Les effets secondaires des traitements anticancéreux

publicité
Dossier
Les effets secondaires des
traitements anticancéreux
Ce dossier évoque les effets secondaires les plus fréquemment rencontrés
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
auprès des patients atteints de cancer. Plus ou moins invalidants,
ils peuvent non seulement altérer la qualité de vie des patients,
mais aussi mettre en jeu l’observance du traitement et limiter la prise
en charge thérapeutique.
La fatigue chez le patient atteint
de cancer : quel rôle pour l’infirmier(e) ?
fatigue. Une définition plus conceptuelle la décrit
comme «un phénomène plurifactoriel et multidimensionnel, dont les composantes sont d’ordre biochimique, physiologique, psychologique, cognitif et comportemental» [1].
Les causes et mécanismes de la fatigue sont encore
mal élucidés et sa prévalence dépend de facteurs liés
à la maladie (type, stade), du type de traitement pratiqué (90% avec la chimiothérapie, 70% avec la radiothérapie), du moment de l’évaluation (au diagnostic,
en cours de traitement, après traitement), du patient
lui-même (âge, pathologies associées, soutien social).
Connaître et reconnaître la fatigue est une étape
nécessaire à son évaluation. La fatigue existe telle que
le patient la décrit avec ses propres mots et perceptions. L’écoute et l’observation des infirmier(e)s sont
de précieux outils de travail qui nous permettent de
détecter les signes observables (pâleur du visage,
essoufflement, lenteur des gestes…).
Ses conséquences et manifestations entraînent des
perturbations dans la vie du patient qui est affecté sur
le plan cognitif et mental (altération de la mémoire,
de la concentration…), affectif et émotionnel (angoisse,
dépression, perte de l’estime de soi…), comportemental (activités, performances physiques…), physiologique (modifications biochimiques, troubles du
sommeil…).
Ses dimensions à la fois objectives et subjectives
rendent difficile son évaluation. Les recherches
actuelles visent à élaborer des outils de mesure qua-
Pascale Witz (AFIC), Maisons-Alfort
La fatigue est le plus fréquent des effets secondaires
décrits par le patient recevant des traitements anticancéreux. Ce symptôme majeur altère la qualité de
vie du patient et peut être un facteur limitant dans sa
prise en charge thérapeutique.
Les soignants spécialisés en cancérologie sont
conscients de son existence mais n’en sont pas moins
démunis face à ce symptôme qui est trop souvent
“ normalisé ” comme une conséquence inévitable du
processus cancéreux et des traitements mis en place.
Milan, septembre 1996, 182 infirmier(e)s venues
de 30 pays d’Europe (dont 15 françaises) participent
à un projet de formation et de recherche infirmière
appelé Action on fatigue. Initié par l’European Oncology Nursing Society (EONS) et soutenu par les laboratoires Janssen-Cilag, ce programme offre aux soignants infirmiers l’opportunité de mettre en commun
leurs connaissances et expériences sur ce thème ciblé.
Durant 3 jours, sessions plénières, ateliers interactifs,
études de cas cliniques se succèdent afin de définir la
fatigue dans ses caractéristiques, ses causes et conséquences sur le patient atteint de cancer.
Définir la fatigue de manière universelle serait une
gageure car il n’existe pas un modèle unique de
Bulletin Infirmier du Cancer
8
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dossier
Nausées et vomissements en cancérologie : conseils pour
une aide infirmière efficace
litative et quantitative tels que des auto-questionnaires
du patient et une échelle visuelle analogique.
L’infirmier(e) tient une place de choix dans la prise
en charge de la fatigue et de ses conséquences physiques et psychologiques.
Le plan d’action met en œuvre des moyens pharmacologiques (sur prescription médicale) s’appliquant
aux diverses étiologies de la fatigue, liées aux effets
indésirables des traitements anticancéreux (traitement
des nausées-vomissements, correction des désordres
hématologiques, électrolytiques…).
Les moyens d’action non pharmacologiques sont
ciblés sur les facteurs et manifestations de la fatigue
décrites par le patient qui est au centre de l’évaluation. Le rôle propre de l’infirmier(e) prend ici toute sa
dimension, car il fait appel à des capacités d’information, d’éducation et de prévention. L’objectif est de
mettre en place, avec la collaboration du patient, des
stratégies d’adaptation des activités quotidiennes
(tenant compte de son état et de ses attentes personnelles) afin d’améliorer son confort, son autonomie,
sa qualité de vie. Il s’agit d’apprendre au patient à gérer
sa fatigue, afin d’en réduire les manifestations, en lui
conseillant des stratégies d’économie d’énergie comme
moyen de gestion de consommation (par exemple, lister le coût énergétique des activités quotidiennes,
déterminer leur ordre de priorité, planifier les
tâches…). Il s’agit aussi de soutenir psychologiquement le patient et sa famille, de lui suggérer des
méthodes de relaxation (gestion du stress), des distractions.
L’information et l’éducation sont essentielles dans
la prise en charge globale du patient et de sa fatigue
(information sur le traitement et ses effets secondaires,
éducation sur les besoins nutritionnels…).
La fatigue, concept multifactoriel, multidimensionnel
dans ses causes, mécanismes, manifestations et conséquences, est un événement important dans la vie des
patients. Elle affecte chacun d’une manière différente
selon ses capacités individuelles à gérer sa maladie,
son environnement familial et social, ses croyances et
sa culture. C’est dans un cadre d’interdisciplinarité que
sa prise en charge globale pourra se réaliser grâce à
des actions soignantes communes fondées sur sa reconnaissance telle que le patient la ressent.
■
Gisèle Farnault (cadre infirmier, présidente d’honneur
de l’AFIC), Agnès Bournat*, Béatrice Calandre**
Sylvie Le Camus-Collomb** (cadres infirmiers
et infirmière des services de radiothérapie*
et d’onco-hématologie** au centre René-Huguenin,
Saint-Cloud, et adhérentes de l’AFIC).
Un peu d’histoire
Les nausées et vomissements induits par la radiothérapie et la chimiothérapie anticancéreuses, quelquefois concomitantes, ont toujours représenté un phénomène pénible, plus ou moins invalidant pour les
patients. Cet effet indésirable pouvait amener les médecins à réduire les doses initiales des drogues calculées
selon la surface corporelle, ou à espacer les cures, contrariant ainsi l’efficacité antitumorale recherchée.
