Dossier Les effets secondaires des traitements anticancéreux Ce dossier évoque les effets secondaires les plus fréquemment rencontrés Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. auprès des patients atteints de cancer. Plus ou moins invalidants, ils peuvent non seulement altérer la qualité de vie des patients, mais aussi mettre en jeu l’observance du traitement et limiter la prise en charge thérapeutique. La fatigue chez le patient atteint de cancer : quel rôle pour l’infirmier(e) ? fatigue. Une définition plus conceptuelle la décrit comme «un phénomène plurifactoriel et multidimensionnel, dont les composantes sont d’ordre biochimique, physiologique, psychologique, cognitif et comportemental» [1]. Les causes et mécanismes de la fatigue sont encore mal élucidés et sa prévalence dépend de facteurs liés à la maladie (type, stade), du type de traitement pratiqué (90% avec la chimiothérapie, 70% avec la radiothérapie), du moment de l’évaluation (au diagnostic, en cours de traitement, après traitement), du patient lui-même (âge, pathologies associées, soutien social). Connaître et reconnaître la fatigue est une étape nécessaire à son évaluation. La fatigue existe telle que le patient la décrit avec ses propres mots et perceptions. L’écoute et l’observation des infirmier(e)s sont de précieux outils de travail qui nous permettent de détecter les signes observables (pâleur du visage, essoufflement, lenteur des gestes…). Ses conséquences et manifestations entraînent des perturbations dans la vie du patient qui est affecté sur le plan cognitif et mental (altération de la mémoire, de la concentration…), affectif et émotionnel (angoisse, dépression, perte de l’estime de soi…), comportemental (activités, performances physiques…), physiologique (modifications biochimiques, troubles du sommeil…). Ses dimensions à la fois objectives et subjectives rendent difficile son évaluation. Les recherches actuelles visent à élaborer des outils de mesure qua- Pascale Witz (AFIC), Maisons-Alfort La fatigue est le plus fréquent des effets secondaires décrits par le patient recevant des traitements anticancéreux. Ce symptôme majeur altère la qualité de vie du patient et peut être un facteur limitant dans sa prise en charge thérapeutique. Les soignants spécialisés en cancérologie sont conscients de son existence mais n’en sont pas moins démunis face à ce symptôme qui est trop souvent “ normalisé ” comme une conséquence inévitable du processus cancéreux et des traitements mis en place. Milan, septembre 1996, 182 infirmier(e)s venues de 30 pays d’Europe (dont 15 françaises) participent à un projet de formation et de recherche infirmière appelé Action on fatigue. Initié par l’European Oncology Nursing Society (EONS) et soutenu par les laboratoires Janssen-Cilag, ce programme offre aux soignants infirmiers l’opportunité de mettre en commun leurs connaissances et expériences sur ce thème ciblé. Durant 3 jours, sessions plénières, ateliers interactifs, études de cas cliniques se succèdent afin de définir la fatigue dans ses caractéristiques, ses causes et conséquences sur le patient atteint de cancer. Définir la fatigue de manière universelle serait une gageure car il n’existe pas un modèle unique de Bulletin Infirmier du Cancer 8 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier Nausées et vomissements en cancérologie : conseils pour une aide infirmière efficace litative et quantitative tels que des auto-questionnaires du patient et une échelle visuelle analogique. L’infirmier(e) tient une place de choix dans la prise en charge de la fatigue et de ses conséquences physiques et psychologiques. Le plan d’action met en œuvre des moyens pharmacologiques (sur prescription médicale) s’appliquant aux diverses étiologies de la fatigue, liées aux effets indésirables des traitements anticancéreux (traitement des nausées-vomissements, correction des désordres hématologiques, électrolytiques…). Les moyens d’action non pharmacologiques sont ciblés sur les facteurs et manifestations de la fatigue décrites par le patient qui est au centre de l’évaluation. Le rôle propre de l’infirmier(e) prend ici toute sa dimension, car il fait appel à des capacités d’information, d’éducation et de prévention. L’objectif est de mettre en place, avec la collaboration du patient, des stratégies d’adaptation des activités quotidiennes (tenant compte de son état et de ses attentes personnelles) afin d’améliorer son confort, son autonomie, sa qualité de vie. Il s’agit d’apprendre au patient à gérer sa fatigue, afin d’en réduire les manifestations, en lui conseillant des stratégies d’économie d’énergie comme moyen de gestion de consommation (par exemple, lister le coût énergétique des activités quotidiennes, déterminer leur ordre de priorité, planifier les tâches…). Il s’agit aussi de soutenir psychologiquement le patient et sa famille, de lui suggérer des méthodes de relaxation (gestion du stress), des distractions. L’information et l’éducation sont essentielles dans la prise en charge globale du patient et de sa fatigue (information sur le traitement et ses effets secondaires, éducation sur les besoins nutritionnels…). La fatigue, concept multifactoriel, multidimensionnel dans ses causes, mécanismes, manifestations et conséquences, est un événement important dans la vie des patients. Elle affecte chacun d’une manière différente selon ses capacités individuelles à gérer sa maladie, son environnement familial et social, ses croyances et sa culture. C’est dans un cadre d’interdisciplinarité que sa prise en charge globale pourra se réaliser grâce à des actions soignantes communes fondées sur sa reconnaissance telle que le patient la ressent. ■ Gisèle Farnault (cadre infirmier, présidente d’honneur de l’AFIC), Agnès Bournat*, Béatrice Calandre** Sylvie Le Camus-Collomb** (cadres infirmiers et infirmière des services de radiothérapie* et d’onco-hématologie** au centre René-Huguenin, Saint-Cloud, et adhérentes de l’AFIC). Un peu d’histoire Les nausées et vomissements induits par la radiothérapie et la chimiothérapie anticancéreuses, quelquefois concomitantes, ont toujours représenté un phénomène pénible, plus ou moins invalidant pour les patients. Cet effet indésirable pouvait amener les médecins à réduire les doses initiales des drogues calculées selon la surface corporelle, ou à espacer les cures, contrariant ainsi l’efficacité antitumorale recherchée. S’apparentant au mécanisme de