LES CRISES FINANCIÈRE ET
ÉCONOMIQUE DE 2008
À L’ORIGINE,
LES DÉRIVES
DU SECTEUR
FINANCIER
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Rédaction : Lise Côté
Secrétariat et mise en page : Annie Gagnon
Relecture (français) : Catherine Veillette
Coordination de la publication : Isabelle Gareau
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
565, boulevard Crémazie Est, bureau 12100
Montréal (Québec) H2M 2W3
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Sans frais : 1 877 897-0057
www.ftq.qc.ca
ISBN : 978-2-89639-134-9
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Une crise aux causes profondes
En août 2007, le dégonflement de la bulle immobilière aux États-Unis déclenche la plus grave crise
financière de l’histoire. Elle a pour origine les États-Unis, le cœur même du monde financier et pour
conséquence, une récession économique mondiale.
Pourquoi dit-on que cette crise, plus qu’une autre, remet en question profondément le modèle capitaliste
dans lequel nous vivons? D’autres crises financières et boursières ont eu lieu au cours des années 1990 et
2000, mais elles étaient localisées géographiquement (par exemple, l’Asie en 1997) ou encore ne
touchaient qu’un secteur particulier (l’éclatement de la bulle Internet). Aujourd’hui, la crise touche les
économies de l’ensemble de la planète. C’est la crise d’un modèle, celui de la finance néolibérale. Voici les
nouvelles règles introduites au fil des ans qui ont créé un environnement propice à l’émergence d’une telle
crise.
L’effondrement des accords de Bretton Woods
À partir de 1971, la convertibilité du dollar en or est suspendue; le système monétaire évolue
graduellement vers un système flexible des taux de change. Le flottement généralisé des monnaies a
stimulé la spéculation et, par le fait même, a généré de l’instabilité.
La déréglementation
Plusieurs pays ont déréglementé en supprimant de nombreux contrôles nationaux des capitaux
permettant à ceux-ci de transiter d’un pays à l’autre sur les différents marchés financiers. Cette
déréglementation a également facilité la création de produits financiers complexes, très risqués et
souvent peu transparents (c’est-dire dont on peut difficilement mesurer le risque).
Les progrès technologiques
La mobilité des capitaux s’est accentuée de façon spectaculaire grâce aux technologies de l’information
et de la communication qui ont réduit les coûts des communications et qui ont assuré l’interconnexion
des places financières fonctionnant 24 heures sur 24 pour former un marché financier mondial.
La désintermédiation
La désintermédiation a permis aux investisseurs et aux entreprises de pénétrer les marchés financiers
sans avoir recours aux banques. Autrement dit, les financements obtenus et les placements réalisés par
les entreprises peuvent se faire directement sur les marchés financiers sans passer par un
intermédiaire. Le développement d’Internet a favorisé cette désintermédiation.
Le décloisonnement des marchés
Le décloisonnement a eu pour effet d’abolir les frontières qui compartimentaient les marchés (banques,
assurances, etc.) ainsi que les différents métiers de la finance. Il a aussi eu pour effet de multiplier de
façon extraordinaire l’offre des instruments financiers disponibles (bons du Trésor, actions, obligations,
produits dérivés, options, etc.), de permettre aux investisseurs de comparer leurs rendements respectifs
et de déplacer du capital dans la seule logique de maximiser les profits à très court terme. Il a aussi
permis aux grandes banques de se lancer dans des activités de courtage et celles habituellement
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réalisées par les banques d’affaires1 ainsi que d’investir leurs capitaux dans les nouveaux produits
financiers, une activité beaucoup plus rentable que l’activité bancaire traditionnelle, mais
potentiellement plus risquée.
Les nouvelles formes du capital financier
On assiste aussi à la montée en flèche des sociétés privées de capital de risque et des fonds de
couverture2 dont plusieurs sont enregistrés dans des paradis fiscaux. Les nouveaux instruments
financiers prennent diverses formes aux appellations souvent incompréhensibles pour le commun des
mortels : produits dérivés, options, contrats d’échange, fonds de couverture, papier commercial adossé à
des actifs (PCAA). Ces nouveaux instruments financiers ne sont pas forcément risqués, mais c’est ce
qu’en font les investisseurs qui l’est. L’absence ou la faiblesse de la réglementation leur permet de
développer des stratégies spéculatives. Les fonds de couverture ne sont pas à la portée de toutes les
bourses. Ils sont réservés aux investisseurs fortunés ou institutionnels qui investissent alors dans des
instruments moins transparents.
Des mécanismes pour soutenir la consommation
La consommation est un élément essentiel du cycle économique global (59 % du produit intérieur brut
du Canada et 70 % de celui des États-Unis). Les ressources qui permettent aux ménages de consommer
sont : les revenus courants; l’argent qu’ils peuvent emprunter; et celui qu’ils peuvent retirer de leurs
épargnes. Au cours des années 1980 et 1990, la stagnation des revenus ne permet pas aux ménages de
soutenir la consommation. Les responsables politiques et les tenants du néolibéralisme proposent alors
d’élargir l’accès au crédit en maintenant les taux d’intérêt à des niveaux très faibles, en offrant des prêts
personnels basés sur la valeur d’un bien immobilier (maison) ou encore en attirant la clientèle avec des
cartes de crédit comptant divers avantages. Jusqu’en 1996, les ménages dépensaient moins que leur
revenu disponible. Mais, à partir de cette année-, ils en ont dépensé la presque totalité, épargnant très
peu. Ce phénomène a entraîné une croissance phénoménale des inégalités sociales, particulièrement aux
États-Unis.
