INTRODUCTION AUX GRANDS PROBLÈMES DE LA PHILOSOPHIE (1) Connaissance Manuel: Simon Blackburn, Penser - une irrésistible introduction à la philosophie Paris 1999,Flammarion PO DF 3e Markus Haller 1 LA CONNAISSANCE René Descartes (1596-1650) « De toutes les opinions que j’avais autrefois reçues en ma créance pour véritables, il n’y en a pas une de laquelle je ne puisse maintenant douter. » PO DF 3e Markus Haller 2 Perdre le monde [B 25-28] Questions de Descartes: Arrière-plan de la question de Descartes : Est-il possible que tout ce que nous croyons savoir ne serait qu’un rêve ? Comment pouvons-nous être sûr que ce que nous croyons corresponde à la réalité, que nos croyances soient vraies ? Copernic, Galilée et l’église catholique. Ambition de Descartes : Résoudre la question épistémologique en montrant que la nouvelle conception scientifique du monde (explications causales [« mécaniques »] de tous les phénomènes naturels) est compatible avec la foi chrétienne (existence de Dieu et d’une âme immortelle). PO DF 3e Markus Haller 3 Le mauvais génie 1 [B 28-30] Est-il possible que nos sens nous trompent? PO DF 3e Markus Haller 4 Le mauvais génie 2 [B 28-30] Est-il fou de douter des informations reçues par les sens? Les sens nous trompent parfois, donc ... Pas fou: La possibilité du rêve Le rêve et l’analogie de la peinture: d’ou viennent les ingrédients « simples et universelles » des choses (formes, couleurs, sons, etc.)? Comment puis-je savoir que ces ingrédients « simples et universelles » que je crois identifier sont réelles? La possibilité du mauvais génie (trompeur puissant) plutôt que d’un Dieu (bienveillant) PO DF 3e Markus Haller 5 Cogito, ergo sum 1 [B 28-30] La radicalisation du doute : Douter des informations sensorielles Douter de l’existence de son propre corps Peut-on douter de tout ? La solution Cartésienne: Je doute, donc je pense; je pense, donc je suis (cogito ergo sum) Je peux donc être entièrement sûr que j’existe. C’est une vérité indubitable. PO DF 3e Markus Haller 6 Cogito, ergo sum 2 [B 28-30] Le « moi » cartésien Qu’est-ce que ce « moi » qui pense ? Nous ne pouvons pas l’imaginer Le « moi » n’est apparemment pas un corps qui est étendu dans l’espace; c’est donc une chose immatérielle Descartes dit que c’est simplement la « chose qui pense ». Mais comment connaître une chose que nous ne pouvons pas imaginer ? La possibilité d’imaginer une chose n’est pas une condition nécessaire pour la connaissance de cette chose : L’exemple de la boule de cire. PO DF 3e Markus Haller 7 Cogito, ergo sum 3 [B 28-30] La perception intellectuelle assure une connaissance « claire et distincte » : La possession d’un concept (p.ex. triangle, couleur, nombre, etc.) La connaissance a priori de vérités nécessaires (vérités conceptuelles et logiques) Q I-1: Expliquez les raisons qui poussent Descartes à affirmer que nous ne pouvons être sûr que d’une seule chose: de notre propre existence. (B 25-33) PO DF 3e Markus Haller 8 Motivations, questions 1 [B 30-41] L’argument cartésien en faveur du doute est-il acceptable? Prémisse: Les sens nous trompent parfois. Conclusion: Ainsi, selon toute apparence, les sens nous trompent toujours. Pourquoi cet argument n’est pas valide: Contre-exemples: Erreurs d’impression (coquilles) Faux billets de banque Logique: Arguments valides: La conclusion découle logiquement des prémisses Arguments valables: L’argument est valide et les prémisses sont vraies Consulter: http://www.unifr.ch/philo/modern-contemporary/lauper/documents/argumentation.pdf PO DF 3e Markus Haller 9 Motivations, questions 2 [B 30-41] L’argument cartésien amélioré: Prémisse 1: Les sens nous trompent parfois. Prémisse 2: Nous ne pouvons pas distinguer les situations où les sens nous trompent des situations où les sens ne nous trompent pas. Conclusion : Ainsi, selon toute apparence, les sens pourraient