la douleur, puisque la mémoire de nausées et vomissements antérieurs peut de nouveau déclencher nausées et vomissements dès l’annonce de la reprise d’une cure, cet effet engendre un cercle vicieux qu’il est difficile de rompre. De ce fait, les infirmières, impuissantes à soulager avec l’arsenal des anti-émétiques traditionnels (benzamides, anxiolytiques, corticoïdes, anti-histaminiques), même combinés, se sentaient souvent en situation d’échec, malgré la mise en œuvre de méthodes relevant de leur rôle propre, tels les conseils hygiéno-diététiques et les techniques de relaxation traditionnelles. L’Afic a, dès 1990, participé aux recherches infirmières en France ou en collaboration avec l’EONS (European Oncology Nursing Society) sous l’égide des sociétés pharmaceutiques, et prit part à de nombreux colloques, publications, traductions et élaborations d’outils pédagogiques pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies thérapeutiques liées à l’apparition des anti-émétiques de nouvelle génération (sétrons). Quelques notions simples à connaître et à transmettre Le vomissement est une réaction de protection de l’organisme visant à éliminer l’élément toxique, les drogues cytotoxiques étant comparables à un aliment avarié ou à un poison ingérés. Les traitements cytotoxiques ou les irradiations ont pour but la destruction des cellules malignes, mais ils 1. Piper B. Fatigue mechanism in cancer. Oncology Nursing Forum,1987 Bulletin Infirmier du Cancer 9 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier affectent aussi les cellules saines par manque de spécificité. Le vomissement est donc une réponse désagréable, mais appropriée, de l’organisme à une agression. Trois phases sont à distinguer : - La nausée, phénomène subjectif, non quantifiable mais facilement observable (pâleur, sueur, salivation augmentée, tachycardie) est souvent plus durable -on parle d’état nauséeux- moins contrôlable que le vomissement, et donc moins bien vécue. - L’effort de vomissement, ou inspiration à glotte fermée, déclenche des contractions thoraciques déplaisantes et d’autant plus stressantes qu’elles n’aboutissent pas. Le patient dit ne pas pouvoir vomir parce qu’il a “ l’estomac vide ” ; il n’est pas soulagé. - Le vomissement est l’expulsion brutale du contenu gastrique par la bouche par contractions des muscles grand droit et grand oblique. Il est observable, quantifiable en nombre, fréquence et volume. Les vomissements sont désagréables mais soulagent ; s’ils sont fréquents et prolongés, ils peuvent amener déshydratation, hypotension, crampes musculaires, rarement hématémèse [1]. Les vomissements retardés sont souvent mal vécus, car les patients croyant avoir échappé à cet effet redouté au décours immédiat de la cure sont douloureusement surpris d’en être victimes quand ils ont déjà recommencé une activité sociale qui s’en trouve altérée. 5HT3 5HT3 5HT3 Sérotonine area postrema Centre du vomissement Chimiothérapie anticancéreuse Nerf X 5HT3 5HT3 5HT3 Sérotonine Tractus digestif Figure 1. Rôle de la sérotonine dans l’apparition des vomissements chimio-induits ont, sinon bouleversé, du moins considérablement amélioré la tolérance digestive des patients traités par chimiothérapie à potentiel émétisant ou fortement émétisant. Bref rappel physio-pathologique du mécanisme des nausées et vomissements Incidence des nausées et vomissements L’injection d’agents cytotoxiques présentant une absence de spécificité entre les cellules saines et les cellules malignes entraîne, d’une part une stimulation directe de la CTZ (chemoreceptor trigger zone) ou zone détectrice, et d’autre part la libération massive de sérotonine en périphérie, due à la destruction des cellules entérochromaffines au niveau du grêle. Ces deux phénomènes entraînent l’activation des récepteurs des 5HT3 (5-hydroxytryptamine), principal mécanisme impliqué dans les nausées et vomissements chimio-induits ; cette activation centrale et périphérique va provoquer la stimulation du centre du vomissement, ou zone effectrice. La découverte et la mise en œuvre des antagonistes des récepteurs 5HT3, type Zophren® ou Kytril®, en 1989, Bulletin Infirmier du Cancer CTZ 90 % 60 à 30 à < 30 % cisplatine, dacarbazine 90 % 60 % Agents cytotoxiques actinomycine D moutardes azotées cyclophosphamide procarbazine carboplatine anthracyclines 5-fluoro-uracile cytosine arabinoside méthotrexate bléomycine melphalan étoposide vinca-alcaloïdes chlorambucil Tableau 1. Evaluation du risque émétique lié aux cytotoxiques utilisés 10 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier L’AMM (Autorisation de mise sur le marché) de ces médicaments n’a été accordée qu’en 1998 dans le cas d’irradiations dont les champs concernent l’œsophage et l’estomac. Il semble que leurs effets en soient également bénéfiques pour de nombreux patients irradiés. sibles. Il faut trouver le juste équilibre entre l’information des effets éventuels et les mesures correctives à apporter pour n’engendrer ni crainte d’un phénomène potentiel, ni impréparation à un phénomène réel. • Education. Elle doit concerner le patient et ses proches (s’il a la chance d’être entouré), sur les règles diététiques à suivre. On sait que les familles traumatisées ou culpabilisées par la maladie ont tendance à exagérer leur rôle nourricier, à vouloir suralimenter un patient sans appétit, à insister sur la nécessité de manger de la viande rouge alors qu’un dégoût sélectif de la viande est induit par la chimiothérapie… • Evaluation. L’infirmière doit évaluer le retentissement des nausées et vomissements sur la courbe pondérale et la déshydratation possible des patients, le retentissement socio-familial, sur leur observance des traitements à venir et, partant, sur l’efficacité du traitement antitumoral et la qualité de vie. