une appréciation très positive de ces deux documents ! La route de l’unité aurait été grande ouverte, peut
être... alors que maintenant, objectivement, elle est en train de se charger d’obstacles.
Le problème se pose de façon encore plus aiguë avec l’ordination de femmes évêques, actuellement en
discussion dans l’Église d’Angleterre. Comme l’a souligné le cardinal Kasper devant la Chambre des
Évêques [4], l’évêque est symbole d’unité. Or la question divise non seulement avec les partenaires
œcuméniques, mais encore à l’intérieur de l’Église d’Angleterre elle-même, et à l’intérieur des autres
provinces de la Communion anglicane. Parce que l’évêque exerce un ministère d’unité, beaucoup
d’anglicans qui acceptent les femmes prêtres n’accepteront pas d’évêques femmes. On atteint là les
limites de la fameuse comprehensiveness [5] des anglicans, capables d’accueillir dans un même diocèse
des courants très divers, quelquefois opposés. Je pense que là, c’est aller trop loin, on dépasse les limites
de ce que peut apporter de bénéfique la comprehensiveness, parce qu’on met en péril des choses
essentielles.
Les discussions sur l’homosexualité suscitent aussi des tensions très fortes.
L’homosexualité est un débat d’une tout autre nature : qu’est-ce qu’être homosexuel ? Est-ce une
déformation de la nature ? Sinon, qu’est-ce que c’est ? C’est une question très complexe et difficile. Mais il
a les mêmes conséquences néfastes que le débat sur la consécration de femmes évêques : la division entre
les Provinces de la Communion anglicane, à l’intérieur d’elles, et l’éloignement de partenaires
œcuméniques. J’ai assisté à quatre conférences de Lambeth [6] (1968, 1978, 1988, 1998) ; aux débats
bien sûr, mais aussi à tout ce qui se passe en marge des débats, qui est souvent encore plus instructif.
La question est récurrente depuis la Conférence de Lambeth de 1988, au cours de laquelle les évêques
africains avaient déjà mis en garde leurs collègues occidentaux ; ils considèrent toujours l’homosexualité
comme un péché mortel. C’est une question compliquée, mais il ne me semble pas possible d’ordonner
évêque un homme (ou une femme) vivant en couple homosexuel, ni de bénir des unions homosexuelles : là
aussi, on va trop loin. Cependant, la question des femmes évêques me semble plus grave : elle touche
aussi au ministère, mais de façon plus théologique.
Y a-t-il une réflexion sur ce problème au niveau œcuménique ?
Le primat de la Communion anglicane a demandé au président du Conseil pontifical pour la Promotion de
l’unité des chrétiens, le cardinal Kasper, d’envisager la création d’un groupe anglican-catholique qui
permettrait de réfléchir ensemble aux questions ecclésiologiques soulevées par la situation, en s’appuyant
sur le travail d’ARCIC I et II. C’est ainsi que quatre théologiens de chaque Église se sont réunis et ont
rédigé un très intéressant document qui est actuellement à l’étude.
A votre avis, avec ces nouvelles questions, le mouvement œcuménique marque le pas ?
Cela dépend. L’Assemblée générale du COE à Porto Allègre en février dernier a fait un pas en avant très
important en adoptant le mode décision par consensus, répondant à une exigence fondamentale des
orthodoxes qui ne songent plus à partir désormais : c’est essentiel.
Quant à l’Église catholique romaine, il faudrait qu’elle se décentralise, accueille le principe de synodalité,
laisse toute leur place aux Conférences épiscopales, leur accorde un pouvoir décisionnel local. On pourrait
restaurer un style de patriarcat sous une forme ou une autre, comme la Communion anglicane l’a fait avec
ses Provinces. Le texte Le Don de l’autorité de l’ARCIC (1999) est intéressant sur ces points. Dans la
Communion anglicane des voix s’élèvent au moment des crises, comme en ce moment, pour demander non
pas une autorité centrale – elle en voit le risque en regardant Rome ! – mais une structure “légère” qui
dans l’écoute et le dialogue serait “la gardienne de l’unité de la communion”, alors qu’il n’existe
actuellement que des instances consultatives (telles l’Anglican Consultative Council). Dans cet esprit, la
Communion anglicane a rédigé un appel demandant que la primauté de l’évêque de Rome soit exercée
collégialement et synodalement, pour aider “l’Église sur terre à être l’authentique koinonia catholique
dans laquelle l’unité ne brade pas la diversité et la diversité ne met pas en péril mais renforce l’unité”.
Par contre, dans notre monde globalisé, trop de centralisation est néfaste : la perception qu’on peut a voir