Le "non-traitement"

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Réflexions éthiques et cliniques
Félix-Antoine Bérubé et Mireille Langlois
23 octobre 2009
Délimitation du sujet de l'atelier
Patient
Professionnel
Ne souhaite pas, ne demande pas
et/ou refuse un traitement en
particulier
Ne considère pas que le traitement
est indiqué
Considère que le traitement est
indiqué
Souhaite, demande et/ou accepte
un traitement en particulier
Considère que le traitement est
indiqué
Ne considère pas que le traitement
est indiqué
Déroulement de l'atelier
€
Présentation
y Risques et pièges inhérents à la prise en
charge psychiatrique
y Disposition du patient au traitement
y Le "non-traitement" et sa place en
psychiatrie
Vignettes cliniques
€ Discussion
€
Le rôle de malade
€
Concept défini par Talcott Parsons
(1902-1979)
Bénéfices
Le malade est libéré de certains rôles sociaux, selon
l'importance du trouble
Le malade n'est pas considéré directement
responsable de son affliction
Obligations
Le malade doit faire tout ce qui est en son pouvoir
pour aller mieux
Le malade doit rechercher de l'aide auprès des
personnes compétentes et collaborer avec eux
La psychiatrisation
Identification prolongée au rôle de
malade mental
€ Appauvrissement du réseau social, les
ressources psychiatriques deviennent
une des seules sources de contacts
sociaux positifs
€ Peu ou pas d'activités valorisantes
(travail, loisirs, hobbies)
€ Résistance passive ou active au
rétablissement
€
La psychiatrisation
y En raison de leur système défensif, les
personnes avec structure de personnalité
limite apparaissent plus à risque.
Patient
Victime/enfa
nt vulnérable,
incapable et
dépendant
Identification
Thérapeute
Projection
Clivage
Sauveur/figur
e parentale
nourricière et
protectrice
Identification
Le trouble factice
Production intentionnelle de symptômes
physiques ou psychologiques, dans le
but de jouer le rôle de malade
€ Souvent en présence concomitante d'un
trouble sévère de la personnalité
€
CIM-10
€
Modification durable de la personnalité après
une maladie psychiatrique
y « …changement manifeste et persistant […] à la
suite de l’expérience d’un ou de plusieurs épisodes
de maladie psychiatrique dont la personne est
cliniquement rétablie »
y Il ne doit pas y avoir d’antécédent de trouble de
personnalité antérieur
y Est présent depuis au moins 2 ans et n’est pas
expliqué par un autre trouble mental
y « La modification […] doit être compréhensible en
fonction de l’expérience émotionnelle subjective de
la situation de la personne, […] y compris les
attitudes et les réactions des personnes importantes
pour le sujet… »
CIM-10
y Au moins 2 des manifestations suivantes:
1) Dépendance vis-à-vis des autres (le sujet
présuppose passivement ou demande que les
autres soient responsables de sa propre vie)
2) Retrait social ou isolement secondaire à la
conviction d’avoir été marqué par la maladie
3) Passivité. Réduction des intérêts et
engagement moindre dans les activités de
loisir
4) Modification dans la perception de soi,
conduisant la personne à affirmer
fréquemment se sentir souffrant
CIM-10
5) Attitude exigeante envers autrui soit parce
que le sujet en attend des faveurs
particulières, soit parce qu’il se considère
digne d’une attention ou d’un traitement
particulier
6) Humeur dysphorique ou labile non due à un
trouble mental actuel
Y a-t-il des effets négatifs à la
psychothérapie:
Oui, cela fait l’unanimité chez les
experts depuis au moins la moitié des
années ’80
€ Ce n’est pas une dégradation
temporaire, inhérente à certaines
psychothérapies. Celles-ci sont
attendues. C’est plutôt un effet
persistant directement attribuable à la
thérapie
€
Réaction thérapeutique négative
€ Une
aggravation des symptômes ou
une détérioration de l’expérience de
soi lorsque le patient sent que le
thérapeute a été aidant (O. Kernberg 2004)
Réaction thérapeutique négative
€ les
personnes avec un trouble
narcissique ou le syndrome du
narcissisme malin sont enclins à des
réactions thérapeutiques négatives
qui peuvent prendre la forme d’un
plan suicidaire longuement mûri dont
le résultat est souvent la mort. Un tel
comportement est très difficile à
tolérer et à traiter
Réaction thérapeutique négative
€
« an expression of triumph over the
surrounding world, a coldly prepared act
of revenge or defeat of someone who is
in charge of the patient, with whom the
patient is involved in chronic conflictual
ways »
Réaction thérapeutique négative
€
La stimulation du système de
l’attachement peut entraîner une rupture
dans la mentalisation et favoriser des
modes de pensée pré-mentalisation
y "Pretend mode" ou pseudo-thérapie
y "Psychic equivalent", incluant les transferts
paranoïdes et psychopathiques
y Mode téléologique
Poursuite de gains secondaires
Simulation
€ Certificats d'invalidité
€ Fuir des obligations légales (la cour, la
responsabilité criminelle, etc…)
€ Faire "taire" le réseau (DPJ, famille, la
cour)
€
y Mène au présentéisme
€
Obtenir des prescriptions pour en
abuser ou les vendre
Réactions du thérapeute
€
Hospitalisations répétées et/ou prolongées
