766 Archives de Philosophie 5.17. Yehouda oFRAtH : « Le concept de forme dans la philosophie de Spinoza », Revue philosophique de la France et de l’étranger, 205 (2), p. 147-173. 5.18. dominik PERLER : « Spinoza über tiere », Archiv für Geschichte der Philosophie, 96 (2), p. 232-261. 5.19. Alison PEtERMAN : « Spinoza on Physical Science », Philosophy Compass, 9 (3), p. 214-223. 5.20. Giuseppe RENSI : Spinoza, traduit de l’italien et présenté par Marie-José tramuta, Paris, Allia, 127 p. on ressent quelque chose d’anachronique, mais en même temps de roboratif, à la lecture du petit ouvrage de G. Rensi (1871-1941), traduit et présenté pour la première fois en français par Marie-José tramuta. L’ouvrage a été publié initialement en 1929 : face au contexte politique désespérant de son Italie natale devenue pays fasciste, Rensi a réagi dans un premier temps en présentant la figure de Spinoza comme maître-penseur des Lumières, pourvoyeur d’une politique tolérante élaborée, avant d’abandonner plus tard tout espoir et d’écrire sa Philosophie de l’absurde (1938). Le livre donne l’impression de retrouver un peu de l’innocence perdue d’une époque « préscientifique » du spinozisme, où l’on pouvait « expliquer » Spinoza (si c’est bien le mot à employer, et rien n’est moins sûr) en le décrivant comme une sorte de poète, d’une plume elle-même poétique, sans se soucier trop des intrigues qui passionnent les spécialistes mais souvent rebutent les non-initiés. C’est un livre qui n’est nullement destiné à augmenter notre connaissance du texte spinoziste ; on ne peut d’ailleurs pas vraiment dire que cela ait été sa visée. Il s’agit plutôt d’un écrit de circonstance, qui a pour lecteur idéal le lecteur éduqué et ouvert d’esprit mais non forcément philosophe de métier. Sa manière de faire est logique et simple : il décrit le système, de ses fondements jusqu’à ses conséquences éthiques et politiques. Il est riche en suggestions, intuitions et même en images, son écriture est très agréable, mais il reste difficile de dire qui est le Spinoza de Rensi, quelle est sa thèse principale concernant cette philosophie et quels problèmes il veut résoudre dans la lecture qu’il propose. Néanmoins, certains de ses arguments sont bien clairs, et par conséquent discutables, voire réfutables. D’abord, que le spinozisme, au lieu d’être un ensemble d’arguments ou de discussions plus ou moins polémiques qui interpellent l’histoire de la philosophie antérieure à l’établissement du système, est en fait « un réalisme dont la hardiesse n’a jamais été dépassée » (p. 13), autrement dit qu’il est une description fidèle de « l’Être ». Cette interprétation globale du spinozisme explique sans doute pourquoi l’A. finit par préférer la description et l’image à la démonstration et au raisonnement, et pourquoi nous, ses lecteurs, finissons à notre tour par goûter les plus admirables moments du texte, où il déploie avec force son regard de poète. Ensuite, l’A. soutient que « la doctrine de Spinoza constitue […] un effort considérable pour assujettir la raison aux choses, à l’Être comme il est, au lieu d’assujettir où de faire dépendre les choses de la raison ou de l’esprit ; […] il n’est pas une raison au-dessus des choses, les choses ne procèdent pas de la raison, mais d’une Substance aveugle sans entendement ni volonté, ni fins ; cette négation de la téléologie est à la fois une négation radicale du déisme et du rationalisme » (p. 52). C’est ce qui, aux yeux de Bulletin de bibliographie spinoziste 767 l’A., sépare totalement Spinoza de Kant (ses diverses comparaisons du spinozisme et du criticisme kantien sont toujours intéressantes) et rapproche intimement Spinoza de Leopardi, Lucrèce et Schopenhauer. Enfin, le spinozisme, selon l’A., « culmine dans son ensemble en un mysticisme athée » (p. 118). Si aujourd’hui une telle affirmation passera avec beaucoup plus de difficulté (on croit que le spinozisme peut de nos jours être tout, à condition de ne pas être un mysticisme), on admire ici l’un des derniers et des plus beaux éclats du feu d’artifice goethéo-spinoziste. Jack StEttER 5.21. thaddeus RobINSoN : « Identifying Spinoza’s Immediate Infinite Mode of Extension », Dialogue, 53 (2), p. 315-340. 5.22. vicente SERRANo : « El papel de los afectos en el pensamiento político de Spinoza », Ideas y valores, 63 (154), p. 31-57. 5.23. Guillermo SIbILIA : « El itinerario de Spinoza en 1663. Algunos problemas relativos a la temporalidad en ‘Los principios de filosofía de descartes’ », Praxis filosofica, 38, p. 27-51. 5.24. Francesco toto : L’individualità dei corpi. Percorsi nell’Etica di Spinoza, Milano, Mimesis, 462 p. Ce livre s’interroge sur le rapport entre la nature commune et l’identité singulière des individus dans l’Éthique de Spinoza, en suivant le fil conducteur du corps, de l’abrégé de physique à l’amour intellectuel de dieu. Le statut de l’individu dans la philosophie de Spinoza est un problème débattu depuis longtemps – notamment, depuis la lecture de Leibniz et bayle, renouvelée ensuite par Hegel –, mais que l’A. reprend à partir de l’interrogation d’Alexandre Matheron en 1978, parue dans la Revue de synthèse à l’occasion du troisième centenaire de la mort de Spinoza : y at-il vraiment, en toute rigueur, une anthropologie spinoziste ? Entre l’image du Spinoza-Parménide de la tradition et l’image du Spinoza-Héraclite que l’A. attribue à l’interprétation de Gilles deleuze et à celle d’une partie des commentaires les plus récents, cet ouvrage est à la recherche d’un point de médiation capable à la fois de préserver l’identité et la différence des individus, tout en restant à l’intérieur de la théorie du corps. L’A. s’efforce donc de relire l’Éthique sub specie corporis et surtout de la relire en s’appuyant sur le lexique ‘mineur’ du corps. La démarche explicite de ce livre consiste en effet à ne pas s’engager dans l’architectonique du système, mais à retrouver le prolongement et la complexité des problèmes majeurs dans des détails négligés, qui les cachent. La première partie, cependant, examine la célèbre définition de l’individu dans l’abrégé de physique et refuse la lecture désormais classique de Martial Gueroult sur les modes de formation de l’individu, statique et dynamique, avec l’explication de l’identité individuelle par la pression des corps extérieurs. Le contexte dans lequel s’inscrit la construction de l’individualité chez Spinoza est d’abord éclairé à partir des définitions hobbesiennes et cartésiennes de corps. Ainsi, l’individu compris comme une union des corps maintenue non plus par la pression des ambiants, mais par la loi ou proportion intérieure, permet à Francesco toto de présenter sous une nouvelle lumière la question du rapport entre parties et tout, et de souligner le rôle d’un concept souvent passé presque inaperçu dans les textes spinoziens, celui de spontanéité. La seconde partie propose donc un examen