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éditorial
Le diabète à l’heure du numérique :
une réalité incontournable,
une chance pour les patients,
un défi pour les professionnels
Diabetes enters digital era: a major reality, an opportunity for patients,
a challenge for professionals
L
a diabétologie a toujours été le point de rencontre
de diverses disciplines médicales et scientifiques,
c’est ce qui en fait le sel et l’attractivité. L’irruption
d’ingénieurs, informaticiens, algorithmiciens et autres
spécialistes du big data dans les congrès de notre
discipline nous fait prendre conscience que le diabète
est désormais entré dans une nouvelle ère, celle du
numérique. Quelles en seront les conséquences pour
les patients et les professionnels de santé ?
De nombreux industriels proposent des objets connectés
invitant le patient à “bien se comporter”. Qu’il s’agisse
de trackers d’activité physique, de balances électroniques, de carnets alimentaires online ou de lecteurs
glycémiques branchés sur le Cloud, toutes ces “apps de la
mesure de soi” visent à promouvoir des comportements
vertueux. Reconnaissons qu’elles sont pour la plupart
encore basiques dans leur conception, fondée sur une
approche comportementaliste binaire (récompense/
punition, smileys). Pour certains philosophes, ces technologies, loin de nous rendre responsables, autonomes, et
d’être libératrices, nous rendent dépendants (l’addiction
au smartphone). Nous en sommes encore aux balbutiements de la compréhension de l’impact de ces objets
connectés sur le patient atteint de diabète. Pour certains,
il nous faut concevoir des technologies nous invitant à
agir délibérément, et pas seulement parce que nous y
sommes incités comme dans un système ludifié. Il nous
faut également associer tôt le patient à la conception
de ces outils, afin qu’ils répondent à des besoins réels.
Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. One size
does not fit all. Certains de ces objets connectés ou de
ces applications smarphones rendent de réels services
à des patients en demande d’accompagnement et de
soutien rapproché. Quelques rares systèmes numériques sortent du lot, pour diverses raisons : ils ont été
conçus pour répondre à un besoin médical non pourvu ;
ils apportent une aide thérapeutique au patient en
temps réel, au lieu d’être de seuls collecteurs de données ; ils s’intègrent dans un “écosystème” de télé­
médecine complet impliquant le patient, le médecin
traitant, le diabétologue et l’infirmière ; enfin, ils ont été
évalués et ont fait la preuve de leur bénéfice, à défaut
d’une analyse médicoéconomique encore en attente. On
peut citer, aux États-Unis, le programme WellDoc, ciblant
le diabète de type 2 ; en France, le programme Diabeo,
conçu pour le diabète insulinotraité, ainsi que MyDiabby,
abordant le diabète gestationnel. La quintessence des
programmes consacrant l’avènement du numérique
dans la diabétologie est le pancréas artificiel où toute la
chaîne thérapeutique, depuis la mesure de la glycémie
jusqu’à la commande d’administration d’insuline sous
couvert d’une télésurveillance, n’est qu’une succession d’octets abscons faits de 0 et de 1 dont la moindre
inversion aurait des conséquences dramatiques. Si la
plupart de ces dispositifs, dont le chef de file en France
sera Diabeloop, seront encadrés par un marquage CE,
il nous faut prendre conscience que certains logiciels
de pancréas artificiel, conçus par des patients bricoleurs,
sont en téléchargement libre sur Internet.
Dans cette jungle de silicium et de lithium, point de
salut pour le professionnel tenté par la résistance,
tel Astérix face à Babaorum et Petibonum. Notre
nouvelle mission est d’accompagner le changement :
comprendre et questionner ce qu’il y a sous le capot
des outils numériques, valider leur fonctionnement,
conseiller et orienter le patient, adapter notre pratique
pour communiquer différemment avec le patient.
Le moindre des défis ne sera pas de faire reconnaître
et de valoriser ces nouvelles activités. Cette gageure
n’est plus scientifique ni médicale mais politique.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 3 - mars 2016
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Pr Pierre-Yves Benhamou
Clinique d’endocrinologie, CHU de Grenoble.
L’auteur déclare avoir des
liens d’intérêts avec Sanofi,
Abbott, Medtronic, Lilly,
Novo Nordisk, Lifescan.
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