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Une règle impérative Prévenir l’apparition des nausées et vomissements en agissant avant la première cure, quel que soit son potentiel émétisant, afin de ne pas laisser s’instaurer la mémoire du phénomène et donc la crainte de sa réapparition lors de cures suivantes ou lors d’une reprise de chimiothérapie s’il y a récidive de la maladie. Tout soignant ayant travaillé aux côtés de patients qui vomissent sait à quel point cet effet secondaire peut être redouté, peut devenir obsessionnel et entraîner un refus de poursuivre le traitement. On a souvent tort de sous-estimer l’extrême sensibilité olfactive des patients qui vomissent dès qu’ils “ mettent le pied à l’hôpital ” ; on taxe volontiers de réaction “ psychologique ” un réflexe bien réel, lié à des odeurs perceptibles pour eux seuls (peinture, colle de moquette, désinfectant…) Certes, l’anxiété majore ce phénomène, mais l’anxiété n’est-elle pas une réaction bien compréhensible que les soignants doivent entendre, prendre en compte et traiter ? Quatre étapes à respecter • Connaître le risque émétique de la chimiothérapie prescrite. La plupart des cytotoxiques peuvent entraîner des nausées et vomissements, mais l’intensité et la gravité de ces effets est fonction du produit (notamment les anthracyclines et les sels de platine) et aussi de la dose instaurée et de la combinaison des produits (polychimiothérapie). On se référera pour cela au tableau 1. Deux rôles à remplir Le rôle propre, par l’observation, l’écoute, le recueil de données qui permettra d’établir le profil du patient (se référer au tableau des facteurs favorisants) et d’établir avec lui et son entourage des règles simples sur le plan hygiéno-diététique et lui enseigner ou l’encourager à pratiquer des techniques de relaxation. Le rôle sur prescription ne doit pas seulement consister à appliquer scrupuleusement les protocoles antiémétiques, mais à participer à leur rédaction, leur évaluation et leur mise à jour. Il y a lieu aussi de savoir plaider la cause des patients auprès de médecins souvent enclins à attendre l’aggravation des nausées et vomissements pour prescrire des traitements de type anti-HT3, alors que nous savons que c’est préventivement qu’il faut agir. Conseils pour une aide infirmière efficace dans la lutte contre les nausées et vomissements . Une règle à appliquer : la prévention des effets émétisants . Deux rôles à remplir : rôle propre et rôle sur prescription . Trois mots clés à retenir : information, éducation, évaluation . Quatre étapes à respecter : - connaître le risque émétique de la chimiothérapie prescrite - établir le profil émétisant du patient - impliquer patient et proches dans le suivi des règles hygiéno-diététiques - évaluer l’efficacité du traitement dès la première cure Trois mots à retenir • Information. Elle doit être nécessaire et suffisante, sans minimiser ni dramatiser les effets secondaires posBulletin Infirmier du Cancer 11 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. • Etablir le profil émétisant du patient. Les patients ont tous une susceptibilité particulière aux cytotoxiques et le recensement des antécédents personnels est capital lors de la consultation infirmière ou de l’entretien préalable à la mise en route de la chimiothérapie ou de la radiothérapie. Le tableau 2 récapitule schématiquement les facteurs favorisants du risque de nausées et vomissements. Risque individuel Âge (ans) < 30 30-50 > 50 Sexe F M Antécédents émétiques Enfance Grossesse Mal des transports Nausées et vomissements postopératoires 0 1 Mieux vivre son traitement : quelques recommandations [3] • Evitez les aliments épicés, frits ou gras • Mangez froid ou légèrement chaud, si vous êtes écœuré par l’odeur des aliments • Faites des petits repas à la demande, fractionnés (type collation) • Mâchez bien, mangez lentement • Ne mangez pas juste avant la chimiothérapie mais prenez une collation une heure avant environ • Buvez lentement et à petites gorgées (les boissons gazeuses et fraîches type Coca-Cola sont souvent mieux tolérées). Mais aussi : • Favorisez les activités pendant la perfusion : regardez la télévision, lisez, recevez des visites, téléphonez, bavardez avec votre entourage • Si vous pratiquez déjà des techniques de relaxation (yoga, respiration contrôlée…), mettez-les en pratique. C’est le moment ! • Evitez autant que possible les odeurs fortes comme celles du tabac ou de certains parfums ; évitez donc les lieux enfumés et clos • Dans les transports en commun, dans les cinémas, asseyez-vous près de la sortie pour éviter toute anxiété quant à l’effet d’un vomissement soudain. 2 X X X X X + + + + - X X X X X X X X Vomissements lors de chimiothérapie antérieures ++ + - X X X Tableau 2. Score arbitraire des facteurs de risque individuel des nausées et vomissements chimio-induits. Conclusion • Impliquer le patient et ses proches dans le bon déroulement des cures et intercures. Il est plus confortable d’agir que de subir et c’est en cela que l’éducation du patient et des familles est capitale avant, pendant et après les thérapies anticancéreuses. Il a été établi par des équipes infirmières des livrets éducatifs à l’usage des soignants avec une fiche à donner au patient que nous reproduisons ci-dessous. • Evaluer l’efficacité du traitement anti-émétique dès la première cure en recueillant les effets vécus à domicile dans l’intercure, le nombre de vomissements, leur intensité, leur durée, leur survenue et les circonstances des nausées dans la vie courante ; de cette façon on pourra faire réajuster par le médecin, le traitement en combinant éventuellement 5HT3, corticoïdes, anxiolytiques selon l’intolérance ressentie. Bulletin Infirmier du Cancer Les soignants ont pour rôle d’informer, d’éduquer les patients et de les aider à prévenir et à traiter les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie ou la radiothérapie. Ces effets secondaires bien contrôlés permettent la poursuite ou la reprise d’un traitement antitumoral efficace et assurent au patient atteint de cancer une meilleure qualité de vie, quel que soit le stade de sa maladie. C’est l’occasion pour les soignants de mettre en œuvre les ressources de leur rôle propre, aider ou distraire le patient de la crainte des nausées et vomissements à l’égal du phénomène de la douleur ou de la fatigue, selon des protocoles élaborés, éprouvés et partagés par des équipes de soins, de l’Afic ou d’ailleurs, que nous remercions de 12 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier leur engagement dans la lutte contre les effets secondaires des traitements anticancéreux.■ vent responsables d’effluviums anagènes. Les drogues les plus alopéciantes sont l’aminocamptothécine, l’ifosfamide, l’amsacrine, l’irinotecan, la bléomycine, la carmustine, le chlorambucyl, le cyclophosphamide, la cytarabine, la dacarbazine, le melphalan, le méthotrexate, la mitoxantrone, le plaxitaxel, le 5-fluoro-uracile. