
Chapitre 9. Diagnostic nutritionnel 93
les cirrhoses décompensées ou les insuffisances cardiaques
où les autres méthodes d'évaluation de l'état nutritionnel
(pesée, calcul de l'IMC, de la perte de poids, voire impédan-
cemétrie) peuvent être prises en défaut.
Mesures du tour de taille et du tour de hanches
Elles sont réalisées à l'aide d'un mètre-ruban, le patient étant
en décubitus dorsal, le ruban passant, selon les recommanda-
tions de l'OMS, à mi-chemin entre le rebord costal inférieur et
les crêtes iliaques pour la mesure du tour de taille et au niveau
des grands trochanters pour la mesure du tour de hanches.
Ces deux paramètres sont utilisés pour évaluer la répartition
du tissu adipeux chez les patients en surcharge pondérale ou
obèses. Le tour de taille est un marqueur du tissu adipeux
abdominal périviscéral et son augmentation définit l'obésité
abdominale ou androïde, volontiers accompagnée de com-
plications métaboliques (syndrome métabolique, diabète de
type2, dyslipidémie, hypertension artérielle) ou de maladies
cardiovasculaires. Les valeurs normales du tour de taille
varient avec l'origine ethnique des populations étudiées. Ainsi,
selon l'International Diabetes Federation (IDF), le tour de taille
est augmenté lorsqu'il dépasse 94 cm chez un Européen de
sexe masculin ou 80 cm chez une femme européenne, ces
seuils étant encore plus stricts pour les populations asiatiques
(90cm pour les hommes et 80 cm pour les femmes) [7]. Le
tour de hanches représente quant à lui un reflet du tissu adi-
peux sous-cutané et son augmentation caractérise une réparti-
tion gynoïde de la masse graisseuse, c'est-à-dire prédominant
au niveau de la partie inférieure du corps et plus volontiers
associée à des complications de type mécanique (arthrose).
Le quotient entre le tour de taille et le tour de hanches
correspond au rapport taille sur hanches, rapport égale-
ment préconisé par l'OMS pour définir l'obésité abdominale
lorsqu'il dépasse 0,90 chez l'homme et 0,85 chez la femme
[8]. Cependant, ce rapport tend à être supplanté à l'heure
actuelle par la seule mesure du tour de taille plus simple à
mettre en œuvre et tout aussi informative sur le plan clinique.
Paramètres biologiques
Les protéines nutritionnelles sériques utilisées en pratique
clinique ont pour principale mission d'aider à mieux évaluer
l'état nutritionnel et en particulier le statut des protéines vis-
cérales mal appréhendé par les mesures anthropométriques.
Aucun des marqueurs biologiques pris isolément n'est suf-
fisant pour porter un diagnostic nutritionnel correct par
manque de sensibilité et de spécificité. La connaissance de leur
taux sérique permet d'améliorer le diagnostic nutritionnel
notamment par la possibilité de les inclure dans des indices
composites validés. Le coût de ces marqueurs doit cependant
rester raisonnable dans la pratique clinique courante.
Albumine [9]
C'est le marqueur nutritionnel le plus couramment utilisé
pour évaluer l'état nutritionnel. Synthétisée par le foie, cata-
bolisée par le tractus digestif et l'endothélium vasculaire
avec une demi-vie de l'ordre de 21jours, l'albuminémie
varie normalement entre 35 et 50 g/l, la moitié du stock de
l'albumine de l'organisme résidant dans le secteur vasculaire,
l'autre moitié étant située dans les espaces extracellulaires.
En dehors d'une dénutrition, il existe plusieurs causes
de baisse de l'albuminémie au premier rang desquelles
arrive le syndrome inflammatoire. Il peut être responsable
d'une baisse de l'albumine sérique pouvant aller jusqu'à
40 % en raison d'un défaut de synthèse hépatique de l'al-
bumine au profit des protéines inflammatoires sous l'in-
fluence des cytokines pro-inflammatoires. La fréquence
élevée de cette éventualité en pratique clinique nécessite
d'interpréter l'albuminémie en fonction du taux sérique
d'une protéine inflammatoire dosée simultanément,
comme par exemple la CRP. L'insuffisance hépatocellu-
laire par diminution de synthèse, le syndrome néphro-
tique, les maladies inflammatoires et/ou exsudatives du
tube digestif, les brûlures responsables d'une augmenta-
tion des pertes d'albumine respectivement au niveau des
reins, du tube digestif ou de la peau sont d'autres causes
d'hypoalbuminémie. Une augmentation de la perméa-
bilité vasculaire peut également s'accompagner d'une
hypoalbuminémie par fuite d'albumine dans le secteur
extracellulaire. Enfin, l'hémodilution peut être une cause
d'hypoalbuminémie.
Bien que manquant de sensibilité, de spécificité et de
représentativité du stock des protéines viscérales, l'albumine
demeure un marqueur nutritionnel très largement employé,
à la fois pour son faible coût et pour sa valeur pronostique.
Il existe en effet une bonne corrélation entre la baisse de l'al-
buminémie et l'augmentation de la mortalité ou de la mor-
bidité dès que sa valeur diminue en dessous de 35 g/l. Le rôle
pronostique de l'albuminémie est souligné par son inclusion
dans le calcul de l'indice de Buzby ou nutritional risk index,
indice permettant d'évaluer à la fois l'état nutritionnel des
patients et le risque de comorbidités qui en découle. Par
contre, en raison de sa demi-vie longue, l'albuminémie n'est
pas un bon marqueur du suivi de l'efficacité du soutien
nutritionnel mis en œuvre.
Préalbumine ou transthyrétine [9]
C'est une des protéines vectrices des hormones thyroï-
diennes. Son principal intérêt nutritionnel réside dans le
fait qu'elle est rapidement réactive aux apports protéino-
énergétiques alimentaires en raison notamment d'une
demi-vie beaucoup plus courte (de l'ordre de 2jours) que
celle de l'albumine. Elle est synthétisée par le foie et ses
taux sériques varient normalement entre 250 et 350 mg/l.
Comme pour l'albumine, la préalbumine est corrélée à la
morbidité induite par la dénutrition.
Le jeûne ou la dénutrition entraînent une baisse rapide de
la préalbuminémie, une valeur inférieure à 110 mg/l signant
une dénutrition modérée et un taux inférieur à 50mg/l une
dénutrition sévère. D'autres circonstances pathologiques
peuvent induire une baisse de la transthyrétine par des
mécanismes similaires à ceux évoqués pour l'albumine:
insuffisance hépatocellulaire, syndrome néphrotique ou
hémodilution. Le syndrome inflammatoire constitue une
cause fréquente d'hypotransthyrétinémie nécessitant le
dosage concomitant d'une protéine inflammatoire (CRP)
pour pouvoir interpréter correctement son taux sérique
(tableau9.2). L'hyperthyroïdie est une cause plus spécifique
de baisse de la préalbumine en rapport avec sa fonction de
transport des hormones thyroïdiennes.
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