maniaque et d’un épisode dépressif majeur, pendant au
moins une semaine. Cette conception n’est pas sans poser
un certain nombre de difficultés, puisque plusieurs critères
sont déjà communs aux deux types d’épisodes dans leur
forme pure, non mixte, tels les troubles de l’attention, l’agi-
tation, l’insomnie et, chez l’enfant et l’adolescent, l’irritabi-
lité. Pour résoudre ce problème, les concepteurs de la
prochaine version, le DSM-5 (on passe dans cette édition
des chiffres romains aux chiffres arabes), qui devrait paraître
en 2013, définissent dorénavant de manière plus précise
les « caractéristiques mixtes », comme une spécification
pouvant concerner aussi bien les troubles bipolaires I et II.
Des critères différents leur sont appliqués, selon la polarité
prédominante de l’épisode, maniaque, hypomaniaque ou
dépressive, reprenant la séparation entre manies mixtes et
dépressions mixtes (voir encadré).
Plutôt que la juxtaposition de symptômes maniaques et
dépressifs, certains considèrent actuellement que les états
mixtes seraient l’expression d’un défaut de concordance
entre un trouble de l’humeur et un tempérament. Kraepelin
avait déjà décrit quatre types de constitutions sous-jacentes
aux accès maniaco-dépressifs, qu’il avait dénommées consti-
tutions excitée, déprimée, irritable et cyclothymique.
Akiskal a repris ces descriptions sous le vocable de tempéra-
ments. Pour lui, la manie pure serait caractérisée par la sur-
venue d’accès maniaques chez des sujets au tempérament
« hyperthymique », manifestant une tendance permanente à
l’hypomanie, d’où son égale répartition entre les deux sexes.
Cette « polarité congruente » entre épisode pathologique et
tempérament n’est plus retrouvée dans la manie mixte ou
dysphorique, survenant chez des patients au tempérament
57
Caractéristiques cliniques
d’équipées nocturnes pendant lesquelles elle manque de se
faire agresser. Elle parle fort et avec volubilité, les idées s’en-
chaînent de manière chaotique dans son discours. Elle se
lève de son siège, tourne en rond dans le bureau, puis gagne
la salle d’attente, où elle s’épanche avec familiarité auprès de
personnes qu’elle ne connaît pas. On ne peut plus rien faire
pour l’aider, c’est la fin, dit-elle. Elle ne s’alimente plus et
maigrit. Ceux qui connaissent son histoire savent qu’elle a
présenté de nombreux accès similaires depuis la fin de l’ado-
lescence, notamment peu après la naissance de sa fille, et a
été hospitalisée à de multiples reprises. Elle a perpétré plu-
sieurs tentatives de suicide médicamenteuses. Elle a dû
arrêter de travailler depuis longtemps, touche une pension
d’invalidité. Initialement considérée comme une person-
nalité histrionique (hystérique) présentant des états déli-
rants aigus, elle rechutait régulièrement tous les ans sous
traitement neuroleptique prescrit à titre préventif, avant
que sa mise sous régulateur de l’humeur ne lui apporte plu-
sieurs années de stabilité. Se croyant guérie, elle a inter-
rompu son médicament peu avant la récidive actuelle.
Dans d’autres cas, qu’on a qualifiés de syndromes dépres-
sifs mixtes ou de dépressions mixtes, l’humeur dépressive et
le ralentissement de la pensée s’accompagnent d’une agitation
motrice. Manie dysphorique (ou mixte) et dépression agitée
(ou mixte) constituent à l’heure actuelle les deux formes
reconnues d’états mixtes. Ce sont les deux premières des six
formes historiques d’Emil Kraepelin.
Depuis la dernière édition en date de la classification
américaine des troubles mentaux, le DSM-IV, publié en
1994, on considère que, pour diagnostiquer un épisode (ou
un état) mixte, doivent être réunis les critères d’un épisode
56
Idées reçues sur les troubles bipolaires