EN CE MOY DELICIEUX
Jacques Arcadelt
Joachim du Bellay
Pauline LORIEUX
Hadjar HAFSAOUI
Hélène LAURENCEAU
En ce Moys Delicieux, Joachim Du
Bellay
I. La poésie et sa place dans l’œuvre de DU BELLAY
En ce moys delicieux est un poème appartenant au recueil des Divers
jeux rustiques, et autres œuvres poëtiques que Du Bellay publie, après son voyage à Rome,
en 1558. Au même titre qu’une grande partie de son œuvre, comme l’Hymne au roy sur la
prise de calais, les Regrets et les Antiquités de Rome ; Divers jeux rustiques sera écrit et
inspiré par son séjour en Italie de 1553 à 1557. Là bas, Du Bellay est déçu du pays qu’il
découvre et se languit à Rome sans plaisir, attrapant des maladies qui l’ont rendu
partiellement sourd, sensible à l’extrême, inquiet et mélancolique. On trouve cependant,
dans ces œuvres, différents traits de caractère dans le style d’écriture.
Ainsi, si l’essentiel des 191 sonnets des Regrets, dont le plus fameux est Heureux qui comme
Ulysse ce dernier cherche à revenir dans son pays natal, tournent autour de la mélancolie
née de l’éloignement ; Divers Jeux Rustiques s’apparente à ces folastries (poésies légères)
qu’écrit alors Ronsard ou aux passetemps de Baïf. Les sujets y sont plaisants, réalistes
(comme dans La vieille courtisane), rustiques. Tout en se démarquant de ses réalisations
antérieures, l’un des poèmes les plus célèbres de ces jeux est l’ode Contre les pétrarquistes,
dont l’attaque (“j’ai oublié l’art de pétrarquiser / Je veux d’amour franche deviser“) semble
vouloir en finir avec les métaphores fleuries du goût
italien, auxquelles il ne renonce pourtant pas dans les Regrets par exemple.
Divers Jeux Rustiques paraît d’ailleurs, à plus grande échelle, en contradiction avec la carrière
de Du Bellay. En effet, ce dernier, qui se définit comme un poète de la petite muse,
revendiquant sa position d’élite, est à l’origine, avec Pierre Ronsard, de la formation de la
pléiade en 1949. Au cours de cette même année, il publie un manifeste des idées du
groupe : la Deffence et illustration de la langue francoyse (texte de théorie littéraire). Leur
objectif est de créer des chefs d’œuvres en fraais aussi bons que ceux des latins et des
grecs. En guise d’exemple, il publie L’Olive entre 1549 et 1550, recueil d’inspiration italienne
par l’utilisation des sonnets et des blasons. Il y célèbre une maîtresse imaginaire en
s’inspirant de Pétrarque.
Les Regrets, publié la même année que Divers Jeux Rustiques, prend ses sources dans la
poésie italienne mais cela ne l’empêche pas, dans Divers Jeux Rustiques, d’aller jusqu’à railler
grandement les pétrarquistes dans la pièce Contre les Pétrarquistes. L’inspiration anti-
pétrarquiste est en fait un leitmotiv unificateur dans la majeure partie du corps du recueil. Il
est exprimé comme dans le poème cité ci-dessus, directement par des attaques ouvertes
mais aussi indirectement par la parodie et l’ironie, une forme de satire plus sophistiquée.
C’est deux tendances ont leur origine dans la littérature italienne.
Aux vues de ses autres œuvres, on ne peut pas parler d’une conversion de Du Bellay à un
style tout autre, qui serait lié également à l’antiquité latine (avec Horace et ses odes, des
thèmes anacréontiques) mais plutôt d’une lame de fond qui remonte à la surface et
l’entraîne comme tous les poètes de cette époque (on citera Ronsard dont la position de
poète de cour est encore plus ambigüe). Les poèmes courts et “rustiques“ sont d’ailleurs peu
nombreux (au nombre de 14, principalement des traductions de Virgil et Navagero) et son
regroupés au début du recueil. Les autres pièces ont très peu à voir avec une inspiration
rustique.
II. Une brève contextualisation historique
En ce moys délicieux a été écrit entre les années 1553 et 1557,
soit en plein règne de Henry II. Quelques dix années plus tôt, le roi de France était François
Ier. Ce dernier, qui règne une grande partie de la première moitié du siècle (1515 à 1547)
favorise grandement l’épanouissement de la renaissance française. Il fonde le collège royal
en 1530 et l’imprimerie royale en 1539. Il est également un grand mécène en protégeant les
savants, les écrivains (Marot, Rabelais), fait construire et modifier de nombreux châteaux
(Chambord, Louvre…) et attire en France d’illustres artistes italiens comme Léonard de Vinci.
En effet, pendant que la France et l’Angleterre se ruinent par la guerre de cent ans (de 1337
à 1453), les villes italiennes du XIVème au XVIème siècle, s’enrichissent par le commerce et
la banque. A la renaissance, de très grands artistes y vivent (architectes, sculpteurs,
écrivains, peintres, musiciens). A la fin du XVème et au début du XVIème, les rois de France
veulent conquérir cette puissance. Charles VIII, Louis XII, puis François Ier conduisent des
expéditions, ils sont tantôt victorieux (Marignan, 1515) tantôt vaincus (Pavie, 1525).
Finalement, la seule chose qu’ils ramènent d’Italie, c’est l’émerveillement devant la
renaissance italienne qu’ils veulent aussitôt imiter. Ce contexte favorise bien sûr l’admiration
de Du Bellay pour la poésie italienne. En même temps, au XVIème siècle, les artistes et
intellectuels redécouvrent l’antiquité grecque et romaine et s’enthousiasment pour l’art, les
lettres et les idées gréco-romaines. Ce sera particulièrement notoire en 1570 avec la
fondation de l’académie de musique et de poésie par Baïf et Courville qui introduisent la
musique mesurée à l’antique et une poésie régie par des longues et des brèves.
Mais la deuxième moitié du XVIème siècle est aussi marquée par huit guerres de religion,
véritables formes de guerre civile qui peuvent durer de quelques mois à quelques années et
troublent les conditions de vie, l’édition et la production musicale.
III. Analyse du poème
Comme l’indique le titre qui précède le poème (voir ci-dessous), En
ce moys délicieux est une villanelle, c'est-à-dire un poème à forme fixe composé de tercets,
alternant avec un refrain de deux vers. Le poème assez court est écrit en octosyllabes. Il
rappelle une odelette (poème chanté) de Ronsard :
En mon cœur n’est point escrite “Mais d’une rigueur despite
La rose, ni autre fleur, Me faict pleurer mon malheur,
C’est toy, blanche Marguerite, Belle et franche Marguerite,
Pour qui j’ay ceste couleur. “ Pour vous j’ay ceste douleur...“
Ronsard Du Bellay
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