SIOC : syndrome d intolérance aux odeurs chimiques Dominique Dupas Consultation de pathologie professionnelle du CHU de Nantes Journées FNAMA Nantes octobre 2011 1 Cas récents : n°1 n Femme, 38 ans, ingénieur agronome n Déménagement du service en janvier 2010 q q n n En arrêt maladie mais télétravail Dans les atcd, 1er épisode après fumigène pour puces q n n Malaise dès la 1ère heure Bâtiment récent, ventilation centralisée Vivait sans cosmétiques ni meubles Ikéa Décompensation lors du changement de locaux L employeur s impatiente, l adresse au M du Travail… q Que doit-il faire? Cas récents : n°2 n Femme, 49 ans, docteur es sciences n n n Responsable start up biotechnologies Gênée par les odeurs depuis longtemps, vivait avec Malaise chez le coiffeur en avril 2009 q q q n n Ne peut plus se maquiller Ne supporte plus les condiments amaigrissement Ne peut plus partager la salle de bains Retentissement sur vie sociale Depuis, ne supporte plus les réunions, les déplacements retentissement sur l activité professionnelle++ Définition n Ensemble de symptômes subjectifs variés de diagnostic difficile car : q q Jamais rapportés par les patients comme déclenchés par des odeurs Très souvent confondus avec une atteinte respiratoire ou une intoxication subaiguë 4 Critères diagnostiques (consensus 1999) Arch Env Health 1999; 54:147-149 n n Phénomène chronique Symptômes n n n n n n reproductibles avec les expositions déclenchés par des niveaux d exposition faibles++ tolérés par les autres à des substances de classes et de mode d action toxicologique différents touchant plusieurs organes++ disparaissant lors de l éviction n entrant pas dans un cadre connu 5 Symptômes q ORL et Respiratoires n q Neurologiques n q céphalées, paresthésies (picotements langue++ et visage), vertiges, syndrome ébrieux, perte de mémoire, difficultés de concentration, irritabilité, troubles du sommeil Digestifs n q irritation nasale, brûlures du pharynx, glossodynie ++, dyspnée, toux, oppression nausées, douleurs abdominales Généraux asthénie, myalgies, palpitations Autres…(jusqu à 12 symptômes par patient) n q 6 Examens n Examen clinique : q n toujours normal Examens complémentaires q toujours normaux n n n n n Bilan sanguin : NFS, BH EFR Bilan allergologique Olfactométrie Expologie q Biométrologie, mesures d ambiance : [C] < valeurs limites 7 Diagnostic n Toujours posé avec beaucoup de retard plusieurs années n le délai se raccourcit avec la meilleure connaissance de l affection n n Après être passé chez plusieurs médecins pneumologue n allergologue n et les autres… n 8 Comment faire le diagnostic? q Devant des symptômes bâtards, penser à poser la question : êtes-vous gêné par certaines odeurs? supportez-vous l odeur de… § q q odeurs de la vie privée +++: parfums, cosmétiques, détergents, javel, peinture et white spirit, carburants, fleurs, sprays, dissolvant à ongles, pressing… Intolérance ancienne plus ou moins « refoulée » : ménage et peinture à l eau Rechercher un terrain prédisposé § § § malaises vagaux crises d angoisse phobies (claustrophobie, peur du vide, agoraphobie) 9 Autres exemples personnels n Mme B 50 ans, postière au guichet n n n n n 8 juin 09 : mise en vente du timbre « senteur chocolat » 9 juin 09 : fatigue Jours suivants : goût amer, glossodynie, vertiges Fin juin : gênée par cosmétiques, détergents arrêt de travail Début juillet : extension à toutes odeurs q q n encre des livres et imprimante, gaz d échappement, « tout ce qui paraît chimique »(cf son journal) téléphone au médecin du travail qui évoque le diagnostic et conseille de consulter à Nantes CS généraliste, ORL, cardiologue, scanner des sinus… 10 Autres exemples