y Peu d'utilité dans le traitement du trouble de la
personnalité ou des idées suicidaires
chroniques
€
Multiples diagnostics et traitements non
indiqués
y Polypharmacie
y Benzodiazépines en prise chronique
€
€
Certificats de complaisance
Suivis interminables, sans objectifs précis,
sans progression du patient
Disposition du patient au traitement
Spectre du traitable au non traitable (inspiré de Stone 2006):
1
Région A
Région A Région B
2
3
4
Région C
A: Traitables par une majorité de thérapeutes compétents
B: Zone grise
1 - Échecs avec de nombreux thérapeutes, puis
succès
avec un en particulier, sans raison apparente
2 - Bonne réponse avec une méthode en particulier
3 - Réponse seulement avec thérapeute sénior
4 - Aucune réponse avec des méthodes habituelles,
puis
réponse avec une forme non conventionnelle
de
thérapie auquel nul n'aurait songé à référer le Pt
C: Intraitables
Disposition du patient au traitement
€
Patients TPL avec bonne disposition au
traitement (Stone 2006):
1) Constellation secondaire anxieuse ou inhibée
2) Présence de caractéristiques positives :
• Bon caractère
• Motivation élevée et
persévérance
• Franchise
• Aptitude à l’intimité
• Capacité de mentalisation
• Capacité d’identifier ses
sentiments
• Indépendance financière
• Fiche occupationnelle
Disposition du patient au traitement
€
Patients TPL avec disposition intermédiaire :
• Degré moyen
d’antisocialité
• Style d'attachement
"dismissive" (détaché)
• Co-morbidité avec la
personnalité paranoïde,
narcissique, passiveaggressive, schizotypique
• Négligence ou cruauté
parentale
• Hostilité intense
persistante
• Pauvreté nette de canaux
sublimatoires
• Peu d’expériences de
succès au travail ; aucun
diplôme
• Motivation et
persévérance peu élevées
• Risque élevé,
constitutionnel, de maladie
affective
• Vulnérabilité extrême qui
mène à des crises répétées
Disposition du patient au traitement
€
Patients TPL avec faible disposition :
• Colère persistante,
irascibilité
• Situation de vie chaotique
• Net mépris à l'endroit du
ou des thérapeutes
• Préoccupation
érotomaniaque avec le
thérapeute ou quelqu’un du
monde extérieur
• Tendances paranoïdes et
méfiance nette
• Tendance marquée à la
manipulation, à la
séduction
• Abus chronique de
substances et refus de
traitement à cet égard
• Faible motivation pour la
thérapie
Disposition du patient au traitement
€
Même en l’absence d’un trouble franc
de la personnalité, certains traits créent
un sérieux obstacle à toute thérapie, s'ils
sont présents chez un patient
y Surtout en lien avec leur aspect hautement
égosyntone
Disposition du patient au traitement
€
Liste non exhaustive :
• Paresse
• Amertume
• Despotisme
• Hypocrisie
• Agressivité
• Fanatisme
• Muflerie
• Jalousie
• Hargne
• Morale élastique
• Manque de tact
• Malveillance
• Cruauté
• Quérulence
Disposition du patient au traitement
€
Patients à l'extrême du spectre:
Patients non traitables mais
récupérables
Troubles de la personnalité non
traitables (avec les moyens
disponibles actuellement)
• Antisociaux non
• Le registre du narcissisme :
du concept de narcissisme
malin à la psychopathie
• Le sadisme sans honte
associé à la psychopathie ou à
la personnalité antisociale
psychopathes
• Bon caractère sous « le
masque »
• Capables éventuellement
d’éprouver de l’inquiétude pour
les autres
L'arrêt de traitement
Geste encadré par des lignes directrices
de l'APC (Revue canadienne de psychiatrie, vol. 39, février 1994)
€ Liste (non exhaustive) de cas dans
lesquels le psychiatre doit ou peut
décider de mettre fin au traitement
contre le gré du patient:
€
y Un examen minutieux de la situation permet
de constater que le patient n'a pas besoin
d'autre traitement;
L'arrêt de traitement
y Le patient ne tirerait pas d'autres avantages
d'un traitement plus prolongé;
y Le traitement particulier visé par le contrat
conclu entre le médecin et le patient prend
fin;
y Le psychiatre, […] n'estime pas avoir la
compétence voulue pour assurer le
traitement nécessaire;
y Le patient a engagé des poursuites contre le
médecin;
L'arrêt de traitement
y Le patient a agressé ou harcelé le
psychiatre, sa famille ou ses amis;
y Il y a un risque considérable de violation des
limites de la relation entre le psychiatre et le
patient, […];
y Le transfert ou le contre-transfert a
continuellement un effet destructeur sur le
plan thérapeutique;
y Il s'agit d'une mesure constructive sur le
plan thérapeutique;
L'arrêt de traitement
y Le patient persiste à ne pas respecter les
rendez-vous, à ne pas prendre les médicaments
prescrits, à ne pas se conformer aux conditions
explicites du traitement ou à ne pas suivre de
simples recommandations sur le plan du
traitement
€
€
€
Expliciter les raisons de l'arrêt au Pt
L'informer des démarches à faire pour
obtenir les soins adéquats par ailleurs
Communiquer avec les médecins qui
restent impliqués
L'arrêt de traitement
€
Reconnaître ses limites et celles de son
dispositif de soins
y Toute thérapie n'est pas indiquée, pour tout
patient, à tout moment de sa vie
y Si un traitement plus indiqué est disponible,
y référer le patient!