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Références 1. La prise en charge des nausées et vomissements en cancérologie, International Nursing Cancer Society. Cours international pour infirmières, coordonné par J. Hawthor. Glaxo, Londres 1990, version française 1993 supervisée par l’Afic. 2. Zophren-Ondansétron. Document réservé à l’usage du personnel soignant. Glaxo, Paris 1990 3. Nausées et vomissements chimio-induits : conseils pour une démarche de soins efficace. Document réservé à l’usage du personnel soignant, en collaboration avec G. Farnault de l’Afic. Glaxo, Paris 1998. Les stomatites La mucite orale est une cause fréquente et dosedépendante de morbidité au cours des chimiothérapies anticancéreuses. La muqueuse buccale est très fragile, car l’index mitotique des cellules qui la constituent est très élevé et la chimiothérapie exerce son activité par le biais de la diminution ou de l’arrêt de la croissance des cellules à renouvellement rapide. Environ 40% des patients sous chimiothérapie rencontrent des problèmes de muqueuse buccale. Les médicaments les plus inducteurs de mucites sont la bléomycine, la dactinomycine, la daunorubicine, le docétaxel, la daunorubicine, le 5-fluoro-uracile, le méthotrexate, le topotécan. Les effets indirects des chimiothérapies sur la muqueuse buccale sont les hémorragies et les surinfections, du fait de la myélosuppression ; ils sont typiquement observés au nadir thérapeutique, c’est-à-dire 12 à 14 jours après le traitement. Effets secondaires dermatologiques des chimiothérapies en oncologie et en onco-hématologie D. Kerob, IGR, Villejuif Les traitements en oncologie et en onco-hématologie reposent sur la chimiothérapie, dont l’objectif est la diminution de la quantité de cellules tumorales présentes dans l’organisme. Le problème essentiel des médicaments anticancéreux est leur toxicité sur les cellules normales. Il existe une sensibilité particulière des cellules en division rapide pour les agents antitumoraux indépendamment du phénotype malin. Or, l’épiderme est également un tissu dont les cellules sont en division rapide, ce qui explique la toxicité fréquente des chimiothérapies sur la peau, les muqueuses, les phanères ainsi que sur les cellules hématopoïétiques. L’extravasation On la définit par un « échappement d’un agent chimiothérapique d’un vaisseau vers les tissus avoisinants soit par fuite, soit par infiltration directe ». Sa fréquence est estimée entre 0,1 et 6% chez l’adulte et semble être plus élevée chez l’enfant. La gravité de l’atteinte tissulaire est directement liée à l’agent chimiothérapique perfusé, ainsi qu’à sa quantité et à sa concentration. Les agents les plus toxiques peuvent provoquer une nécrose locale de la peau et des tissus sous-jacents. Parmi eux, on peut citer la bléomycine, la carmustine, le cisplatine, la dacarbazine, les anthracyclines, le melphalan, la vincristine, etc. En cas de suspicion d’extravasation, la perfusion doit être arrêtée au plus tôt, et le site d’extravasation doit être aspiré avant de retirer le cathéter et d’éliminer au maximum le toxique. Il faut ensuite surélever le membre atteint. Parfois une exérèse large des tissus atteints, voire nécrosés, est nécessaire. Les toxicités cutanées et muqueuses L’alopécie Effet secondaire le plus fréquent au cours des chimiothérapies, elle résulte de l’action pharmacologique du cytostatique, et débute rapidement après l’administration de la drogue. Elle est dose-dépendante. Dès l’arrêt de la chimiothérapie, la repousse est rapide. Deux types différents d’alopécie se rencontrent : l’effluvium anagène au cours duquel la chute des cheveux est due à un arrêt brutal de l’activité mitotique, et l’effluvium télogène au cours duquel les cheveux se mettent dans une phase de repos prématurée, suivie d’une chute des cheveux normaux. Les chimiothérapies sont le plus souBulletin Infirmier du Cancer L’hyperpigmentation L’hyperpigmentation est un effet secondaire fréquent des chimiothérapies ; la peau, les ongles, les cheveux 13 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier peut survenir 8 jours à 15 ans après la radiothérapie, et apparaît quelques heures à quelques jours après la chimiothérapie. et les muqueuses peuvent être touchés. L’atteinte est locale ou diffuse. La pigmentation se constitue de deux façons : par augmentation de la quantité de mélanine, de carotène ou d’hémoglobine dans la peau, ou par dépôt d’une autre substance pigmentée. Les mécanismes de la pigmentation cutanée liée à la chimiothérapie sont mal connus. Par exemple, le cyclophosphamide provoque des plaques pigmentées palmoplantaires et des phanères, voire une pigmentation généralisée. Le méthotrexate provoque une pigmentation brune du corps et des troubles de pigmentation des phanères. La bléomycine est responsable du “ syndrome de flagellation ” qui correspond à des bandes pigmentées linéaires après grattage ou traumatismes de la peau. L’hydroxyurée donne une pigmentation prédominant à la face, au cou, aux membres inférieurs. La potentialisation des effets de la radiothérapie Certaines chimiothérapies augmentent la toxicité de la radiothérapie, lorsque les deux traitements sont administrés de façon concomitante ou rapprochée (dans la même semaine). Les agents anticancéreux les plus connus pour aggraver les effets propres des rayons sur la peau et/ou les muqueuses sont la bléomycine, la dactinomycine, le 5-fluoro-uracile, l’hydroxyurée, la 6-mercaptopurine, et le méthotrexate. Cliniquement, la zone irradiée est le siège d’un érythème, d’un œdème, de vésicules, de bulles et d’érosions. Dans les cas sévères, une ulcération ou une nécrose peuvent survenir. Dans certains cas, cet effet additif ou synergique est recherché (radio-chimiothérapie concomitante). Le traitement est symptomatique L’érythème acral ou syndrome mains-pieds L’érythème acral survient plus particulièrement au décours de traitements à base de cytarabine, de doxorubicine et de 5-fluoro-uracile, mais il a été décrit avec d’autres drogues. Cliniquement, il est habituellement précédé de dysesthésies des paumes et des plantes, avec sensation de brûlure, douleur, œdème et apparition en quelques jours de placards érythémateux symétriques bien délimités, le plus souvent sur les faces latérales des doigts ou des éminences thénar ou hypothénar. Les mains sont souvent plus atteintes que les pieds et leur atteinte peut être isolée. A l’arrêt du traitement, on observe, dans les 10 à 15 jours, une desquamation qui signe la guérison. Dans le cadre des greffes de moelle, il est parfois difficile