Vivre une expérience sensorielle au supermarché Il est 17 heures

Vivre une expérience sensorielle au supermarché
Il est 17 heures. On s’arrête au supermarché et l’odeur du pain frais nous emplit les
narines. On achète un pain croûté pour le souper. Sans le savoir, on vient d’être victime
d’une forme de marketing, qu’on appelle aujourd’hui, sensoriel.
par Josianne Haspeck
Le marketing sensoriel sert à solliciter un ou plusieurs des cinq sens du consommateur
afin de le séduire en augmentant son bien-être. Si la vue, le toucher et le goût font
depuis longtemps partie intégrante du marketing traditionnel, l'expression « marketing
sensoriel » fait davantage appel à l'odeur et au son.
Selon l’associée principale chez Nutrisco communication et marketing olfactif, Aisha
Issa, l’approche olfactive de ce type de marketing vient compléter l’aspect visuel de la
mise en marché. Le marketing olfactif peut être une diffusion naturelle par un produit qui
est réel, comme le pain, ou une diffusion simulée avec une technologie, explique-t-elle.
Pour s’assurer que l’odeur dégagée est agréable, la technologie arrive à la rescousse. «
L’avantage avec une diffusion simulée, c’est que le produit, avec la cuisson du pain par
exemple, est toujours égal. On ne sentira pas l’odeur du pain brûlé », illustre-t-elle.
Le marketing olfactif ne s’effectue donc plus que de façon naturelle. Plusieurs systèmes
existent, dont une de technologie française, afin de diffuser des odeurs artificielles de
manière contrôlée. Ce système de diffusion fonctionne sous phase gazeuse sans
rémanence, sans alcool et sans pollution. Cette technologie émet ainsi des arômes et
parfums en général. Selon Mme Issa, ce dispositif en particulier évite la retombée de
particules, ce qui est particulièrement recommandé dans une surface d’alimentation. La
diffusion d’une odeur permet de renforcer l’image et d’attirer l’attention sur une section
du supermarché, ce qui fait ralentir les gens et personnalise les espaces, indique-t-elle.
D’après diverses études, les animations olfactives constituent un réel outil de promotion
des ventes puisque les clients remarquent davantage un présentoir, un rayon ou une
aire parfumée. À la suite d’une étude réalisée par des étudiants au doctorat et un
professeur du HEC Montréal, Jean-Charles Chebat, il a été possible de constater que
toutes les senteurs n’exercent pas une influence. Certaines produisent des effets réels,
d’autres non. Tout dépend des conditions et vis-à-vis qui elles sont diffusées, fait savoir
M. Chebat. Évidemment, le choix de l’odeur s’avère fondamental, ajoute-t-il. « Nos
études ont démontré que l’odeur du citron a une connotation de cuisine ou de salle de
bain, signale-t-il. Or on ne veut pas donner à un centre commercial une connotation de
salle de bain. C’est important de comprendre non seulement les effets de l’odeur du
point de vue émotionnel, mais aussi des connotations parce que les odeurs évoquent
des choses positives comme négatives. »
Par exemple, l’odeur d’agrumes exerce un effet substantiel sur les personnes de moins
de 35 ans, mais très peu sur les personnes âgées. Aussi, cette odeur a un effet de
contre-balancier lorsqu’un individu est gêné par une foule réunie dans un lieu
commercial. « Il est prouvé que les ventes par personne baissent lorsqu’il y a foule.
Cette odeur d’agrumes contrebalance les effets négatifs de la foule sur les ventes »,
affirme M. Chebat également titulaire de la Chaire de gestion des espaces commerciaux
et du service à la clientèle. L’avantage, de façon générale, c’est que certaines senteurs
— testées comme ayant des effets positifs sur les émotions — jouent sur la qualité
perçue des produits et sur les ventes. Mais ce n’est pas une recette magique, prévient-il.