personnels (suite) n Vue en CPP le 10 septembre 2009 q Odeurs non tolérées : n q q Mange bio, utilise produits ménagers écologiques Bureau de poste dans galerie marchande n n q imprimante, lessive, livres, Cif… depuis octobre 2008 en face d une parfumerie Intolérance ancienne à certaines odeurs n décompensée par nouveau statut : intéressement collectif sur timbres fantaisie, colissimo, boutique… 11 12 Exemples personnels : hommes aussi! n Mr L, 40 ans, conducteur d engins n n n n n n n Fuite fuel dans sa camionnette jeudi 27 mars 2008 Nettoyage du véhicule à l eau de javel Lundi 31 : brûlures langue et gorge Arrêt jusqu au 6 avril Nouveau véhicule cloisonné Aggravation progressive En arrêt depuis juillet 2008 q Extension n n à toutes les odeurs, même celle du séjour Reconnu en AT Vu à Bordeaux puis à Nantes 13 Novembre 2010 Exemples personnels n Mr P, 45 ans, ancien gendarme q q q q Embauché en 2007 dans un laboratoire Incommodé lorsqu il est à la paillasse Bien quand il dactylographie les rapports Le médecin du T fait appel à la CRAM n n q q Analyses des produits Rapport alarmiste qui préconise aspiration Vu CPP : on pose le Dc de SIOC et on prédit l échec des mesures préconisées L évolution nous donne raison… 14 Novembre 2010 Théories psychiatriques n SIOC : maladie psychosomatique? q q q q Trouble somatoforme Le SIOC serait l expression somatique de perturbations psycho-sociales Les malades s obstinent à croire à l origine toxique de leurs symptômes Les médecins entretiennent la théorie environnementale de ces maladies psychosomatiques 15 Théorie neurobiologique : le kindling limbique n n n La seule à proposer un substrat organique « embrasement » chimique se traduisant par un phénomène de recrutement neuronal réactionnel à une stimulation Modification durable du seuil d excitabilité neuronal du système limbique à la suite de stimulations subintrantes perturbant l architecture neuronale 16 Théorie neurobiologique : le kindling limbique n Rôle du « vanilloïd receptor » Hyperréactivité déclenchée par substances chimiques q Excès d oxyde nitrique (NO) et de peroxynitrites NO˙ + OO˙־ ONOO־ Cycle NO/ONOO (prononcer « no/oh no ») Activation du récepteur NMDA (N-méthyl-D-aspartate) q Activation possible par différents stresseurs maladies multisystèmes : CFS, MCS, FM, PTSD q 17 Débat non clos…mais n DSM V : MCS classé comme « functional somatic syndrome » n Le SIOC est l une des expressions de l IEI Idiopathic Environmental Intolerance 18 Prévalence n Population générale q Échantillon de 1054 américains n n n Interrogés par téléphone 11.2% rapportent une hypersensibilité à parfum, peinture fraîche, pesticides, hydrocarbures 2.5% disent avoir SIOC diagnostiqué médicalement Caress SM, Arch Environ Health, 2004 19 Prévalence n RNV3P n n Réseau National de Vigilance et de Prévention des Pathologies Professionnelles regroupe les 30 CPP françaises 2001-2009 n 563 dossiers q q q Femmes 60% Hommes 40% Âge moyen 45 ans 20 Série nantaise : 107 cas (2002 – 2010) q Sexe : n n q 46 hommes (43%) 61 femmes (57%) Age moyen : 45 ans (18-62) 21 Symptômes 60 50 40 30 20 10 0 resp neuro dig 22 Temps de latence n Temps écoulé entre le début de l exposition et l apparition des symptômes n n n n Étendue Médiane Moyenne 0 à 30 ans 3 mois 41 mois Pas de latence dans de nombreux cas ; exposition accidentelle révélant un état antérieur latent +++ 23 Délai diagnostique n Temps écoulé entre le début des symptômes et le diagnostic q q q Étendue Moyenne Médiane 3 jours à 30 ans 46 mois 24 mois 24 Produits en cause n Solvants, colles, peintures, résines : 43 cas q q n professionnels : 39 non professionnels : 4 Produits d entretien : 15 