de trancher entre érythème acral et GVH (réaction du greffon contre l’hôte) cutanée aiguë. Le traitement est symptomatique. On peut prévenir la récidive du phénomène en mettant les extrémités dans de l’eau glacée au cours des chimiothérapies suivantes. La photosensibilité Les éruptions par photosensibilisation sont induites par de nombreux agents anticancéreux. La photosensibilité à la dacarbazine, au 5-fluoro-uracile (par voie systémique ou topique), à la vinblastine est bien documentée. La photosensibilité par le méthotrexate est controversée, et il s’agirait en fait d’une réactivation d’un érythème solaire (UV recall) survenu quelques jours seulement avant le traitement (contrairement à l’effet recall de zones irradiées qui survient des années plus tard). Cliniquement, les patients se présentent avec une éruption qui ressemblerait à un coup de soleil avec un érythème, un œdème, des douleurs, un prurit. Dans les cas plus sévères, on peut observer des bulles avec décollement cutané. Une hyperpigmentation secondaire est classique, et peut perdurer des mois. Cette éruption prédomine bien sûr sur les zones photo-exposées (visage, décolleté, nuque, dos des mains, avant-bras, jambes). Le traitement repose sur les émollients, les anti-histaminiques et les dermocorticoïdes. Dans les cas les plus sévères, une corticothérapie générale peut être nécessaire. La prévention de tels effets se fait par photoprotection vestimentaire et par écrans solaires. Les porphyrines sont des agents photosensibilisants utilisés au cours des photothérapies dynamiques dans le traitement de certaines tumeurs solides. L’effet recall Il s’agit d’un phénomène au cours duquel l’administration d’une chimiothérapie provoque un érythème inflammatoire d’une zone antérieurement irradiée. Les chimiothérapies les plus souvent responsables de cet effet sont la doxorubicine, la dactinomycine, mais aussi la bléomycine, l’étoposide, l’hydroxyurée, le méthotrexate, la vinblastine, le 5-fluoro-uracile, le cyclophosphamide et la cytarabine. Cet effet recall Bulletin Infirmier du Cancer 14 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier Les flushs Le flush est défini par un érythème temporaire de la face, du cou et du décolleté, qui résulte d’une vasodilatation médiée, soit par le système nerveux autonome, soit par l’action directe du traitement sur l’endothélium vasculaire. Les agents responsables de ce phénomène sont l’asparaginase, la bléomycine, les dérivés du platine, la dacarbazine, le 5-fluoro-uracile. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’onycholyse photo-induite est une autre forme de photosensibilité qui apparaît au moins deux semaines après le traitement. Les allergies médicamenteuses On observe différents types d’allergies médicamenteuses. L’allergie immédiate, ou hypersensibilité de type I, est représentée par l’urticaire associée ou non à un œdème des muqueuses (dit œdème de Quincke lorsque la muqueuse ORL est touchée). Toutes les drogues peuvent être responsables de ce type d’allergie. Le traitement repose sur les anti-histaminiques, les corticoïdes, et parfois l’adrénaline en cas d’œdème de Quincke. Les vascularites allergiques, ou hypersensibilité de type III, sont liées à la formation de complexes immuns dans les petits vaisseaux. L’hypersensibilité de type IV correspond aux réactions d’eczéma de contact. Elle est donc provoquée par un contact de la drogue sur la peau. Les toxidermies médicamenteuses surviennent, elles, entre 7 et 21 jours après l’administration de la drogue et se présentent sous différentes formes cliniques de gravité croissante : 1) le rash morbilliforme : petites maculopapules érythémateuses qui confluent ; 2) l’érythème polymorphe : atteinte muqueuse avec ulcérations, et cutanée avec lésions en cocardes ou cibles atteignant moins de 10% du tégument ; 3) syndrome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique : décollement muqueux très important pouvant toucher les muqueuses digestives et bronchiques, et décollement cutané de plus de 30% du tégument. Cette atteinte est très grave, son taux de mortalité est d’autant plus élevé que le patient est immunodéprimé, et les séquelles atrophiques, essentiellement des muqueuses sont définitivement invalidantes. Le traitement est, dans ces trois formes, symptomatique après l’arrêt du traitement. Un autre type de toxidermie médicamenteuse est décrit : il s’agit du syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse qui associe une éruption cutanée de lésions infiltrées, une fièvre, des adénopathies, parfois une atteinte pulmonaire, hépatique et une hyperéosinophilie sanguine. Cette toxidermie peut survenir dans les semaines suivant l’administration du traitement, et son pronostic est lié à l’atteinte viscérale. Le traitement repose sur les corticoïdes. Bulletin Infirmier du Cancer L’hydradénite neutrophilique eccrine Sa présentation clinique est non spécifique mais associe souvent une fièvre et une éruption. L’éruption concerne la tête, le cou, le tronc ou les extrémités. Les lésions sont des macules, des papules, des nodules, des pustules, des vésicules ou des plaques érythémateuses ou violines, uniques ou multiples ; elles apparaissent entre 2 jours et 3 semaines après l’administration du traitement. Les chimiothérapies responsables sont la bléomycine, le chlorambucil, le cyclophosphamide, la cytarabine, la doxorubicine, la lomustine, le mitoxantrone. Le diagnostic est histologique par le biais d’une biopsie cutanée : les signes histologiques sont un infiltrat de polynucléaires neutrophiles dense dans et autour des glandes eccrines, avec nécrose cellulaire. L’éruption liée à la récupération du taux de lymphocytes Cette éruption survient 6 à 21 jours après l’administration d’une chimiothérapie aplasiante, et correspond au retour à la normale du taux de lymphocytes. Sa présentation clinique n’a rien de spécifique et peut parfois entraîner une érythrodermie Les ulcères L’hydroxyurée est responsable, après une utilisation prolongée, d’une atrophie cutanée. Des ulcères peuvent alors survenir, essentiellement au niveau des membres inférieurs. Ces derniers régressent rapidement à l’arrêt du traitement. Les effets indirects liés à la neutropénie Les mucites Elles se rencontrent essentiellement en onco-hématologie. L’incidence de leur toxicité sur la muqueuse buccale de la plupart des conditionnements est de 90%, et elle survient de façon concomitante à la survenue