Dans son journal, Haller note surtout l’état général du malade, les
douleurs qu’il ressent, s’il a de l’appétit. Pour autant que le document
permette d’en juger, l’examen médical n’allait guère au-delà d’une sim-
ple appréciation visuelle. L’examen des urines (uroscopie) et l’analyse du
pouls, à quoi s’ajoutait pour les adultes l’examen du sang recueilli lors de
la saignée, s’offraient comme procédés complémentaires de diagnostic et
de pronostic.
Quand il se livre à une uroscopie, Haller indique la couleur de l’urine
(noire, rouge, jaune, pâle, colorée, multicolore,…) et d’autres qualités
(écumeuse, porteuse de sédiments, acide, âcre). Il interprète l’urine trou-
ble et pâle du jeune Anton comme le signe d’une évolution dangereuse.
Quand plus tard elle devient sombre et mêlée de sédiments, il y voit un
signal d’alarme. Cette manière de procéder correspond aux pratiques
habituelles, telles que les décrivaient Zedler13ou Woyt: on examinait la
consistance (épaisse, fluide, claire, trouble), la couleur,le contenu
(présence de sédiments), l’aspect de la surface.
Apropos du pouls, Haller note la fréquence (rapide, lent), la vigueur
(fort, faible) et la régularité (régulier, irrégulier). Il le prend plus souvent
chez les enfants (un tiers des cas) que chez les adultes (un cas sur cinq
seulement). Au vu des connaissances actuelles, nous aurions tendance à
juger la palpation du pouls comme un procédé particulièrement mo-
derne et à l’opposer à l’examen des urines qui nous paraît suranné. En
réalité, selon les critères de l’époque, ces deux méthodes diagnostiques
relevaient d’une commune intention, qui était de baser l’action médicale
sur l’observation de la nature, de la manière la plus précise possible.
MESURES ÉVACUANTES
Les mesures évacuantes prédominaient dans la médecine pratique du
XVIIIesiècle, en particulier dans le traitement des enfants, considérés
comme des êtres trop humides14.Cependant, bien que la saignée figure
parmi ses 10 prescriptions les plus courantes, Haller l’utilise avec une
grande retenue quand il traite des enfants: il ne l’a ordonnée qu’à un seul
patient de cette classe d’âge, une fillette de six ans atteinte de coqueluche.
Il en va autrement de l’évacuation des humeurs par voie intestinale.
Dans plus de la moitié des cas (71 maladies d’enfant sur 126), Haller pre-
scrit expressément des purgatifs, des laxatifs ou un clystère. Dans de nom-
breux autres cas, sans le dire explicitement, il recourt à des moyens aux
effets semblables, comme les feuilles de jalap, la rhubarbe ou les feuilles de
séné. Anton, qui subit chaque jour un clystère bien qu’il n’évacue plus
que de l’eau, est un exemple tout à fait clair. Le clystère faisait partie des
traitements de routine. Jusqu’à la fin du XVIIIesiècle les autorités médi-
cales sont d’avis que l’on doit commencer par purger tous les enfants15.Il
est bien connu que les adultes aussi souffraient de la prédilection des
“Dedi clysterem purgantem” – Haller et la médecine de l’enfance 179