La Renaissance dans les collections d'art graphique du musée Condé (exposition pédagogique) Livret destiné aux enseignants Sommaire : L'Europe de la Renaissance : Les Etats européens : L’Humanisme : L’art et les artistes : La représentation de l'espace : la perspective : La représentation de l'homme : le portrait : Biographie des artistes présentés : Les Italiens : Les Français : Les Allemands : Les arts graphiques : la gravure et le dessin L’imprimerie et la gravure : Les techniques du dessin : Présentation des collections de Chantilly : Le duc d'Aumale (1822-1897) et le musée Condé : Le cabinet de dessins du musée Condé : Comment travailler avec vos élèves ? p. 02 p. 02 p. 02 p. 03 p. 03 p. 03 p. 04 p. 04 p. 07 p. 07 p. 08 p. 08 p. 09 p. 10 p. 10 p. 11 p. 12 Annexe I : Carte de l'Italie au milieu du quinzième siècle : Annexe II : Carte de l'Europe à la Renaissance Annexe III : Le Jugement dernier, fresque de Michel-Ange Annexe IV : La Madone de Lorette, tableau de Raphaël Annexe V : Portrait de Mona lisa, tableau de Léonard de Vinci p. 13 p. 14 p. 15 p. 16 p. 17 Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 1 L'Europe de la Renaissance : Les Etats européens : L’Europe de la Renaissance est un monde divisé, assez peu peuplé à cause des pestes, des famines et des guerres qui surviennent périodiquement. La France dans ses limites d’alors atteint seize millions d’habitants, l’Italie treize millions, le Saint-Empire vingt millions, l’Espagne huit millions et demi, l’Angleterre et l’Écosse, cinq millions et demi. L’ensemble de l’Europe compte un peu moins de cent millions d’habitants vers 1600. Les plus grandes villes sont Paris (200 000 habitants et Naples (150 000). Au cours de la période, les États européens se regroupent en vastes entités : la maison de Habsbourg possède sous Charles Quint l’héritage bourguignon (les Pays-Bas), l’Espagne, la Lombardie, le royaume de Naples, les domaines d’Autriche-Hongrie et les nouvelles terres d’Amérique, Mexique et Pérou. L’Angleterre tente de conquérir l’Irlande. L’Espagne annexe un temps le Portugal. La France s’agrandit de la Provence, des Trois Évêchés lorrains, de Calais, de la Bresse, du Bugey et du pays de Gex. Par contre, le Saint-Empire romain germanique continue d’être partagé entre une myriade de petites principautés qui adhèrent à des religions antagonistes, catholique, luthérienne et calviniste. L’Italie est également divisée, mais cinq grands États, Milan, Venise, la Toscane, les États de l’Église et le royaume de Naples constituent de puissantes zones d’attraction. Cet émiettement et les partitions ultérieures (Pays-Bas), les partages de famille entre Habsbourg d’Autriche et d’Espagne expliquent l’indépendance culturelle et politique des petites capitales. Mais l’unité de la civilisation occidentale est assurée par une ample circulation des idées et des personnes. A la suite des Grandes Découvertes, d’autres foyers de cette civilisation se développent au-delà des mers, au Mexique conquis par Cortés (1519) comme au Pérou conquis par Pizarre (1530). L’Humanisme La Renaissance a redécouvert des sources oubliées de la littérature antique et a fondé sur elles le dynamisme de sa pensée : elle ne s’est pas contentée de plagier les Anciens et elle a atteint une grande originalité. La papauté, exilée à Avignon au XIVe siècle, puis déchirée par un schisme, avait attiré au-delà des Alpes des savants italiens, tels Pétrarque, Boccace, Poggio Bracciolini : ils avaient fouillé les bibliothèques de monastères, notamment en Allemagne à l’occasion des conciles de Constance et de Bâle, qui s’efforçaient de régler les problèmes découlant du grand schisme. Des œuvres oubliées de la littérature latine avaient, grâce à eux, resurgi discours et lettres de Cicéron, histoire de Tacite, œuvres de Lucrèce, Pétrone, Plaute... La littérature grecque était elle-même de nouveau accessible, grâce aux humanistes Guarino de Vérone, Aurispa et Filelfo qui avaient acheté des livres en Grèce et à Constantinople. A partir du concile de Florence (1439) où les Grecs étaient venus nombreux pour discuter de l’union religieuse avec les Latins, les Occidentaux avaient découvert la doctrine des néoplatoniciens qui, à la suite de Gémiste Pléthon (vers 1355-1450), privilégiaient la philosophie de Platon sur celle d’Aristote. Marsile Ficin (1433-1499), fils d’un médecin de Côme de Médicis, avait traduit Platon. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 2 Cette nouvelle spiritualité développe la croyance en un Dieu bon, toujours présent dans le monde et favorisant les entreprises des hommes : cette doctrine, particulièrement répandue à Florence, donne aux entrepreneurs d’affaires une justification permettant de surmonter les freins et les contraintes issus de l’enseignement médiéval. Par contre, l’université de Padoue rejette avec Pomponazzi (1462-1525) les croyances métaphysiques et met en doute l’immortalité de l’âme, nourrissant ainsi le courant rationaliste de la Renaissance. Le mouvement humaniste franchit les Alpes : Érasme (vers 1469-1 536) et Guillaume Budé (1467-1540) en sont les principaux tenants et, l’imprimerie aidant, la connaissance des oeuvres antiques mais aussi les réflexions des contemporains se répandent dans le public, rendant possible réflexion critique et libre discussion. L’art et les artistes La représentation de l'espace : la perspective En matière d’art, au milieu du XIVe siècle, Florence est déjà engagée dans les exécutions d'œuvres qui prennent l’homme comme la mesure-étalon des monuments et des compositions artistiques. Les artistes, considérés comme des personnalités prodigieuses, reçoivent des commandes qui ont pour but de magnifier les mécènes, riches marchands, princes laïcs ou ecclésiastiques. La représentation de l’espace dans lequel se situe l’homme est acquise grâce à l’élaboration d’un système conventionnel promis à un grand succès : la perspective. Ce système, fondé sur des principes rigoureux de géométrie, consiste en une figuration de l’espace permettant, par le choix de lignes de fuite, de traduire la profondeur, le relief et le volume. On considère comme son inventeur Filippo Brunelleschi (1377-1446), architecte-sculpteur, et comme son premier théoricien l’architecte Leone Battista Alberti (1404-1472). Le peintre Masaccio réalise en 1427 la première perspective architecturale rigoureuse dans sa fresque de la Trinité à l'église Santa Maria Novella de Florence. Après lui, tous les artistes florentins adoptent ce système et transforment ainsi les habitudes visuelles de leurs contemporains, jusqu'alors accoutumés à la représentation bi-dimensionnelle de l'espace. La représentation de l'homme : le portrait Au XVe siècle le portrait fait encore partie intégrante de l’art religieux : orants – individus placés dans une attitude de prière, portraits de dévotion en buste, portraits de donateurs ou de commanditaires. Dès le début du siècle, c’est en Europe du nord que l’art du portrait, laïcisé, connaît un vif succès. Jan van Eyck et ses contemporains ont abandonné le portrait de profil pour adopter la vue de trois-quart qui accentue la structure tri-dimensionnelle du visage et du corps ; ils privilégient la peinture à l’huile – préférée à la tempera – parce qu’elle contribue à produire un effet de réel saisissant en facilitant le rendu des textures, l’éclairage et le modelé réaliste des visages. Jusque dans le dernier quart du XVe siècle, l’art du portrait reste dans toute l’Europe sous l'influence du portrait flamand. Il faut attendre le siècle suivant pour que le portrait devienne un genre artistique à part entière. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 3 Le portrait revêt donc une importance considérable au XVIe siècle, comme en témoignent les nombreux dessins et tableaux conservés dans les musées occidentaux. Inscrit au cœur des pratiques sociales nobiliaires, il participe à un vaste système d’échanges d’informations au même titre que la correspondance épistolaire : il tient lieu de bulletin de santé ; il permet les tractations diplomatiques telles que les mariages, en favorisant le choix des familles et des époux ; enfin, il rend présent ceux qui sont absents ou morts. Cette fonction était jusqu'alors dévolue aux seules médailles. Le portrait peint ou dessiné assume ainsi une nouvelle fonction de propagande : la circulation de l’image des grands personnages. Il s’agit d’être "reconnu" dans les deux sens du terme, c’est-à-dire que le portrait doit non seulement montrer la ressemblance du modèle avec ses ancêtres – c’est une façon de légitimer sa noblesse que de l’assimiler à un ancêtre prestigieux au moment où les structures de la société se transforment avec la montée en puissance de la bourgeoisie – mais il doit