Outil de typologie des pâturages sahéliens à partir d`analyses

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Fiche technique n° 3
Amélioration de la production fourragère en zone tropicale
Juin 2012
Outil de typologie des pâturages
sahéliens à partir d’analyses multivariées
I. Domaines concernés
Cette fiche est destinée aux chercheurs et aux techniciens d’élevage. Ces derniers
porteront l’essentiel du message aux éleveurs.
II. Définition
La typologie des pâturages correspond aux différentes unités de végétation pâturées d’une
région ou d’un parcours. C’est une classification de la végétation à partir de la structure
des espèces (physionomie) ou des relevés floristiques (composition floristique).
III. Objectifs
Dans cette fiche nous envisageons la méthode de discrimination des différentes unités de
pâturages en combinant les méthodes de relevé phytosociologique (relevés floristiques) et
d’analyses multivariées.
IV.
Description de la méthode
4.1. Données à récolter
Pour faire la typologie des pâturages, il est indispensable de disposer des relevés
floristiques de la zone ou du parcours. Pour cela, il faut faire les relevés floristiques de la
zone ou du parcours suivant un plan d’échantillonnage choisi (gradient environnemental,
stratification, etc.) (Godron, 1971). Cet inventaire floristique doit être réalisé au moment
du pic de végétation (Saadou, 1984).
4.2. Méthodes de relevés floristiques
Deux types de mesures peuvent être entrepris :
- les mesures quantitatives : l’analyse linéaire de points quadrats (Daget et Poissonet,
1971) ;
- les mesures semi-quantitatives : méthode d’évaluation de l’abondance- dominance de
Braun-Blanquet (1932).
La classification de Braun-Blanquet est un moyen pour estimer visuellement la
couverture de chaque espèce en un site donné. On distingue 6 classes de recouvrement
moyen de la végétation :
5 : espèce à recouvrement moyen de 87,5%;
4 : espèce à recouvrement moyen de 62,5%;
3 : espèce à recouvrement moyen de 37,5%;
2 : espèce à recouvrement moyen de 15%;
1 : espèce à recouvrement moyen de 3%;
+ : espèce à recouvrement moyen de 0,5%.
4.3. Traitements des données
Les analyses multivariées se partagent en deux grandes classes : les méthodes d'ordination,
qui ordonnent les relevés selon des gradients, et les méthodes de classification, qui classent
1
les relevés dans des groupes. Développées par des écoles de pensée opposées, elles sont
maintenant considérées comme deux outils complémentaires pour représenter
l'information d'un fichier multivarié. Les méthodes d'ordination et de classification sont
très nombreuses. On ne les détaillera pas ici, vu l'abondante littérature qui existe sur le
sujet. Étant donné leur qualité et leur clarté, deux ouvrages (Jongmann et al., 1987 ;
McCune & Grace, 2002) ont servi de référence pour notre choix des analyses multivariées.
En outre, deux logiciels performants sont associés aux deux ouvrages, respectivement le
logiciel PCORD (McCune & Grace, 2002) et le logiciel CANOCO (Ter Braak, 1988).
a. Méthodes d’ordinations
Les méthodes d'ordination ont pour objectif de représenter les objets étudiés dans un
nouvel espace caractérisé par un nombre moindre de dimensions orthogonales, et donc
indépendantes les unes des autres. Ces nouvelles dimensions sont appelées axes
principaux, dont l'ordre est déterminé par l'importance de l'information originale qu'ils
expliquent. Dans cette fiche, trois méthodes d'ordination sont utilisées : l'analyse en
composantes principales, l'analyse factorielle des correspondances et l'analyse canonique
des correspondances.
Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
Mise au point par Benzecri (1964) et Cordier (1965), l’AFC apparaît comme l’outil
privilégié pour le traitement des données floristiques. Cette technique a pour objet de
décrire sous forme de graphique le maximum d’information contenu dans un tableau de
données, croisant des individus et des variables (espèces x relevés). La représentation
graphique de la projection des relevés et des espèces sur les axes factoriels permettra de
déterminer le gradient écologique sous-tendant chacun des axes (Figure 1).
