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Les sols et l'agriculture, Gérard Millette Ph.D.
Chapitre 23
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INTRODUCTION
Les conditions qui causent la compaction sont d'ori-
gines chimiques et physiques. La compaction d'origine chi-
mique a débuté avec les pratiques de l'agriculture dentaire,
il y a plus de 20 siècles. Par exemple, le territoire d'Israël actuel
faisait partie des terres fertiles de la Terre Promise dans la
Bible. De me, la Tunisie, au temps de l'empire romain, était
le grenier de Rome. En 1972, j'étais consultant dans ce pays.
À perte de vue, le paysage semi-désertique a remplacé les
champs de blé romains. Un examen des profils de sol a vite
vélé la présence d'une couche compacte et/ou cimentée, à
des profondeurs variant entre 50 et 80 cm. On ne peut pas
blâmer les tracteurs et les équipements lourds. Les jus chi-
miques de la matière organique avaient décompoles mi-
raux et les avaient transportés plus bas pour les tasser entre
les grains de sol existant, puis les avaient cimentés dans plu-
sieurs cas. Le climat local, avec moins de 500 mm de pluie an-
nuellement, a pris plusieurs siècles pour faire son travail. Par
contre, ta température modérément chaude du milieu accé-
lérait la décomposition des résidus organiques, ce qui com-
pensait pour les pluies peu abondantes. À ce problème s'est
ajoutée automatiquement la salinité, dont le niveau a re-
mondans le sol. Une situation que l'aide internationale ca-
nadienne a empirée en construisant des barrages de retenue
à coûts de dizaines de millions de dollars. Comme quoi, en
aide internationale, les critères politiques dominent parfois
ceux de la science.
NATURE DU PROBLÈME
La compaction réduit le volume de sol que les racines
peuvent prospecter. Elle affecte leur croissance parce qu'elle
rend le sol difficile à pénétrer, réduit l'espace d'aération et les
mouvements de l'eau. Elle diminue la quanti d'éléments nu-
tritifs que les racines peuvent puiser.
L'observation la plus courante d'une couche compactée,
c'est la semelle de labour située juste en dessous de la pro-
fondeur que le soc de charrue coupe ou cisaille, soit entre 15
et 20 cm. L'origine de cette compaction est à prédominance
chimique dans les sols à texture moyenne, comme les sols St-
Bernard, ou dans les sols à texture grossière comme le Ste-So-
phie. Dans les sols à texture moyennement fine comme le
Macdonald, ou les textures fines comme les Bearbrook, Ste-
Rosalie et St-Laurent, la semelle de labour résulte des actions
chimiques et physiques combinées.
Il est possible de diminuer les effets indésirables d'une semelle de labour à densité élevée,
grâce à des séquences de plantes bien choisies. Les racines de ces cultures doivent posséder
un diamètre assez fin pournétrer les petits interstices du sol tassé. Certaines de ces cultures
de rotation doivent posséder une force de pénétration élevée. Aussi, on peut inoculer le sol et
les plantes avec des mycorhizes qui favoriseront le développement des racines capillaires. Mais
dans un cas comme celui-ci, il est peu probable que ces méthodes donnent quelque sultat
que ce soit.
Figure 23.1
REMÈDES À LA COMPACTION
MÉTHODE BIOLOGIQUE
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Chapitre 23
REMÈDE BIOLOGIQUE
Depuis très longtemps, les humains sont conscients du
pnomène de compaction à 15 cm. Ils ont trouvé une solu-
tion et développé le système de séquences des cultures. Ils
avaient observé la diversité dans le développement des ra-
cines de chaque espèce de plante. Aujourd'hui, on parle de
rotation des cultures. Il faut donc une rotation de plantes dont
le système radiculaire est différent et susceptible d'améliorer
la situation pour la culture suivante. Si une plante pousse dans
un sol poreux et sec, les racines le pénétreront en profondeur
seulement si l'eau y est accessible. Mais si l'humidise main-
tient près de la surface, à cause d'un égouttement imparfait
ou mauvais, d'un paillage ou de la présence de résidus plantes
que l'on garde à la surface, les racines seront surtout superfi-
cielles. Il en est de même avec des pluies fréquentes et peu
abondantes, ou en cas d'irrigation légère, l'eau ne pénétrant
pas la zone sise sous le labour. Les racines doivent nétrer la
couche sous le labour pour l'ameublir. Elles ussiront d'autant
mieux si l’on crée et maintient des conditions optimales pour
le développement et l'activité des racines. Il faudra surveiller
la texture, la structure et la densité apparente de la semelle
de labour, son degré d'humidité et sa résistance au cisaille-
ment, la quantité de racines par plante et leur diamètre ainsi
que la puissance de pénétration que peuvent exercer les cel-
lules du méristème apical.