aussi contribuer à sa notoriété, au même titre que les textes de circonstances – épigrammes, épitaphes, ou épithalames – pérennisés par l’imprimerie pour la postérité. Moyen de propagande efficace de l’image de soi, associé au prestige social, le portrait se diffuse au cours du siècle dans la bourgeoisie. Comme chez les romains, il est le signe absolu de la réussite sociale. Mais il demeure malgré tout l’apanage de la noblesse. C’est une gratification, l’assurance que le rang auquel la personne considère avoir droit est reconnu. Pour un chef d'Etat, autoriser le portrait des courtisans est un moyen peu compromettant de les récompenser : les membres de la haute administration sont rarement représentés. A la cour de France, les personnages les plus portraiturés sont d’abord les grands maîtres de la maison du roi puis les figures importantes de la cour, les courtisans attachés à la famille royale ainsi que les favoris. Aussi le portrait joue-t-il un rôle extrêmement important dans la hiérarchisation de la cour. Jean et François Clouet, tout à tour peintres du roi François Ier puis Henri II, vont hisser le portrait dessiné au rang d'œuvre d'art à part entière, conservée pour elle-même et non comme simple travail préparatoire à un tableau. Les commanditaires jugent le portrait selon sa ressemblance avec son modèle. La qualité technique de l’artiste est proportionnelle au prestige que le portrait fait acquérir au personnage représenté. L’exigence de réalisme inclut la ressemblance physique c’est-à-dire que l’artiste doit restituer fidèlement l’apparence et la taille de la personne (portraits en pied, grandeur nature, par exemple). A cet impératif, vient s’ajouter plus tard l’expression de la psychologie : il faut pouvoir discerner les qualités morales et intellectuelles du modèle. En cela aussi l'art du portrait incarne bien l'idéal artistique de l'humanisme. Biographie des artistes présentés : Les Italiens : Francesco di Simone Ferrucci (Fiesole, 1437-1493) Sculpteur, disciple de Verrocchio, il travailla en Émilie (région de Bologne) où il fit connaître la décoration de goût toscan. Portraitiste renommé. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 4 Michel Ange Buanarroti (Caprese, 1475-Rome, 1564) Sculpteur, peintre, architecte et poète né dans une famille de la noblesse toscane. D'abord placé en apprentissage chez le peintre Ghirlandaio, à Florence, il étudia l'art antique sous la protection de Laurent de Médicis qui s'était pris pour lui d'une affection paternelle. Il fréquenta le milieu humaniste et philosophique de Florence. Après un premier séjour à Rome il réalisa, de retour à Florence, la statue colossale de David, conservée à l'Académie. Puis le pape Jules II lui confia la construction de son tombeau monumental en 1505. A la suite de désaccords avec Jules II et ses successeurs, sa participation se limita à quelques statues : Moïse, et deux esclaves (dont une copie se trouve à l'entrée du château de Chantilly). En 1508, le pape le chargea de décorer la voûte de la chapelle Sixtine, travail gigantesque (340 figures sur près de 500m2) qu'il acheva quatre ans plus tard. Durant un dernier séjour à Florence il sculpta les grandes figures de la chapelle funéraire des Médicis à l'église San Lorenzo. Installé définitivement à Rome à partir de 1534, il travailla encore, de 1535 à 1541, à la fresque du Jugement dernier, au dessus de l'autel de la Sixtine. A la fin de sa vie, il s'appliqua également à l'architecture (projet pour Saint Pierre de Rome, aménagement de la place du Capitole). Il a laissé une œuvre littéraire originale, les Rimes Raffaello Santi, dit Raphaël (Urbino, 1483-Rome, 1520) Peintre et architecte, Raphaël commença son apprentissage à Pérouse, dans l'atelier du Pérugin, puis il se rendit à Florence en 1504, où il assimila les techniques de Léonard de Vinci (le Sfumato) et de Michel-Ange réalisant ainsi une synthèse stylistique entre ces deux maîtres. Introduit à la cour pontificale de Rome à partir de 1508, il se vit confier par les papes Jules II puis Léon X la décoration des chambres de leurs appartements ainsi que celles des loges vaticanes. Mais surchargé de travail, il donna les cartons de ces fresques et en contrôla l'exécution par ses élèves, répondant pour sa part à de nombreuses commandes de retables d'autel, de madones, de cartons de tapisserie et de portraits. Architecte, il