Interview du Professeur Ian Hikie BA[2]

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Interview du Professeur Ian Hickie
Brain and Mind Research Institute, Sydney Australie
par Sarah Ferguson
pour l’émission Over the Edge, « Four Corners », ABC News, Australie
( traduction Psyfmfrance)
Le 5 Avril 2010
00 : 00 SF : Vous avez entendu dans le reportage Meink, (le thérapeute des faux
souvenirs, interviewé dans l’émission), pratiquer des « sessions de régression ». Que
fait-il ? Et est-ce dangereux ?
IH : C’est très pénible à entendre quelqu’un qui se prétend un professionnel et qui se
comporte de telle façon qu’il traumatise des personnes vulnérables en essayant de forcer à
entrer dans le conscient d’une personne des évènements qui sont ou ne se sont pas
produits, des évènements extrêmement sexuels et extrêmement traumatisants et en insistant
pour que les personnes se souviennent. Nous savons bien aujourd’hui combien cela est
dangereux et combien cette pratique peut conduire à de futurs traumatismes mentaux chez
ces personnes.
00 : 38 SF : Existe-il quelque chose comme des souvenirs refoulés qui peuvent être
retrouvés ?
IH : Il est très douteux qu’il existe des souvenirs refoulés, il existe des souvenirs. Des
choses graves ont pu arriver à des personnes mais normalement elles sont connues et
gérées par les personnes. Elles peuvent ne pas être présentes dans la conscience de
chaque jour de la personne mais elles sont connues. L’idée qu’il y a des souvenirs qui
existent et que vous ne connaissiez pas est hautement improbable. La plupart des
psychologues les plus respectables dans ce pays vous diront aujourd’hui que les souvenirs
refoulés ne sont pas la vérité et que ce n’est pas une théorie qui doit être poursuivie.
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01 : 14 SF : Pouvez-vous caractériser les techniques que Mike utilise, non pas d’où
elles viennent, mais ce qui vous frappe en ce qui concerne l’effet qu’elles ont sur les
clients ?
IH : Cela semble des techniques très intimidantes, brutales, insistantes, poussant les
personnes vers des endroits où elles ne vont pas spontanément et qui ne soulèvent pas
spontanément ces problèmes. Cela comme si le thérapeute forçait les personnes à admettre
qu’elles avaient été abusées sexuellement d’une manière particulière. Je pense qu’il est
hautement improbable qu’elles aient été abusées de cette façon, mais qu’en fait elles ont été
traumatisées par l’expérience actuelle.
01 : 54 SF : Cela a-t-il de l’importance qu’un thérapeute ne soit pas formé et que
l’accès à la profession ne soit pas règlementé ?
IH : Le problème des thérapeutes non formés est un problème sérieux. La plupart des
personnes quand elles sont en détresse recherchent des thérapeutes et supposent qu’ils
sont formés, qu’ils travaillent avec une éthique professionnelle et qu’ils ont conscience des
risques associés à leur travail. L’une des clés est que les thérapeutes réalisent qu’il y a des
risques associés aux psychothérapies exactement de la même façon qu’il y a des risques
associés aux médicaments ou aux thérapies médicales. Vous pouvez nuire gravement au
patient. Il est clair qu’ il y a beaucoup de gens qui opèrent en dehors de ces contraintes
professionnelles el le grand public ignore à quel point ces gens peuvent faire nuire ou faire
du mal en prodiguant ce qu’ils appellent des thérapies.
02 : 45 SF : Est-ce que tous les thérapeutes devraient être encadrés et règlementés ?
IH : Il y a un grand besoin d’être clair sur ce qu’est la formation et ce qu’est l’encadrement
de la profession. Ainsi le public doit connaître ceux qui ont été formés, ceux qui font partie
d’une profession règlementée et ceux qui participent à des formations continues sur les
améliorations et les protocoles standards de soin, et ceux qui ne le font pas.
