Université Henri POINCARE
Laboratoire d'Études et de
Recherche sur le MAtériau Bois
Boulevard des Aiguillettes
Entrée 1A ou 5A
BP 70239
54506 Vandoeuvre-lès-Nancy
Cedex
Proposition de sujet de thèse :
Modélisation des îlots de chaleur urbains par
approche semi-empirique : apport de la mesure
embarquée
CETE de l'Est
LRPC de Nancy
71 Rue de la grande Haie
54510 Tomblaine
Encadrement
Mathieu Pétrissans
Professeur (Directeur de thèse)
Rémy Claverie
Chargé de recherche (Co-encadrant)
Julien Bouyer
Chargé de recherche (Co-encadrant)
Résumé
L'îlot de chaleur est un phénomène bien connu depuis une vingtaine d'années par la communauté
scientifique. Il participe au réchauffement climatique global et entraine une adaptation des politiques de
planification durable de la ville. Des expressions empiriques permettent d'évaluer son amplitude maximale.
Elles sont cependant adaptées aux grands métropoles nord-américaines et européennes, dans des conditions
de climat bien particulières. D'autre modèles basés sur des bilans énergétiques existent mais ils sont soit très
complexes, soit l'échelle d'évaluation n'est pas adaptée. Un des enjeux est de répondre au besoin exprimé par
les planificateurs urbains qui est de disposer de modèles réduisant le nombre de paramètres mis en jeu sans
altérer le résultat des simulations. Notre hypothèse est qu'une instrumentation statique et dynamique peut
contribuer à la constitution de ces modèles intermédiaires.
Le sujet consiste ainsi en une modélisation semi-empirique de l'ICU. L'objectif est d'aboutir à un modèle
permettant d'identifier localement la forme de l'ICU et sa cause, afin d'affiner la politique d'aménagement
durable urbaine et péri-urbaine, en particulier dans le cas des éco-quartiers. Cette modélisation semi-
empirique devra intégrer les aspects d'intensité (pics gaussiens), spatiaux (morphologie des quartiers,
aménagements, infrastructures) et temporels (cycle journalier et saisonnier).
Mots clés (FR) : Îlots de chaleur urbain, Microclimat, Modélisation, Instrumentation, Morphologie urbaine,
Aménagement
Mots clés (EN) : Urban Heat Island, Microclimate, Modelling, Instrumentation, Urban morphology, Urban
Planning
Contexte
Le grand public a pris conscience du phénomène d'ICU par les conséquences dramatiques de la canicule de
l'été 2003. Ce phénomène bien connu depuis une vingtaine d'années par la communauté scientifique participe
au réchauffement climatique global (impacts sanitaires et environnementaux) et entraine une adaptation des
politiques de planification durable de la ville (établissement des plan climat locaux).
Le développement d’expertises en micro-climatologie urbaine en est une des composantes clés en vue
d’objectiver les études, qu’il s’agisse de diagnostics ou d’analyses prospectives portant sur la qualité de
l’eau, la gestion du risque inondation, la consommation énergétique globale, le confort des populations et
l’adaptabilité au changement climatique.
La compréhension des phénomènes physiques urbain locaux, existants ou pouvant être modifiés par des
nouveaux projets d’aménagements, devient alors un enjeu important pour le processus d’aide à la décision
dans le cadre de ces politiques d’urbanisme.
Les outils de simulation climatique sont des solutions avérées puisqu'ils permettent de tester des scénarii
fictifs en phase amont de conception des projets. Cependant des travaux restent à mener afin d'adapter plus
fidèlement les modèles physiques intégrés à ces outils aux échelles spatiales très variées.
Enjeux scientifiques
L'ICU a été observé et étudié depuis la fin du 19ème siècle. Les premiers travaux de Oke [1] ont abouti à la
formulation de l'équation du bilan énergétique en milieu urbain :
QQF=QHQEQSQA
(1)
Cette équation prend en compte, le bilan radiatif
Q
, le flux de chaleur anthropique
QF
, les flux de
chaleurs sensible et latent
QH
et
QE
ainsi que les flux de stockage
QS
et advectif
QA
. Ces
flux sont dépendants de l'ensemble des variables météorologiques (température, humidité de l'air, vitesses de
vent, etc.). Les transferts sont calculés sur des éléments de surfaces urbaines pouvant être envisagées à des
échelles très différentes (de micro à méso). La formulation et la complexité de chaque terme dépend de son
échelle associée.
