Les Américains prévoient l`échec du protocole de Kyoto

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M ONTR ÉAL
67 19:22:14 05/04/03
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ÉCHOS
CHARLES CÔTÉ
Gare à la peinture verte
UN GROUPE américain, Earthday Resources, a récemment publié son 11e palmarès du greenwashing, la liste
des 10 entreprises ou organismes ayant le mieux
réussi à dépeindre leurs activités comme salutaires
pour l’environnement... alors que c’était loin de la vérité. Altria, le nouveau nom du conglomérat qui possède Kraft et le fabricant de cigarette Philip Morris, arrive au premier rang pour ses publicités laissant croire
que ses activités sont écologiques, alors que c’est un
des plus grands acheteurs d’organisme génétiquement
modifiés. Au deuxième rang, Exxon Mobil, qui s’est
attiré une bonne presse pour sa contribution de 10
millions par année pendant 10 ans à un projet de recherche sur les changements climatiques. Cette multinationale, propriétaire de la bannière Esso au Canada,
a été très influente dans la décision des États-Unis de
renier leur signature du protocole de Kyoto... sans parler du fait qu’elle investira 10 milliards par année pendant ces mêmes 10 ans en exploration pétrolière. Surprise : on retrouve au troisième rang le conglomérat
américano-canadien Irving, de la célèbre famille du
Nouveau-Brunswick, présente notamment dans les
secteurs de la pétrochimie (vous souvenez-vous de la
barge Irving Whale ?) et de la foresterie. Earthday Resources reproche à Irving d’avoir dissimulé ses activités forestière dans le Maine sous une certification écologique peu crédible, le Forest Stewardship Council,
alors qu’elle remplace les forêts naturelles du Maine
par des plantations d’espèces boréales, qu’elle pratique la coupe à blanc plus que tout autre propriétaire
de cet État et qu’elle ne protège pas adéquatement les
cours d’eau dans ses territoires de coupe.
Photo RÉMI LEMÉE, archives La Presse ©
Site de Earthday Resources
www.earthdayresources.org
Malgré l’appui de nombreux pays au protocole de Kyoto, l’économie mondiale fera en sorte que chaque être humain émettra près
d’une tonne de carbone dans l’atmosphère par année au cours des 25 prochaines années.
Les Américains prévoient
l’échec du protocole de Kyoto
Le plus récent rapport américain sur l’énergie laisse
voir un fossé de plus en plus grand entre les objectifs environnementaux
et les tendances lourdes de l’économie industrielle.
Archives AP
Exxon Mobil s’est attiré une bonne presse pour sa
contribution de 10 millions par année pendant 10 ans
à un projet de recherche sur les changements climatiques. Or, cette multinationale a été très influente
dans la décision des États-Unis de renier leur signature du protocole de Kyoto...
Laboratoire de recherche
nucléaire à vendre
LE LABORATOIRE de Los Alamos, au NouveauMexique, un des centres névralgiques de la recherche
nucléaire militaire américaine, pourrait se retrouver
entre les mains de l’entreprise privée au renouvellement du contrat de gestion accordé depuis 60 ans à
l’Université de Californie. Le laboratoire a été frappé
par une série de scandales ces dernières années et le
gouvernement cherche un nouveau partenaire pour remonter l’affaire. Les candidats : l’Université du Texas
et deux firmes très près du Pentagone : Bechtel et
Lockheed Martin.
— Source : Wired
Des repas bio à la cafétéria
SODEXHO, le géant français des cafétérias d’entreprises, a annoncé qu’il servirait des menus certifiés biologiques dans le nord-ouest et le midwest des ÉtatsUnis. L’entreprise a conclu une entente avec Food Alliance, une agence de certification biologique, et
compte étendre ce service aux campus des universités
Seattle Pacific et du Minnesota. Food Alliance a certifié 175 producteurs agricoles qui adhèrent à un programme de réduction des pesticides, de protection de
milieux naturels et des plans d’eau et qui s’engagent à
traiter les animaux d’élevage décemment.
— Source : ENS
Greenpeace demande aux Pays-Bas
de cesser d’importer du bois
coupé illégalement au Cameroun
L’ORGANISATION écologiste Greenpeace a demandé
au gouvernement néerlandais de cesser de s’approvisionner auprès de compagnies impliquées dans la
coupe illégale de bois au Cameroun. « Nous avons pu
établir que des institutions gouvernementales néerlandaises continuent d’acheter du bois à des sociétés impliquées dans des coupes illégales de bois et dans la
destruction des forêts » au Cameroun, précise un communiqué de Greenpeace. L’organisation rappelle
qu’en 2001, les Pays-Bas s’étaient pourtant engagés à
arrêter l’importation de bois coupé illégalement. « Le
Cameroun dispose de la troisième plus grande forêt
tropicale mondiale mais elle est en cours de destruction en raison de coupes illégales de bois à grande
échelle », souligne Greenpeace. Selon l’organisation
écologiste, la mairie de La Haye a acheté du bois auprès de la société néerlandaise Reef, accusé de pratiquer des coupes illégales de bois tropical au Cameroun.