de 15 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier Sa survenue est liée à une lymphopénie profonde inférieure à 100/mm3. Le zona est une complication extrêmement commune chez les patients immunodéprimés, il survient chez environ 85% des patients allogreffés. Le rash métamérique est en général précédé d’une douleur et de paresthésies. Chez le patient immunodéprimé, l’éruption peut être multimétamérique. Le traitement du zona chez le patient immunodéprimé repose sur l’aciclovir par voie intraveineuse à la dose de 10 mg/kg/8 h. L’atteinte cutanée ou muqueuse à CMV (cytomégalovirus) est rare et se retrouve le plus souvent au niveau des muqueuses génitales. Sa gravité est liée à l’atteinte viscérale. Son traitement repose sur le ganciclovir. L’EBV (virus d’Epstein-Barr) est responsable de pharyngites dont la gravité est liée au syndrome lymphoprolifératif gravissime qu’il peut engendrer. Le HHV6 (virus herpès humain 6) est un herpès virus latent qui a été isolé chez des patients immunodéprimés. Il peut être responsable d’une éruption cutanée fébrile. • Parmi les autres virus, le paramyxovirus est responsable de la rougeole, l’adénovirus et les entérovirus sont responsables d’éruptions cutanées non spécifiques. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. la neutropénie. L’irradiation corporelle totale, le busulfan, l’étoposide et le thiotepa sont fréquemment cités comme responsables, et la sévérité de la mucite dépend des doses utilisées. Le traitement est symptomatique et repose sur les bains de bouche pluri-quotidiens et les antalgiques. L’utilisation de la morphine est souvent nécessaire. Les infections cutanées et muqueuses • Les infections bactériennes. L’intensification des chimiothérapies et l’utilisation de greffes de moelle ont accru le risque infectieux, lié à la neutropénie et à l’immunosuppression. Les facteurs de risque reconnus sont la neutropénie, l’hypogammaglobulinémie, le déficit de l’immunité cellulaire, la GVH, la mucite, un cathéter veineux central, la dénutrition, la corticothérapie prolongée, des traitements immunosuppresseurs. Elles vont de la folliculite à la cellulite infectieuse, et le traitement repose sur l’antibiothérapie adaptée au germe retrouvé et à l’antibiogramme. • Les infections mycosiques. Il s’agit le plus souvent de candidoses. La bouche et le tube digestif sont le plus souvent colonisés chez le patient neutropénique. Les candidoses génitales et les intertrigos sont également fréquents. Ces infections sont favorisées par l’alitement, l’antibiothérapie prolongée, les traitements immunosuppresseurs et l’aplasie. • Les infections virales du groupe herpès. Les infections à HSV (herpès simplex virus) s’observent chez les patients en aplasie profonde. Le HSV de type 1, qui infecte généralement l’oropharynx, est présent à l’état latent dans les ganglions du nerf trijumeau alors que HSV2, qui atteint généralement le périnée, est présent à l’état latent au niveau des ganglions sensoriels lombosacrés ; 70% des adultes sont séropositifs pour HSV et vont réactiver le virus à une médiane de 17 jours après une chimiothérapie intensive ; 85% des infections sont situées dans la cavité buccale et 15% sont génitales. Le HSV est fréquemment la cause d’une mucite sévère et, chez les patients en aplasie, d’œsophagite. L’aciclovir est le traitement de choix des infections à HSV. Le valaciclovir, prodrogue de l’aciclovir, a montré sa supériorité et est recommandé dans l’herpès génital. Les infections à VZV (virus varicelle et zona), très sévères, s’observent chez le patient immunodéprimé et se présentent sous différentes formes. La varicelle disséminée se rencontre après des chimiothérapies lourdes et associe une varicelle cutanée à une atteinte viscérale grave. Bulletin Infirmier du Cancer Les effets indirects liées à la thrombopénie Le purpura, petites macules violines qui ne disparaissent pas à la vitropression, est le plus souvent lié à une thrombopénie. Il peut se rajouter à une autre dermatose, telle qu’une toxidermie ou une GVH cutanée, et donner à l’ensemble des lésions un aspect violines. Les hématomes sous-unguéaux sont fréquents chez le patient thrombopénique ; ils peuvent parfois se surinfecter. Les problèmes transfusionnels : le purpura thrombopénique aigu post-transfusionnel est la survenue brutale d’une thrombopénie souvent profonde après la transfusion de plaquettes immunologiquement incompatibles. Les effets indirects liées à l’anémie La pâleur cutanéo-muqueuse. Les problèmes transfusionnels : - accidents immunologiques : ictère lié à une hémolyse extravasculaire (incompatibilité ABO ou agglutinines irrégulières), - réactions allergiques qui vont de l’urticaire au choc anaphylactique ; cyanose au cours du choc endotoxi- 16 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier curatif repose sur l’augmentation du traitement immunosuppresseur. nique (contamination du don de sang par des bactéries à Gram négatif). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. La réaction du greffon contre l’hôte La GVH chronique La GVH chronique peut survenir après une GVH aiguë, en général 60 à 100 jours après la greffe, ou de novo. Son incidence est de 30% dans les greffes HLA géno-identiques, 50% dans les greffes phéno-identiques. Les facteurs prédictifs de sa survenue sont la disparité HLA et l’âge du receveur. Cliniquement, l’atteinte cutanée peut prendre deux aspects, lichénoïde ou sclérodermiforme, et s’associe souvent à une atteinte de la muqueuse buccale. Le traitement repose sur les immunosuppresseurs : corticoïdes, ciclosporine A (Sandimmun®), azathioprine (Immurel®), micophénolate mophétil (Cellcept®), la thalidomide, l’irradiation lymphoïde totale, la Puva-thérapie, les photophérèses Elle survient après une allogreffe de cellules souches périphériques ou de moelle osseuse. Il s’agit d’une réaction du donneur contre les lymphocytes du receveur. Les critères pour la survenue d’une GVH ont été définis par Billingham en 1966 : - la greffe doit contenir des cellules immunocompétentes ; - le receveur doit posséder des allo-antigènes absents chez le donneur pour apparaître comme étrangers à la greffe et pour pouvoir engendrer une réponse immunitaire ; - le receveur doit être incapable de produire luimême une réponse immunitaire contre le greffon. Les facteurs de risque au cours des greffes de moelle osseuse allogénique sont : la disparité HLA, la différence de sexe entre