même esprit, la méta-analyse des études randomisées,
testant l’intérêt d’un traitement par analogue de la GnRH
après chimiothérapie, a analysé les données de 3 307
patientes et a rapporté une amélioration du taux de survie
globale chez les femmes qui recevaient des agonistes
(15 % de réduction ; p= 0,04) [16]. Néanmoins, la ques-
tion de savoir si l’aménorrhée chimio-induite représente
un facteur de pronostic indépendant reste sans réponse
dans toutes les études. Vanhuyse et al. ont rapporté le
bénéfice de l’aménorrhée chimio-induite chez 130 pa-
tientes mais n’ont pas pu confirmer qu’il s’agit d’un facteur
pronostique indépendant [17]. De plus, les études souf-
frent d’une définition peu précise de l’aménorrhée. L’amé-
norrhée temporaire, telle que définie dans l’étude de
l’IBCSG [19], est probablement moins probante que
l’aménorrhée durable. En outre, reste la question de savoir
si l’aménorrhée peut être utilisée de façon satisfaisante à la
place de critères hormonaux plus stricts. Braverman et al.
[18] ont par exemple retrouvé des taux sériques d’hormo-
nes correspondant à un état préménopausique chez 12
(75 %) des 16 patientes qui étaient en aménorrhée de
3 mois après la fin de la chimiothérapie. De plus, les effets
de la combinaison suppression de la fonction ovarienne et
tamoxifène après chimiothérapie sont difficiles à discer-
ner. Le tamoxifène peut induire en lui-même une aménor-
rhée, ce qui interfère avec le diagnostic de défaillance
ovarienne. Par ailleurs, si l’on souhaite se baser sur les
dosages hormonaux, les gonadotrophines peuvent rester
basses sous tamoxifène lors du passage en ménopause
[19]. Cependant, les experts s’accordent pour penser que
la chimiothérapie, dans les tumeurs sensibles aux hormo-
nes, est efficace en grande partie par son effet sur la
fonction ovarienne. Tenter de préserver la fonction ova-
rienne pourrait exposer à un risque théorique de contrôle
tumoral insuffisant chez les patientes [20]. Cela constitue
un frein éthique potentiel à la mise en route d’études ayant
pour but de préserver la fonction ovarienne chez les
femmes ayant un cancer du sein.
Grossesse chez les patientes ayant eu
un cancer du sein
L’âge de plus en plus tardif de la première grossesse et
l’amélioration de la survie des patientes ayant un cancer
du sein font du désir de grossesse, après cancer du sein,
une situation clinique de plus en plus fréquente. Les
estrogènes jouent un rôle bien identifié dans la carcinoge-
nèse mammaire. Cela a conduit les sénologues à une
méfiance concernant la possibilité d’une grossesse chez
les survivantes d’un cancer du sein, en raison d’un impact
potentiellement négatif du taux d’estrogène circulant bien
plus important chez la femme enceinte.
Néanmoins, l’analyse de la littérature (tableau 1) est
rassurante en sachant qu’il a même été retrouvé une survie
plus longue chez les patientes ayant eu une grossesse
après un cancer du sein. L’étude de Cooper et Butterfield a
retrouvé par exemple une survie de 75 % à 5 ans chez les
patientes ayant une grossesse après cancer du sein contre
50 % dans le groupe témoin [21]. Une étude française à
peu près similaire n’a par contre trouvé aucune différence
significative. L’étude de Ariel et Kempner a rapporté une
survie de 77 et 56 % chez les patientes ayant eu une
grossesse après cancer du sein, respectivement chez les
patientes sans et avec envahissement ganglionnaire, le
chiffre était de 70 et 53 % chez les patientes témoins [22].
Dans l’étude de Sankila et al., il y a aussi une différence
significative des survies en faveur du groupe des patientes
ayant eu une grossesse après cancer du sein. Les survies, il
y a 15 ans, étaient respectivement dans ces deux groupes
de 79 et 55 % avec un risque relatif de décès de 4,8 chez
les femmes qui n’avaient pas eu de grossesse après cancer
du sein [23]. Des chiffres similaires ont été rapportés par
les groupes suédois et danois, avec des risques relatifs de
survie, de métastases ou de décès de 0,42 à 0,55 chez les
patientes ayant mené grossesse après cancer du sein [24,
25]. Gelber et al. ont rapporté les résultats des patientes
incluses dans les essais de l’IBCSG : les taux de survies à
10 ans étaient de 86 et 74 % chez les patientes ayant eu
une grossesse après cancer du sein et les témoins, respec-
tivement. Il est à noter que dans la plupart de ces études,
les témoins étaient appariés sur le statut ganglionnaire et
l’âge [26]. Néanmoins, dans l’étude de M.D. Anderson, il
a été constaté que les patientes, qui étaient enceintes après
cancer du sein, étaient diagnostiquées à des stades plus
précoces que les autres, avec moins d’envahissement
ganglionnaire et plus de tumeurs ER négatives [27]. Se
pose le problème d’un biais de confusion évident : les
patientes qui sont enceintes après un cancer du sein
pourraient être sélectionnées avec des critères pronosti-
ques plus favorables que les témoins ; cet effet est appelé
healthy mother effect [28]. L’analyse des chiffres est donc
rassurante en sachant qu’il n’y a évidemment aucun
moyen de faire un essai prospectif pour répondre de façon
définitive à la question de l’impact de la grossesse après
cancer du sein. Ces études rétrospectives, sans permettre
de conseiller une grossesse après cancer du sein, ne la
contre-indiquent pas.
Sachant que la plupart des récidives métastatiques se
développent dans les2à3ansaprès le diagnostic initial, il
est conseillé aux patientes ayant un cancer du sein de
patienter pendant 3 ans avant de mener une grossesse
Tableau 1.Synthèse des études rapportant la survie
des patientes menant une grossesse après cancer du sein
par rapport à un groupe témoin
Meilleure survie – différence significative : 4 études
Meilleure survie – tendance, mais différence non significative : 4 études
Survie identique : 3 études
Survie inférieure si grossesse < 2 ans après le traitement initial : 1 étude
Revue
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 10, n° 4, juillet-août 2008
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