On appelle méristème un groupe de cellules jeunes et
non différenciées qui se multiplient très activement. Les cel-
lules qui sont situées au bout de chaque petite racine sont
apicales, parce qu'elles forment l'apex, c'est-à-dire la pointe
de la racine qui pénètre dans le sol. Si le sol est très résistant
à l'avancement de l'apex, les cellules du méristème, situées
en arrière de celui-ci, vont développer des racines capillaires
(comme des cheveux) à angle droit. Ancrées de cette façon,
les cellules de l'apex vont pousser encore plus fort qu'aupa-
ravant. Les cellules du méristème peuvent en plus sécréter un
gel qui lubrifie les particules et améliore le glissement de la
racine dans le sol. Mais, il y a des limites. Il est presque impos-
sible à l'apex de foncer à travers un sol ger de loam sableux,
loam ou loam limoneux, si sa densité apparente (22) se situe
entre 1,7 et 1,8. Dans le cas des sols à textures fines, comme
les loams argileux ou les argiles, la limite se situe autour de
1,6, même s'ils sont humides. En plus, la raideur des cellules
de l'apex dépend de la raideur des cellules des feuilles de la
plante. Quand les feuilles flétrissent sous le soleil pour réduire
leur transpiration, les cellules du méristème apical font de
me et leur croissance est nulle. Mais, les racines des plantes
semi-permanentes comme la luzerne peuvent continuer à
foncer dans le sol, même par temps sec, parce qu'elles sont
profondes.
Toute compaction d'origine chimique ou physique qui
augmente la densité apparente au-delà des valeurs citées ré-
duit le volume de sol que les racines peuvent prospecter pour
l'eau et les éléments nutritifs. Russell (R3) mentionne les sul-
tats de plusieurs études effectuées sur le veloppement des
racines des plantes. Leur diamètre et leur puissance de péné-
tration dans le sol varient pour chaque espèce botanique.
Par exemple, les racines des céréales en pays tempérés
ont besoin d'une ouverture de 0,2 mm pour pénétrer le sol.
Les arbres et des herbes ont des racines primaires de plus de
0,2 mm. Le blé d'automne a des racines primaires latérales
fines, dont le diamètre varie entre 0,3 et 0,45 mm. Mais les ca-
pillaires latéraux, qui ancrent l'apex, ont un diamètre de 0,008
à 0,012 mm. C'est pourquoi le blé d'automne peut pousser
dans un sol qui serait trop tassé pour permettre à d'autres es-
pèces de croître. En pays tempéré, les pores capillaires qui re-
tiennent l'humidité hygroscopique (3), ont un diamètre de
0,06mm. Cette eau est donc accessible au blé d'automne.
Dans une couche compactée de sols argileux, les pores sont
encore 1 000 fois plus fins que le diamètre de 0,008 mm des
racines capillaires fines. Là surgit l'avantage des mycorhizes.
Les mycorhizes résultent de l'association en symbiose de
champignons microscopiques avec les racines des plantes.
Les deux, champignons et plantes, bénéficient l'un de l'autre.
Afin de contrer les problèmes de compaction des sols, on tend à favoriser la rotation des
cultures ou, comme dans ce cas-ci, à ensemencer de la moutarde après une coltetive. Les
racines d'une telle culture pénètrent la couche sous le labour et ainsi l'ameublissent. Le résultat
est toutefois tributaire de plusieurs facteurs tels l'égouttement et le diamètre des racines.
Figure 23.2
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Chapitre 23
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Les mycorhizes forment des tubes de cellules connectées
bout à bout les unes aux autres. Ces tubes sont plus fins que
les racines les plus fines. Une plante comme la carotte peut
développer jusqu'à 125 mètres de ces tubules. Les tubes ai-
dent la plante à puiser de l'eau et des éléments nutritifs
les racines fines de la plante ne peuvent pénétrer. Par consé-
quent, les tubules diminuent jusqu'à 50 % les besoins en fer-
tilisation dléments nutritifs principaux dans les sols pauvres,
tout en augmentant les rendements entre 25 et 100 %. Les
mycorhizes améliorent la résistance de la plante à la séche-
resse, vu que les tubes pénètrent les interstices très fins de la
semelle de labour pour y puiser l'eau. Certaines mycorhizes
produisent me des substances antibiotiques qui protègent
contre certaines maladies. Elles améliorent beaucoup la re-
prise des plantes qui ont été transplantées. La croissance ac-
célérée des plantes étouffe parfois les mauvaises herbes.
