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INTRODUCTION
Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 nous l’ont douloureusement
rappelé : l’Europe est une cible privilégiée des terroristes. Si les bombes
représentent dans notre subconscient collectif la menace essentielle, l’éventail des
menaces qui pèsent sur nos sociétés est bien plus large.
Depuis une vingtaine d’années, notre pays est entré – sans en avoir
nécessairement pris conscience – dans l’ère de la société de l’information. Outre la
qualité des hommes, la production de la richesse nationale repose aujourd’hui sur
une masse d’informations juridiques, financières, commerciales, scientifiques,
techniques, économiques ou industrielles. Les menaces qui pèsent sur notre outil
productif ont, elles aussi, évolué. Elles sont devenues plus diffuses.
L’exacerbation de la compétition internationale transforme les
informations stratégiques des entreprises en enjeu d’une véritable « guerre
économique(1) ». Le rachat annoncé le 18 mai dernier de Kroll (leader mondial de
l’intelligence économique et de l’investigation) par Marsh&McLennan
Companies, qui détient le leader mondial du courtage d’assurance, une société de
consultants (Mercer) et l’un des plus gros fonds d’investissement américains
(Putnam) illustre la maîtrise par les anglo-saxons de ce que votre Rapporteur
appelait les « métiers stratégiques » dans son rapport (2 ) remis au Premier ministre :
audit, conseil, investigation, assurance, etc (3).Ils sont au cœur de toute stratégie
de puissance.
Par ailleurs, des fonds d’investissement, pilotés par des États, tentent de
s’emparer des joyaux technologiques étrangers. Les technologies de l’information
et de la communication, devenues le cœur de l’économie du savoir, comportent
des failles les rendant vulnérables aux intrusions concurrentielles, voire
criminelles.
Face à ces vulnérabilités qui touchent les entreprises comme l’État, quelles
actions ce dernier a-t-il conduit ? Sans impulsion politique déterminante, seuls
des efforts épars ont été entrepris.En matière de sécurité des systèmes
d’information, un centre de recensement et de traitement des attaques
informatiques a été créé en 2000 au sein de la Direction centrale de la sécurité des
systèmes d’information (DCSSI) du Secrétariat général de la défense nationale.
S’agissant du contrôle des investissements étrangers dans des entreprises
françaises sensibles, la loi n°2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière a
renforcé les prérogatives du ministre chargé de l’économie.
(1) Selon l’expression utilisée dès 1971 par Bernard Esambert.
(2) « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale », rapport remis au Premier ministre en juin
2003, La Documentation française, 176 pages.
(3) L’ensemble représenterait un chiffre d’affaires de 11 milliards de dollars (9,2 milliards d’euros) et plus de
60.000 emplois.