œcuméniques, les autres Églises la considérant comme non représentative de leur
communion. En échange, l’homophobie a été fermement réprouvée.
La branche américaine de l’anglicanisme est nommée épiscopalienne parce que, dans
un environnement protestant antihiérarchique, elle garde des évêques dans ses neuf diocèses.
Mais l’un d’eux (Gene Robinson, élu en 2003) vit publiquement avec un homme, ce qui a
entraîné la sécession d’une partie des ouailles. Les divisions au sein de cette Église, qui a
renoncé à l’appellation « anglicane » quand les États-Unis se sont créés en se séparant de
l’Angleterre, remontent en fait à l’ordination de femmes comme prêtres et même évêques.
L’une d’elles, Katharine Jefferts Schori, a même été élue primat en 2006. Elle n’a pas été
renouvelée en 2015, après avoir suscité de vives controverses en prenant parti non seulement
pour le mariage gay, mais encore pour le droit à l’avortement, et en soutenant que ce n’est pas
la foi, mais le respect de la diversité qui sauve. S’ajoutant à l’affaire Robinson, tout cela a
conduit à un schisme : quatre diocèses plus classiques ont constitué en 2009, avec des
Canadiens de même sensibilité, l’Église anglicane d’Amérique du Nord.
Ces départs ont bien sûr facilité l’approbation des mariages entre personnes de même
sexe au sein de l’épiscopalisme « croupion ». Mais les choses se sont envenimées, car Schori
a traîné devant les tribunaux les « déserteurs » (y compris les paroisses des cinq autres
diocèses qui voulaient s’affilier à la nouvelle « dénomination »), en revendiquant la propriété de
leurs biens immobiliers. Les procédures sont toujours en cours. Et la nouvelle Église anglicane
d’Amérique du Nord n’a pas (pas encore ?) été reçue dans la communion anglicane, bien que
certaines Églises d’Afrique se soient déclarées en communion avec elle.
L’assemblée des primats à Cantorbéry s’est néanmoins achevée sur une note optimiste.
Justin Welby a été autorisé à convoquer pour 2020 une Conférence de Lambeth (qui aura peut-
être lieu, plutôt qu’à Londres, à Cantorbéry où le site a davantage de valeur spirituelle). On
espère d’ici là un décantage des tensions, avec une foi qui transparaît dans le communiqué
final. Les primats ont passé leur première journée ensemble dans le jeûne et la prière, et le
document qu’ils ont publié s’achève sur un engagement non sectaire dans l’évangélisation : «
Avec toute l’Église anglicane, nous nous consacrons joyeusement à l’annonce incessante et
sincère dans le monde entier de la personne et de l’œuvre de Jésus-Christ, et nous invitons
tous à accueillir la beauté et la joie de l’Évangile ».
Ce dynamisme est encouragé par une remontée (encore modeste mais sensible et
notée par les sociologues et même dans la presse) de la pratique religieuse dans les paroisses
anglicanes des grandes villes. Ce renouveau n’est dû qu’en partie aux immigrés, car les «
jeunes cadres » actuels s’avèrent plus demandeurs que leurs prédécesseurs. Ce qui attire du
monde n’est pas uniquement l’exubérance expressionniste de communautés « évangéliques ».
C’est aussi les liturgies quasiment romaines de l’« anglo-catholicisme » et un certain besoin
identitaire où l’universalisme chrétien aide à se situer dans le cosmopolitisme ambiant sans le
rejeter. Du coup semblent s’éloigner les perspectives de « désétablissement » (séparation de
l’Église et de l’État), entretenues aussi bien par les « sécularistes » que par les croyants qui
préféreraient une marginalité de « minorité créative ». L’anglicanisme pourrait donc survivre aux
crises qui menacent son existence même. Un indice de ses ressources est les « parcours
Alpha », nés en 1977 dans une paroisse londonienne (la Trinité à Brompton), développés dans
les années 1990 et depuis adoptés un peu partout bien au-delà des frontières entre les Églises.
Jean Duchesne, O.F.C.