le donneur et le receveur (surtout lorsqu’un receveur masculin reçoit la moelle d’une donneuse), une allo-immunisation antérieure du donneur (donneuse multipare ou donneur multitransfusé), l’âge élevé du receveur, la séropositivité pour le CMV du receveur ou du donneur, le conditionnement lourd avec irradiation corporelle totale. La GVH évolue en deux phases : aiguë et chronique. Les effets secondaires tardifs Ils sont liés à l’utilisation des chimiothérapies, de la radiothérapie, des antibiotiques, des corticoïdes et des immunosuppresseurs. Le syndrome cushingoïde est lié à l’utilisation prolongée des corticoïdes. Il associe un faciès rond, avec distribution de la graisse au niveau de la nuque et du tronc, une atrophie des membres inférieurs, des vergetures, une hypertrichose du visage, un hirsutisme. La xérose cutanée est très fréquente chez le patient cancéreux, et plus particulièrement en onco-hématologie. Elle peut être responsable de prurit. L’utilisation de crèmes émollientes améliore la qualité de vie du patient. L’onychodystrophie : les lignes de Beau sont des dépressions linéaires transversales de la tablette qui correspondent à un ralentissement temporaire de la croissance unguéale. Tous les ongles sont atteints, mais la repousse normale, à l’arrêt de la chimiothérapie, prend quelques mois. La pigmentation cutanée est séquellaire des toxicités médicamenteuses. Les carcinomes cutanés sont plus fréquents sur les zones de radiothérapie, sur tout le tégument, et plus encore sur les zones photoexposées, chez le patient sous ■ immunosuppresseurs. La GVH aiguë Les signes apparaissent en général en sortie d’aplasie, mais peuvent survenir plus tardivement, jusqu’au troisième mois. Ils sont essentiellement cutanés, digestifs et hépatiques. L’atteinte cutanée est représentée par un érythème maculo-papuleux, prurigineux, atteignant les paumes, les plantes, les orifices, les points de ponction. Les premières lésions siègent généralement derrière les oreilles, au niveau de la nuque, des joues, et s’étendent progressivement sur l’ensemble du tronc et des membres. L’atteinte périfolliculaire est caractéristique. La GVH est classée en quatre grades, et un décollement cutané en lambeaux correspond au grade IV. Le traitement est d’abord préventif avec le meilleur choix du donneur, puis immunosuppresseur à base de méthotrexate, ciclosporine et corticoïdes. Cependant, plus la prévention de la GVH est efficace, plus le risque de rejet et de rechute est important. Le traitement Bulletin Infirmier du Cancer Références • Susser WS, Whitaker-Worth DL, Grant-Kels JM. Mucocutaneous reactions to chemotherapy. J Am Acad Dermatol 1999 ; 40 : 367-98. • Varet B. Le livre de l’interne en hématologie. Hématologie 1997. 17 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Dossier Rôle infirmier auprès de patients atteints de mucites rentes cures de chimiothérapie, mais il semble que, pour un même produit, les perfusion prolongées soient moins toxiques pour les muqueuses. Néanmoins, toute polychimiothérapie à haute dose doit être considérée comme à risque élevé. - L’état bucco-dentaire du patient. - L’âge, les enfants et les sujets jeunes étant plus exposés. - L’association éventuelle d’une radiothérapie, en particulier lors de conditionnement de greffe associant une irradiation corporelle totale à la chimiothérapie. La radiothérapie locale peut, elle aussi, provoquer une mucite par toxicité directe, mais également par la xérostomie (diminution, voire suppression de la salivation) qu’elle provoque. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L. Tripault, Cadre infirmier M. Marinthe, Infirmière Service onco-hématologie pédiatrique, hôpital Trousseau. Paris La mucite est l’une des complications extra-hématologiques les plus fréquentes de la chimiothérapie. Elle touche près de 40 % des patients recevant une chimiothérapie conventionnelle et environ 75 % des patients bénéficiant d’une chimiothérapie à haute dose suivie d’une greffe de cellules souches [1, 2]. Ces traitements anticancéreux détruisent les cellules tumorales mais peuvent également endommager les cellules saines. Possédant principalement une action sur les tissus à renouvellement rapide, il n’est pas étonnant qu’ils aient une action sur l’ensemble des muqueuses, et plus particulièrement sur l’épithélium digestif. La mucite est caractérisée par la destruction plus ou moins complète des épithéliums de recouvrement, aboutissant à une atrophie et à une érosion de surface, pouvant être responsable de complications graves. Cette altération de la muqueuse buccale provoque très rapidement une douleur intense et invalidante. La mucite apparaît environ une semaine après l’administration de la chimiothérapie et touche préférentiellement la face interne des lèvres et des joues, le palais et la face ventrale de la langue. L’Organisation mondiale de la santé en a défini quatre grades : Le rôle infirmier est capital dans la prise en charge de patients atteints de mucites. Le décret n°93-345 du 15 mars 1993, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession, stipule que, dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier vérifie «la prise des médicaments» et surveille «leurs effets» (art. 3). De par ses connaissances théoriques, il connaît les patients à risque de mucite (pathologie, traitement reçu…). Il doit donc, en collaboration avec le médecin, surveiller l’état de la bouche du patient et signaler à l’équipe médicale toute atteinte à son intégrité. Au regard de ce même décret, il peut mener des actions d’éducation. Le brossage de dents doit être réalisé au moyen d’une brosse à dent souple et en nylon. Cette brosse doit être conservée entre les séances de brossage dans une solution antiseptique type chlorhexidine renouvelée chaque jour. Avant son utilisation, elle est rincée à l’eau. Le dentifrice ne doit pas être utilisé. Une étude portant sur les soins dentaires préalables et le brossage des dents en période d’aplasie chez des patients ayant reçu une chimiothérapie à haute dose (avec ou sans irradiation corporelle totale) a été réalisée par Borowski et al. [3}. Bien que la différence clinique ne soit pas majeure (pourcentage cumulé à J21 : 81% versus 93%), les patients ayant effectué des soins dentaires intensifs ont eu significativement moins de mucites modérées ou sévères que les autres. Par ailleurs, l’innocuité du brossage de dents en période d’aplasie a pu être