Un mois plus tard la patiente fut de nouveau hospitalisée avec un
tableau d’asthénie et de douleur du transplant associé à un fébricu-
le et à une élévation de la créatininémie à 568 µmol/l. Par ailleurs
l’écho doppler mettait de nouveau en évidence des index de résis-
tance artériels élevés à 0.84. Le tableau clinique fût considéré
comme un épisode de rejet aigu et traité d’emblée par bolus de cor-
ticoïdes sans qu’un contrôle biopsique puisse être réalisé pour des
raisons logistiques. La symptomatologie clinique s’est rapidement
amendée et la créatininémie est redescendue en 8 jours à 135
µmol/l.
Persistait cependant une petite dilatation du bassinet à 14 mm pour
laquelle une scintigraphie rénale fut prévue pour le mois suivant.
Dans les heures qui précédèrent cet examen la patiente se plaignit
de douleurs abdominales et de nausées associée à une oligurie, à la
constitution d’œdèmes et à une élévation de la créatininémie à 560
µmol/l, le rein étant bien palpé dans la fosse iliaque gauche et légè-
rement douloureux. Au retour de la scintigraphie un nouveau exa-
men permis de constater une médialisation du greffon rénal au des-
sus de la vessie en position pelvienne. Le diagnostic de bascule du
rein avec torsion du pédicule fût évoqué et confirmé par un écho
Doppler qui montra un arrêt quasi complet du flux artériel avec élé-
vation majeure des index de résistance en position debout, anoma-
lies partiellement corrigées lorsque la patiente était positionnée en
décubitus latéral gauche (Figure 1A et 1B). La patiente fut immé-
diatement réopérée pour constater que le rein avait non seulement
basculé de la FIG vers la vessie, mais que le pôle supérieur avait
également basculé vers le bas autour de l’axe vasculaire avec une
rotation dans le sens anti-horaire à 180°. Le rein fût replacé dans la
fosse iliaque gauche après que le pédicule vasculaire fût détordu,
puis le colon descendant fixé au péritoine pariétal antérieur pour
refermer la gouttière pariétocolique gauche et extrapéritoniser le
greffon rénal, geste qui n’avait pas été réalisé initialement au
moment de la greffe. Une biopsie rénale effectuée durant l’inter-
vention permis de caractériser de nouveau des lésions tubulaires
sans signe de rejet, témoignant de lésions de nécrose tubulaire. La
scintigraphie qui fût considérée à posteriori après la reprise chirur-
gicale permit de montrer que le greffon rénal était couché sur la ves-
sie lors de l’examen et qu’il existait une mauvaise perfusion du rein
associée à une chute de l’excrétion urinaire (Figure 2).
Quinze jours après l’intervention la patiente pouvait regagner son
domicile avec une créatininémie à 138 µmol/l, le contrôle scinti-
graphique étant normal et des résistance artérielles estimées à 0,45
en écho doppler. La créatininémie est avec plus de deux ans de recul
autour de 130 µmol/l.
DISCUSSION
La perte du transplant rénal par torsion du pédicule vasculaire est
une cause classiquement décrite de thrombose rénale même si sa
survenue est rare. L’incidence de cette complication serait plus fré-
quente dans les doubles transplantations rein et pancréas simulta-
nées mais également chez l’enfant lorsque la transplantation rénale
est réalisée par voie intra péritonéale, ce qui donne dans l’un et l’au-
tre cas une mobilité plus importante du rein en particulier si la repé-
ritonisation de la loge de transplantation n’est pas suffisante.
Dans cette observation deux facteurs ont probablement participés
au déplacement secondaire du rein : la loge de transplantation réna-
le avait d’une part été insuffisamment repéritonisée et la patiente
avait d’autre part perdu près de 13 kg entre la date de greffe et la
survenue de la bascule complète du rein 9 mois après l’intervention.
Il est à posteriori probable que les épisodes successifs d’élévation
de la créatinine chez cette patiente aient été liés a des épisodes de
sub-torsion du pédicule rénal et de la voie excrétrice. En effet, les
lésions tubulaires isolées constatées sur la biopsie rénale au
moment du second épisode d’élévation de la créatinine (et superpo-
sables à celles observées sur la biopsie de rein réalisée le jour de la
reprise chirurgicale) sans qu’il existe par ailleurs de signe de rejet,
ni de lésion vasculaire sont probablement le témoin d’une nécrose
tubulaire liée à une ischémie transitoire du greffon rénal du fait de
la torsion du pédicule.
L’incidence au sein de la population des transplantés rénaux des sub-
torsions pédiculaires est probablement sous estimée dans la mesure ou
leur présentation clinique n’est pas univoque et peut, comme ce fût le
cas dans cette observation, mimer un rejet aigu de rein, ce qui retar-
de le diagnostic et la mise en route de la conduite à tenir adéquate.
L’examen clinique tient bien entendu une place très importante dans
le diagnostic en particulier lorsque le rein a basculé dans la grande
cavité en regard de la région hypogastrique. Cependant l’examen cli-
nique peut être pris en défaut et beaucoup moins contributif lorsque le
rein est toujours en position iliaque. Ce sont alors les examens para
cliniques et en particulier l’écho-doppler qui vont prendre toute leur
importance dans le diagnostic de torsion. La découverte d’une modi-
fications positionnelle des flux artériels et des index de résistance vas-
culaires du greffon rénal dans un contexte de dégradation de la fonc-
tion rénale devra faire évoquer le diagnostic de torsion. Seule alors
une intervention chirurgicale rapide avec détorsion du pédicule per-
mettra de limiter le risque de thrombose artérielle ou veineuse qui
constitue l’évolution naturelle d’une torsion lorsqu’elle est méconnue.
Détordre le pédicule ne suffit pas et une repéritonisation soigneuse de
la loge de transplantation éventuellement associée à une néphropéxie
limiteront alors le risque de récidive
CONCLUSION
Bien qu’il s’agisse d’une complication exceptionnelle la torsion du
pédicule rénal après transplantation lorsqu’elle survient peut
conduire à une perte du transplant par thrombose. Une repéritonisa-
tion attentive de la loge de transplantation lorsque la transplantation
rénale est effectuée par voie intra péritonéale devrait permettre d’é-
viter cette complication aux conséquences potentiellement désas-
treuses. L'écho-doppler est un excellent outil diagnostic lorsque
l’examen clinique est peu contributif. Seule une reprise chirurgica-
le rapide permet de traiter cette complication et d’éviter une throm-
bose du pédicule rénal.
Remerciements au Dr Poix qui a fourni l’iconographie.
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