S’apparentant au mécanisme de la douleur, puisque
la mémoire de nausées et vomissements antérieurs peut
de nouveau déclencher nausées et vomissements dès
l’annonce de la reprise d’une cure, cet effet engendre
un cercle vicieux qu’il est difficile de rompre. De ce fait,
les infirmières, impuissantes à soulager avec l’arsenal
des anti-émétiques traditionnels (benzamides, anxiolytiques, corticoïdes, anti-histaminiques), même combinés,
se sentaient souvent en situation d’échec, malgré la mise
en œuvre de méthodes relevant de leur rôle propre, tels
les conseils hygiéno-diététiques et les techniques de
relaxation traditionnelles.
L’Afic a, dès 1990, participé aux recherches infirmières en France ou en collaboration avec l’EONS
(European Oncology Nursing Society) sous l’égide des
sociétés pharmaceutiques, et prit part à de nombreux
colloques, publications, traductions et élaborations
d’outils pédagogiques pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies thérapeutiques liées à l’apparition des
anti-émétiques de nouvelle génération (sétrons).
Quelques notions simples à connaître
et à transmettre
Le vomissement est une réaction de protection de
l’organisme visant à éliminer l’élément toxique, les
drogues cytotoxiques étant comparables à un aliment
avarié ou à un poison ingérés.
Les traitements cytotoxiques ou les irradiations ont
pour but la destruction des cellules malignes, mais ils
1. Piper B. Fatigue mechanism in cancer. Oncology Nursing
Forum,1987
Bulletin Infirmier du Cancer
9
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dossier
affectent aussi les cellules saines par manque de spécificité.
Le vomissement est donc une réponse désagréable,
mais appropriée, de l’organisme à une agression.
Trois phases sont à distinguer :
- La nausée, phénomène subjectif, non quantifiable
mais facilement observable (pâleur, sueur, salivation
augmentée, tachycardie) est souvent plus durable -on
parle d’état nauséeux- moins contrôlable que le vomissement, et donc moins bien vécue.
- L’effort de vomissement, ou inspiration à glotte
fermée, déclenche des contractions thoraciques déplaisantes et d’autant plus stressantes qu’elles n’aboutissent pas. Le patient dit ne pas pouvoir vomir parce qu’il
a “ l’estomac vide ” ; il n’est pas soulagé.
- Le vomissement est l’expulsion brutale du contenu
gastrique par la bouche par contractions des muscles
grand droit et grand oblique. Il est observable, quantifiable en nombre, fréquence et volume.
Les vomissements sont désagréables mais soulagent ; s’ils sont fréquents et prolongés, ils peuvent amener déshydratation, hypotension, crampes musculaires,
rarement hématémèse [1].
Les vomissements retardés sont souvent mal vécus,
car les patients croyant avoir échappé à cet effet
redouté au décours immédiat de la cure sont douloureusement surpris d’en être victimes quand ils ont déjà
recommencé une activité sociale qui s’en trouve altérée.
5HT3
5HT3
5HT3
Sérotonine
area postrema
Centre
du
vomissement
Chimiothérapie
anticancéreuse
Nerf X
5HT3
5HT3
5HT3
Sérotonine
Tractus digestif
Figure 1. Rôle de la sérotonine dans l’apparition des vomissements chimio-induits
ont, sinon bouleversé, du moins considérablement amélioré la tolérance digestive des patients traités par chimiothérapie à potentiel émétisant ou fortement émétisant.
Bref rappel physio-pathologique
du mécanisme des nausées
et vomissements
Incidence des nausées et vomissements
L’injection d’agents cytotoxiques présentant une
absence de spécificité entre les cellules saines et les cellules malignes entraîne, d’une part une stimulation
directe de la CTZ (chemoreceptor trigger zone) ou zone
détectrice, et d’autre part la libération massive de sérotonine en périphérie, due à la destruction des cellules
entérochromaffines au niveau du grêle.
Ces deux phénomènes entraînent l’activation des
récepteurs des 5HT3 (5-hydroxytryptamine), principal
mécanisme impliqué dans les nausées et vomissements
chimio-induits ; cette activation centrale et périphérique
va provoquer la stimulation du centre du vomissement,
ou zone effectrice.
La découverte et la mise en œuvre des antagonistes
des récepteurs 5HT3, type Zophren® ou Kytril®, en 1989,
Bulletin Infirmier du Cancer
CTZ
90 %
60 à
30 à
< 30 %
cisplatine, dacarbazine
90 %
60 %
Agents cytotoxiques
actinomycine D
moutardes azotées
cyclophosphamide
procarbazine
carboplatine
anthracyclines
5-fluoro-uracile
cytosine arabinoside
méthotrexate
bléomycine
melphalan
étoposide
vinca-alcaloïdes
chlorambucil
Tableau 1. Evaluation du risque émétique lié aux cytotoxiques
utilisés
10
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
L’AMM (Autorisation de mise sur le marché) de ces
médicaments n’a été accordée qu’en 1998 dans le cas
d’irradiations dont les champs concernent l’œsophage
et l’estomac. Il semble que leurs effets en soient également bénéfiques pour de nombreux patients irradiés.
sibles. Il faut trouver le juste équilibre entre l’information des effets éventuels et les mesures correctives à
apporter pour n’engendrer ni crainte d’un phénomène
potentiel, ni impréparation à un phénomène réel.
• Education. Elle doit concerner le patient et ses
proches (s’il a la chance d’être entouré), sur les règles
diététiques à suivre. On sait que les familles traumatisées ou culpabilisées par la maladie ont tendance à exagérer leur rôle nourricier, à vouloir suralimenter un
patient sans appétit, à insister sur la nécessité de manger de la viande rouge alors qu’un dégoût sélectif de la
viande est induit par la chimiothérapie…
• Evaluation. L’infirmière doit évaluer le retentissement des nausées et vomissements sur la courbe pondérale et la déshydratation possible des patients, le
retentissement socio-familial, sur leur observance des
traitements à venir et, partant, sur l’efficacité du traitement antitumoral et la qualité de vie.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Une règle impérative
Prévenir l’apparition des nausées et vomissements
en agissant avant la première cure, quel que soit son
potentiel émétisant, afin de ne pas laisser s’instaurer la
mémoire du phénomène et donc la crainte de sa réapparition lors de cures suivantes ou lors d’une reprise de
chimiothérapie s’il y a récidive de la maladie.
Tout soignant ayant travaillé aux côtés de patients
qui vomissent sait à quel point cet effet secondaire peut
être redouté, peut devenir obsessionnel et entraîner un
refus de poursuivre le traitement.
On a souvent tort de sous-estimer l’extrême sensibilité olfactive des patients qui vomissent dès qu’ils
“ mettent le pied à l’hôpital ” ; on taxe volontiers de
réaction “ psychologique ” un réflexe bien réel, lié à des
odeurs perceptibles pour eux seuls (peinture, colle de
moquette, désinfectant…)
Certes, l’anxiété majore ce phénomène, mais
l’anxiété n’est-elle pas une réaction bien compréhensible que les soignants doivent entendre, prendre en
compte et traiter ?
