieux s’inscrit dans le cadre d’un réaménagement
coordonné destiné à préserver l’intérêt floristique et faunistique du milieu.
14 Les mesures de compensation écologique sont de la responsabilité du maître d’ouvrage. Il
lui appartient, dans le cadre de la conduite de son projet d’aménagement, de les concevoir,
de les dimensionner et de les mettre en œuvre, en recourant le cas échéant aux services
de bureaux d’études spécialisés en écologie par exemple. Il doit définir les mesures de
compensation en veillant à leur efficacité, à leur suivi, à leur pérennisation (aussi longtemps
que les impacts sont présents), ainsi qu’à leur additionnalité par rapport aux diverses politiques
publiques prévues en matière d’environnement (Chevassus-au-Louis et al., 2009). Il est
toutefois communément admis que tout n’est pas compensable. Dans certains cas de figure,
les méfaits des impacts résiduels ne peuvent être neutralisés par des mesures compensatoires,
notamment quand il s’agit des dernières populations d’une espèce qui sont par définition
irremplaçables. Selon l’UICN, « certaines atteintes importantes à la biodiversité pouvant
entraîner la destruction d’espèces endémiques ou de milieux rares doivent conduire au refus
des projets concernés» (UICN, 2011). Un impact est non-compensable lorsqu’il n’apparaît
pas possible de maintenir ou, le cas échéant, d’améliorer la valeur écologique d’un milieu
naturel (Quétier et al., 2012). Face aux risques inhérents à la logique de compensation, il
est souhaitable que les maîtres d’ouvrage soient sensibilisés aux déterminants qui permettent
d’évaluer le niveau de risque que présente leurs projets. Ces risques peuvent être d’ordres
environnemental, juridique, économique et institutionnel.
15 À l’heure actuelle, plusieurs textes juridiques prévoient la compensation écologique (Lucas,
2012). La procédure la plus connue est celle de l’«étude d’impact» qui a été instaurée en
France avec la loi relative à la protection de la nature de 19765. Depuis longtemps, le droit
français prévoit donc de compenser les impacts d’une infrastructure ou d’un aménagement sur
l’environnement lorsqu’ils ne peuvent être évités ou réduits. La mise en œuvre de mesures
compensatoires est aussi prévue par les lois sur l’eau de 1992 et 20066. Il s’agit dans ce cas
d’«études d’incidence». À côté de ces deux réglementations, d’autres textes concernent plus
spécifiquement certains milieux selon leur niveau de sensibilité et de menaces: sites Natura
2000, boisements faisant l’objet de défrichement et espèces protégées. Enfin, il faut noter que
la loi relative à la responsabilité environnementale du 1er août 20087 est venue affirmer le
principe de compensation dans le cadre de la réparation des dommages environnementaux.
(cf. Tableau1: Règlementations françaises relatives à l’obligation de compensation).
Tableau1. Règlementations françaises relatives à l’obligation de compensation
Étude d’impact des projets
de travaux, d’ouvrages ou
d’aménagement
Il s’agit d’un document permettant
d’apprécier et d’évaluer les impacts
des projets sur l’environnement
qui comprend: une description
du projet envisagé (conception,
dimension, emprise au sol…); une
Loi de protection de la nature de
1976
Lois Grenelle I et II de 2009 et 2010
Décret réformant l’étude d’impact de
2011
Mesures de compensation écologique: risques ou opportunités pour le foncier agricole en (...) 5
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 15 Numéro 2 | Septembre 2015
analyse de l’état initial de la zone
et des milieux susceptibles d’être
affectés par le projet (la faune, la
flore, les habitats naturels…); une
analyse des effets du projet sur
l’environnement; une description
des mesures envisagées par le maître
d’ouvrage pour supprimer, réduire
ou, le cas échéant, compenser les
effets négatifs notables du projet
sur l’environnement ou la santé
humaine. Cette description doit être
accompagnée de l’estimation des
dépenses correspondantes.
Art. L. 122-1 et suivants et R. 122-5
C. env.
Étude d’impact des installations
classées pour la protection de
l’environnement
La personne qui souhaite mettre
en service une installation ICPE
doit fournir une étude d’impact, qui
contient notamment les mesures
réductrices et compensatrices. Celles-
ci font l’objet d’une description des
performances attendues (en ce qui
concerne par exemple la protection
des eaux souterraines).
Art. R. 512-8 C. env.
Évaluation de certains plans
ayant une incidence forte sur
l’environnement
L’État et les collectivités territoriales
doivent procéder à l’évaluation
environnementale de leurs divers
plans et programmes (PLU,
SAGE…). Cette évaluation suppose
l’établissement d’un rapport qui
comprend: une présentation des
objectifs du plan ou du document;
une analyse de l’état initial de
l’environnement; une analyse
des effets notables probables de
la mise en œuvre du plan ou du
document sur l’environnement;
l’exposé des motifs pour lesquels
le projet a été retenu au regard
des objectifs de protection de
l’environnement; la présentation
des mesures envisagées pour éviter,
réduire et, si possible, compenser les
conséquences dommageables du plan
ou du document sur l’environnement
et en assurer le suivi.
Art. L. 122-6 et suivants C. env.
Compensation au titre des trames
verte et bleue
L’État et les collectivités territoriales
doivent rendre compatible leurs
documents de planification et leurs
projets avec le document-cadre
«Orientations nationales pour la
préservation et la remise en bon état
des continuités écologiques» et le
«Schéma régional de cohérence
écologique», et ils doivent
préciserles mesures permettant
d’éviter, de réduire et, le cas échéant,
de compenser les atteintes aux
continuités écologiques que la
mise en œuvre de ces documents
de planification et projets sont
susceptible d’entrainer.
Art. L. 371-2 C. env. (Continuités
écologiques)
Art. L. 371-3 C. env. (Schémas
régionaux de cohérence écologique)
Études d’incidence au titre des lois
sur l’eau
Certains projets, comme les
prélèvements d’eau ou bien les
installations présentant des rejets
vers les eaux ou modifiant le
fonctionnement des cours d’eau
Loi sur l’eau de 1992
Directive-cadre sur l’eau de 2004
Loi sur l’eau et les milieux
aquatiques de 2006
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