synthèse - RML-B

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R e n c o n t r e s M u lt i d i s c i p l i n a i r e s L o c a l e s
2015
Comment renforcer le travail multidisciplinaire
pour les patients polypathologiques?
L'exemple du diabète et de la santé mentale
RENCONTRE AVEC 60 PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
A l’occasion de la troisième édition des rencontres multidisciplinaires locales, médecins généralistes, spécialistes
(diabétologues, psychiatres), infirmiers de 1ère et 2ème ligne, éducateurs en diabétologie, pharmaciens, diététiciens,
psychologues, assistant sociaux ont été réunis pour se concerter autour d’un thème : « La prise en charge
multidisciplinaire des patients polypathologiques (focus sur le diabète et la santé mentale) ».
Que faire lorsqu’un trouble de la santé mentale rend difficile l’adhésion au traitement ?
Comment gérer un traitement complexe avec un patient déstabilisant ?
Lorsque le traitement médicamenteux a des conséquences sur l’équilibre de la glycémie et/ou de la gestion du
poids, comment agir ?
Des professionnels de santé travaillant dans un même quartier ont échangé leurs réflexions dans le but d’améliorer
l’accompagnement des patients. Nous vous présentons la synthèse de ces échanges.
Diabète et problèmes de santé mentale sont souvent ass’en servir comme levier des changements à mettre en
sociés. Les études épidémiologiques établissent claireplace. C’est le patient qui est moteur de ces changement des liens entre le diabète et les maladies mentales.
ments, il faut donc être attentif à ne rien lui imposer
De nombreux facteurs interviennent dans la complexité
qui ne soit au-delà de ses possibilités et de ses resdu suivi de cette population. Les professionnels perçoivent
sources.
les difficultés à plusieurs niveaux : celui du patient, du trai-  Fixer avec le patient des micro-objectifs, en pertement, de la collaboration et au niveau de l’organisation
mettant le rétablissement de la confiance et de l'estime
des soins.
de soi. En effet, si les RBP (Recommandations de
Bonnes Pratiques) et la santé guident la définition des
objectifs, il est nécessaire de les mettre en perspective
Un projet thérapeutique qui fasse sens : L’implication
avec les préoccupations du patient (qui se situent pardu patient
fois à un tout autre niveau que celles du soignant). Il
Une partie importante des actions thérapeutiques est défaut aller vers une réconciliation des points de vue, néléguée au patient, alors qu’il est dans un contexte qui ne
gocier des objectifs qui rencontrent les attentes de chalui permet pas de s’investir facilement dans le traitement.
cun.
Souvent, le traitement du diabète n'est pas la priorité du  Un préalable à tout projet thérapeutique semble être
patient (asymptomatique) : il convient alors de trouver
de stabiliser le cadre de vie.
une autre porte d'entrée pour in fine traiter le diabète (la  Une autre piste réside dans le fait d’apporter des soins
stabilisation du cadre de vie par exemple).
de proximité. Ceci implique une certaine concentration
géographique des services, proches du domicile du paConstruction du projet thérapeutique global en accord
tient.
avec le patient :
Le projet thérapeutique doit être construit en partenariat
étroit avec le patient. Cela nécessite un lien de confiance
qui prend du temps à s’établir et qui est difficile à transférer dans le cadre d’un travail multidisciplinaire. A défaut
de trouver une alliance avec le patient, il y a un risque important de décrochage (mise en échec des plans thérapeutiques, hospitalisations multiples…).
Quelques pistes :
 Identifier les priorités du patient, ce qui le motive et
Un traitement adéquat : tenir compte de la situation
globale du patient
Les principes du traitement du diabète sont identiques.
Toutefois, la particularité pour le suivi des patients avec
une fragilité psychiatrique est la plus grande nécessité
d’une approche multidisciplinaire. En ce qui concerne la
médication des maladies psychiatriques, il faut privilégier
les antipsychotiques atypiques et les antidépresseurs
ayant moins d’impact sur la prise de poids et sur le diabète.
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Comment renforcer le travail multidisciplinaire
pour les patients polypathologiques?
L'exemple du diabète et de la santé mentale
Polymédication
d'information, elle permet de pallier le risque d'épuisement du réseau, tant au niveau des professionnels de sanUne polypathologie implique l’intervention de nombreux
té (pouvant sentir ce type de suivi comme chronophage,
professionnels différents, ce qui augmente le risque de
frustrant ou décourageant) que des aidants proches. L'obpolymédication. Dans de nombreux cas, aucun professionjectif est de pouvoir articuler les différentes interventions
nel n’a la connaissance de l’ensemble du traitement du
pour permettre d’apporter une réponse concrète au bepatient. A ce niveau, une collaboration étroite avec le mésoin du patient.
decin généraliste et le pharmacien permet d’assurer la
pharmacovigilance. Si certains médicaments doivent être
L’interconnaissance : les rôles professionnels
supprimés ou changés, l’idéal est de faire cette modification en concertation avec le prescripteur initial.
 Les aidants proches
Vers un plus grand partage des connaissances
La place des aidants proches s'avère centrale. Ils sont souvent garants du suivi du traitement par le patient. Cependant, cette ressource doit faire l'objet d'une attention particulière de la part des intervenants. Tout miser sur l’aidant est dangereux. La situation pourrait se dégrader rapidement si cette personne changeait de rôle dans le réseau
du patient (séparation, épuisement, dispute familiale…).