La tendance actuelle est d'établir des modèles climatiques tel le modèle TEB (Town Energy Balance)
développé par V. Masson [2, 3] qui proposent une modélisation à l'échelle de la ville ou pour de grands
quartiers. Dans ce modèle, toutes les structures urbaines pouvant influer sur la thermique de la ville
(chaussée, bâtiment, gétation, etc.) sont paramétrées en fonction de leur occupation au sol, de leur
morphologie générale ainsi que de leurs propriétés thermo-physiques (albédo, evapotranspiration, etc.). Ces
modèles travaillent à une échelle méso et requièrent une excellente connaissance du milieu urbain.
Les premiers modèles conceptuels de l'ICU quant à eux, proposés par par Lowry [4] et Oke [5] entre autres,
font intervenir des paramètres descriptifs de la ville à une échelle plus globale. À titre d'exemple, Oke [5] fait
intervenir la population p et la vitesse moyenne du vent u pour déterminer l'amplitude maximum du l'ICU :
Tmax =p0,27
4
u0,56
(2)
Un autre modèle conceptuel, toujours proposé par Oke a estimé l'amplitude maximum d'un îlot de chaleur en
fonction du rapport d'aspect de la rue canyon de référence de la ville par :
Tmax=7,943,94 ln[H
W]
(3)
Ces deux formules sont seulement adaptées aux grands métropoles nord-américaines et européennes, dans
des conditions de climat bien particulières. Elles considèrent la ville comme une succession de canyons
urbains, ce qui constitue une hypothèse actuellement remise en cause. De plus, elles ne prennent pas en
compte les dimensions temporelle et spatiale de l'ICU, ainsi que les cycles saisonniers. Enfin, les
contributions microclimatiques liées aux aménagements urbains sont masqués dans ces formulations à plus
grande échelle.
Un des enjeux scientifiques actuels de la climatologie urbaine réside dans le passage inter-échelle et dans
l'expression localisée du phénomène d'ICU [6]. En effet, le besoin exprimé par les planificateurs urbains est
de disposer d'outils simplifiés alors que les outils adaptés sont encore trop complexes [7, 8]. Notre hypothèse
est qu'une instrumentation double (statique et dynamique) peut contribuer à la constitution de modèles
intermédiaires.
Sujet
Le sujet consiste en une modélisation semi-empirique de
l'ICU. L'objectif à terme est d'aboutir à un modèle
opérationnel pour les aménageurs qui leur permette
d'identifier localement la forme de l'ICU et sa cause, afin
d'affiner la politique d'aménagement durable urbaine et
péri-urbaine, en particulier dans le cas des éco-quartiers.
L'approche scientifique que nous mettrons en œuvre,
consiste à spatialiser la modélisation à une échelle sub-
méso en intégrant les contributions des infrastructures et
aménagements urbains. Il s'agira d'interpréter les mesures
micro-météorologiques extraites de l'instrumentation
embarquée . Le véhicule thermoroute II permet de réaliser
l'ensemble des mesures (températures de l'air et de
chaussée, hygrométrie, flux radiatifs, vitesse du vent,
température de surface des bâtiments, concentrations en
NOx, en CO2, etc.) de façon géolocalisé et est associé à un système de prise de vue permettant une traçabilité
des environnements traversés. Le logiciel d'acquisition est aussi pourvu d'un relevé événementiel manuel,
permettant de référencer sur le trajet, la nature des infrastructures et des aménagements rencontrés.
Les mesures sont actuellement réalisées avec le véhicule thermoroute II (figure 1) et permettent d'identifier
et de tracer le profil de l'ICU [9]. La figure 2 montre un exemple de l'îlot de chaleur d'amplitude ΔTmax de
2,8 °C sur la ville de Nancy avant le lever du soleil au mois de Septembre. Les mesures ont été faites sur
un axe Ouest / Est ; les deux extrémités du parcours sont en milieu rural.