Quatre étapes à respecter
• Connaître le risque émétique de la chimiothérapie prescrite. La plupart des cytotoxiques peuvent
entraîner des nausées et vomissements, mais l’intensité et la gravité de ces effets est fonction du produit
(notamment les anthracyclines et les sels de platine)
et aussi de la dose instaurée et de la combinaison des
produits (polychimiothérapie). On se référera pour
cela au tableau 1.
Deux rôles à remplir
Le rôle propre, par l’observation, l’écoute, le recueil
de données qui permettra d’établir le profil du patient
(se référer au tableau des facteurs favorisants) et d’établir avec lui et son entourage des règles simples sur le
plan hygiéno-diététique et lui enseigner ou l’encourager à pratiquer des techniques de relaxation.
Le rôle sur prescription ne doit pas seulement consister à appliquer scrupuleusement les protocoles antiémétiques, mais à participer à leur rédaction, leur évaluation et leur mise à jour.
Il y a lieu aussi de savoir plaider la cause des patients
auprès de médecins souvent enclins à attendre l’aggravation des nausées et vomissements pour prescrire
des traitements de type anti-HT3, alors que nous savons
que c’est préventivement qu’il faut agir.
Conseils pour une aide infirmière
efficace dans la lutte contre
les nausées et vomissements
. Une règle à appliquer : la prévention des effets
émétisants
. Deux rôles à remplir : rôle propre et rôle sur
prescription
. Trois mots clés à retenir : information, éducation, évaluation
. Quatre étapes à respecter :
- connaître le risque émétique de la chimiothérapie prescrite
- établir le profil émétisant du patient
- impliquer patient et proches dans le suivi
des règles hygiéno-diététiques
- évaluer l’efficacité du traitement dès
la première cure
Trois mots à retenir
• Information. Elle doit être nécessaire et suffisante,
sans minimiser ni dramatiser les effets secondaires posBulletin Infirmier du Cancer
11
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
• Etablir le profil émétisant du patient. Les patients
ont tous une susceptibilité particulière aux cytotoxiques
et le recensement des antécédents personnels est capital lors de la consultation infirmière ou de l’entretien
préalable à la mise en route de la chimiothérapie ou de
la radiothérapie. Le tableau 2 récapitule schématiquement les facteurs favorisants du risque de nausées et
vomissements.
Risque individuel
Âge (ans)
< 30
30-50
> 50
Sexe
F
M
Antécédents émétiques
Enfance
Grossesse
Mal des transports
Nausées et vomissements postopératoires
0
1
Mieux vivre son traitement :
quelques recommandations [3]
• Evitez les aliments épicés, frits ou gras
• Mangez froid ou légèrement chaud, si vous êtes
écœuré par l’odeur des aliments
• Faites des petits repas à la demande, fractionnés (type collation)
• Mâchez bien, mangez lentement
• Ne mangez pas juste avant la chimiothérapie
mais prenez une collation une heure avant environ
• Buvez lentement et à petites gorgées (les boissons gazeuses et fraîches type Coca-Cola sont
souvent mieux tolérées).
Mais aussi :
• Favorisez les activités pendant la perfusion :
regardez la télévision, lisez, recevez des visites,
téléphonez, bavardez avec votre entourage
• Si vous pratiquez déjà des techniques de relaxation (yoga, respiration contrôlée…), mettez-les
en pratique. C’est le moment !
• Evitez autant que possible les odeurs fortes
comme celles du tabac ou de certains parfums ;
évitez donc les lieux enfumés et clos
• Dans les transports en commun, dans les cinémas, asseyez-vous près de la sortie pour éviter
toute anxiété quant à l’effet d’un vomissement
soudain.
2
X
X
X
X
X
+
+
+
+
-
X
X
X
X
X
X
X
X
Vomissements lors de
chimiothérapie antérieures
++
+
-
X
X
X
Tableau 2. Score arbitraire des facteurs de risque individuel
des nausées et vomissements chimio-induits.
Conclusion
• Impliquer le patient et ses proches dans le bon
déroulement des cures et intercures. Il est plus confortable d’agir que de subir et c’est en cela que l’éducation
du patient et des familles est capitale avant, pendant et
après les thérapies anticancéreuses. Il a été établi par
des équipes infirmières des livrets éducatifs à l’usage
des soignants avec une fiche à donner au patient que
nous reproduisons ci-dessous.
• Evaluer l’efficacité du traitement anti-émétique dès
la première cure en recueillant les effets vécus à domicile dans l’intercure, le nombre de vomissements, leur
intensité, leur durée, leur survenue et les circonstances
des nausées dans la vie courante ; de cette façon on
pourra faire réajuster par le médecin, le traitement en
combinant éventuellement 5HT3, corticoïdes, anxiolytiques selon l’intolérance ressentie.
Bulletin Infirmier du Cancer
Les soignants ont pour rôle d’informer, d’éduquer les
patients et de les aider à prévenir et à traiter les nausées
et vomissements induits par la chimiothérapie ou la
radiothérapie.
Ces effets secondaires bien contrôlés permettent la
poursuite ou la reprise d’un traitement antitumoral efficace et assurent au patient atteint de cancer une
meilleure qualité de vie, quel que soit le stade de sa
maladie.
C’est l’occasion pour les soignants de mettre en œuvre
les ressources de leur rôle propre, aider ou distraire le
patient de la crainte des nausées et vomissements à l’égal
du phénomène de la douleur ou de la fatigue, selon des
protocoles élaborés, éprouvés et partagés par des équipes
de soins, de l’Afic ou d’ailleurs, que nous remercions de
12
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
leur engagement dans la lutte contre les effets secondaires des traitements anticancéreux.■
vent responsables d’effluviums anagènes. Les drogues
les plus alopéciantes sont l’aminocamptothécine, l’ifosfamide, l’amsacrine, l’irinotecan, la bléomycine, la carmustine, le chlorambucyl, le cyclophosphamide, la cytarabine, la dacarbazine, le melphalan, le méthotrexate,
la mitoxantrone, le plaxitaxel, le 5-fluoro-uracile.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Références
1. La prise en charge des nausées et vomissements en cancérologie,
International Nursing Cancer Society. Cours international pour infirmières, coordonné par J. Hawthor. Glaxo, Londres 1990, version française 1993 supervisée par l’Afic.