démontrée, comme par d’autres auteurs [4, 5]. Cette attitude peut donc être recommandée. De nombreux bains de bouches sont proposés. Leur fréquence d’administration et leur composition sont très variables selon les équipes. Aucune étude ne permet d’affirmer la supériorité de l’une des compositions ou d’une modalité particulière par rapport aux autres, ni même l’in- Grades OMS des mucites Grade 0 Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Absence de stomatite Erythèmes modérément douloureux, ulcères indolores Erythèmes douloureux, œdèmes ou ulcères présents, alimentation orale possible Erythèmes, œdèmes ou ulcères douloureux, alimentation solide impossible mais alimentation liquide possible Déglutition impossible L’apparition et la gravité de la mucite dépendent d’un certain nombre de facteurs : - La pathologie. Les patients atteints d’hémopathies malignes sont trois fois plus sujets aux mucites que ceux présentant des tumeurs solides. Cela peut s’expliquer par l’immunodépression et la neutropénie pouvant être présentes d’emblée. - Le type de chimiothérapie reçue. Peu de données sont disponibles sur le risque de mucite après les difféBulletin Infirmier du Cancer 18 Vol.1-n°3-juillet-août-septembre 2001 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier l’infirmier doit évaluer en permanence la douleur du patient et son évolution. Cette surveillance permet d’effectuer rapidement des modifications si cela est nécessaire. Pour cela, nous disposons de différentes échelles de douleur (EVA, EDIN…). A l’hôpital Trousseau, nous disposons d’un guide de soins Atteinte à l’intégrité de la muqueuse buccale. Ce support permet un suivi strict d’une altération avérée, avec un objectif et des actions connues, écrites et donc communes à l’ensemble de l’équipe soignante. L’objectif recherché par l’équipe soignante est la disparition de la douleur et la reconstitution d’une muqueuse saine. La mucite reste une complication douloureuse et invalidante pour un patient cancéreux. L’infirmier doit connaître les patients à risque, leur offrir des soins de confort, mais également évaluer la douleur induite afin d’y répondre le plus rapidement et le mieux possible. Des progrès dans la prise en charge de cette complication sont possibles. Une nouvelle étude visant à évaluer l’efficacité de la mastication répétée de chewing-gums dans la prévention des mucites est actuellement en cours. En effet, la succion prolongée au cours de la journée entraînerait une augmentation du flux salivaire permettant une clairance salivaire accrue des chimiothérapies toxiques et ainsi une moindre toxicité locale. Si l’efficacité de le mastication de chewinggums pouvait être démontrée, la simplicité, l’innocuité et le faible coût de ce traitement le rendrait très intéressant.■ térêt des soins de bouche dans la prévention des mucites [6-8]. En fait, l’utilisation des topiques locaux se heurte au problème de leur court temps de contact avec la muqueuse buccale. Seul dans les cas où un germe spécifique a été retrouvé (herpès, Candida...), un bain de bouche médicamenteux adapté est efficace. Ces conclusions n’empêchent pas de proposer régulièrement des bains de bouche à base de solutions alcalines, qui procurent un soulagement et un confort au patient, même passager. Lorsque la mucite est déclarée, des traitements non médicamenteux peuvent être mis en place. Ceux-ci consistent en règles d’hygiène et d’alimentation. Il faut supprimer tous les aliments agressifs pour la muqueuse buccale (épices, agrumes...) et favoriser l’alimentation liquide ou semi-liquide et froide. Il est cependant très important d’éviter la dénutrition afin de contribuer à une bonne évolution de la cicatrisation. Un suivi alimentaire doit être réalisé, l’infirmier notant ce qui a été ingéré par le patient. Des compléments hyperprotidiques sont souvent nécessaires. Localement, la mise en place de bains de bouche contenant de la Xylocaïne® à 1 ou 2%, sur prescription médicale, est une méthode très courante. La prise de Xylocaïne® visqueuse à la cuillère appliquée directement sur les lésions peut être proposée afin d’induire une anesthésie locale. Dans ce cas, le patient doit attendre 30 minutes avant toute ingestion pour une action maximale. Il convient d’utiliser cette solution avec prudence du fait du risque de fausse route au niveau du carrefour aéropharyngé. La mucite est rapidement responsable de douleurs importantes, difficiles à soulager, qui entravent la qualité de vie des patients. L’échelle OMS (1997), avec ses trois paliers, guide le choix antalgique en fonction de l’intensité de la douleur : - Palier I : antalgiques non opioïdes (paracétamol...). - Palier II : antalgiques opioïdes faibles (codéïne...). - Palier III : antalgiques opioïdes forts (morphine...). Lorsqu’une mucite de grade III ou IV est déjà installée, les traitements locaux ainsi que les antalgiques de paliers I et II sont insuffisants. C’est pourquoi l’utilisation de morphine intraveineuse en continue, associée à la mise en place d’une pompe d’analgésie contrôlée par le patient, est prescrite par l’équipe médicale. Cela permet au patient de participer à la gestion de sa douleur. En effet, après une explication claire du fonctionnement de la pompe, le patient aura la possibilité de pratiquer des bolus aux moments qu’il juge opportuns, notamment avant les repas, afin de prévenir une douleur plus intense. Après la préparation des médicaments prescrits et leur mise en place, Bulletin Infirmier du Cancer Références 1. Fayle SA, Curzon MEJ. Oral complications in pediatric oncology patient. Pediatric Dentistry 1991 ; 13 : 289-94. 2. Scully C, MacFarlane TW. Orofacial manifestations of childhood malignancy : clinical and microbiological findings during remission. J Dentistry Child 1983 ; 50 : 121-5. 3. Borowski B, Benhamou E, Pico JL, Laplanche A, Margainaud JP, Hayat M. Prevention of oral mucositis in patients treated with highdose chemotherapy and bone marrow transplantation : a randomised controlled trial comparing two protocols of dental care. Oral Oncol, Eur j Cancer 1997 ; 30B, 93-7. 4.Toth B, Chambers M, Fleming T, Lemon J, Martin J. Minimizing oral complications of cancer treatment. Oncology 1995 ; 9 : 851-66. 5. Sonis S, Clark J. Prevention and management of oral mucositis induced by antineoplasic therapy. Oncology 1991 : 5-18. 6. Epstein JB, Vickars L, Spinelli J, Reece D. 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