Figure 2 : Forme de l'îlot de chaleur urbain de la ville de
Nancy
La modélisation semi-empirique consistera à :
établir les liens entre les différentes pics du graphe de la figure 2 en fonction des spécificités des
quartiers
exprimer l'intensité de ces pics en fonctions des caractéristiques morphologiques,de la présence d'eau
et de végétation, et des propriétés physiques des surfaces
établir des expressions de l'ICU en prenant en compte les cycles journaliers et saisonniers
Plan et déroulement de la thèse
La thèse débutera par un état de l'art de la modélisation de l'ICU et de ses diverses approches. Elle
concernera, en particulier, les impacts des composantes urbaines (aménagements, morphologie, etc.) et leur
articulation avec les phénomènes physiques.
Figure 1 : Véhicule Thermoroute II pour la
mesure de l'îlot de chaleur urbain
Une deuxième étape concernera le dépouillement de mesures existantes (septembre et octobre 2010), en
cours (printemps 2011) et à venir (première année de thèse) afin d'analyser les caractéristiques locales
émergentes et récurrentes en lien avec le milieu urbain Nancéien. En plus des mesures embarquées, d'autres
relevés statiques et in-situ, permettront d'affiner la connaissance de ces caractéristiques en fonction de leur
propriétés géométriques (surface, hauteur, etc.) et/ou physiques (propriétés des matériaux).
Enfin, une analyse fine permettra d'opérer un traitement du signal des mesures brutes pour en extraire une
information statistique principale. Nous pourrons alors, sélectionner le jeu de paramètres influant pour
lesquels nous chercherons, par ajustement des pics caractéristiques de l'îlot de chaleur, à obtenir une loi
comportementale de type Gaussienne ou Lorentzienne. Cette phase sera accompagnée de mesures et de
relevés complémentaires afin d'affiner les lois, en particulier lors de zones à forte dispersion des variables
climatiques.
Un travail complémentaire consistera à l'application du modèle sur un autre site de mesure (ville à
déterminer) pour valider l'approche scientifique.
Les huit derniers mois seront consacrés en partie à la rédaction et à la préparation de la soutenance. Le
tableau en dernière page (figure 3), résume le déroulement de la thèse tel que nous l'envisageons.
Encadrement
Hormis, les encadrants locaux, un comité de suivi de thèse sera complété par plusieurs experts du domaine.
M. Valéry Masson et Mme Mireille Lauffenburger sont pressentis ainsi que Mme Sophie Conrad,
responsable développement durable, territoires à enjeux de la communauté urbaine du Grand Nancy.
Bibliographie
[1] T.R. Oke, The urban Energy Balance – Prog. Phys. Geogr, 12,: 471–508, 1982
[2] V. Masson, A Physisically-based scheme for the urban energy budget in atmospheric models – Boundary-
Layer Meteorology ,94: 357–397, 2000.
[3] V. Masson, Evaluation of the Town Energy Balance (TEB) Scheme with Direct Measurements from Dry
Districts in Two CitiesAmerican Meteorological Society, 41, 1011–1026, 2002
[4] W. Lowry, Empirical estimation of Urban Effects on Climate : A problem analysis Journal of applied
meteorology, 16, 129–136, 1997
[5] T.R. Oke, Boudary layer climates – Second edition, Routledge, 433 p, 2009
[6] J. Bouyer, M. Musy, Y. Huang, and K. Athamena. Mitigating urban heat island effect by urban design :
Forms and materials. Fifth Urban Research Symposium 2009 : "Cities and Climate Change : Responding to
an Urgent Agenda", 2009
[7] J. Bouyer. Modélisation et simulation des microclimats urbains - Etude de l'impact de l'aménagement
urbain sur les consommations énergétiques des bâtiments, Thèse de doctorat, Ecole polytechnique de
l'Université de Nantes, 2009, 312p
[8] J. Bouyer, C. Inard and M. Musy. Microclimatic coupling as a solution to improve building energy
simulation in an urban context, Energy and Buildings, In press.
[9] R. Claverie, J. Bouyer, I. Durickovic, M. Moutton, Caractérisation des îlots de chaleur urbains par mesure
dynamique embarquée : premiers résultats sur la ville de Nancy, Colloque International Francophone
"Renforcer la résilience au changement climatique des villes : du diagnostic spatialisé aux mesures
d'adaptation", Metz, 7 et 8 juillet 2011, Accepté.
Figure 3 : Tableau du déroulement de la thèse
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