La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 6 - décembre 1998 261
patients non-DQ2 expriment le plus souvent l’allèle DQ8
(DQA1*0301/DQB1*0302) présent sur l’haplotype DR4 (7).
Ces patients DQ8 ne diffèrent des autres par aucune caractéris-
tique clinique, biologique ou histologique. Les cas de MC
authentifiée n’exprimant ni l’allèle DQ2 ni l’allèle DQ8 sont
exceptionnels.
Un élément important à considérer dans les études génétiques
est la possibilité d’une hétérogénéité selon les formes cli-
niques de la maladie. La MC peut varier en fonction de plu-
sieurs critères : l’âge de début, la survenue de complications,
en particulier de lymphomes digestifs, l’existence d’une
maladie auto-immune associée, la résistance au régime sans
gluten... Les données concernant une possible hétérogénéité
génétique de la MC en fonction de ces divers critères sont
encore peu nombreuses (8, 9), mais suggèrent un “effet-dose”
défavorable de l’allèle DQB1*0201 qui, lorsqu’il est présent
à l’état homozygote (chez les sujets DR3/3 ou DR3/7), pré-
dispose à un début précoce de la MC ou à une forme plus
sévère.
L’ensemble de ces données font que le typage HLA dans la
MC peut avoir un intérêt diagnostique, très faible bien sûr par
rapport à l’histologie et aux anticorps spécifiques, mais n’a en
aucun cas d’intérêt prédictif en dehors des fratries de patients,
ni d’intérêt pronostique quant à l’évolution ou la sévérité de
la maladie.
Mécanisme d’action des molécules HLA-DQ dans la MC
Il est possible d’isoler, dans la muqueuse intestinale de patients,
des lignées et clones de lymphocytes T CD4+ qui prolifèrent
spécifiquement vis-à-vis de la gliadine en présence de cellules
présentatrices d’antigène DQ2 ou DQ8 (phénomène de restric-
tion HLA) (10). Par ailleurs, on sait que les molécules HLA-
DQ2 fixent préférentiellement des peptides qui portent des rési-
dus chargés négativement à certaines positions cruciales. Or,
aucun peptide issu de la séquence native de la gliadine ne peut
se fixer avec une bonne affinité aux molécules DQ2 ou DQ8 et
ne peut reproduire l’effet stimulant de la gliadine entière sur les
lymphocytes T CD4+. Des travaux récents permettent de pro-
poser une explication à ces observations : la transglutaminase
tissulaire, cible antigénique des autoanticorps anti-endomy-
sium, provoque in situ la déamidation de la gliadine (transfor-
mation de ses résidus glutamine en résidus acide glutamique),
générant ainsi des fragments peptidiques chargés négativement
qui peuvent se fixer spécifiquement aux molécules HLA-DQ2
ou DQ8 et sont reconnus spécifiquement par les clones T CD4+
(11, 12).
GÈNES NON HLA DE PRÉDISPOSITION À LA MC
L’identification de gènes de prédisposition à la MC peut se faire
par deux approches différentes. La première consiste à analyser
des gènes dits “candidats”, codant pour des produits potentiel-
lement impliqués dans le développement de la MC (facteurs de
la réponse immunitaire, de l’inflammation, de la croissance des
cellules épithéliales...), et à étudier le polymorphisme de ces
gènes au sein de familles de patients. Ces candidats sont très
variés, et cette approche a pour l’instant été peu fructueuse.
L’autre approche consiste à analyser de manière systématique
l’ensemble du génome à l’aide de marqueurs polymorphes de
type “microsatellites” balisant le génome à intervalles réguliers,
et à étudier la ségrégation de ces marqueurs dans des familles de
patients, pour localiser une ou plusieurs régions dites “de sus-
ceptibilité”. Les travaux menés ces dernières années dans cette
optique sont, là encore, assez peu informatifs, portant sur un
trop faible nombre de familles, ce qui conduit à des résultats
contradictoires et non répliqués (13, 14).
CONCLUSION
Les études génétiques dans la MC ont un intérêt double :
• D’une part, elles identifient des gènes dont les produits sont
impliqués dans la physiopathologie de la maladie, et permet-
tent donc de mieux comprendre les mécanismes de développe-
ment de la MC. À la lumière de travaux majeurs menés ces der-
nières années, il est aujourd’hui tentant de proposer un schéma
physiopathologique de la MC : la gliadine, pour une raison
encore mal comprise, traverse l’épithélium intestinal et est
alors déamidée par la transglutaminase tissulaire, enzyme
constitutionnellement produite par les cellules mononucléées,
les fibroblastes et les cellules endothéliales présentes dans la
matrice sous-épithéliale de la muqueuse digestive. Chez cer-
tains sujets porteurs de l’allèle HLA-DQ2 ou DQ8, et proba-
blement sous l’influence d’autres facteurs génétiques, les néo-
déterminants antigéniques qui résultent de cette modification
enzymatique de la gliadine sont présentés par les cellules de
type monocytaire ou dendritique du chorion aux lymphocytes
T CD4+, qui s’activent spécifiquement et génèrent une répon-
se immune de type Th1 (production de cytokines inflamma-
toires telles que IFNγet TNFα). Il en résulte une activation non
spécifique des lymphocytes T intra-épithéliaux CD8+, des
polynucléaires et des macrophages, qui vont exercer leur action
cytotoxique directe ou indirecte sur les entérocytes intestinaux
et provoquer les lésions muqueuses de la MC. Parallèlement,
par un phénomène de coopération entre lymphocytes T CD4+
et plasmocytes du chorion, des anticorps IgA anti-gliadine et
anti-transglutaminase sont produits.
•D’autre part, les études génétiques aident à dépister les sujets
à risque de développer la MC, ou présentant une forme latente
de la maladie. Dans ce dernier contexte, en l’absence de traite-
ment spécifique autre qu’un régime coûteux et contraignant,
ce dépistage fait à l’heure actuelle l’objet d’un débat contro-
versé. ■
Mots-clés : Maladie cœliaque - Prédisposition génétique -
HLA.