2. Zophren-Ondansétron. Document réservé à l’usage du personnel
soignant. Glaxo, Paris 1990
3. Nausées et vomissements chimio-induits : conseils pour une démarche
de soins efficace. Document réservé à l’usage du personnel soignant,
en collaboration avec G. Farnault de l’Afic. Glaxo, Paris 1998.
Les stomatites
La mucite orale est une cause fréquente et dosedépendante de morbidité au cours des chimiothérapies
anticancéreuses. La muqueuse buccale est très fragile,
car l’index mitotique des cellules qui la constituent est
très élevé et la chimiothérapie exerce son activité par le
biais de la diminution ou de l’arrêt de la croissance des
cellules à renouvellement rapide. Environ 40% des
patients sous chimiothérapie rencontrent des problèmes
de muqueuse buccale. Les médicaments les plus inducteurs de mucites sont la bléomycine, la dactinomycine,
la daunorubicine, le docétaxel, la daunorubicine, le
5-fluoro-uracile, le méthotrexate, le topotécan.
Les effets indirects des chimiothérapies sur la
muqueuse buccale sont les hémorragies et les surinfections, du fait de la myélosuppression ; ils sont typiquement observés au nadir thérapeutique, c’est-à-dire 12 à
14 jours après le traitement.
Effets secondaires
dermatologiques des
chimiothérapies en oncologie et
en onco-hématologie
D. Kerob, IGR, Villejuif
Les traitements en oncologie et en onco-hématologie reposent sur la chimiothérapie, dont l’objectif est la
diminution de la quantité de cellules tumorales présentes
dans l’organisme. Le problème essentiel des médicaments anticancéreux est leur toxicité sur les cellules normales. Il existe une sensibilité particulière des cellules
en division rapide pour les agents antitumoraux indépendamment du phénotype malin. Or, l’épiderme est
également un tissu dont les cellules sont en division
rapide, ce qui explique la toxicité fréquente des chimiothérapies sur la peau, les muqueuses, les phanères
ainsi que sur les cellules hématopoïétiques.
L’extravasation
On la définit par un « échappement d’un agent chimiothérapique d’un vaisseau vers les tissus avoisinants
soit par fuite, soit par infiltration directe ». Sa fréquence
est estimée entre 0,1 et 6% chez l’adulte et semble être
plus élevée chez l’enfant. La gravité de l’atteinte tissulaire est directement liée à l’agent chimiothérapique perfusé, ainsi qu’à sa quantité et à sa concentration. Les
agents les plus toxiques peuvent provoquer une nécrose
locale de la peau et des tissus sous-jacents. Parmi eux,
on peut citer la bléomycine, la carmustine, le cisplatine,
la dacarbazine, les anthracyclines, le melphalan, la vincristine, etc. En cas de suspicion d’extravasation, la perfusion doit être arrêtée au plus tôt, et le site d’extravasation doit être aspiré avant de retirer le cathéter et
d’éliminer au maximum le toxique. Il faut ensuite surélever le membre atteint. Parfois une exérèse large des
tissus atteints, voire nécrosés, est nécessaire.
Les toxicités cutanées et muqueuses
L’alopécie
Effet secondaire le plus fréquent au cours des chimiothérapies, elle résulte de l’action pharmacologique
du cytostatique, et débute rapidement après l’administration de la drogue. Elle est dose-dépendante. Dès l’arrêt de la chimiothérapie, la repousse est rapide. Deux
types différents d’alopécie se rencontrent : l’effluvium
anagène au cours duquel la chute des cheveux est due
à un arrêt brutal de l’activité mitotique, et l’effluvium
télogène au cours duquel les cheveux se mettent dans
une phase de repos prématurée, suivie d’une chute des
cheveux normaux. Les chimiothérapies sont le plus souBulletin Infirmier du Cancer
L’hyperpigmentation
L’hyperpigmentation est un effet secondaire fréquent
des chimiothérapies ; la peau, les ongles, les cheveux
13
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dossier
peut survenir 8 jours à 15 ans après la radiothérapie,
et apparaît quelques heures à quelques jours après la
chimiothérapie.
et les muqueuses peuvent être touchés. L’atteinte est
locale ou diffuse. La pigmentation se constitue de deux
façons : par augmentation de la quantité de mélanine,
de carotène ou d’hémoglobine dans la peau, ou par
dépôt d’une autre substance pigmentée. Les mécanismes
de la pigmentation cutanée liée à la chimiothérapie sont
mal connus. Par exemple, le cyclophosphamide provoque des plaques pigmentées palmoplantaires et des
phanères, voire une pigmentation généralisée. Le
méthotrexate provoque une pigmentation brune du
corps et des troubles de pigmentation des phanères. La
bléomycine est responsable du “ syndrome de flagellation ” qui correspond à des bandes pigmentées
linéaires après grattage ou traumatismes de la peau.
L’hydroxyurée donne une pigmentation prédominant
à la face, au cou, aux membres inférieurs.
La potentialisation des effets de la radiothérapie
Certaines chimiothérapies augmentent la toxicité de
la radiothérapie, lorsque les deux traitements sont administrés de façon concomitante ou rapprochée (dans la
même semaine). Les agents anticancéreux les plus
connus pour aggraver les effets propres des rayons sur
la peau et/ou les muqueuses sont la bléomycine, la dactinomycine, le 5-fluoro-uracile, l’hydroxyurée, la 6-mercaptopurine, et le méthotrexate. Cliniquement, la zone
irradiée est le siège d’un érythème, d’un œdème, de vésicules, de bulles et d’érosions. Dans les cas sévères, une
ulcération ou une nécrose peuvent survenir. Dans certains cas, cet effet additif ou synergique est recherché
(radio-chimiothérapie concomitante). Le traitement est
symptomatique
L’érythème acral ou syndrome mains-pieds
L’érythème acral survient plus particulièrement au
décours de traitements à base de cytarabine, de doxorubicine et de 5-fluoro-uracile, mais il a été décrit avec
d’autres drogues. Cliniquement, il est habituellement
précédé de dysesthésies des paumes et des plantes,
avec sensation de brûlure, douleur, œdème et
apparition en quelques jours de placards érythémateux symétriques bien délimités, le plus souvent sur
les faces latérales des doigts ou des éminences thénar ou hypothénar. Les mains sont souvent plus
atteintes que les pieds et leur atteinte peut être isolée. A l’arrêt du traitement, on observe, dans les 10 à
15 jours, une desquamation qui signe la guérison.
Dans le cadre des greffes de moelle, il est parfois difficile de trancher entre érythème acral et GVH (réaction du greffon contre l’hôte) cutanée aiguë. Le traitement est symptomatique. On peut prévenir la
récidive du phénomène en mettant les extrémités dans
de l’eau glacée au cours des chimiothérapies suivantes.
