Si les commentaires de l’époque concourent à dire de Marie (créé le 12 août) qu’il est un
opéra particulièrement inspiré, Olivier Bara a récemment6 écrit qu’« Herold imagine avec
Marie une œuvre au romantisme frémissant, au carrefour de l’Italie et de l’Allemagne, bâtie
autour d’un constant jeu contrastif entre les scène légères et les grandes scènes d’ensemble, le
divertissement offert par les morceaux de genre et les épisodes dramatiques. Ces derniers
contribuent à arracher les personnages d’« Amoureux » aux archétypes et à les humaniser
grâce aux déferlements d’une passion sans retenue. La nature ne renvoie plus seulement à ce
monde immuable et à cette société harmonieuse idéalisés par la bourgeoisie urbaine ; la
musique par ses couleurs et ses rythmes tend à rendre sa présence sensible, tandis que la
subjectivité de l’héroïne, dans le déchaînement de l’orage sur le lac, déteint sur les
convulsions des éléments. »
A la lecture de ces lignes, on a décidément envie d’en lire (ou d’en entendre) plus. Le texte de
Marie fut adapté par le romancier et librettiste Eugène de Planard d’après son propre roman
Almédan, ou Le Monde renversé et pour donner une idée du succès que l’ouvrage rencontra, il
faut savoir qu’il rattrapait, en nombre de représentations, La Dame blanche, créé un an
auparavant et atteignant sa centième au moment de la propre création de Marie.
A l’époque, Ferdinand est toujours employé au Théâtre-Italien où il devient Maître de Chœur,
puis passe à l’Opéra en 1828. Entre temps il s’était marié et avait eu un fils (il aura également
deux filles). « Dès lors, continue Fétis, fatigué de mille devoirs incompatibles avec la liberté
nécessaire aux travaux de l’imagination, il se vit hors d’état de profiter des circonstances
favorables qui s’offraient à lui pour mettre le sceau à sa réputation, et ses loisirs ne furent plus
employés qu’à écrire la musique de quelques ballets. C’est ainsi qu’il donna à l’Opéra
Astolphe et Joconde, ballet en 3 actes, en 1827 ; La Somnambule, ballet en 3 actes, dans la
même année ; Lydie, ballet en 1 acte, en 1828 ; Cendrillon, ballet en 3 actes, dans la même
année. C’est aussi vers la même époque qu’il écrivit l’ouverture, les chœurs et quelques autres
morceaux pour le drame de Missolonghi, représenté à l’Odéon. Trois années s’étaient
écoulées depuis qu’Hérold avait donné son opéra de Marie à l’Opéra-Comique, lorsqu’il
écrivit en 1829 un acte rempli de choses charmantes sons le titre de L’Illusion. La musique de
cet ouvrage était mélancolique et passionnée ; Hérold y transporta l’ouverture qu’il avait
écrite autrefois pour L’Amour platonique. Dans cette même année, le roi lui accorda la
décoration de la Légion d’Honneur, distinction qui lui était due à juste titre.
Emmeline, opéra en 3 actes, représenté en 1830, ne réussit pas ; mais l’année suivante [le 31
mai 1831], Hérold prit une éclatante revanche par Zampa, en 3 actes ; production digne d’un
grand maître et qui plaça enfin l’artiste au rang des compositeurs français les plus renommés.
Abondance de motifs heureux, passions bien exprimées, force dramatique, génie de
l’instrumentation et de l’harmonie, tout se trouve dans cet ouvrage, dont le succès n’a pas été
moins brillant en Allemagne qu’en France. Peu de temps après, Hérold prit part arec plusieurs
autres musiciens, à la composition de la Marquise de Brinvilliers, opéra en 3 actes.
Soit à cause de ses travaux de l’Opéra, soit par suite de la fatigue occasionnée par ses derniers
ouvrages, Hérold commençait à ressentir quelque altération dans sa santé. Jeune encore, il
aurait pu arrêter les progrès du mal par le repos et le changement de climat ; mais rien ne put
le décider à s’éloigner du théâtre de ses succès récents, et à cesser de travailler. Malgré les
représentations de ses amis, il continua le genre de vie qu’il avait adopté, et ce ne fut que
lorsque la maladie eut abattu ses forces, que la crainte commença à s’emparer de lui. La
6 En 2001, dans l’ouvrage : Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration – Enquête autour
d’un genre moyen