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Filmer le théâtre
est un art vivant
Une brève histoire du théâtre filmé
8 mai 1928 : le responsable de la radiodiffusion à la General Electric Company annonce la pre-
mière retransmission télévisée : 1 heure 30 de programme, à destination des laboratoires et de quel-
ques amateurs ayant construit un récepteur.
Le 11 septembre 1928 - quatre mois plus tard seulement - la première “dramatique de télévision”
(television drama) est diffusée : The Queen’s Messenger, de J. Hartley Manner, mélodrame d’es-
pionnage, relatant l'histoire d’un officier britannique à Berlin, aux prises avec une espionne
russe… L’émission consiste exclusivement en une alternance de gros plans des visages et des mains.
Mais le théâtre s’impose vite comme un genre privilégié des débuts de la télévision : il fournit un
répertoire, des décors et des acteurs.
Le phénomène gagne très vite la Grande-Bretagne.
En France, dès l’après-guerre, les “dramatiques” sont diffusées en direct depuis les Buttes
Chaumont. Et le 28 août 1966, “Au théâtre ce soir” débute sur les antennes de l’ORTF.
Déjà, la caméra s’est déplacée du studio au théâtre. Mais les moyens techniques continuent à impo-
ser au réalisateur le montage en direct.
Qu’est-ce que filmer le théâtre aujourd’hui ?
L’avènement des technologies numériques dans les années 1990 change la donne : la facilité nou-
velle d’enregistrement, la souplesse de l’utilisation d’un équipement de plus en plus diversifié
offrent un champs de possibilités nouvelles.
Ainsi, la recréation complète d’une pièce, filmée sans public dans un studio ou au théâtre, est dé-
sormais possible.
Si elle permet à la caméra de monter sur la scène pour mieux s’immiscer dans l’action et proposer
au spectateur de théâtre un point de vue jusqu’alors inédit, la recréation néglige une dimension
essentielle : filmer des acteurs qui ne jouent plus pour un public mais pour une caméra relève fon-
damentalement d’une démarche cinématographique, incapable de recréer l’émotion propre au
spectacle vivant et cette relation entre le spectateur et l’acteur, unique au théâtre.
La captation, elle, “saisit” le spectacle vivant pendant sa représentation publique. Servie par les
technologies les plus innovantes développées par la télévision, elle sait proposer un regard inédit et
créatif. Confronté à une multitude de possibilités techniques, le réalisateur doit opérer des choix.
Il établit un minutieux découpage spatial : le placement des caméras et des micros doit permettre
de saisir tous les aspects constitutifs du spectacle (action, parole, décors…). Filmer le théâtre n’est
donc pas un art figé : aucun dispositif standard pour chaque pièce, chaque mise en scène, chaque
répertoire, chaque salle exige une nouvelle conception. Enfin, la captation est le fruit d’un croise-
ment d’intentions, le résultat d’un dialogue entre l’approche du réalisateur et le travail du metteur
en scène. Elle aboutit à la création d’un nouvel objet, le Film de Théâtre, participant des deux dis-
ciplines : Théâtre et Cinéma.