Des statistiques et des similitudes inquiétantes…
Au Canada, l’épargne qui représentait 20,2 % du revenu disponible des ménages en 1982 a chuté à 1,2 % en 2005. La part
de la dette totale des ménages dans leurs revenus est passée de 55 % à 116 % pour la même période. Autrement dit, pour
chaque dollar de revenu disponible, les Canadiens devaient 1,16 $.
Les ménages américains, pour leur part, affichent un niveau d’endettement supérieur aux ménages canadiens. Entre 1985
et 2005, leur taux d’épargne a glissé de 7,5 % à - 0,4 %. En 2005, le ratio de la dette au revenu disponible atteignait 1,24 $.
Source : Statistique Canada, La dette des particuliers [http://www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/commun/4096031-fra.htm]
(consultée le 22 novembre 2010).
1 Les banques d’affaires exécutent des transactions ainsi que des ordres d’achat ou de vente pour leurs gros clients institutionnels.
Elles s’occupent aussi d’émission d’actions, de financement pour les fusions-acquisitions d’entreprises et aident les entreprises
pour l’obtention de financement, etc.
2 Hedge funds en anglais. Ce sont des fonds d’investissement à vocation spéculative qui recherchent des rendements élevés en
multipliant, par l’emprunt (effet de levier), les capitaux investis. La structure de ces fonds est si complexe qu’il est quasiment
impossible d’en évaluer le risque.
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La chronologie de la crise : des États-Unis… au monde entier
Au début, c’est la crise du marché immobilier à haut risque
En 2007, après des années d'euphorie, le marché immobilier américain se retourne. On observe une baisse
historique du prix des maisons, une diminution rapide des nouveaux permis de bâtir et un accroissement
surprenant du stock de maisons invendues. La hausse soudaine des taux d’intérêt augmentant le coût des
emprunts hypothécaires, plusieurs sont incapables de rembourser leur hypothèque, particulièrement les
ménages les moins solvables, c’est-à-dire ceux qui détenaient des hypothèques à haut risque (subprime,
voir l’encadré). Les banques saisissent les maisons qui s’ajoutent à celles qui sont à vendre sur le marché,
exerçant une pression supplémentaire à la baisse sur le prix des maisons. Cela aurait pu en rester là. Mais
c’était sans compter sur l’innovation financière de Wall Street.
L’accès facilité au crédit, c’est l’esprit des subprimes!
Les subprimes sont des prêts hypothécaires à taux variables qui ont été accordés à des emprunteurs pas toujours solvables.
À priori, il n’y a pas de mal à prêter à des personnes à faibles revenus ou ayant une note de crédit moyenne. Cependant, les
prêteurs (banques et autres institutions financières) doivent, en principe, mieux gérer le risque hypothécaire en
augmentant les garanties requises ou en appliquant un taux d’intérêt à la hauteur du risque.
Or, un ensemble de facteurs ont concouru à la crise immobilière américaine. Un programme gouvernemental d’accessibilité
à la propriété a permis à plusieurs ménages moins nantis ou ayant un mauvais dossier de crédit d’obtenir des hypothèques.
Aussi, la déréglementation qui a eu lieu aux États-Unis a conduit à un relâchement dans les critères d’octroi des
hypothèques. Ainsi, certaines personnes sans revenu stable ou sans emploi ont obtenu des hypothèques. Dans d’autres cas,
les prêts étaient assortis de taux d’intérêt très faibles pour une courte période, mais qui augmentaient fortement par la
suite. Ou encore, les ménages ne devaient rembourser que les intérêts et pas le capital. Des ménages pouvaient même
obtenir un prêt allant jusqu’à 110 % de la valeur de leur maison, le surplus étant utilisé pour consommer.
Ces pratiques reposaient sur la hausse rapide et constante du prix de l’immobilier. Ainsi, tout problème éventuel de
remboursement était considérablement atténué par l’augmentation de la valeur de la garantie (c’est-à-dire la valeur de la
maison), ce qui conduisait à une baisse du ratio prêt/valeur de la maison. En vertu de cette logique, même si l’emprunteur
se retrouvait en défaut de paiement, l’augmentation de la valeur de la maison facilitait le refinancement ou, en cas de saisie
par les banques, le remboursement du capital, des intérêts et des pénalités.
Dans cette logique fortement à risque pour les ménages, on avait oublié d’envisager la possibilité que la valeur des maisons
décroisse…
Source : Wikipédia, Crise des subprimes [http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes] (consultée le
22 novembre 2010).
Tout le système bancaire américain est ébranlé
Rapidement, le phénomène contamine tout le système bancaire américain parce que les banques créent,
par titrisation3, de nouveaux produits financiers complexes adossés à ces prêts hypothécaires à haut risque.
Le dégonflement de la bulle immobilière a dévalorisé les hypothèques ainsi que les titres associés à celles-ci
comme les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA). Ainsi, ces produits étaient beaucoup plus
risqués qu’anticipés. Plusieurs institutions financières qui en possédaient beaucoup ont vu leurs mauvaises
créances augmenter et leur bilan s’alourdir. Pire, elles ont craint d’être toutes en mauvaise posture
financière et ont cessé de se prêter de l’argent : c’est le gel du crédit. Les banques d’investissement ont du
3 C’est une pratique qui permet à une institution financière de transformer une créance (un prêt par exemple) en un actif pouvant
être vendu sur les marchés financiers. Voir l’encadré page suivante.
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