succéda à son ami Bramante dans la direction des travaux de Saint Pierre de Rome, et en modifia le plan de croix grecque en croix latine. Léonard de Vinci (Vinci, près de Florence, 1452-château de Cloux, aujourd'hui ClosLucé, près d'Amboise, 1519) Peintre, architecte, sculpteur, ingénieur. Fils naturel d'un notaire au service des Médicis, il entra en 1469 dans l'atelier de Verrocchio. En 1482, il s'installa à Milan, au service de Ludovic le More, dont il organisa les fêtes officielles, dressant les plans de canaux et d'installations hydrauliques. Il inaugura la composition à structure pyramidale et développa la technique du sfumato (modelé vaporeux des contours) avec la Vierge aux rochers ; il peignit également à fresque (Cène du réfectoire du couvent de Santa Maria delle Grazie, Milan). Après l'entrée des Français à Milan en 1499, il se rendit à Mantoue, Venise, Rome et enfin à Florence, où il travailla à la Joconde (v.1503-1506). A Rome en 1513, il se heurta à la concurrence de Raphaël et se décida à répondre aux Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 5 appels de François Ier franchissant les Alpes en 1515 pour s'installer près d'Amboise et se consacrer à ses recherches personnelles, consignées dans un grand nombre de manuscrits réunis sous le titre de Carnets et publiés après sa mort. Giovanni Antonio de Sacchis, dit il Pordenone (Pordenone, v. 1484-Ferrare, 1539) Peintre originaire de l'Italie du nord qui débuta par des œuvres d'inspiration archaïque puis fut influencé par Titien avant de s'intéresser à la culture de l'Italie centrale, à Raphaël et à Michel-Ange, à la suite d'un séjour à Rome. Installé à Venise à partir de 1528, il entra en concurrence avec Titien et s'imposa comme la premier représentant du nouveau courant maniériste, marqué par l'emphase de la composition et par la violence chromatique. Lors de séjours en Émilie, il entra en relation avec d'autres représentants de ce courant, comme le Corrège et le Parmesan. Il créa une véritable tendance dans le Frioul et influença des peintres comme Bassano, le Tintoret et Titien lui-même. Pietro Vanucci dit le Perugin (Pérouse, 1445/50-1523) Formé dans l'atelier de Verrocchio, il subit l'influence de Piero della Francesca et fut le maître de Raphaël. Ce dernier l'aida dans la réalisation des fresques du Collegio del Cambio à Pérouse (1496-1500). L'essentiel de son activité s'exerça en Ombrie, en dépit d'un séjour à Rome entre 1478 et 1482, où il participa à la décoration de la chapelle Sixtine. Francesco Primaticcio, dit Primatice (Bologne, 1504/05-Paris, 1570) Peintre, sculpteur et architecte. Collaborateur de Giulio Romano à Mantoue dans la décoration du palais du Té, il fut davantage influencé par le Corrège et le Parmesan, maîtres de l'école maniériste, que par ce dernier. A partir de 1532, il travailla en France à Fontainebleau pour François Ier à la décoration du château et devint premier artiste de la cour à partir de 1540, renouvelant complètement l'art de la décoration murale en France. La plupart des décors qu'il réalisa ont été perdus mais nous sont conservés par ses dessins préparatoires, au trait élégant et aux clairs-obscurs d'une grande subtilité. Giulio Pippi, dit Giulio Romano (Rome, 1499-Mantoue, 1546) Architecte, décorateur et peintre, il fut l'élève préféré de Raphaël et son collaborateur pour certains de ses tableaux. Il participa à ses côtés la réalisation de certaines fresques des loges du Vatican et dans la loggia de Psyché à la villa Farnésina et poursuivit ce travail après la mort de son maître. Sa production principale est toutefois liée à Mantoue, où il fut nommé directeur des chantiers du duc Frédéric II de Gonzague, sur recommandation de Baladassare Castiglione, l'ami de Raphaël (qui fit son portrait) et l'auteur du Traité du parfait courtisan. Son chef d'œuvre reste le palais du Té (15241535), résidence d'agrément de la cour mantouane, avec en particulier deux cycles de fresques de tendance maniériste : les Scènes de la vie de Psyché, d'après l'Âne d'or, d'Apulée et les Vertus de Frédéric II de Gonzague. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 6 Polidoro Caldara, dit Polidoro da Caravaggio (Caravaggio, v.1496–Mesine, 1543) Peintre dont le nom de famille, Caravaggio, provient de son lieu de naissance (ne pas confondre avec le Caravage). Élève de Raphaël, il participa au chantier du Vatican. Après la mort de Raphaël (1520) Polidoro s'engagea dans une carrière de décorateur de façades de maison. Ses décorations en clair-obscur, inspirées de scènes d'histoire ancienne, sont maintenant surtout connues par des gravures et des dessins. Jacopo di Barbari (Venise, v.1445-v.1515) Peintre et graveur il fut l'ami et l'admirateur de Dürer, qu'il rencontra à Venise dès 1495. Il lui transmit le goût et les techniques des coloris vénitien et reçut en échange de celui-ci une initiation à la gravure sur cuivre. De 1500 à 1504, il fit un séjour en Allemagne, à Nuremberg auprès de l'empereur Maximilien et à Wittenberg à la cour de l'Électeur de Saxe, et dans les Flandres où il fut peintre de cour de Marguerite d'Autriche. On lui doit entre autre une superbe gravure sur bois présentant une Vue perspective de Venise (1500). Les Français : Jean Clouet (Bruxelles, v. 1475/80-Paris, 1541) Peintre, miniaturiste et dessinateur d'origine flamande qui travailla en France pour les rois Louis XII et François Ier. Ce dernier le nomma peintre de la cour en 1523. Sa renommée est due surtout à ses portraits dessinés au crayon, pierre noire et sanguine, pour la plupart conservés à Chantilly. Mais on lui doit aussi un certain nombre de portraits peints à l'huile (voir la salle dite des Clouet au musée Condé) où l'on retrouve le goût nordique pour le détail et l'expression réaliste de la physionomie mêlés au goût italien que traduit l'ampleur de la mise en place formelle. François Clouet (Tours, v.1510-Paris, 1572) Peintre et dessinateur français, fils du précédent, auquel il succéda à sa mort comme peintre de la cour de France. On lui doit un certain nombre de tableaux historiques et mythologiques dans le goût maniériste de l'école de Fontainebleau (Diane au bain) mais aussi des portraits également peints et dessinés aux trois crayons, selon les techniques développées par son père. Il travailla pour Henri II et surtout pour Catherine de Médicis, qui lui commanda des portraits dessinés et des portraits enluminés réalisés sur des médaillons et des livres de dévotion. Dans ses portraits peints, il fait preuve d'une grande sensibilité pour la culture italienne dans l'approche de la composition et dans les tonalités chromatiques chaudes et colorées, tout attachant un grand soin à l'expression de la personnalité et des mœurs. Les Allemands : Albrecht Dürer (Nuremberg, 1471-1528) Peintre et graveur, fils d'un orfèvre immigré de Hongrie, il commença son apprentissage dans l'atelier de son père puis chez le graveur Michael Wolgemut Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 7 et il compléta sa formation par un voyage sur le Rhin supérieur dans la région de Bâle. Après son mariage en 1494, il entreprit son premier voyage à Venise qui lui permit de découvrir les œuvres d'artistes tels que Mantegna ou Bellini mais aussi les aspects du paysage et de la couleur italienne. Puis de retour à Nuremberg il ouvrit son propre atelier, où il expérimenta la gravure sur cuivre parallèlement à la gravure sur bois, sans renoncer à la production de tableaux. Il acquit une certaine renommée dont il bénéficie lors de son second voyage en Italie (1505-1507). De retour à Nuremberg, il exécute des commandes de retables d'autels et se consacre surtout à la gravure à partir des années 1510. En 1512, il entre au service de l'empereur Maximilien, qui lui verse une pension annuelle et lui passe de nombreuses commandes. Ses gravures les plus célèbres datent des années 1513-1514 : Le Chevalier, la mort et le diable, le Saint Jérôme dans son étude, et la Melancholia. En 1520, peu après la mort de l'empereur il se rendit aux Pays-Bas pour se faire confirmer son privilège et il assista au couronnement du nouvel empereur Charles Quint à Aix la Chapelle. Il prolongea son séjour par un voyage en Hollande et en Flandre où il découvrit les maîtres flamands du XVe siècle (Van Eyck, Van der Weyden) et fit la connaissance d'Érasme. De retour à Nuremberg en 1521, il consacra ses dernières années à la rédaction de traités théoriques et à la production de portraits gravés, très appréciés de la bourgeoisie locale. Martin Schongauer (Colmar, 1453-Breisach, 1491) Peintre et graveur appartenant à une famille d'orfèvres, il se forma à Colmar et compléta son apprentissage par des voyages en Bourgogne et dans les Pays-Bas, qui lui firent découvrir