la place des interventions de suppléance dans les paralysies totales

Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 47
COMPRENDRE
La première description des
techniques de suppance
remonte aux années 1903
(Jackson) et 1907 (Hummelsheim).
Le principe est d’utiliser des
muscles fonctionnels pour aider
ou remplacer le mouvement du
muscle droit laral paralysé (1, 2).
Pour certains auteurs, il y aurait
“réinnervation partielle” de ce
muscle à partir des muscles trans-
posés, pour d’autres l’eet obtenu
serait essentiellement d’ordre
“mécanique”.
QUELS SONT LES
PATIENTS CONCERNÉS ?
La technique s’adresse à des para-
lysies totales ou très importantes
du VI pour lesquelles la chirurgie
classique est largement insu-
sante.
Il peut s’agir de graves trauma-
tismes crâniens, de fractures du
rocher ou de séquelles neuro-
chirurgicales après exérèse de vo-
lumineuses tumeurs.
* Centre Monticelli-Paradis, Marseille
A QUEL MOMENT
CETTE CHIRURGIE
INTERVIENT-ELLE ?
Les interventions de suppléance
s’intègrent dans un processus
global de prise en charge et se si-
tuent bien évidemment “en fin de
course”.
Schématiquement :
soit le patient nous est adres
par un service de éducation ou
par un service de neuro-chirurgie
pour la prise en charge dune para-
lysie totalequellaire ;
soit nous suivons le patient de-
puis le début pour une paralysie
du VI sévère mais récente et un
certain délai d’attente est alors né-
cessaire.
La prise en charge sera classique :
il faudra expliquer au patient sa
pathologie, le rassurer et l’exhor-
ter à la patience.
Dans les premières semaines, l’oc-
clusion d’un œil est souvent le
seul moyen lorsque la déviation
est importante et la diplopie gê-
nante.
Dans un second temps, un équi-
pement par prismes de forte
puissance, toujours prescrits en
press-on, peut être une alterna-
tive.
On peut prescrire jusquà 15 diop-
tries base temporale sur chacun
des deux verres ou de plus fortes
puissances, jusquà 25 dioptries,
sur un seul verre. Une améliora-
tion peut être amenée même si la
correction prismatique n’est pas
totale, au prix d’une position vi-
cieuse de la te compensatrice.
Lutilisation du Boto a un
grand intérêt chez ces patients.
Au bout de quelques semaines ou
mois après le début des troubles,
une injection de Boto dans le
droit médial homolatéral peut
être réalisée. Elle permettra une
réduction de la déviation, amélio-
rera le confort du patient et évitera
la contracture du muscle droit -
dial
(Fig. 1)
.
Le Botox® est parfois utiliplus
tard dans le traitement, en asso-
ciation avec une chirurgie de sup-
pléance (3, 4).
La chirurgie ne sera jamais en-
visagée avant six mois ou un an
xxxxx
xxxxx
xxxxxx
xxxxx
La place des interventions de
suppléance dans les paralysies
totales du VI
Dernières techniques et cas pratique illustré
n
Les interventions de suppléance sont d’utilisation assez rare. Elles permettent néanmoins
une amélioration importante du mouvement d’abduction dans une paralysie totale du VI. Les
techniques et les indications sont précisées.
Dr Nicole Gambarelli*
COMPRENDRE
48Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51
d’évolution, lorsquon est absolu-
ment r quaucune amélioration
n’est possible.
Nous utilisons toujours dans un
premier temps une chirurgie
conventionnelle de recul/-
section : dans ces paralysies to-
tales du VI, nous avons à traiter
des viations très importantes
pouvant dépasser 60 dioptries, et
les dosages chirurgicaux doivent
être généreux. On peut être ame
à réaliser des reculs de 10 mm du
droit médial et dessections de
10 mm du droit latéral
(Fig. 2)
.
Dans certains cas, une chirurgie
complémentaire sur l’œil adelphe
peut être utilie, à type d’aaiblis-
sement du droit médial controla-
téral avec ou sans utilisation d’une
Faden operation (5).
Mais la chirurgie conventionnelle
est en général insusante. Le pa-
tient se trouve amélio, il per-
siste une Et en position primaire,
une position vicieuse de la te
compensatrice et une abduction
inexistante.
C’est à ce moment- que la
chirurgie de suppléance prend
sa place, elle aura pour vocation
de finir de corriger la déviation en
position primaire, mais également
d’améliorer le mouvement d’ab-
duction.
LES TECHNIQUES DE
TRANSPOSITION
On peut utiliser des transpositions
totales ou partielles. (6-10).
Les transpositions totales :
O’Connor, en 1921, propose une
transposition de la totalité des
deux muscles verticaux pour sup-
pléer le droit latéral paralysé. Les
deux verticaux sont réinsérés aux
extrémités correspondantes du
droit laral ; des variantes à la po-
sition de cette réinsertion ont été
ab
Figure 1 – Botox®.
Figure 2 - Recul/résection.
Figure 3 - Transpositions totales.
LA PLACE DES INTERVENTIONS DE SUPPLÉANCE DANS LES PARALYSIES TOTALES DU VI
Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 49
porale des deux muscles verticaux.
Ces deux languettes sont réinsé-
rées au ras de l’insertion du droit
latéral.
