LES DOSSIERS SCIENTIFIQUES Î DU THERMALISME Artériopathie et cure thermale : la clé d’une prise en charge optimisée 10 Carbocrénothérapie, couloir de marche, éducation thérapeutique, etc., les cures thermales s’inscrivent comme un traitement complémentaire de choix dans le cadre d’une prise en charge globale des patients atteints d’artériopathie. Les résultats sont au rendez-vous, en particulier chez les diabétiques. Quand le rapport pression systolique de cheville/pression systolique au bras est inférieur à 0,9, cela signe une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Mais au préalable, c’est la plainte du patient qui a dû mettre le médecin sur la voie : une douleur après un certain temps de marche, au mollet, à la cuisse ou à la fesse, oblige le patient à s’arrêter. Elle disparaît rapidement mais revient après la même distance parcourue et décrite comme le périmètre de marche. Malheureusement, un patient sur trois ne parle pas de cette douleur, s’arrangeant entre fauteuil et voiture pour éviter ce ressenti douloureux. Les recommandations 2006 de la HAS stipulent donc de dépister tous les sujets à risque cardiovasculaire élevé. On recherche d’autres atteintes cardiovasculaires. L’échographie de l’aorte abdominale (anévrisme) et l’ECG au repos sont justifiés. Par ailleurs, la prise en charge, selon le rapport bénéfice/risque pour le patient et les facteurs de risque présents, implique un sevrage tabagique, une perte de poids, un équilibre du diabète et de la dyslipidémie. Le patient est encouragé à pratiquer un exercice physique quotidien modéré (30 min). Les traitements médicamenteux sont prescrits au long cours : les antiagrégants plaquettaires, une statine et un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Dans cet objectif d’approche globale, une cure thermale peut se révéler intéressante. TROIS SEMAINES DE CURE DE CRÉNOTHÉRAPIE Des soins sont prescrits par le médecin thermal une fois que le généraliste a fait sa prescription de cure en station spécialisée (Royat, Le Boulou, Bains-les-Bains, Bourbon-Lancy), et la carbocrénothérapie y tient bonne place : les injections sous-cutanées de gaz thermal, puissant vasodilatateur local, permettent de cibler la zone artérielle malade. Le bain carbo-gazeux et/ou le bain de gaz sec favorisent le passage transcutané et agissent sur la microcirculation. La douche de gaz pour ulcère artériel (ou veineux) a un effet cicatrisant. Enfin, le couloir de marche permet d’effectuer une rééducation active en associant la marche à contre-courant en eau thermale, la vasodilatation cutanée et un massage permanent. Elle développe aussi la circulation collatérale. Une éducation thérapeutique est dispensée autour des soins. Elle associe un encouragement à l’activité physique spécifique, des conseils hygiéno-diététiques et de sevrage tabagique. La cure s’inscrit comme un traitement complémentaire annuel qui rappelle celui proposé dans des centres de réadaptation vasculaire. Une alternative bienvenue, car leur nombre est insuffisant. A savoir ■ La cure est peu coûteuse : 473,20 € remboursables à 65 % par l’assurance maladie. ■ Le forfait de 3 consultations médicales : 74,00 € remboursables à 70 %. ■ Le formulaire de prescription et de prise en charge est à demander à la Sécurité sociale. Entretien avec le Dr Patrick Roux, médecin vasculaire et thermal à Royat A quel moment, dans le processus thérapeutique, une cure estelle plus efficace ? Nous voyons encore trop de patients adressés à Royat quand les solutions thérapeutiques classiques sont dépassées. Dès la découverte de la maladie, il est intéressant pour le patient de contrecarrer le processus athérothrombotique et ses effets. La carbocrénothérapie et ses trois semaines de soins s’y emploient. Pour les patients en activité, il est proposé « une semaine médicalisée de réadaptation vasculaire » avec consultation médicale, soins d’hydrothérapie, séance de réadaptation… Non pris en charge par l’assurance maladie, ce programme permet cepen- dant de développer la responsabilisation du patient et d’amorcer son éducation thérapeutique. Pourquoi n’y a-t-il rien sur la crénothérapie dans les recommandations de la HAS ? Nous devons satisfaire aux conditions de validation par des études pour appuyer les recommandations de la HAS. Aussi, les résultats d’une étude en double aveugle utilisant des soins avec gaz versus placebo (air) sur 80 artériopathes, avec mesure du périmètre de marche (tapis roulant), TcPO2, laser-Doppler de flux et pression systolique à 1 mois et 4 mois vont être publiés, appuyant notre argumentation. Je suis confiant sur l’évolution. >Prochain numéro : cystites récidivantes La cure n’est-elle pas un atout significatif pour des patients diabétiques? Les patients artériopathes diabétiques payent un lourd tribut à la maladie. Une grande étude épidémiologique (1983-2000) a suivi 110 curistes diabétiques venant en cure annuellement jusqu’à leur décès : leur durée de vie a atteint celle des artériopathes non diabétiques et le taux d’amputation a fortement baissé. Par ailleurs, nous allons amorcer une étude en concertation avec les équipes du CHU de ClermontFerrand concernant les artériopathies liées au diabète. Le critère principal d’évaluation est le nombre d’amputations et d’ulcères après 3 cures et 1 an de suivi supplémentaire.