C’étaitunelégendedansleMarseilledelarue.
Quelaétévotreparti‐prisdemiseenscène?
Jevoulaisqu’onvivecettehistoiredatéeauprésent,plongerlespectateurenimmersion,en
faireletémoinintimedesévénements,qu’ilressentelesémotionsdespersonnagesen
mêmetempsqu’eux,qu’ilsoitdansleurspointsdevueenpermanence.Quelques
séquences,liéesàl’expositionducontexte,àl’introductiond’unnouveluniversouaux
ellipsesdetemps,comportentdesmouvementsdecamérafluidesettrèsliés.Maisilya
finalementtrèspeudescènes«installées»danslefilm.Jesouhaitaisquel’onrentre
souventdansuneséquenceenétantdanslevifdusujet,del’actionetdel’émotion.C’est
pourcelaquej’aibeaucouptournéencaméraépaule,entretenantunerelationorganique
aveclesprotagonistes.Lesacteurs,surleplateau,avaitunegrandelibertédemouvements.
Lacaméranedevaitjamaisprendreledessussurlasituationetsurlesémotions.Dansle
mêmesoucideprivilégierlespersonnagesetleconfortdesacteurs,j’aidemandéàJean
PhilippeMoreaux,monchefdécorateur,deconstruiredesdécorsà360°,afinqueles
acteurspuissentperdrel’impressiondedécorfictif.Mêmeprincipepourlalumière.Le
challengepourLaurentTangyétaitderéussiràsepasserdeprojecteursurleplateau.Sa
lumièredevaitvenirdel’extérieuroudesourcesintégréesaudécor(lampes,bougies...)afin
querienneperturbecettevolontéderéalismependantletournage.J’aivouluquelaFrench
soitunfilmvivantavanttout.
Est‐cequevousavezimmédiatementpenséàJeanDujardinetàGillesLellouchepourles
rôlesprincipaux?
Oui.AvecAudreyDiwan,nousavonsécritlescénariopoureux.Autoutdébut,IlanGoldman
m'ademandé:«Quelesttoncastingderêve?»Pourtouteréponse,jeluiaienvoyéunSMS
avecunmontagephoto.Onpouvaityvoirquatrevisages:ceuxdesdeuxpersonnages
principauxenfacedeceuxdesacteurs.LaressemblanceentreJeanDujardinetlejuge
Michelétaitindéniable.CelleentreGillesLelloucheetGaétanZampa,aussi.Maiscen’est
paslaraisonpremièredemonchoixbiensûr.Cesontsurtoutdeuxacteursextraordinaires.
Quandj’airencontréJean,j’aitoutdesuitevulejuge.Derrièrecesourireravageuretce
charmefou,ilyaunhommehabité,surinvestidanstoutcequ’ilfait.Jeanestunhomme
passionnéetcomplexe.Unperfectionnistetrèsrarementauto‐satisfait.
Gillesaluiuncomportementtrèsméditerranéen,charmeur,explosifetd’unegrande
générosité.J’aivitevuenluicetteâmedechefdebandequiétaitlepropredeZampa.
Lefilmestunpolarauxaccentsdetragédie.Jemetrompe?
Oui,c’étaitunevolontédedépart.LedestindujugeMichelestabsolumenttragique.Mais
surtout,AudreyDiwanetmoinoussommesviterenduscomptequecesdeuxpersonnages
opposéssesontentraînésl’unl’autreverslamortsansqu’aucunnetuel’autre.Nousavons
travaillésurcettemécaniquedudestin.Nousavonségalementvouluquelefilmneverse
pasdanslemanichéisme.Racontantdeshommesaulieudetraiterdesarchétypes.Etredans
leurintimité,c’estdécouvrirleurcomplexitérespective.Nousavonsdoncdéveloppéleur
universfamilial,danslequellesfemmesjouentunrôledéterminant.Ellessontlemiroirde
leursituation,souventlemoteurdeleurévolution.Ellesjouentdoncunrôleessentielet