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concernant le microbiote1(auparavant appelé flore intestinale), et apporter un éclairage
nouveau quant à l'influence sur notre santé de ces bactéries, qui vivent dans la lumière de notre
intestin. Ces deux jours ont vu se succéder des experts internationaux, leaders dans le domaine
des interactions hôte/bactéries au niveau de l’intestin et de leur impact sur la santé humaine.
L'occasion pour les 350 chercheurs venus participer à ce symposium de bénéficier d'un état des
lieux précis des connaissances actuelles en la matière. Car la science relative au microbiote
intestinal avance vite, très vite même, la communauté scientifique faisant preuve d'un fort
intérêt pour ce sujet novateur : sur les quelque 660 publications relatives au microbiote
intestinal que recense le site PubMed depuis 1977 (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed), plus de
220 datent de la seule année 2010.
Les principaux enseignements des journées
L’intestin, loin d'être un simple tube dédié à la digestion, est un organe complexe qui héberge le
microbiote intestinal. Ces quelque 2 kg de bactéries représentent de l'ordre de 100 mille
milliards de bactéries (1014 bactéries), parmi lesquelles plus de 1 000 espèces différentes ont été
recensées.
Comme l'a expliqué S. Dusko Ehrlich (Centre Inra de Jouy-en-Josas, France) lors de ce
symposium, le métagénome2 du microbiote doit être considéré comme notre « autre génome ».
Ce génome bactérien, niché dans la lumière intestinale, représente en effet plus de 3,3 millions
de gènes non redondants, soit 150 fois plus que le nombre de gènes contenus dans le génome
humain (voir fiche 1).
Un perpétuel équilibre dynamique
La composition de ce microbiote s'inscrit dans un perpétuel équilibre dynamique : une
modification de régime alimentaire, un traitement antibiotique, etc. peuvent perturber cet
équilibre et conduire à un nouvel équilibre. Or, ce changement rime avec de nouvelles fonctions
qui peuvent se révéler délétères pour la santé de l'hôte (obésité, diabète, colites). D'après les
études de Ruth Ley (Université de Cornell, Ithaca New-York, USA), un déséquilibre de la
composition de la flore intestinale pourrait ainsi déclencher un syndrome métabolique3. Ce
chercheur a même montré que le simple transfert du microbiote de souris malades dans le tube
digestif stérile de souris saines transférait également de nombreuses anomalies liées au
syndrome métabolique, confirmant ce qui avait été observé au préalable en transférant le
microbiote de souris obèses (les souris receveuses devenaient obèses).
Par quels mécanismes cet équilibre de la composition du microbiote se met-il en place et se
maintient-il ? Il semble qu'un « dialogue croisé » se soit instauré entre le microbiote et l'hôte,
impliquant le système immunitaire de l'hôte. « Le système immunitaire a évolué sous une double
contrainte : tolérer les bactéries bénéfiques et éliminer rapidement les bactéries pathogènes »,
explique ainsi Philippe Sansonetti (Collège de France, Institut Pasteur). « Dans l'intestin des
mammifères, les mécanismes de l'immunité innée et acquise ont évolué au sein d'un système
complexe qui maintient l'homéostasie4 de la surface de l'intestin, précise Nadine Cerf-Bensussan
(Inserm U989, Université Paris Descartes). Le développement de ce système est initié avant la
naissance par un programme génétique. Mais sa maturation se produit après la naissance et se
révèle strictement dépendante de signaux issus du microbiote».
Lorsque la composition du microbiote est impliquée dans le développement de pathologies, est-il
possible de la modifier et de faire régresser la pathologie ? Oui, à en croire les résultats des
travaux du Pr Laurie Glimcher sur des souris souffrant de colites. L'équipe de chercheurs de
Harvard a montré que la consommation de certaines souches de bactéries « bénéfiques » (telle
1 Ensemble des bactéries qui vivent naturellement dans notre intestin, comme les lactobacilles, bacteroïdes, entérobactéries,
streptocoques, clostridies etc.
2 Ensemble des génomes des populations bactériennes d'un milieu donné.
3 Coexistence de plusieurs désordres métaboliques (hyperglycémie, obésité abdominale, hypertension artérielle,
hypertriglycéridémie, hypo-HDL) chez un même individu.
4 Capacité de l'organisme à maintenir son équilibre de fonctionnement, en dépit de contraintes extérieures.