nous tromper dans n’importe quelle situation particulière. PO DF 3e Markus Haller 10 Motivations, questions 3 [B 30-41] Critique de l’argument cartésien amélioré: La prémisse 2 exclut l’apprentissage par l’expérience et ainsi l’élimination de l’erreur (p.ex. grandeur du soleil, mirages) La prémisse 1 semble présupposer la possibilité de l’apprentissage: l’expérience justifie précisément la prémisse 1 L’argument cartésien amélioré implique une contradiction: il n’est donc pas valide. Défense possible de Descartes: On ne peut pas parler d’expérience et d’apprentissage si l’on ne peut pas exclure la possibilité d’un mauvais génie... La prémisse 1 suppose que les illusions suggérées par le mauvais génie sont aléatoires. PO DF 3e Markus Haller 11 Motivations, questions 4 [B 30-41] Q I-2: Expliquez (a) pourquoi l’expérience de pensée cartésienne semble résister aux critiques qu’on peut lui adresser et (b) pourquoi il est impossible que le « génie malicieux » nous trompe quand nous affirmons « je pense, donc j’existe». (B 33-41) PO DF 3e Markus Haller 12 Le « Je » insaisissable 1 [B 41-45] Le « moi » de l’expérience et le « moi » cartésien Un argument cartésien pour prouver l’immatérialité du « moi »: P1: P2: C: Je ne peux pas douter que j’existe. Je peux douter que les choses étendues dans l’espace existent. Donc, je ne suis pas un corps. Test de validité (même forme, autre contenu): P1: P2: C: Je ne peux pas douter que je me trouve dans cette pièce. Je peux douter qu’une personne qui aura des mauvaises nouvelles demain se trouve dans cette pièce. Donc, je ne suis pas la personne qui aura des mauvaises nouvelles demain. PO DF 3e Markus Haller 13 Le « Je » insaisissable 2 [B 41-45] G. C. Lichtenberg (1742-99): « Wir kennen nur allein die Existenz unserer Empfindungen, Vorstellungen und Gedanken. Es denkt, sollte man sagen, so wie man sagt: es blitzt. Zu sagen cogito, ist schon zu viel, so bald man es durch ich denke übersetzt. » PO DF 3e Markus Haller 14 Idées claires et distinctes [B 46-47] Ce qui nous donne la certitude du Cogito (la certitude qu’il est vrai que « je pense ») : Le « mauvais génie » ne peut pas nous tromper dans le raisonnement: Cet idéal de raisonnement suppose que l’on ait des idées « claires et distinctes »: Dans le raisonnement il s’agit de mettre en relation des concepts et cela peut se faire sans recours à l’expérience. Les concepts que l’on utilise (« carré », « rond ») et les relations entre ces concepts (« exclusion ») peuvent être connus exclusivement par la raison, et donc « a priori ». Si l’on prétend que toute la connaissance doit être basée sur cet idéal de raisonnement (plutôt que sur l’expérience), on adhère à la position épistémologique que l’on appelle « le rationalisme ». Descartes est donc un rationaliste. PO DF 3e Markus Haller 15 Le « je » insaisissable & Idées claires et distinctes [B 46-47] Q I-3: Expliquez (a) pourquoi on pourrait tenir le « moi » cartésien pour une pure fiction et (b) pourquoi, selon Descartes, le « mauvais génie » ne peut pas nous tromper dans notre raisonnement. (B 41-47) PO DF 3e Markus Haller 16 L’argument de la marque de fabrique 1 [B 47-52] Comment pouvons-nous savoir que nos concepts correspondent au monde ? La conséquence de l’existence d’un Dieu bienveillant: Un Dieu bienveillant ne veut pas nous tromper. Pour éliminer la possibilité d’un mauvais génie, il est donc nécessaire de prouver l’existence de Dieu : La preuve cartésienne de l’existence de Dieu: P 1 : J’ai l’idée d’un être parfait (on pourrait aussi dire : je possède le concept de perfection) P 2 : Il doit y avoir une cause pour cette idée. P 3 : La cause doit être au moins aussi parfaite que son effet. C 1 : Donc, il y a quelque chose qui est parfait. P 4: Une chose qui est simplement parfaite n’est rien d’autre que Dieu. C 2 : Donc, Dieu existe. PO DF 3e Markus Haller 17 