Ainsi quand vous recherchez de l’aide, particulièrement lorsque vous êtes en difficulté, vous
pouvez avoir confiance en ce que la personne que vous voyez a reçu une formation,
participe à des formations sur les développements actuels et est bien informée des risques
associés au traitement qu’elle vous prodigue. Ceci est vrai pour des psychothérapeutes
comme cela est vrai pour des thérapies médicales.
03 : 24 SF : Est-ce que la situation en Australie est différente par rapport à l’étranger ?
Et est-ce que la protection du système de santé contre les charlatans est moindre
qu’ailleurs ?
IH : En Australie nous avons une approche libérale de la psychothérapie, et ainsi nous avons
une approche laxiste et variable en ce qui concerne la réglementation des thérapeutes et de
ceux qui sont impliqués dans le business de la psychologie au sens large. Aussi je pense
que le temps est venu maintenant d’agir.
(NDT : la situation est identique en France où la liberté de poser une plaque et d’exercer le
métier de thérapeute est totale)
Le public recherche aujourd’hui plus de psychothérapie et ceci est une très bonne chose.
Mais le public a besoin d’avoir confiance dans les gens qu’il voit qu’il les paie par
l’intermédiaire de la Sécurité Sociale ou avec son propre argent. Son attente est que les
thérapeutes aient la formation appropriée, qu’ils soient bien informés des risques des
thérapies, et il veut être certain que ces thérapeutes auront à cœur de servir au mieux leur
intérêt de patient.
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Le véritable risque associé au traitement est qu’il vous nuise et vous fasse aller plus mal.
Quand les patients passent du temps à discuter des aspects de leur vie actuelle, ou de leur
passé, ils peuvent être très bouleversés. Les patients sont ainsi rendus très vulnérables,
particulièrement s’ils sont forcés d’avoir à révéler des choses qu’ils ne souhaitent pas
révéler. Ils peuvent alors commencer à devenir plus déprimés, plus bouleversés, plus
autodestructeurs et, dans la pire des situations, perdre le contrôle avec la réalité et
développer une maladie psychologique.
Il y a 2 problèmes qui se font jour ici, quand des personnes sont bouleversées elles sont
influencées par les personnes avec qui elles passent du temps, elles sont plus suggestibles
et elles vont moins se protéger elles-mêmes des idées d’autre personnes.
Il est aussi très important de dire qu’il est possible, sous la pression de la thérapie, de
développer un nouveau souvenir traumatique. Une chose ne vous est jamais arrivée mais
vous en venez à croire que cette chose a bien eu lieu et ensuite vous la mettez en avant
comme si cela était réellement arrivé.
Vous avez ainsi, en fait, été traumatisé par le thérapeute, et non par des gens dans le passé.
Votre vie est maintenant affectée comme si cela vous était réellement arrivé. Quand la
personne se crée ce souvenir, et crée la détresse émotionnelle associée, puis croit que cela
s’est vraiment produit, cela peut presque être pour elle aussi éprouvant qu’un évènement
qui s’est réellement produit.
Quand les personnes en sont venues à croire que cela leur est bien arrivé, elles agissent en
fonction de cela. Elles sont les « victimes » de cet évènement comme le sont des gens qui
se souviennent d’évènement réels.
05 : 42 SF : A quel point l’esprit humain est-il suggestible ?
IH : Le souvenir est une chose très fluctuante. Si vous interrogez quelques personnes sur ce
qui est arrivé hier, vous obtiendrez un grand nombre de variations. En fonction de ce que
certaines personnes vous diront vous pouvez être convaincu que l’évènement s’est produit
d’une façon ou d’une autre. Ainsi nous sommes tous suggestibles à un certain degré.
Quand vous êtes bouleversé, quand vous n’allez pas bien, quand vous êtes fragile, vous
êtes très réceptifs, alors, aux souvenirs implantés, à un passé reconstruit avec des
évènements qui ne se sont jamais produits.
06 : 10 SF : Quelle est la différence entre un thérapeute formé et un thérapeute qui ne
l’est pas?
IH : La chose importante concernant la formation est que les thérapeutes formés deviennent
très conscients de la puissance du traitement.