Une variante a été décrite par
O’Connor en utilisant les moi-
tiés nasales des droits verticaux.
Ces languettes sont glissées sous
les moitiés temporales reses en
place puis fixées de la même façon
que précédemment, près du droit
latéral. Lecacité sen trouve aug-
mentée
(Fig. 4)
.
Dans le me esprit, pour
augmenter l’ecacité de la
suppléance, Kauman a pro-
posé d’utiliser la technique de
Hummelsheim mais en croisant
les languettes musculaires sous le
droit latéral.
C’est la technique que nous uti-
lisons le plus volontiers à l’heure
actuelle et qui nous donne le maxi-
mum d’ecacité. Le muscle droit
latéral est souvent désinséré et
éventuellement “reséqué”
(Fig. 5)
.
La technique de Jansen réalise
une myopexie entre le droit laté-
ral et les droits verticaux. Les trois
muscles sont divisés en deux moi-
tiés et on solidarise chaque moitié
du muscle paralysé avec la moit
proximale du muscle voisin. Cette
technique est crite comme
moins risquée sur le plan de la tro-
phicité du globe, puisqu’il ny a pas
de désinsertion musculaire.
Elle est néanmoins assez déla-
brante et rend une éventuelle
réintervention bien dicile ; elle
n’est plus guère utilisée de nos
jours
(Fig. 6)
.
NOTRE EXRIENCE
PRATIQUE
Nous avons repris les paralysies
du VI opérées dans l’année 2011 :
59 patients ont é opérés, 48
par chirurgie conventionnelle,
11 par chirurgie de suppléance.
Ces 11 cas se présentaient dans
a
b
Figure 4 - Transpositions partielles.
Figure 6 - Technique de Jansen.
Figure 5 - Planche photos opératoires.
décrites par Uribe et Gobin
(Fig. 3)
.
Les transpositions partielles :
Hummelsheim, en 1907, a propo
d’utiliser deux languettes muscu-
laires représentant la moittem-
COMPRENDRE
50Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51
un contexte neurologique grave :
traumatismes crâniens avec coma,
schwanomes, cavernomes, ménin-
giomes, etc, ayant entraî, entre
autres conséquences, une paraly-
sie totale du VI.
Dans cette série, on note une
grande majori d’adultes, puisque
sur 59 patients, nous n’avons re-
trouvé que 3 enfants. Il s’agissait de
contextes neurologiques graves,
de déviations très importantes,
mais la chirurgie conventionnelle
a su 2 fois sur 3 :
Manon, 12 ans, double paraly-
sie du VI par hémorragie nin-
gée, traitée par résection des deux
droits latéraux ;
Aurore, 6 ans, paralysie du VI
gauche par épendymome de la fosse
posrieure, traie par intervention
de recul/résection œil gauche ;
Lorenzo, 7 ans, paralysie du VI
gauche par traumatisme crânien
grave, déjà opéré par recul/résec-
tion et opé par intervention de
suppléance du droit latéral gauche,
technique de Hummelsheim, mo-
difiée Kauman.
Un cas clinique nous permet d’il-
lustrer l’eet que l’on peut at-
tendre dune telle chirurgie :
M. P., 68 ans, traumatisme crânio-
facial grave avec paralysie du VI
droit. Il est en Et 20° de près, 30°
de loin avec diplopie
(Fig. 7)
.
La limitation de l’abduction est ma-
jeure, l’œil droit n’atteignant pas
la ligne diane (Lancaster 1)
(Fig. 8)
.
Une première intervention est
réalisée : recul de 8 mm du droit
médial droit, résection de 8 mm du
droit latéral droit.
A l’issue de cette chirurgie il per-
siste une Et de 12° de près, 16° de
loin (Lancaster n° 2)
(Fig. 9)
.
Une intervention de suppléance
est utilie suivant la technique
précédemment citée.
En post-oratoire, le patient est
pendant quelques jours, en légère
divergence consécutive qui se sta-
bilise sur une petite convergence
de loin, il est centré de près (Lan-
caster n° 3)
(Fig. 10)
.
Labduction est amélioe mais on
peut noter une légère limitation de
l’adduction créée par la chirurgie
(Fig. 11)
.
EN CONCLUSION
Insistons sur l’apport très intéres-
Figure 7 – A. Position primaire. B. Regard à gauche. C. Regard à
droite.
Figure 8 - Lancaster n° 1.
Figure 9 - Lancaster n° 2.
Figure 10 - Lancaster n° 3.
A
B
C
LA PLACE DES INTERVENTIONS DE SUPPLÉANCE DANS LES PARALYSIES TOTALES DU VI
Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 51
sant de ces techniques en cas de
paralysie totale du VI avec aboli-
tion complète du mouvement.
Elles interviennent en dernre
intention, après parfois une cure
de Boto et un premier temps
chirurgical conventionnel.
Du fait de la multiplicité des
muscles touchés, le risque d’is-
chémie du segment antérieur doit
rester présent à l’esprit du chirur-
gien (11, 12) et imposer une grande
rigueur dans la réalisation de lacte
chirurgical. n
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BiBliographie
Mots-clés : 
Paralysie totale du VI,
Chirurgie de suppléance,
Ischémie du segment antérieur Figure 11 – A. Position primaire. B. Amélioration de l’abduction. C. Petite limitation de
l’adduction.
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