L’argument de la marque de fabrique 2 [B 47-52] Problèmes avec la preuve de Descartes: La P 2 exclut, sans raison apparente, la possibilité que nous possédions simplement certains concepts, qu’ils soient simplement là. La P 2 présuppose l’absence du « mauvais génie » - mais l’argument entier est sensé prouver l’existence de Dieu afin d’exclure le « mauvais génie ». Il y a des contre-exemples à la P 3. Mon idée de ponctualité ne demande pas une cause « ponctuelle ». Un argument qui présuppose ce qu’il veut prouver repose sur une « pétition de principe » (petitio principii). Il ne prouve rien. Défense possible de la prémisse 3 : exemple du mathématicien parfait. Problèmes avec cette défense. Une source d’erreur pour l’argument de Descartes : L’idée traditionnelle de la causalité (relation entre la cause et l’effet) comme transmission de quelque chose. PO DF 3e Markus Haller 18 Le cercle cartésien [B 52-55] Antoine Arnauld (1612-94): « II ne me reste plus qu'un scrupule, qui est de savoir comment [Descartes] se peut défendre de ne pas commettre un cercle, lorsqu'il dit que nous ne sommes assurés que les choses que nous concevons clairement et distinctement sont vraies, qu’à� cause que Dieu est ou existe. Car nous ne pouvons être assurés que Dieu est, sinon parce que nous concevons cela très clairement et très distinctement. » PO DF 3e Markus Haller 19 La marque de fabrique & le cercle cartésien Q I-4: Expliquez (a) pourquoi Descartes a besoin de prouver l’existence de Dieu et (b) par quel argument il cherche à prouver l’existence de Dieu et (c) pourquoi cet argument est problématique. (B 47-55) PO DF 3e Markus Haller 20 Fondements et toiles 1 [B 55-61] David Hume (1711-76): « Il faut, [selon les Cartésiens] nous assurer nous-mêmes de la véracité [de toutes nos opinions] par une chaîne de raisonnements, déduite d’un principe primitif qui ne peut être trompeur ni douteux. Mais il n’y a pas de tel principe qui ait une prérogative sur les autres principes évidents d’euxmêmes et convaincants... » PO DF 3e Markus Haller 21 Fondements et toiles 2 [B 55-61] Fondationalisme et cohérentisme en épistémologie Descartes et Hume sur la justification de nos croyances: Nos croyances doivent être justifiées par le fait qu’il représentent le monde tel qu’il est. Cette position concernant la justification de nos croyances s’appelle « fondationalisme ». L’alternative du cohérentisme à l’exemple de Otto Neurath (1882-1945): L’exigence d’un fondement est indéfendable pour la raison suivante: Notre système de croyances est comparable à un bateau sur la mer: pour le rénover nous devons remplacer une pièce par-ci et une pièce par-là, mais nous ne pouvons pas mettre le bateau au sec pour le reconstruire à partir de zéro. Ainsi, ce qui justifierait nos croyances serait la cohérence logique entre elles. Aucune croyance isolée pourrait être certaine. Problème : Pourquoi un système de croyance ne pourrait-il être un rêve gigantesque, comme Descartes le supposait ? Selon la position cohérentiste cela semble être parfaitement possible … PO DF 3e Markus Haller 22 Fondements et toiles 3 [B 55-61] PO DF 3e Markus Haller 23 Fondements et toiles 4 [B 55-61] Q I-5: Expliquez (a) pourquoi Hume rejette la stratégie de doute cartésienne et (b) quelles sont les alternatives possibles au fondationalisme rationnel de Descartes. (B 55-61) PO DF 3e Markus Haller 24 Morale [B 64-65] (B 62-64: Scepticismes locaux: à ignorer) Puisque le fossé entre l’apparence des choses et la réalité des choses est difficile à franchir, le scepticisme reste une menace. Descartes nous a légué avant tout le problème de savoir comment arriver à la connaissance. Sa propre solution est basée sur la distinction entre l’esprit et le corps. Il s’agira maintenant d’examiner de plus près ce qui justifie cette distinction (ou ne la justifie pas). PO DF 3e Markus Haller 25