mise au point
Mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 360
qui conduira à l’attaque de panique. Nous
voyons que ces différents modèles mon-
trent que certains facteurs cognitifs et
comportementaux sont essentiels au déve-
loppement et au maintien du TP et de
l’agoraphobie : les facteurs cognitifs, tels
que l’hypervigilance, l’anticipation et les
erreurs d’interprétation, et les facteurs
comportementaux, comme l’évitement.
Les techniques thérapeutiques utilisées
vont donc chercher à les modifier.
Techniques thérapeutiques
La première étape du traitement consiste à
donner aux patients de l’information sur le
TP et/ou l’agoraphobie. C’est souvent d’une
très grande importance, car, en rassurant le
patient quant au caractère “non dangereux”
de ses symptômes, en lui expliquant qu’il
ne va pas devenir fou, faire une crise car-
diaque ou tomber, on agit sur un des prin-
cipaux facteurs de maintien du trouble qui
est l’interprétation catastrophique. Le thé-
rapeute va également rechercher des fac-
teurs précipitants et les facteurs de maintien
du trouble dans l’histoire du patient. Il va
expliquer le modèle de la thérapie compor-
tementale et cognitive ainsi que la physio-
logie des réactions de peur. Par la suite, il va
apprendre au patient à gérer ses symptômes
physiques pour apporter un soulagement
rapide à son anxiété. Ainsi, on va lui ensei-
gner les techniques de rééducation respi-
ratoire (efficaces notamment dans la ges-
tion de l’hyperventilation) et les techniques
de relaxation.
La restructuration cognitive (anxiété
généralisée, techniques thérapeutiques) aura
pour but la modification des pensées catas-
trophiques (“Je suis en train de devenir fou”)
et des distorsions cognitives telles que la dra-
matisation et la surestimation du danger. Les
techniques d’exposition aux situations et
aux sensations physiques (exposition inté-
roceptive) vont être indispensables pour ter-
miner le travail de modification cognitive.
L’ exposition intéroceptive va chercher à
provoquer les sensations physiques redou-
tées par des exercices précis (par exemple,
provocation de l’hyperventilation). Le but
est d’aider le patient à constater qu’il peut
supporter et contrôler ses symptômes, et que
ceux-ci vont spontanément diminuer après
un certain temps. Une fois que le patient a
appris à avoir moins peur des symptômes
de panique, il est prêt à affronter les situa-
tions qu’il évite.
L’ exposition progressive in vivo, technique
comportementale de base dans le traitement
des phobies, aide les patients à apprendre à
affronter les situations évitées, à prendre
conscience, encore une fois, que l’anxiété
ressentie n’est pas dangereuse et peut être
contrôlée. Le thérapeute et le patient vont
établir une hiérarchie des situations redou-
tées, et le patient va commencer en s’expo-
sant aux situations les moins anxiogènes de
la hiérarchie. Parfois, une exposition en
imagination va être proposée, soit parce
que l’anxiété est trop importante, soit parce
que la mise en situation est difficile (par
exemple, voyage en avion). Pour être effi-
cace, l’exposition doit être progressive,
régulière et suffisamment longue pour per-
mettre au patient de ressentir une baisse
considérable de l’anxiété. Il est donc préfé-
rable de choisir des exercices qui durent au
moins une vingtaine de minutes (effectuer
un trajet en métro sur 15 stations) ou répé-
ter les exercices courts plusieurs fois de suite
(par exemple, prendre un ascenseur).
Études d’efficacité
Plus d’une quarantaine d’études compa-
ratives avec groupe témoin démontrent
l’efficacité des thérapies comportemen-
tales et cognitives dans le traitement du TP
et de l’agoraphobie. Les TCC sont plus
efficaces que la liste d’attente (absence
d’intervention), que d’autres interventions
psychologiques (par exemple, thérapie de
soutien) et que les traitements pharmaco-
logiques. De 50 à 80 % des patients sont
complètement libérés de leurs attaques de
panique, de leurs comportements d’évite-
ment, et de leur détresse psychologique
après trois à quatre mois de thérapie. De
80 à 95 % de patients se trouvent signifi-
cativement améliorés. Les études de suivi
montrent que les effets se maintiennent,
voire s’améliorent encore.
Conclusion
Les résultats obtenus dans le traitement des
phobies spécifiques et du trouble panique,
avec ou sans agoraphobie, ont permis de
proposer les thérapies comportementales et
cognitives comme traitement de choix de
ces pathologies. En effet, les études mon-
trent des résultats supérieurs à ceux d’autres
psychothérapies et parfois à ceux des trai-
tements pharmacologiques. Le traitement
des phobies spécifiques, tout en étant
simple, est en général bref et très efficace.
Les modèles cognitifs du trouble panique
ont contribué au développement de tech-
niques spécifiques et à d’excellents résul-
tats thérapeutiques. D’une manière géné-
rale, les thérapies comportementales et
cognitives semblent particulièrement effi-
caces pour prévenir des rechutes dans les
troubles phobiques. Les progrès thérapeu-
tiques tiennent, voire s’améliorent, avec le
temps. C’est contraire à l’idée relativement
répandue, influencée par le modèle psy-
chanalytique, de déplacement ou substitu-
tion de symptômes après une prise en
charge comportementale et cognitive.
Le trouble d’anxiété généralisée, à cause
notamment de sa grande comorbidité, reste
difficile à définir et à traiter. Les techniques
comportementales et cognitives, tout en
donnant de bons résultats thérapeutiques,
doivent encore progresser. De nouvelles
stratégies thérapeutiques devraient per-
mettre d’éviter la surmédication (notam-
ment en benzodiazépines), une des consé-
quences majeures de ce trouble.
D’une manière générale, la relative simpli-
cité, l’efficacité et la brièveté de la prise en
charge comportementale et cognitive
répondent aux exigences actuelles des pou-
voirs publics et des patients. Il paraît impor-
tant aujourd’hui d’en faciliter l’accès à ces
derniers.