La tentation est également grande de se reposer sur les
Il est très utile que le médecin généraliste ou le diabétologue transmette régulièrement au psychiatre les résultats aidants proches pour cadrer le patient, au risque de leur
faire endosser un rôle de "contrôleur" qui pourrait détédes tests sanguins afin qu'il puisse en tenir compte dans
riorer la relation avec le patient.
ses prescriptions.
Les informations relatives au traitement devraient davantage être partagées par les différents intervenants. Par
exemple, le psychiatre qui suit une personne diabétique
devrait connaitre les techniques d'injection et de contrôle
afin de pouvoir apporter un éclairage sur la faisabilité des
options en fonction des capacités du patient.
Au niveau de la prescription des antipsychotiques (surtout
ceux de la 2ème génération), il est préconisé de faire un
bilan pour le diabète (anamnèse et prise de sang). Le
risque d'effets secondaires sur le diabète est surtout élevé
au début du traitement. Pour les patients à risque, on
peut donc faire un dosage HbA1c 1 fois par semaine, puis
tous les 3 mois, puis annuellement.
 Le rôle du diététicien
En plus de la réalisation d'une anamnèse alimentaire la
plus réelle possible, le diététicien pourra identifier la nature du lien que le patient porte à son alimentation et lui
faire comprendre l'importance du rôle de l'alimentation
sur la santé. Les mesures conseillées devront également
être construites avec le patient, en tenant compte de son
La collaboration : vers plus de flexibilité
quotidien et de ses habitudes. Le renvoi vers un diététicien devrait être fait automatiquement, en cas de prise de
Face à une situation complexe, l'approche monopoids, de diabète déséquilibré, d’absence d’activité phydisciplinaire ou hiérarchisée est inefficace. Il est nécessique, etc.
saire d'organiser la prise en charge tout en laissant une
certaine flexibilité permettant :
 L’effet « cadrant » de l’institution
 Un ajustement par rapport à la situation du patient et
 Une adaptation de la frontière des rôles professionnels L'institutionnalisation/l'hospitalisation de la personne lui
("ce n'est en principe pas mon rôle, mais je le fais")
offre un cadre lui permettant de prendre en charge son
projet thérapeutique. De plus, le travail multidisciplinaire
est facilité si les intervenants sont issus de la même institution (p.ex. différents services d'une même institution
Chacun a un rôle à jouer et la 1ère ligne peut faire face à
hospitalière). Tout l'enjeu consiste à faire perdurer ce
quelques incertitudes liées à la possibilité d'actions dans la
cadre structuré et structurant lors du retour à domicile.
prise en charge de la santé mentale.
Travail en réseau et concertation
La concertation (échange et rencontre), y compris avec le
patient, prend tout son sens et reste une condition de réussite incontournable. Outre sa fonction d'échange
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Comment renforcer le travail multidisciplinaire
pour les patients polypathologiques?
L'exemple du diabète et de la santé mentale
L’organisation des soins : la communication pierre
angulaire de la réussite
Quelques autres éléments pointés à l’occasion des
rencontres
Les soins collaboratifs peuvent augmenter la capacité
 La segmentation des secteurs : entre 1ère ligne/2ème
d’autogestion et la qualité de vie des patients. Ils peuvent
ligne (difficulté de communication entre médecins géaussi assurer un support efficace aux professionnels qui
néraliste et spécialiste), mais également entre services
font face à des situations difficiles et parfois décourad’une même institution ;
geantes pouvant entrainer un sentiment de débordement.  La saturation actuelle des consultations de diabétologie (en Région bruxelloise) : souvent, si le patient ne se
Le recueil de l'information la plus complète et la plus juste
présente pas au rendez-vous, il n'en n'aura pas
possible, bien que complexe, est essentiel. Les visites à
d'autres. Tout comme les consultations avec les psydomicile s'avèrent être un moyen efficace pour identifier
chiatres, les patients sont suivis s'ils respectent un cercertains éléments à prendre en compte dans le suivi. À ce
tain cadre (celui des consultations) ;
titre, le rôle de l'éducateur en diabétologie permet d’ob Le manque de place dans les services spécialisés et les
tenir des informations précieuses quant à la situation du
délais trop longs pour obtenir un rendez-vous pour un
patient, son cadre de vie, ses habitudes, etc. Dans tous les
patient ;
cas, la multiplication des canaux est conseillée pour cerner  Le manque de formation, d’un côté, par les acteurs de
correctement la situation de vie du patient.
santé généralistes pour l’abord de la souffrance psychique (constat récurrent) et d’un autre côté, celui des
Dans une prise en charge nécessitant plusieurs interveprofessionnels de la psychiatrie sur les principes du
nants, l'échange d'information est une condition de réustraitement du diabète ;
site d'un suivi efficace. Actuellement, chaque intervenant

Le manque de connaissance des ressources institutionrédige un dossier mais il y a peu de partage. D'autres diffinelles et professionnelles des différents secteurs pour
cultés de type technique peuvent également expliquer cet
orienter pertinemment les patients.
état de fait. Par exemple, le fait que le format des dossiers
soit non standardisé implique de passer beaucoup de
temps à les remplir. Il est donc matériellement très difficile de rédiger un dossier complet pour chaque patient. La
volonté politique annoncée et les avancées technologiques devraient apporter des améliorations dans ce domaine.
Tous s’accordent à dire que la collaboration multidisciplinaire est indispensable dans une prise en charge des patients
chroniques, et plus particulièrement, en cas de situations complexes. Cependant, celle-ci « ne va pas de soi ». Se connaitre
et se reconnaitre dans l’apport spécifique et complémentaire de chaque discipline est une première étape importante.
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