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Les questions autour de la justice sociale, des inégalités, d’exclusion, etc. seront au premier
rang de la réflexion.
A cet égard, les soulèvements populaires en Tunisie et ailleurs ont révélé la profondeur
et l’étendue des inégalités et de l’injustice, non seulement à l’échelle des individus, mais aussi
celle du genre, des classes sociales et des régions. Les inégalités et l’injustice traversent de
part en part la société tunisienne et les sociétés du Maghreb. De fait, ces inégalités mettent en
danger la pérennité du lien social et la cohésion entre les groupes sociaux et les régions. En
outre, elles ne sont pas uniquement économiques ; elles se rapportent à toutes les sphères de la
société : de la santé à la culture, de l’éducation à l’environnement, en passant par
l’économique et le politique.
La sociologie pragmatique nous fournit les outils théoriques et méthodologiques pour
appréhender ces questions. Elle permet de prendre au sérieux la manière dont les individus
jugent et justifient, dans des situations de dispute, de désaccord ou de controverse, les faits,
les normes ou valeurs et les actes individuels ou collectifs. Ces opérations de justification
mobilisent une pluralité de principes de justice en fonction des situations et d’expériences
d’inégalité et d’injustice vécues par les personnes. Il convient dès lors de les identifier dans
les contextes des pays du Maghreb afin de les analyser et de comprendre les logiques.
Les justifications en situation de dispute sont l’expression de jugements qui font
référence à une pluralité de mondes et qui servent d’appuis normatifs aux personnes pour
expliciter leur sens de la justice. C’est par le biais d’une sociologie de la justification et des
épreuves que les questions cruciales de la critique et de la justice seront donc analysées.
L’intérêt porté aux justifications émises par les individus nous mène à l’étude des
régimes d’actions et plus précisément à la reconstruction de leurs logiques, ce qui est à la base
de l’enquête pragmatique. L’étude de la justice selon la sociologie pragmatique invoque, en
outre, la question des compromis justes, dans le contexte maghrébin, et les différentes
interrogations que posent les expériences locales autour des processus allant de la critique aux
arrangements.
Axe 2 : Disputes, compromis et arrangement
Il s’agit dans cet axe de réfléchir à des problématiques liées aux disputes, désaccords
et conflits et à la manière dont ils frayent la voie au compromis et à l’arrangement. Comment
des personnes ordinaires impliquées dans disputes de la vie quotidienne parviennent-elles à
trouver des compromis ou se limitent à des arrangements contingents ?
Dans la pratique, le compromis implique une forme d’échange, d’interaction entre des
partenaires mus par l’idée de parvenir à un accord, de trouver un accommodement entre des
principes ou des intérêts contradictoires. Cela suppose de la part des partenaires une volonté
de s’entendre, de coopérer ; un effort d’adaptation, de renoncement, de concessions
réciproques, c’est-à-dire une volonté de se mettre d’accord pour composer et suspendre ne
serait-ce que momentanément le différend ou la dispute. Dans cette perspective, le concept de
compromis fonctionne comme une catégorie sociologique que l’on peut mobiliser pour
appréhender des réalités multiples : sociales, politiques, économiques, culturelles,
axiologiques, etc.
A la différence du compromis, l’arrangement est toujours local, contingent et
ponctuel. Alors que le compromis est la manifestation d’un accord plus ou moins durable qui
s’appuie sur des principes universalisables, l’arrangement est une forme de relativisation.
Rapporté aux convenances réciproques de chaque partie et non élaboré en vue d’un bien
commun, l’arrangement suppose un lien entre les personnes qui ne soit pas généralisable à
d’autres personnes. Ce lien est toujours cantonné à des relations privilégiées entre un nombre
déterminé de personnes. De plus, l’arrangement s’apparentant à une forme d’accord à
l’amiable entre plusieurs individus, il ne fait pas non plus l’objet de convention explicite et ne