Ainsi ce que vous constatez au cours de la formation est la tendance très forte des apprentis
thérapeutes à mettre des mots dans la bouche des patients, à les forcer à aller là où ils ne
veulent pas aller, à pratiquer des expériences intenses, toujours plus intenses et plus
traumatiques.
Les thérapeutes inexpérimentés, les mauvais thérapeutes ont tendance à aller dans ce sens
et ont tendance à créer des expériences très intenses car elles ont un effet important.
Mais un effet important peut avoir l’effet inverse, être traumatique et rendre la personne plus
désespérée ou dans la pire des situations la conduire à perdre le contact avec la réalité.
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06 : 58 SF : De quelle façon le public australien est-il vulnérable aux charlatans ?
IH : En ce moment le public australien est plutôt vulnérable : d’une part, beaucoup de gens
viennent chercher de l’aide, c’est bien et cela peut être très utile, d’autre part, ils sont
potentiellement victimes de praticiens qui ne sont pas bien formés ou qui sont en dehors des
frontières de l’éthique traditionnelle. Ils se placent eux-mêmes en position de risque.
C’est la même chose que quand vous consultez un chirurgien. Vous attendez de ce
chirurgien qu’il comprenne les risques, les inconvénients ou la nuisance de l’acte, pas
seulement le bénéfice, et qu’il vous les explique. Vous attendez qu’il vous dise, si c’est le
cas, que cette opération n’est pas pour vous, que cette procédure n’est pas pour vous, que
c’est trop risqué pour vous actuellement. Vous attendez qu’il travaille en équipe et à avec
une éthique et à l’intérieur des limites spécifiques à cette profession dans ces situations.
Ainsi les thérapeutes mal formés représentent une nuisance très importante. En fin de
compte les patients peuvent être placés face à de plus grands risques que les bénéfices
qu’ils sont venus chercher.
08 : 00 SF : Ainsi s’il est apparemment bénin de suivre une séance de thérapie, dans
certaines circonstances cela peut être très dangereux.
IH : Les thérapeutes et les professionnels de santé, bien formés, savent que dans certaines
circonstances, il ne faut pas pratiquer sur des gens un certain style de thérapie. Les vrais
professionnels le savent et ne le font pas parce qu’ils connaissent le mal qui peut être fait.
Ceux qui prétendent être psychothérapeutes ou ceux qui ne s’en préoccupent pas
continuent et vont de l’avant, et ainsi représentent un vrai danger.
Si vous allez voir un thérapeute, essayez de trouver quelle formation préliminaire il a suivie,
demandez quelles sont les alternatives et renseignez vous sur les nuisances potentielles. Ce
n’est peut-être pas le bon moment dans votre vie de traiter ce type particulier de problème.
Une problématique bien établie dans les métiers de la santé mentale est que la thérapie est
bien plus efficace quand vous allez mieux et lorsque vous vous sentez en état de contrôler
votre vie et non pas quand vous êtes le plus vulnérable.
09 : 00 SF : C’est donc si grave, que vous pouvez mettre en danger la vie des gens
avec de mauvaises thérapies.
IH : La vie des gens peut être mise en danger, c’est un point très important.
Si vous être vulnérable en ce moment, ces traitements peuvent vous faire aller plus mal.
Vous pouvez devenir activement suicidaire, vous pouvez perdre le contact avec la réalité. On
a des rapports ou des vies ont été perdues après de tels traitements ou des gens ont rompu
avec la réalité, essayé de se suicider ou réussi à se suicider après avoir été exposés à ces
séances de thérapie intensive et ou leur vie est devenue pire qu’avant et non pas meilleure.
09 ; 37 SF : après ce que vous avez entendu que pensez-vous de la façon dont cette
personne en particulier, Matthew Meink (le thérapeute déviant interviewé dans
l’émission) se présente lui-même ?
IH : Il est très pénible d’écouter cet enregistrement. C’est quelqu’un qui a un pouvoir et une
voix insistante et qui est apparemment très engagé. Il conduit la personne vers des
discussions très éprouvantes, très sexualisées. On peut être vraiment inquiet sur ce que
cette personne fait…
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