les maîtres flamands et la composition ordonnée des personnages ainsi que la perspective. Il ne reste que peu de choses de son activité de peintre de fresques, par contre ses gravures, diffusées dans toute l'Europe, nous sont parvenues en assez grand nombre. Son influence fut déterminante sur le jeune Dürer, qui souhaitait le rencontrer lors de son voyage d'apprentissage, mais Schongauer venait de mourir de la peste lorsqu'il arriva en Alsace. Les arts graphiques : la gravure et le dessin L’imprimerie et la gravure : Le papier, dont le secret de fabrication à partir de chiffons passe de Chine au Moyen-Orient vers le VIIIe siècle puis au XIIe siècle en Italie, est produit au XVe siècle en Occident pour un prix quatre à cinq fois moins élevé que le parchemin. On s’en sert, comme en Chine, pour reproduire des images religieuses, des calendriers, des placards satiriques, des cartes à jouer, par impression xylographique, au moyen de plaques de bois gravées en relief. Les orfèvres ont l’idée de reproduire les caractères en métal. Jean Gutenberg, qui travaille à Strasbourg puis Mayence, met au point l’imprimerie vers 1440 en regroupant ces caractères pour former des mots et, en utilisant une presse pour reproduire la composition, il compose en 1455 la célèbre Bible à 42 lignes considérée Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 8 comme la première œuvre imprimée. On appelle incunables les premiers livres imprimés entre 1450 et 1500. Le livre, dont le prix devient accessible à toute sorte de clientèle, est le véhicule idéal de la culture : on évalue à 200 000 les éditions du XVle siècle et à 150 à 200 millions les exemplaires d’ouvrages imprimés. On reproduit des images par gravure "en taille d’épargne" sur bois (les parties destinées à être encrées sont gardées en relief) par gravure en taille-douce sur métal (les parties encrées sont en creux) incisée au burin ou à la "pointe-sèche" ou enfin par gravure à l’eau-forte (attaque des plaques avec de l’acide nitrique), technique explorée et mise au point par Dürer. Les techniques du dessin : Plusieurs outils peuvent être utilisés : la mine de plomb, le fusain, la plume, la pointe de métal, le pinceau et les pierres de couleur. La mine de plomb, appelée aussi graphite. Il s'agit d'une variété de carbone cristallisé. Le fusain est un bâtonnet de charbon de bois. Il trace des traits fins ou épais selon la taille de l'extrémité et permet de couvrir des surfaces par frottis ou en roulant le bâtonnet sur le support. Il s'efface facilement avec un linge ou avec une plume. Cette fragilité est un inconvénient majeur pour la conservation des dessins. La plume : La plume d'oie est la plus employée. On la trempe dans l'encre noire, dite encre de Chine, composée de noir de fumée, d'eau, d'un solvant et d'un liant (colle, gélatine, blanc d'œuf, etc…) Mêlée à une grande quantité d'eau, elle donne le lavis gris. La plume de métal n'apparaîtra qu'au XIXème siècle. La pointe de métal : le papier est préalablement enduit d'une préparation à base de poudre d'os, calcinée et broyée, délayée dans de l'eau additionnée de gomme arabique (résine d'acacia) ou de colle animale. La pointe est souvent en argent. Elle est montée sur un stylet et laisse un trait gris très fin d'une grande douceur qui, avec le temps, s'oxyde et brunit légèrement. Une fois tracé, le trait est indélébile. Aucun repentir n'est possible. Le pinceau : pointu, il est fabriqué avec des poils d'écureuil, de blaireau, de martre ou de loutre. Il permet d'étaler : - le lavis d'eau colorée par l'encre ou par divers pigments, qui apporte au tracé à l'encre l'ombre, la lumière et le relief, - la gouache, ou céruse (pigment blanc provenant de l'oxydation du plomb mêlé à la gomme arabique), - l'aquarelle, qui est un lavis polychrome et transparent. Les pierres de couleur : - la pierre noire, ou d'Italie est un schiste argileux carbonifère semi-dur. - la sanguine est une argile compacte dont la couleur varie du rouge orangé au brun foncé et au violacé. - la craie blanche est de la craie à l'état naturel. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 9 Les Clouet ont développé pour leurs portraits une technique originale, mêlant pierre noire et sanguine : l'artiste commençait par tracer les contours du visage à la pierre noire, puis il relevait les carnations à la sanguine, soit en utilisant les hachures en diagonale (Jean) soit en estompant par frottis (François) pour représenter le visage dans ses plus petits détails. Les cheveux et la barbe étaient également rehaussés de sanguine. Enfin, il terminait à la pierre noire, en modelant la forme, en renforçant les ombres et en précisant les détails du costume. Certains détails du visage (yeux, cheveux, barbe) ou du costume pouvaient être soulignés à l'aide de la craie blanche, du crayon bleu ou du crayon jaune, d'où parfois l'appellation de "trois crayons". L'artiste fabriquait lui-même ses crayons en mélangeant les couleurs réduites en poudre à de la terre glaise, le tout lié par une sorte de colle. La pierre noire était fabriquée à partir de l'ardoise de Touraine. Présentation des collections de Chantilly : Le duc d'Aumale (1822-1897) et le musée Condé : Cinquième fils du roi Louis-Philippe, Henri d'Orléans, duc d'Aumale hérita en 1830 à l’âge de huit ans l’immense fortune de son grand-oncle et parrain le prince de Condé (1756-1830), qui comprenait notamment le Palais-Bourbon à Paris, le château d’Ecouen et le château de Chantilly (alors à demi-rasé depuis la Révolution). Après des études au lycée Henri-IV, il embrassa la carrière militaire et fit ses premières armes au cours de la conquête de l'Algérie en 1840. A vingt-et-un ans, il s’illustra lors de la prise de la Smalah d’Abd-el-Kader (mai 1843). Nommé gouverneur militaire de l’Algérie en 1847, il résida peu de temps à Alger avec sa femme, Marie-Caroline de BourbonSiciles, princesse de Salerne, puisque la révolution de 1848 le contraignit à l'exil. Vivant en Angleterre de 1848 à 1870, il se consacra alors à sa collection de livres et de manuscrits, puis de tableaux, dessins et objets d’art. Il fit venir de France les collections qu'il avait déjà commencé de rassembler à Chantilly et transforma en véritable musée sa résidence de Twickenham, proche de Londres. Il acheta surtout des oeuvres françaises de premier plan qui se trouvaient alors à l’étranger (par exemple le célèbre manuscrit des Très Riches Heures du duc de Berry, en Italie en 1856, ou Le Massacre des Innocents de Nicolas Poussin, à Londres ). Il s’attachait particulièrement aux portraits historiques (collection Lenoir) et à l’orientalisme (collection du marquis de Maison), et il tenta de racheter des oeuvres ayant appartenu aux Orléans (Raphaël, La Madone de la maison d’Orléans, J. - F. de Troy, Le Déjeuner d’huîtres et N. Lancret, Le Déjeuner de jambon, A-G. Decamps, Enfants jouant avec une tortue, J-A. D. Ingres Antiochus et Stratonice, P. Delaroche L’Assassinat du duc de Guise). C’est donc pendant les vingt-deux ans d’exil anglais que se constitua l'essentiel des collections du futur musée de Chantilly. Revenu en France à la chute du Second Empire, il reprit du service comme général de l’armée française à Besançon, et il fit enfin reconstruire par l'architecte Honoré Daumet le grand Château de Chantilly (de 1875 à 1885) pour y installer ses collections. En 1884, veuf et sans enfants (il avait perdu en 1866 et 1872 ses deux fils, respectivement âgés de 21 et 18 ans), il légua Chantilly et ses collections à l’Institut de France, et décida de les ouvrir au public après sa mort sous le nom de "musée Condé". Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 10 En 1886, la Troisième République exila les descendants des anciennes familles régnantes ; il partit alors pour Bruxelles et transforma son testament en donation avec réserve d’usufruit. Dès 1889 il fut rappelé en France par son élection à l’Académie des sciences morales et politiques (il était déjà membre de l’Académie française et de l’Académie des beaux-arts). Il revint donc à Chantilly et continua d'accroître ses collections, partageant son temps entre son appartement parisien et ses deux résidences, celle de Chantilly et celle, sicilienne, du Zucco, près de Palerme. C'est là qu'il mourut, le 7 mai 1897. Le musée Condé fut inauguré moins d'un an après sa mort, en 1898. Il était alors ouvert au public deux jours par semaine. Le cabinet de dessins du musée Condé : Sur les 2500 dessins de Chantilly, une grande partie consiste en portraits historiques français et en scènes de l'histoire de France, acquis par le duc d'Aumale pendant son exil. Mais il a acheté également les chefs d'œuvre des grands maîtres français, italiens ou nordiques qu'il a trouvés sur le marché de