problématique de deuils ou de séparations réels à laquelle plusieurs patients étaient confrontés
(perte d'un mari ou d'un enfant, séparation conjugale, etc.). C'est dans ce contexte d'affects
dépressifs, d'un sentiment de solitude et d'une peur d'affronter les conflits dans un couple que sont
venus s'inscrire plusieurs facteurs désécurisants pour le groupe, à savoir :
- l'absentéisme marqué d'une patiente
- l'attaque du cadre : la porte de la salle de groupe avait été cassée pendant un week-end par un
patient du C.T.B., extérieur à ce groupe
-
enfin, l'anticipation des vacances d'été, le groupe continuant à fonctionner sans interruption, mais
avec seulement un thérapeute présent pendant une assez longue période.
Ceci a suscité des fantasmes d'ordre régressif, plusieurs patients exprimant avec nostalgie leur vécu
de la clinique Bel-
Air, expérience qualifiée par eux de " bonne, mais trop courte ". Le clivage habituel
(" bon " C.T.B. - " mauvais " Bel-
Air ") commençait à s'inverser, la clinique devenant dans l'esprit de
certains un refuge tentant face à tous les changements dans le groupe.
L'apparente harmonie s'est révélée illusoire, le groupe réalisant qu'il n'était pas un ensemble
homogène de gens stables et toujours disponibles, mais qu'il était composé de deux sous-
discontinus : les patients (voir les absences et le " tournus " de sorties) et les thérapeutes (en
vacances à tour de rôle).
Depuis un certain temps, les patients avaient choisi de se présenter dans le groupe par leur prénom
plutôt que par leur nom de famille. Par contre, les thérapeutes (qui, entre eux, se tutoient et
s'appellent par leur prénom) disent " Madame " ou " Monsieur " lorsqu'ils s'adressent directement à
un(e) patient(e). Il s'est trouvé que pour la première fois, une patiente a exprimé le souhait
d'appeler également les thérapeutes par leur prénom, " à l'américaine ", disait-
style des " nouvelles thérapies "..
Le débat ayant été élargi à tout le groupe, les autres patients ne l'ont pas suivie dans son désir,
préférant en effet qu'il y ait une certaine distance entre soignants et soignés (distance signifiant pour
eux respect mutuel : " on n'est pas des copains "…). Et les thérapeutes ont ratifié le vœ
l'ensemble du groupe en ne changeant pas leur manière de faire même si cela frustrait un membre
du groupe (qui échouait ainsi dans sa tentative de restaurer l'illusion groupale).
Ce qui a permis à la colère, liée à tous les changements dans le groupe (et en particulier aux
vacances successives des soignants) de sortir peu à peu :
-
d'abord indirectement, par de l'absentéisme (compétition avec les thérapeutes pour " prendre des
vacances du groupe ") et une tendance aux sorties prématurées (" quitter le groupe avant d'être
quitté "). C'était une colère non dite, agie.
- Puis, directement et en paroles, mais via un déplacement du conflit soignants-
du groupe : tension et rivalité entre patients à propos de qui monopolisait le temps de parole,
impression que si une personne prenait trop de place, une autre devrait s'exclure, que la coexistence
ou les compromis étaient impossibles (loi du tout ou rien), etc.
Tout ceci était un matériel à travailler dans le groupe, et la situation a commencé à se détendre
lorsque chacun a pu décider de prendre sa place sans pour autant prendre celle du voisin…
Nous avons fait le lien entre la problématique individuelle de certains (l'angoisse de séparation dans
un couple par exemple) et la problématique actuelle du groupe (l'angoisse de séparation lors de
l'annonce des vacances des uns et des absences des autres).
Nous avons pu aborder le problème des différences dans le groupe (soignants-soignés, hommes-
femmes, anciens-
nouveaux, etc.) et voir ensemble que ces différences représentaient aussi une
richesse et pas seulement une difficulté pour le groupe. La projection du " mauvais " sur l'extérieur
(que ce soit la clinique, les familles, les employeurs ou le " système social " dans son ensemble) a pu
être ramenée dans le groupe. Les conflits entre patients ont été abordés pour eux-
premier temps avant d'être interprétés comme un déplacement de la colère destinée aux
thérapeutes qui, à tour de rôle, " lâchaient " le groupe le temps de leurs vacances.
Nous pouvons voir en effet ce déplacement comme une tentative de trouver un bouc émissaire
parmi les patients pour protéger les thérapeutes de l'agressivité du groupe, en évitant ainsi un
sentiment de culpabilité assorti d'une crainte de représailles, selon la loi du Talion.
Les patients ont pu vivre dans le groupe, " hic et nunc " une colère qui n'a pas été destructrice,
malgré les craintes de certains (qui ont éprouvé le besoin de se rassurer après coup). Enfin, le fait