La photosensibilité
Les éruptions par photosensibilisation sont induites
par de nombreux agents anticancéreux. La photosensibilité à la dacarbazine, au 5-fluoro-uracile (par voie
systémique ou topique), à la vinblastine est bien documentée. La photosensibilité par le méthotrexate est
controversée, et il s’agirait en fait d’une réactivation
d’un érythème solaire (UV recall) survenu quelques
jours seulement avant le traitement (contrairement à
l’effet recall de zones irradiées qui survient des années
plus tard). Cliniquement, les patients se présentent
avec une éruption qui ressemblerait à un coup de soleil
avec un érythème, un œdème, des douleurs, un prurit. Dans les cas plus sévères, on peut observer des
bulles avec décollement cutané. Une hyperpigmentation secondaire est classique, et peut perdurer des
mois. Cette éruption prédomine bien sûr sur les zones
photo-exposées (visage, décolleté, nuque, dos des
mains, avant-bras, jambes). Le traitement repose sur
les émollients, les anti-histaminiques et les dermocorticoïdes. Dans les cas les plus sévères, une corticothérapie générale peut être nécessaire. La prévention de tels effets se fait par photoprotection
vestimentaire et par écrans solaires.
Les porphyrines sont des agents photosensibilisants
utilisés au cours des photothérapies dynamiques dans
le traitement de certaines tumeurs solides.
L’effet recall
Il s’agit d’un phénomène au cours duquel l’administration d’une chimiothérapie provoque un érythème
inflammatoire d’une zone antérieurement irradiée.
Les chimiothérapies les plus souvent responsables de
cet effet sont la doxorubicine, la dactinomycine, mais
aussi la bléomycine, l’étoposide, l’hydroxyurée, le
méthotrexate, la vinblastine, le 5-fluoro-uracile, le
cyclophosphamide et la cytarabine. Cet effet recall
Bulletin Infirmier du Cancer
14
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
Les flushs
Le flush est défini par un érythème temporaire de la
face, du cou et du décolleté, qui résulte d’une vasodilatation médiée, soit par le système nerveux autonome,
soit par l’action directe du traitement sur l’endothélium
vasculaire. Les agents responsables de ce phénomène
sont l’asparaginase, la bléomycine, les dérivés du platine, la dacarbazine, le 5-fluoro-uracile.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
L’onycholyse photo-induite est une autre forme de
photosensibilité qui apparaît au moins deux semaines
après le traitement.
Les allergies médicamenteuses
On observe différents types d’allergies médicamenteuses.
L’allergie immédiate, ou hypersensibilité de type I,
est représentée par l’urticaire associée ou non à un
œdème des muqueuses (dit œdème de Quincke
lorsque la muqueuse ORL est touchée). Toutes les
drogues peuvent être responsables de ce type d’allergie. Le traitement repose sur les anti-histaminiques, les
corticoïdes, et parfois l’adrénaline en cas d’œdème de
Quincke.
Les vascularites allergiques, ou hypersensibilité de
type III, sont liées à la formation de complexes immuns
dans les petits vaisseaux.
L’hypersensibilité de type IV correspond aux réactions d’eczéma de contact. Elle est donc provoquée par
un contact de la drogue sur la peau.
Les toxidermies médicamenteuses surviennent,
elles, entre 7 et 21 jours après l’administration de la
drogue et se présentent sous différentes formes cliniques de gravité croissante : 1) le rash morbilliforme :
petites maculopapules érythémateuses qui confluent ;
2) l’érythème polymorphe : atteinte muqueuse avec
ulcérations, et cutanée avec lésions en cocardes ou
cibles atteignant moins de 10% du tégument ; 3) syndrome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique :
décollement muqueux très important pouvant toucher
les muqueuses digestives et bronchiques, et décollement cutané de plus de 30% du tégument. Cette atteinte
est très grave, son taux de mortalité est d’autant plus
élevé que le patient est immunodéprimé, et les
séquelles atrophiques, essentiellement des muqueuses
sont définitivement invalidantes. Le traitement est, dans
ces trois formes, symptomatique après l’arrêt du traitement.
Un autre type de toxidermie médicamenteuse est
décrit : il s’agit du syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse qui associe une éruption cutanée de lésions
infiltrées, une fièvre, des adénopathies, parfois une
atteinte pulmonaire, hépatique et une hyperéosinophilie sanguine. Cette toxidermie peut survenir dans
les semaines suivant l’administration du traitement, et
son pronostic est lié à l’atteinte viscérale. Le traitement
repose sur les corticoïdes.
Bulletin Infirmier du Cancer
L’hydradénite neutrophilique eccrine
Sa présentation clinique est non spécifique mais associe souvent une fièvre et une éruption. L’éruption
concerne la tête, le cou, le tronc ou les extrémités. Les
lésions sont des macules, des papules, des nodules, des
pustules, des vésicules ou des plaques érythémateuses
ou violines, uniques ou multiples ; elles apparaissent
entre 2 jours et 3 semaines après l’administration du traitement. Les chimiothérapies responsables sont la bléomycine, le chlorambucil, le cyclophosphamide, la cytarabine, la doxorubicine, la lomustine, le mitoxantrone.
Le diagnostic est histologique par le biais d’une biopsie
cutanée : les signes histologiques sont un infiltrat de
polynucléaires neutrophiles dense dans et autour des
glandes eccrines, avec nécrose cellulaire.
L’éruption liée à la récupération du taux de lymphocytes
Cette éruption survient 6 à 21 jours après l’administration d’une chimiothérapie aplasiante, et correspond
au retour à la normale du taux de lymphocytes. Sa présentation clinique n’a rien de spécifique et peut parfois
entraîner une érythrodermie
Les ulcères
L’hydroxyurée est responsable, après une utilisation
prolongée, d’une atrophie cutanée. Des ulcères peuvent alors survenir, essentiellement au niveau des
membres inférieurs. Ces derniers régressent rapidement
à l’arrêt du traitement.
Les effets indirects liés à
la neutropénie
Les mucites
Elles se rencontrent essentiellement en onco-hématologie. L’incidence de leur toxicité sur la muqueuse
buccale de la plupart des conditionnements est de 90%,
et elle survient de façon concomitante à la survenue de
15
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
Sa survenue est liée à une lymphopénie profonde inférieure à 100/mm3. Le zona est une complication extrêmement commune chez les patients immunodéprimés,
il survient chez environ 85% des patients allogreffés. Le
rash métamérique est en général précédé d’une douleur
et de paresthésies. Chez le patient immunodéprimé,
l’éruption peut être multimétamérique. Le traitement du
zona chez le patient immunodéprimé repose sur l’aciclovir par voie intraveineuse à la dose de 10 mg/kg/8 h.