— Source : AFP
[email protected]
N
ous consommons des quantités phénoménales d’hydrocarbures et cette
tendance n’est pas près de s’infléchir. C’est du moins la conclusion
de l’Energy Information Administration, chargée de faire les prédictions de
la consommation énergétique mondiale.
Le dernier rapport annuel de l’agence
américaine est paru jeudi dernier et il
présente un avenir qui ressemble assez au
présent, conforme à un scénario de business as usual, mais contraire aux visées du
reste du monde industrialisé, telles qu’elles se manifestent dans le protocole de
Kyoto.
Les rapports de l’EIA représentent le
consensus de l’industrie américaine de
l’énergie et ont, à ce titre, beaucoup d’influence. Les administrateurs, dans le secteur public comme dans le secteur privé,
s’y réfèrent pour bâtir leurs politiques à
long terme.
Selon l’EIA, la proportion du pétrole
dans la consommation énergétique mondiale reculera à peine d’ici 2025, passant
de 39 % à 38 %. Au cours de la même période, la consommation de pétrole augmentera de 54,5 %, de 77 millions à 119
millions de barils par jour.
Quant à la consommation de gaz naturel, elle devrait doubler. En fait, d’ici
2025, le gaz dépasserait le charbon
comme source d’énergie après le pétrole.
Cela dit, la consommation de charbon
continuera de croître après une pause
d’une quinzaine d’année due à l’effondrement de l’économie des pays de l’ex-bloc
soviétique. Le monde brûle actuellement
5,3 milliards de tonnes de charbon chaque année et le chiffre devrait atteindre
7,5 milliards d’ici 2025, une augmentation de 41,5 %.
Toutes ces tendances se combineront
pour faire augmenter la quantité de gaz
carbonique dans l’atmosphère.
Les émissions annuelles de gaz carbonique (aussi appelé dioxyde de carbone
ou CO2) devraient passer de 6,5 milliards
de tonnes en 2001 à 7,7 milliards en
2025, une augmentation de 18,5 %.
Grosso modo, l’économie mondiale fera
en sorte que chaque être humain émettra
près d’une tonne de carbone dans l’atmosphère par année au cours des 25 prochaines années. Bref, nous continuerons
d’envoyer dans le dépotoir céleste plus de
déchets que nous n’en enfouissons dans
les dépotoirs terrestres.
Cela ne se fera pas sans effet sur le climat. En effet, selon le consensus scientifique mondial, le phénomène du réchauffement climatique global est lié à la hausse
de la teneur en gaz à effet de serre (GES)
dans l’atmosphère. Le gaz carbonique est
le principal GES.
Le monde tente tant bien que mal de
contrer le phénomène. Le protocole de
Kyoto exige de ses signataires qu’ils réduisent leurs émissions de 6 % sous les
niveaux de 1990 d’ici 2010. Il pourrait
entrer en vigueur quand la Russie l’aura
ratifié.
Kyoto ne serait que la première étape
d’une série de réductions radicales de nos
émissions si nous voulons vraiment stabiliser le climat. Mais les prédictions de
l’EIA montrent le chemin inverse. Il faut
dire que les États-Unis ont renié leur signature du protocole de Kyoto.
Kyoto force le Canada à réduire ses
émissions de 6 %, mais en fait, divers
mécanismes ayant trait à la gestion des
forêts et de l’agriculture font que le Canada respecterait ses engagements en stabilisant ses émissions au niveau de 1990.
Les États-Unis prévoient plutôt que les
émissions canadiennes de GES augmenteront de 20 % pour 2010 et qu’à ce moment, elles se situeront à 44 % au-dessus
des niveaux de 1990.
Même scepticisme des États-Unis pour
les visées des Européens, qui ont entrepris de réduire de façon radicale leurs
émissions de GES. L’EIA prévoit plutôt
une augmentation de 4 % des émissions
d’ici 2010, année à laquelle elles seraient
5 % plus élevées qu’en 1990.
Évidemment, les émissions américaines
de GES seront appelées à croître : de
17 % pour 2010 et de 48 % pour 2025.