Donc, la présence de mycorhizes diminue les mauvais effets
de la semelle de labour.
Pour vaincre les mauvais effets de la semelle de labour,
il faut, dans la séquence de cultures, des plantes dont les ra-
cines ont une grande puissance de pénétration, comme par
exemple les racines de pois, dont la puissance de pénétration
atteint de 5 à 10 kilos au centimètre carré. Elles parviennent à
percer des sols qui seraient trop tass pour des racines de cé-
ales. Celles-ci ont une limite maximale de puissance de 0,4
kilo au centimètre carré. Lorsque la racine de pois a réussi à
percer la couche compacte, elle se ramifie rapidement sous
cette couche. En néral, la puissance pénétrante des racines
de plantes cultivées semble être reliée à la grosseur de la se-
mence. Les racines, dans un sol sans couche compactée, peu-
vent descendre jusqu'à 150 cm de profondeur. Celles du foin
colté peuvent atteindre 90 cm. Les racines de la luzerne ré-
coltée en foin descendent jusqu'à 450 cm. Celles de la vigne
vont jusqu'à 6 mètres. Pas étonnant que ces deux dernières
plantes préfèrent les sols bien drainés, profonds, et qu'elles
sistent à la sécheresse.
L'abondance de racines capillaires varie avec les plantes.
On a mesuré 0,13 kilomètre de capillaires sur un plant de soya,
comparé à 1,74 pour l'avoine et 3,66 kilomètres pour un plant
de seigle. On attribue faussement à la compaction du sol les
racines superficielles des pâturages broutés intensément.
C'est que les plantes utilisent beaucoup d'hydrocarbones
pour produire leurs racines. Si les animaux broutent intensé-
ment la portion rienne, qui est chargée de synthétiser ces
hydrocarbones, il en reste peu pour développer des racines.
Des mesures faites dans les champs révèlent que la paissance
intensive limite le veloppement des racines à 30 cm de pro-
fondeur. Une paissance contrôlée donnait des racines jusqu
60 cm, et jusqu120 cm si elle était occasionnelle. C'est pour-
quoi les producteurs ont découvert que nourrir les animaux
à l'étable était plus profitable que de les laisser paître en na-
ture. Le taux de croissance des racines pour les plantes an-
nuelles varie entre 2 et 5 cm par jour, le premier mois. C'est le
temps où la semelle de labour affecte au maximum la crois-
sance de la plante et son rendement futur. Le rythme de crois-
sance diminue de moitié le second mois. Dans le cas du maïs,
les racines représentent le quart du poids de la plante quand
l'épi commence à se former. Elles ne représentent plus que 10
% du poids total au moment de la récolte.
Les céréales produisent deux à trois fois plus de racines
que les plantes potagères en général. Les herbes des pâtu-
rages en produisent le plus, pendant une période de 3 ou 4
ans. C'est pourquoi il est conseillé de labourer et de ense-
mencer un pâturage à tous les trois ou quatre ans.
En résumé, on peut diminuer les effets indésirables
d'une semelle de labour à densiapparente plus élevée que
la normale de 1,3 à 1,4, grâce à des séquences de plantes bien
choisies. Celles-ci doivent avoir une masse variable de racines,
d'un diamètre assez fin pour pénétrer les petits interstices du
sol tassé. Il faut inclure dans la séquence une ou deux plantes
dont les racines ont une force pénétrante élevée. On peut en
plus inoculer les plantes et le sol avec des mycorhizes, qui
multiplient les capillaires. Celles-ci peuvent nétrer les pores
très fins des sols, en plus de réduire les besoins en éléments
nutritifs jusqu'à 50 %, tout en augmentant les rendements
entre 25 et 100 % si le sol est pauvre en éléments nutritifs.
Chaque problème a une solution probable, mais aucune
solution unique ne les résoudra tous d'une fon satisfaisante.
Les sols varient tellement sur une ferme ou dans un champ
que la solution bonne pour un sol peut endommager le
suivant.
Les mycorhizes sont des champignons. Ils ont besoin des
plantes pour vivre. En retour, ils permettent à la plante mère
d'atteindre et d'absorber plus dléments nutritifs, d'augmen-
ter sa croissance et ses rendements sans application supplé-
mentaire d'engrais. Les mycorhizes augmentent le surface de
contact des racines par 100 fois.
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