L’atteinte cutanée ou muqueuse à CMV (cytomégalovirus) est rare et se retrouve le plus souvent au niveau des
muqueuses génitales. Sa gravité est liée à l’atteinte viscérale. Son traitement repose sur le ganciclovir. L’EBV
(virus d’Epstein-Barr) est responsable de pharyngites
dont la gravité est liée au syndrome lymphoprolifératif
gravissime qu’il peut engendrer. Le HHV6 (virus herpès
humain 6) est un herpès virus latent qui a été isolé chez
des patients immunodéprimés. Il peut être responsable
d’une éruption cutanée fébrile.
• Parmi les autres virus, le paramyxovirus est responsable de la rougeole, l’adénovirus et les entérovirus
sont responsables d’éruptions cutanées non spécifiques.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
la neutropénie. L’irradiation corporelle totale, le busulfan, l’étoposide et le thiotepa sont fréquemment cités
comme responsables, et la sévérité de la mucite dépend
des doses utilisées. Le traitement est symptomatique et
repose sur les bains de bouche pluri-quotidiens et les
antalgiques. L’utilisation de la morphine est souvent
nécessaire.
Les infections cutanées et muqueuses
• Les infections bactériennes. L’intensification des
chimiothérapies et l’utilisation de greffes de moelle ont
accru le risque infectieux, lié à la neutropénie et à l’immunosuppression. Les facteurs de risque reconnus sont
la neutropénie, l’hypogammaglobulinémie, le déficit de
l’immunité cellulaire, la GVH, la mucite, un cathéter veineux central, la dénutrition, la corticothérapie prolongée, des traitements immunosuppresseurs. Elles vont de
la folliculite à la cellulite infectieuse, et le traitement
repose sur l’antibiothérapie adaptée au germe retrouvé
et à l’antibiogramme.
• Les infections mycosiques. Il s’agit le plus souvent
de candidoses. La bouche et le tube digestif sont le plus
souvent colonisés chez le patient neutropénique. Les
candidoses génitales et les intertrigos sont également
fréquents. Ces infections sont favorisées par l’alitement,
l’antibiothérapie prolongée, les traitements immunosuppresseurs et l’aplasie.
• Les infections virales du groupe herpès. Les infections à HSV (herpès simplex virus) s’observent chez les
patients en aplasie profonde. Le HSV de type 1, qui
infecte généralement l’oropharynx, est présent à l’état
latent dans les ganglions du nerf trijumeau alors que
HSV2, qui atteint généralement le périnée, est présent à
l’état latent au niveau des ganglions sensoriels lombosacrés ; 70% des adultes sont séropositifs pour HSV et
vont réactiver le virus à une médiane de 17 jours après
une chimiothérapie intensive ; 85% des infections sont
situées dans la cavité buccale et 15% sont génitales. Le
HSV est fréquemment la cause d’une mucite sévère et,
chez les patients en aplasie, d’œsophagite. L’aciclovir
est le traitement de choix des infections à HSV. Le valaciclovir, prodrogue de l’aciclovir, a montré sa supériorité et est recommandé dans l’herpès génital. Les infections à VZV (virus varicelle et zona), très sévères,
s’observent chez le patient immunodéprimé et se présentent sous différentes formes. La varicelle disséminée
se rencontre après des chimiothérapies lourdes et associe une varicelle cutanée à une atteinte viscérale grave.
Bulletin Infirmier du Cancer
Les effets indirects liées
à la thrombopénie
Le purpura, petites macules violines qui ne disparaissent pas à la vitropression, est le plus souvent lié à
une thrombopénie. Il peut se rajouter à une autre dermatose, telle qu’une toxidermie ou une GVH cutanée,
et donner à l’ensemble des lésions un aspect violines.
Les hématomes sous-unguéaux sont fréquents chez
le patient thrombopénique ; ils peuvent parfois se surinfecter.
Les problèmes transfusionnels : le purpura thrombopénique aigu post-transfusionnel est la survenue brutale d’une thrombopénie souvent profonde après la
transfusion de plaquettes immunologiquement incompatibles.
Les effets indirects liées
à l’anémie
La pâleur cutanéo-muqueuse.
Les problèmes transfusionnels :
- accidents immunologiques : ictère lié à une hémolyse extravasculaire (incompatibilité ABO ou agglutinines irrégulières),
- réactions allergiques qui vont de l’urticaire au choc
anaphylactique ; cyanose au cours du choc endotoxi-
16
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
curatif repose sur l’augmentation du traitement immunosuppresseur.
nique (contamination du don de sang par des bactéries
à Gram négatif).
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
La réaction du greffon
contre l’hôte
La GVH chronique
La GVH chronique peut survenir après une GVH
aiguë, en général 60 à 100 jours après la greffe, ou de
novo. Son incidence est de 30% dans les greffes HLA
géno-identiques, 50% dans les greffes phéno-identiques.
Les facteurs prédictifs de sa survenue sont la disparité
HLA et l’âge du receveur. Cliniquement, l’atteinte cutanée peut prendre deux aspects, lichénoïde ou sclérodermiforme, et s’associe souvent à une atteinte de la
muqueuse buccale.
Le traitement repose sur les immunosuppresseurs :
corticoïdes, ciclosporine A (Sandimmun®), azathioprine
(Immurel®), micophénolate mophétil (Cellcept®), la
thalidomide, l’irradiation lymphoïde totale, la Puva-thérapie, les photophérèses
Elle survient après une allogreffe de cellules souches
périphériques ou de moelle osseuse. Il s’agit d’une réaction du donneur contre les lymphocytes du receveur.
Les critères pour la survenue d’une GVH ont été définis par Billingham en 1966 :
- la greffe doit contenir des cellules immunocompétentes ;
- le receveur doit posséder des allo-antigènes absents
chez le donneur pour apparaître comme étrangers à la
greffe et pour pouvoir engendrer une réponse immunitaire ;
- le receveur doit être incapable de produire luimême une réponse immunitaire contre le greffon.
Les facteurs de risque au cours des greffes de moelle
osseuse allogénique sont : la disparité HLA, la différence
de sexe entre le donneur et le receveur (surtout lorsqu’un receveur masculin reçoit la moelle d’une donneuse), une allo-immunisation antérieure du donneur
(donneuse multipare ou donneur multitransfusé), l’âge
élevé du receveur, la séropositivité pour le CMV du receveur ou du donneur, le conditionnement lourd avec irradiation corporelle totale. La GVH évolue en deux
phases : aiguë et chronique.