l'art, dans l'espoir de les faire venir un jour en France. Ainsi a-t-il acquis des collections entières, telle celle de Frédéric Reiset (1815-1891), dont proviennent la plupart des œuvres reproduites ici. Conservateur des dessins du Louvre depuis 1851, Reiset mit en vente en 1861 sa collection personnelle, qui comprenait 381 dessins de maîtres de diverses époques, parmi lesquels 158 dessins italiens de la Renaissance et 6 dessins de Dürer. Le duc d'Aumale s'en porta acquéreur par l'intermédiaire d'un sculpteur, le baron Henri de Triqueti (1804-1874), qui négocia pour lui et emporta le tout face au British Museum, pour la somme de 140 00 F. Le duc d'Aumale enchérissait également dans les ventes publiques par des intermédiaires de confiance qui, comme Triqueti, agissaient en son nom en fonction des consignes qu'il leur donnait, face aux grands musées ou aux autres collectionneurs de l'époque, principalement anglais. Il acquit ainsi des pièces isolées, comme la Joconde nue de Léonard de Vinci, vendue en en 1862 par un amateur parisien. L'un de ses achats les plus importants fut, en 1889, l'acquisition de la collection des 363 crayons français du XVIe siècle, dits de Clouet, commandés par la reine Catherine de Médicis, et qui appartenaient aux comtes de Carlisle. Le grand château de Chantilly venait d'être reconstruit et le duc, qui l'avait donné à l'Institut de France, poursuivait sa politique d'acquisitions. Il continua d'acquérir des œuvres d'art jusqu'à l'extrême fin de sa vie : c'est ainsi qu'en 1896, un an avant sa mort, il acheta lors de la vente Destailleurs des albums de dessins de Du Cerceau, architecte français de la Renaissance, et d'autres portraits du XVIe siècle français. Tous les dessins du musée Condé sont identifiés par la marque de collection qu'a choisie le duc d'Aumale. Plutôt que ses initiales H.O., pourtant présentes partout dans le château, il a préféré une partie des armes de la maison de Condé, qui lui avait légué Chantilly : une des trois fleurs de lys d'or de la maison de Bourbon qu'il portait également en tant que membre de la branche d'Orléans, mai surmontée de la brisure distinctive de la branche cadette de Condé. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 11 Comment travailler avec vos élèves ? ! Pour préparer vos élèves, deux cartes en annexe permettent de situer les lieux de la Renaissance en Europe et en Italie. ! Trois parcours différents (P1, P2, P3) vous sont proposés, pour vous permettre de répartir la classe en 3 groupes. Certaines œuvres sont communes à plusieurs parcours, et toutes les œuvres présentées sont mentionnées dans chaque parcours. Selon le parcours, certaines œuvres demandent une observation plus attentive de la part des élèves, qui doivent répondre aux questions posées. ! Chaque parcours fait donc l'objet d'un livret élèves et prévoit : une étude technique, l'étude d'un portrait, l'approfondissement d'un mythe ou d'un épisode religieux, l'étude d'une composition. Il comprend également un glossaire des termes spécialisés. ! Certaines œuvres peuvent faire l'objet d'une notation de 1 à 10 de la part des élèves, et le bilan peut ainsi être établi en fin de visite, pour savoir quels sont leurs dessins préférés. Il peut être intéressant de leur demander de justifier leur choix, en faisant appel aux notions acquises au cours de la visite. ! Pour accompagner l'observation des panneaux pédagogiques, vous pouvez montrer aux élèves les reproductions en annexe ci-dessous : le Jugement dernier réalisé par Michel-Ange pour le plafond de la chapelle Sixtine, la Madone de Lorette de Raphaël que vous pouvez voir au musée Condé et la Joconde de Léonard de Vinci (musée du Louvre). Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 12 ANNEXE I : Carte de l'Italie au milieu du quinzième siècle : Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 13 ANNEXE II : Carte de l'Europe à la Renaissance Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 14 ANNEXE III : Le Jugement dernier, fresque de Michel-Ange pour le plafond de la chapelle Sixtine, à Rome. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 15 ANNEXE IV : La Madone de Lorette, Raphaël, musée Condé, Chantilly. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 16 ANNEXE V : Portrait de Mona Lisa, Léonard de Vinci, musée du Louvre, Paris. Musée Condé Chantilly, service éducatif – juin 2005 17