L’appel aux sens, une expérience
Le marketing sensoriel veut amener le consommateur à vivre une expérience. La notion
d’expérience est devenue un élément-clé pour comprendre le comportement du
consommateur et le fondement principal de cette nouvelle démarche marketing. On
entend donc de plus en plus le terme de marketing expérientiel. Ce type de marketing
prend appui sur l’idée que le consommateur actuel cherche à expérimenter plutôt qu’à
rencontrer de simples produits ou services. « Pour le client qui magasine par plaisir ou
qui est pressé, le moment qu’il passe en supermarché devient plus agréable parce qu’il
y a des produits, qu’il aime et qu’il reconnaît, qui viennent le solliciter. Le rôle de l’odeur
est d’évoquer des souvenirs. L’aspect cognitif à l’évocation de l’odeur alimentaire est
souvent un moment de plaisir, un moment d’arrêt », estime Aisha Issa. Toutefois, une
odeur ressentie par une personne n’est pas ressentie de la même façon par son voisin,
car chaque expérience olfactive est unique et ne concerne que celui qui la vit. La
communication par le sens de l’olfaction est donc délicate à utiliser pour les détaillants et
les fabricants.
Les animations olfactives sont d’abord et avant tout un outil de marketing. Cet outil vient
appuyer des affiches, une campagne dans la circulaire, une dégustation en magasin.
Aisha Issa estime d’ailleurs qu’il ne faut pas hésiter à indiquer au consommateur qu’une
animation olfactive est en cours. Celui-ci n’est pas dupe. Il vaut mieux qu’il sache qu’une
promotion a lieu et qu’on utilise cet outil pour la mousser. « Ça permet de renforcer la
marque. Dans l’industrie alimentaire, beaucoup de produits sont emballés. Il ne peut pas
toujours avoir une présentation gustative des produits qu’on vend. En créant l’ambiance,
on envoie un message de qualité du produit qu’on présente. C’est comme si on
préparait le client à vivre l’expérience qu’il aurait une fois que le produit est déballé »,
mentionne-t-elle.
En avant la musique!
Les effets sonores peuvent également contribuer à cette ambiance, cette expérience
qu’on veut créer pour la clientèle. Certaines musiques envoient un message sur le
positionnement du magasin. De la musique classique ou techno n’attirera pas le même
genre de clientèle. Quand on travaille avec les éléments d’ambiance, cest important
de connaître le profil sociodémographique des clients qu’on veut attirer et qu’on souhaite
garder.
Parce qu’il existe une corrélation « très forte » entre le temps qu’on passe dans un
centre commercial et ce qu’on dépense, il importe d’opter pour une mélodie agréable au
tempo lent. M. Chebat a constaté par ses études que, dans un centre commercial, les
personnes ont tendance à suivre — plus ou moins consciemment — le rythme de la
musique. « Un autre effet de ce type de musique, c’est d’augmenter le niveau d’attention
des clients aux stimuli commerciaux comme la publicité, détaille-t-il. Ils sont plus attentifs
aux affiches promotionnelles. En moyenne, un client s’arrête trois secondes dans une
allée d’épicerie. Si la musique a un tempo lent, il va se déplacer plus lentement dans le
rayon et la musique va avoir un impact sur son activité cognitive. Il va réfléchir
davantage aux choix à faire. À l’inverse, une musique aux rythmes rapides peut
engendrer des achats impulsifs. »
Selon Mme Issa, le marketing sensoriel n’est pas une mode passagère, mais une
tendance marquée. « L’expérience vient du fait qu’on est capable de satisfaire plusieurs
sens simultanément. La vue et l’ouïe sont des sens déjà sollicités, mais aujourd’hui, il
importe d’ajouter l’odorat qui rappelle le goût », ajoute-t-elle. Jean-Charles Chebat
rappelle que le marketing sensoriel date du début du commerce de détail. « On a
toujours pratiqué le commerce de détail avec les odeurs, soutient-il. Par exemple, dans
un marché à ciel ouvert, les marchands proposent de sentir leurs fruits de façon à
vérifier que c’est de bonne qualité. Les odeurs sont une espèce d’échantillon de la
qualité des produits. »
N’attendez plus. Éveillez les sens de vos consommateurs!
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