Les effets secondaires tardifs
Ils sont liés à l’utilisation des chimiothérapies, de la
radiothérapie, des antibiotiques, des corticoïdes et des
immunosuppresseurs.
Le syndrome cushingoïde est lié à l’utilisation prolongée des corticoïdes. Il associe un faciès rond, avec
distribution de la graisse au niveau de la nuque et du
tronc, une atrophie des membres inférieurs, des vergetures, une hypertrichose du visage, un hirsutisme.
La xérose cutanée est très fréquente chez le patient
cancéreux, et plus particulièrement en onco-hématologie. Elle peut être responsable de prurit. L’utilisation de
crèmes émollientes améliore la qualité de vie du patient.
L’onychodystrophie : les lignes de Beau sont des
dépressions linéaires transversales de la tablette qui correspondent à un ralentissement temporaire de la croissance unguéale. Tous les ongles sont atteints, mais la
repousse normale, à l’arrêt de la chimiothérapie, prend
quelques mois.
La pigmentation cutanée est séquellaire des toxicités médicamenteuses.
Les carcinomes cutanés sont plus fréquents sur les
zones de radiothérapie, sur tout le tégument, et plus
encore sur les zones photoexposées, chez le patient sous
■
immunosuppresseurs.
La GVH aiguë
Les signes apparaissent en général en sortie d’aplasie, mais peuvent survenir plus tardivement, jusqu’au
troisième mois. Ils sont essentiellement cutanés, digestifs et hépatiques. L’atteinte cutanée est représentée
par un érythème maculo-papuleux, prurigineux, atteignant les paumes, les plantes, les orifices, les points
de ponction. Les premières lésions siègent généralement derrière les oreilles, au niveau de la nuque, des
joues, et s’étendent progressivement sur l’ensemble du
tronc et des membres. L’atteinte périfolliculaire est
caractéristique. La GVH est classée en quatre grades,
et un décollement cutané en lambeaux correspond au
grade IV.
Le traitement est d’abord préventif avec le meilleur
choix du donneur, puis immunosuppresseur à base de
méthotrexate, ciclosporine et corticoïdes. Cependant,
plus la prévention de la GVH est efficace, plus le risque
de rejet et de rechute est important. Le traitement
Bulletin Infirmier du Cancer
Références
• Susser WS, Whitaker-Worth DL, Grant-Kels JM. Mucocutaneous reactions to chemotherapy. J Am Acad Dermatol 1999 ; 40 : 367-98.
• Varet B. Le livre de l’interne en hématologie. Hématologie 1997.
17
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Dossier
Rôle infirmier auprès de patients
atteints de mucites
rentes cures de chimiothérapie, mais il semble que, pour
un même produit, les perfusion prolongées soient moins
toxiques pour les muqueuses. Néanmoins, toute polychimiothérapie à haute dose doit être considérée comme à
risque élevé.
- L’état bucco-dentaire du patient.
- L’âge, les enfants et les sujets jeunes étant plus
exposés.
- L’association éventuelle d’une radiothérapie, en particulier lors de conditionnement de greffe associant une
irradiation corporelle totale à la chimiothérapie. La radiothérapie locale peut, elle aussi, provoquer une mucite par
toxicité directe, mais également par la xérostomie (diminution, voire suppression de la salivation) qu’elle provoque.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
L. Tripault, Cadre infirmier
M. Marinthe, Infirmière
Service onco-hématologie pédiatrique,
hôpital Trousseau. Paris
La mucite est l’une des complications extra-hématologiques les plus fréquentes de la chimiothérapie. Elle touche
près de 40 % des patients recevant une chimiothérapie
conventionnelle et environ 75 % des patients bénéficiant
d’une chimiothérapie à haute dose suivie d’une greffe de
cellules souches [1, 2]. Ces traitements anticancéreux détruisent les cellules tumorales mais peuvent également endommager les cellules saines. Possédant principalement une
action sur les tissus à renouvellement rapide, il n’est pas
étonnant qu’ils aient une action sur l’ensemble des
muqueuses, et plus particulièrement sur l’épithélium digestif. La mucite est caractérisée par la destruction plus ou
moins complète des épithéliums de recouvrement, aboutissant à une atrophie et à une érosion de surface, pouvant être responsable de complications graves. Cette altération de la muqueuse buccale provoque très rapidement
une douleur intense et invalidante.
La mucite apparaît environ une semaine après l’administration de la chimiothérapie et touche préférentiellement la face interne des lèvres et des joues, le palais et la
face ventrale de la langue. L’Organisation mondiale de la
santé en a défini quatre grades :
Le rôle infirmier est capital dans la prise en charge de
patients atteints de mucites. Le décret n°93-345 du 15 mars
1993, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la
profession, stipule que, dans le cadre de son rôle propre,
l’infirmier vérifie «la prise des médicaments» et surveille
«leurs effets» (art. 3). De par ses connaissances théoriques,
il connaît les patients à risque de mucite (pathologie, traitement reçu…). Il doit donc, en collaboration avec le
médecin, surveiller l’état de la bouche du patient et
signaler à l’équipe médicale toute atteinte à son intégrité.
Au regard de ce même décret, il peut mener des actions
d’éducation. Le brossage de dents doit être réalisé au
moyen d’une brosse à dent souple et en nylon. Cette
brosse doit être conservée entre les séances de brossage
dans une solution antiseptique type chlorhexidine renouvelée chaque jour. Avant son utilisation, elle est rincée à
l’eau. Le dentifrice ne doit pas être utilisé. Une étude portant sur les soins dentaires préalables et le brossage des
dents en période d’aplasie chez des patients ayant reçu
une chimiothérapie à haute dose (avec ou sans irradiation
corporelle totale) a été réalisée par Borowski et al. [3}. Bien
que la différence clinique ne soit pas majeure (pourcentage cumulé à J21 : 81% versus 93%), les patients ayant
effectué des soins dentaires intensifs ont eu significativement moins de mucites modérées ou sévères que les
autres. Par ailleurs, l’innocuité du brossage de dents en
période d’aplasie a pu être démontrée, comme par d’autres
auteurs [4, 5]. Cette attitude peut donc être recommandée.
De nombreux bains de bouches sont proposés. Leur
fréquence d’administration et leur composition sont très
variables selon les équipes. Aucune étude ne permet d’affirmer la supériorité de l’une des compositions ou d’une
modalité particulière par rapport aux autres, ni même l’in-
Grades OMS des mucites
Grade 0
Grade 1
Grade 2
Grade 3
Grade 4
Absence de stomatite
Erythèmes modérément douloureux, ulcères indolores
Erythèmes douloureux, œdèmes ou ulcères présents,
alimentation orale possible
Erythèmes, œdèmes ou ulcères douloureux,
alimentation solide impossible mais alimentation
liquide possible
Déglutition impossible
L’apparition et la gravité de la mucite dépendent d’un
certain nombre de facteurs :
- La pathologie. Les patients atteints d’hémopathies
malignes sont trois fois plus sujets aux mucites que ceux
présentant des tumeurs solides. Cela peut s’expliquer par
l’immunodépression et la neutropénie pouvant être présentes d’emblée.