y P. ex. la thérapie de groupe au PTRP ne
convient pas à tous les patients…
L'arrêt de traitement
€
Faire sa "toilette contre-transférentielle"
y Arrêt de traitement ≠ forcément
"abandonner" un patient, ou le "torturer"
y Un traitement maintenu sous la menace d'un
suicide ou d'une poursuite ≠ un traitement
efficace
y Mais gare aux réactions contretransférentielles de rejet ou d'impuissance
y Au besoin: supervision, consulter l'équipe,
demander un 2ième avis, rencontrer les
proches pour en discuter
L'arrêt de traitement
Croire dans les forces du patient peut
induire des résultats positifs
€ Une attitude marquée par le sentiment
d'être indispensable au patient est par
nature invalidante
€ Ne pas oublier que l'identificationprojective est un phénomène qui
implique deux acteurs et va dans les
deux sens
€
L'arrêt de traitement
€
€
Si un phénomène régressif ou de passivitéaggressivité ne s'amende pas avec un
resserrement du traitement, envisager d'en
diminuer l'intensité ou de le cesser permet
de contourner les bénéfices, inconscients
ou non, reliés à la régression
Tenir compte de l'histoire naturelle de la
pathologie, dans le processus décisionnel
y Pronostic démontré relativement favorable, pour
les TPL, même en l'absence d'un traitement
L'arrêt de traitement
€
€
Tous les traitements démontrés efficaces
pour les troubles de la personnalité
demandent un cadre précis
Par définition, le cadre implique qu'il faut
être prêt à suspendre ou à mettre fin à un
traitement
y L'accessibilité au soins est, en définitive, un
levier qui peut induire des changements positifs
y Réévaluer périodiquement la pertinence du
traitement permet d'éviter de nombreux pièges
dans la relation avec le patient
y D'abord ne pas nuire!
L'arrêt de traitement
€
L'offre de soins, de support et de service
est vaste en dehors de la psychiatrie
y Une approche centrifuge peut contribuer à
diminuer la dépendance d'un patient aux
services psychiatriques, tout en le
rapprochant de sa communauté
€
Avoir une carrière dans la vie permet de
ne pas en avoir une en psychiatrie
y De plus en plus, les traitements pour les TP
incluent systématiquement un cadre
occupationnel
L'arrêt de traitement
€
Il existe des méthodes pour cesser un
traitement tout en minimisant le
sentiment de rejet chez le patient
y Expliciter les conditions et les démarches
nécessaire pour revenir en thérapie, si
pertinent
y Permettre un retour même si le patient va
bien peut éviter une régression visant à
simplement reprendre contact
En conclusion…
€
€
La prise en charge et le traitement
psychiatrique, en particulier pour les
patients présentant un trouble de la
personnalité, comporte des risques de
complication et d'effets iatrogènes qui
dépendent à la fois du patient et des
intervenants
Certaines pathologies de la personnalité
sont peu enclines à répondre à un
traitement, ou sont carrément non
traitables dans l'état actuel de la science
En conclusion…
€
€
Parfois, l'arrêt, la suspension, ou ne pas
proposer un traitement est la moins
dommageable, voire la plus aidante, des
options
Tenir compte des aspects contretransférentiels qui pourraient nous amener
à rejeter un patient, c'est bien. Tenir
également compte de ce qui nous amène à
vouloir leur proposer un traitement, ou le
maintenir: c'est deux fois mieux
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