l’univers. En regardant les astres, l’homme se contemple lui-même. Pour Cicéron et pour
Sénèque, il ne s’agit pas tant d’imiter les mouvements de cette âme parfaite que de se projeter,
par la pensée, au milieu des étoiles. En reconnaissant son affinité avec la grandeur du ciel,
l’homme renonce à la médiocrité de la Terre et méprise les souffrances, les désirs et les
honneurs, qui ne sont, à l’échelle du cosmos, que des constructions humaines dérisoires.
L’émotion du firmament ne conduit toutefois jamais les philosophes à céder aux mirages de la
superstition. Cicéron et Sénèque, malgré un contexte culturel favorable à la religiosité et
malgré la tradition philosophique, renoncent à donner à la divination une place dans leur
système. Pour Cicéron, elle n’est qu’une pratique superstitieuse dont il convient néanmoins de
conserver les formes par respect du mos maiorum. Pour Sénèque, elle existe de droit, mais son
exercice est si périlleux qu’elle ne peut se distinguer, dans les faits, d’une appréhension
magique du monde. Manilius même, quoique son poème soit un vaste exposé de la doctrine
des Chaldéens, est moins astrologue qu’il n’est philosophe. Le regard céleste des
Astronomiques, qui ne proposent aucune leçon concrète, vise moins à dévoiler les arrêts du
destin qu’à faire naître la conviction, toute stoïcienne, que l’homme est uni au cosmos. Forgé
sur le modèle de l’homme, le firmament des philosophes est le lieu d’une découverte de soi :
sa contemplation, parce qu’elle désigne confusément la vertu et le bonheur, devient une
attitude profondément éthique.
Le ciel n’est plus un simple espace topographique. Symbole de la vie éthique, il devient
encore le symbole de la vérité. Lucrèce, Cicéron, Manilius et Sénèque ressentent, lorsqu’ils
lèvent les yeux, une émotion qui touche à la ferveur amoureuse. Tout en s’abandonnant à la
joie du regard, qui se traduit par un recours au langage métaphorique, ils n’oublient jamais
qu’ils sont philosophes avant d’être poètes. Lucrèce donne à la beauté des images une valeur
épistémologique : le ciel, en tant que partie du monde sensible, est l’exact reflet de l’échelle
invisible des atomes. Mais il est aussi, en tant que tel, un comparant privilégié, qui permet de
suggérer le caractère sublime de la révélation épicurienne. Cicéron et Sénèque en font l’image
même de la sagesse. Si le philosophe chemine encore et ne peut rationnellement définir les
contours exacts de la vérité, il lui est permis d’en avoir, dans la splendeur du ciel, un aperçu
métaphorique. Cela ne signifie pas pour autant que la contemplation soit un mode de
connaissance : il n’y a à attendre, de ce regard porté sur le ciel rêvé du sage, aucun savoir
certain. Ainsi, la croyance en l’immortalité de l’âme, qui se révèle dans le ciel du Songe de
Scipion et de la Consolation à Marcia, n’est-elle pas une certitude : elle n’est qu’un espoir.
Cicéron et Sénèque, en décrivant ce ciel des morts qui accueillera les âmes libérées du poids