- Le type de chimiothérapie reçue. Peu de données
sont disponibles sur le risque de mucite après les difféBulletin Infirmier du Cancer
18
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Dossier
l’infirmier doit évaluer en permanence la douleur du
patient et son évolution. Cette surveillance permet d’effectuer rapidement des modifications si cela est nécessaire. Pour cela, nous disposons de différentes échelles de
douleur (EVA, EDIN…). A l’hôpital Trousseau, nous disposons d’un guide de soins Atteinte à l’intégrité de la
muqueuse buccale. Ce support permet un suivi strict d’une
altération avérée, avec un objectif et des actions connues,
écrites et donc communes à l’ensemble de l’équipe soignante. L’objectif recherché par l’équipe soignante est la
disparition de la douleur et la reconstitution d’une
muqueuse saine.
La mucite reste une complication douloureuse et invalidante pour un patient cancéreux. L’infirmier doit connaître
les patients à risque, leur offrir des soins de confort, mais
également évaluer la douleur induite afin d’y répondre le
plus rapidement et le mieux possible. Des progrès dans
la prise en charge de cette complication sont possibles.
Une nouvelle étude visant à évaluer l’efficacité de la mastication répétée de chewing-gums dans la prévention des
mucites est actuellement en cours. En effet, la succion prolongée au cours de la journée entraînerait une augmentation du flux salivaire permettant une clairance salivaire
accrue des chimiothérapies toxiques et ainsi une moindre
toxicité locale. Si l’efficacité de le mastication de chewinggums pouvait être démontrée, la simplicité, l’innocuité et
le faible coût de ce traitement le rendrait très intéressant.■
térêt des soins de bouche dans la prévention des mucites
[6-8]. En fait, l’utilisation des topiques locaux se heurte au
problème de leur court temps de contact avec la muqueuse
buccale. Seul dans les cas où un germe spécifique a été
retrouvé (herpès, Candida...), un bain de bouche médicamenteux adapté est efficace. Ces conclusions n’empêchent pas de proposer régulièrement des bains de bouche
à base de solutions alcalines, qui procurent un soulagement et un confort au patient, même passager.
Lorsque la mucite est déclarée, des traitements non
médicamenteux peuvent être mis en place. Ceux-ci consistent en règles d’hygiène et d’alimentation. Il faut supprimer tous les aliments agressifs pour la muqueuse buccale
(épices, agrumes...) et favoriser l’alimentation liquide ou
semi-liquide et froide. Il est cependant très important d’éviter la dénutrition afin de contribuer à une bonne évolution
de la cicatrisation. Un suivi alimentaire doit être réalisé, l’infirmier notant ce qui a été ingéré par le patient. Des compléments hyperprotidiques sont souvent nécessaires. Localement, la mise en place de bains de bouche contenant de
la Xylocaïne® à 1 ou 2%, sur prescription médicale, est une
méthode très courante. La prise de Xylocaïne® visqueuse
à la cuillère appliquée directement sur les lésions peut être
proposée afin d’induire une anesthésie locale. Dans ce cas,
le patient doit attendre 30 minutes avant toute ingestion
pour une action maximale. Il convient d’utiliser cette solution avec prudence du fait du risque de fausse route au
niveau du carrefour aéropharyngé.
La mucite est rapidement responsable de douleurs
importantes, difficiles à soulager, qui entravent la qualité
de vie des patients. L’échelle OMS (1997), avec ses trois
paliers, guide le choix antalgique en fonction de l’intensité de la douleur :
- Palier I : antalgiques non opioïdes (paracétamol...).
- Palier II : antalgiques opioïdes faibles (codéïne...).
- Palier III : antalgiques opioïdes forts (morphine...).
Lorsqu’une mucite de grade III ou IV est déjà installée,
les traitements locaux ainsi que les antalgiques de paliers
I et II sont insuffisants. C’est pourquoi l’utilisation de morphine intraveineuse en continue, associée à la mise en
place d’une pompe d’analgésie contrôlée par le patient,
est prescrite par l’équipe médicale. Cela permet au patient
de participer à la gestion de sa douleur. En effet, après une
explication claire du fonctionnement de la pompe, le
patient aura la possibilité de pratiquer des bolus aux
moments qu’il juge opportuns, notamment avant les repas,
afin de prévenir une douleur plus intense. Après la préparation des médicaments prescrits et leur mise en place,
Bulletin Infirmier du Cancer
Références
1. Fayle SA, Curzon MEJ. Oral complications in pediatric oncology
patient. Pediatric Dentistry 1991 ; 13 : 289-94.
2. Scully C, MacFarlane TW. Orofacial manifestations of childhood
malignancy : clinical and microbiological findings during remission.
J Dentistry Child 1983 ; 50 : 121-5.
3. Borowski B, Benhamou E, Pico JL, Laplanche A, Margainaud JP,
Hayat M. Prevention of oral mucositis in patients treated with highdose chemotherapy and bone marrow transplantation : a randomised controlled trial comparing two protocols of dental care. Oral
Oncol, Eur j Cancer 1997 ; 30B, 93-7.
4.Toth B, Chambers M, Fleming T, Lemon J, Martin J. Minimizing
oral complications of cancer treatment. Oncology 1995 ; 9 : 851-66.
5. Sonis S, Clark J. Prevention and management of oral mucositis
induced by antineoplasic therapy. Oncology 1991 : 5-18.
6. Epstein JB, Vickars L, Spinelli J, Reece D. Efficacy of chlorhexidine and nystatin rinses in prevention of oral complications in leukemia and bone marrow transplantation. Oral Surg Oral Med Oral
Pathol 1992 ; 73 : 682-9.
7. Bunetel L, Bonnaure-Mallet M. Oral pathoses caused by Candida
albicans during chemotherapy. Oral Surg Oral Med Oral Pathol
Oral Radiol Endod 1996 ; 82 : 161-6.
8. Meurman JH, Laine P, Murtoma H. Effect of antiseptic mouthwashes on some clinical and biological finding in the mouth of
lymphoma patients receiving cytostatic drugs. J Clin Periodontol
1991 ; 18 : 587-91.
9. Varet B. Le livre de l’interne. Hématologie 1997, 514p.
19
Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001
Téléchargement