cas q q professionnels : 13 non professionnels : 2 25 Produits en cause n Produits divers : q q q q q q q q q q n Fumées : 3 Formaldéhyde : 3 (volailles, musée, ana path) Fuel : 2 Plastiques, caoutchouc : 2 Suie, enrobé : 2 Parfums : 2 Fluides d usinage : 1 Climatiseur en panne : 1 Encre : 1 Fumigène insecticide : 1 Parfois non identifiés 26 Evolution q Acquisition n n q Expression clinique n q Soit brutale q Évènement déclenchant : travaux, désinsectisation… q Évènement révélateur d un syndrome latent dont on s accommodait+++ : rénovation, décapage d un sol… Soit progressive q Exposition professionnelle à une préparation odorante Symptômes à chaque exposition Extension à d autres substances de la vie courante et chronicisation 27 Retentissement socio-professionnel : n n n n n Inaptitude médicale au poste souvent justifiée Reclassement dans l entreprise difficile Altération de la qualité de vie Handicap social majeur dans les cas extrêmes, risque conjugal… Indemnisation n n Accident de Travail (cas labo INSERM) MP possible hors tableau après avis d expert 28 Retentissement socio-professionnel : n thèse Charlanne octobre 2009 q Patients vus dans 2 CPP Nantes et Cochin Du 1/01/02 au 31/12/2008 = 7 ans n = 156 dossiers Envoi questionnaire aux 156 cas q 95 réponses après relance téléphonique 29 Retentissement socio-professionnel n n = 95 dont 86 SIOC professionnels q 79 ont encore des symptômes n n q q q dont 56 gênés par de nouveaux produits travail, maison, lieux publics 16 guéris après éviction 49 sont suivis par un médecin 65 ont modifié leurs habitudes de vie q q q suppression cosmétiques suppression produits d entretien alimentation « biologique » 30 Retentissement socio-professionnel n Sur 86 cas professionnels n 47 sont restés dans leur entreprise q q q n 19 au même poste sans aménagement 14 au même poste aménagé 14 à un poste différent 39 ont quitté leur entreprise q q q q q q 22 déclarés inaptes par le médecin du travail 7 départs à la retraite 5 démissions 3 licenciements 2CDD non renouvelés 16/39 ont retrouvé un emploi 31 Retentissement socio-professionnel : n Deux cas dramatiques q 1- Chauffeur/volailles/formol n n n q Ne sort plus de chez lui Ne peut pas remplir le questionnaire car odeur Adhère à l association de malades 2- Conducteur d engins n n n Ne travaille plus Ne peut plus monter dans sa voiture neuve Fâché avec ses parents qui le pensent fou 32 Conclusion 1/2 n Syndrome méconnu : y penser n Intérêt d un questionnaire spécifique : QEESI © Quick Environmental Exposure and Sensitivity Inventory, récemment traduit en français = F. Conso, D. Asselain n n C est un vrai problème Le patient est reconnaissant : n n n n On a mis un nom sur ses symptômes On lui assure qu il n est ni intoxiqué ni allergique On lui apprend à améliorer sa qualité de vie Analyser le patient avant l air… 33 Conclusion 2/2 n Rôle important du médecin du travail n Prévention primaire § § n Prévention secondaire +++ pour maintien de l emploi § § § q déconseiller les surodorants dans les toilettes refaire les peintures pendant les congés d été faire un diagnostic précoce : questionnaire QEESI© rempli dans la salle d attente aménagement du poste (mais savoir s arrêter) Prévention tertiaire § soutenir psychologiquement le salarié mais inaptitude parfois inévitable [email protected] Conclusion 2/2 n Possibilité d adresser les patients à : q Consultation de pathologie professionnelle et environnementale des CHU n n 30 en France Prise en charge standardisée en cours de développement pour IEI q q q Substances chimiques Champs électromagnétiques Conformément à l action 24 du plan national santé-environnement IIMTPIF 2010 35