Mais c’est en Asie, bien sûr, que les augmentations les plus fortes seront constatées. L’EIA prévoit une hausse de 26,5 %
pour 2010 et un doublement d’ici 2025.
Dans tout cela, l’agence américaine prévoit tout de même une réduction de
l’« intensité en carbone » de nos sociétés.
Cette intensité se mesure en tonnes de
carbone émises dans l’atmosphère par
million de dollar de production intérieure. Sur le plan mondial, ce chiffre est
passé de 302 tonnes en 1970 à 202 tonnes
en 2001. Il devrait continuer à décroître
pour atteindre 154 tonnes de carbone par
million en 2025, en dollars constants.
Toutefois, l’intensité devrait décroître
plus lentement d’ici 2025.
Les énergies « vertes », un mirage ?
L’Europe traverse actuellement une révolution énergétique qui a vu l’essor de
la production électrique « verte » grâce
surtout aux éoliennes. Mais les impératifs
environnementaux ne seront pas suffisants pour faire augmenter la part des
énergies « propres » dans la consommation énergétique mondiale, selon l’EIA.
Cette part devrait demeurer autour de
8 %, mais la production totale d’énergie
renouvelable devrait tout de même augmenter de 56 %, en même temps que la
demande générale en énergie. L’EIA souligne toutefois que la plus grande part de
cette augmentation proviendra de la mise
en service de mégaprojets hydroélectriques, comme le projet des Trois Gorges
en Chine, le projet Tehri en Inde et... les
projets d’Hydro-Québec.
« Parce que les prix des carburants fossiles devraient rester relativement bas, on
ne s’attend pas à ce que les énergies renouvelables soient concurrentielles et
leur part de la consommation énergétique
ne devraient pas augmenter », précise
l’agence.
Des prédictions qui nient le politique
Les prédictions de l’EIA font fi des processus politiques en cours actuellement
pour sevrer l’humanité des hydrocarbures, croit Philip Dunsky, du Centre Helios, une firme de consultants en énergie
de Montréal. « Dans la mesure où on a
négligé de tenir compte des politiques
publiques, ces chiffres valent ce qu’ils valent, dit-il. Les gouvernements européens
parlent d’objectifs de réduction de 60 %
ou même de 80 % d’ici 2050. »
Mais les prédictions de l’agence américaine ont au moins le mérite de montrer
« l’ampleur du défi » qui attend les gouvernements, les industries et les consommateurs, ajoute-t-il.
« Le défi, c’est la réduction, d’une part,
de l’intensité en carbone et, d’autre part,
de la consommation d’énergie. Si on augmente de 58 % la consommation d’énergie, même si on réduit de moitié l’intensité en carbone, on se dirige vers une
augmentation des émissions de GES, ce
qui est contraire aux objectifs de Kyoto. »
Un défi attend toujours les énergies
« propres », qui affrontent des énergies
classiques aux nombreuses subventions
cachées, dont au premier chef l’usage gratuit de l’atmosphère comme dépotoir.
Dans la foulée du protocole de Kyoto,
l’introduction d’un droit d’émission de
carbone qui pourrait s’établir à environ
10 $ la tonne n’aura qu’un effet marginal
sur le coût des hydrocarbures.
« C’est sûr que les énergies vertes ne
seront pas à parité d’ici 10 ans, dit M.
Dunsky. Même si l’énergie éolienne
l’était, elle ne résoudra pas seule le problème énergétique de la planète. Mais le
coût des énergies vertes diminue à un
rythme plus important que celui des
énergies traditionnelles. »
Si la sphère politique joue son rôle, le
monde pourrait faire mentir l’agence officielle de l’Oncle Sam, croit M. Dunsky.
« La situation évolue rapidement, dit-il.
Si on a la bonne combinaison de politiques, on peut faire émerger rapidement
bon nombre d’énergies vertes. »
Quel programme propose M. Dunsky ?
> La conversion des centrales au charbon
au gaz naturel.
> Une meilleure efficacité énergétique :
« On gaspille encore des quantités phénoménales d’énergie. Chaque fois qu’on
voit une industrie, de la chaleur s’en
échappe, alors qu’elle pourrait être utilisée par sa voisine. »
> Un investissements dans les transports.
> Une réforme la fiscalité : « Il faut vraiment passer en revue toute la fiscalité
pour voir dans quelle mesure elle encourage actuellement des sources d’énergie
moins propres. Par exemple, le financement des sables bitumineux, les crédits
d’impôt à l’exploration pétrolière. »
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