Figure 1. Discrimination de cinq types de pâturage à partir d’une AFC appliquée à 76 relevés et 162
espèces, logiciel utilisé est PCORD 5 (Soumana et al., 2012)
Analyse en Composantes Principales (ACP)
L’ACP est utilisée pour synthétiser l’information contenue dans un grand nombre de
variables. Les composantes principales issues de la combinaison linéaire des variables
originales, sont de nouvelles variables, possédant chacune une variance maximum qui
permet la représentation graphique de grands tableaux de données trop complexes à
2
décrire par les méthodes graphiques habituelles. Sur la carte factorielle, ces variables sont
représentées par des vecteurs (Legendre & Legendre, 1984). Plus une variable est corrélée à
un axe, plus l’information qu’elle apportait en particulier est maintenant exprimée par cet
axe (figure 2).
Légende :
topographie :
DEP
=
dépression, PENEPLAI = pénéplaine,
FIX-DUN = dune fixée ; Texture :
SAND-SILT
=
Sablo-limoneuse,
SAND = sableuse ; FALLOW = jachère
Figure 2. Discrimination des même pâturages (figure 1) à partir d’une NMS appliquée à au à 76
relevés et 162 espèces et, aux variables environnementales, logiciel utilisé est PCORD 5 (Soumana
et al., 2012)
Analyse Canonique des Correspondances (ACC)
Technique directe d’analyse de gradient, l’ACC permet d’élucider les relations existant
entre les relevés (ou espèces) et les variables environnementales (Gauch & Wentworth,
1976 ; ter Braak, 1986 ; Palmer, 1993). Un autre avantage de cette technique est de tester la
signification des variables environnementales sur la distribution des espèces en utilisant le
test de permutation de Monte Carlo. A la place de l’ACC, on peut utiliser l’Analyse
Canonique de Redondance (ACR) (figure 3).
0.8
Axe 2
Ae_Sl
Ca++
Bs_Cb
Mg++
CEC
Pass.
S
pH
Gt_Cs
At_Dh
C/N
Ba_Sp
Sp_Br
Sb_Bx
CE
Ptot.
Lp_As
C
-0.6
An_Ec
-0.6
Axe 1
1.0
Légende :
Lp_As : Groupement
à
Leptadenia pyrotechnica- Aristida sieberiana
; Sb_Bx : groupement à Sclerocarya birreaBrachiaria
xantholeuca
;
At_Dh : groupement à Acacia tortilisDigitaria
horizontalis
;
Bs_Cb :
groupement à Boscia senegalensis-Cenchrus
biflorus ; Ba_Sp : groupement à Balanites
aegyptiaca- Setaria pallide fusca ;
Sp_Br : groupement à Salvadora persicaBrachiaria ramosa ; Gt_Cs : groupement à
Grewia tenax-Cymbopogon schonantus ;
Ae_Sl : groupement
à
Acacia
erhenbergiana-Sesbania leptocarpa ; An_Ec :
groupement à Acacia nilotica- Echinochloa
colona
Figure 3. ACC appliquée à neuf groupements végétaux pâturés et aux variables édapho-chimiques
(Ca++, pH, Mg++, CEC, Pass, Ptot, C, S, C/N), le logiciel utilisé est CANOCO 4.5 (Soumana,
2011).
3
b. Les Méthodes de classification ou de groupement (cluster analysis)
Les techniques de classification sont également nombreuses et permettent de repartir les
éléments (espèces ou relevés) d’un ensemble en groupes (cluster), c'est-à-dire une partition
d’un ensemble en groupement (figure 4). Chaque groupe doit être le plus homogène
possible et les groupes doivent être les plus différents possibles entre eux (Chessel et al.,
2004). De plus, one se contente pas d’une partition, mais on cherche une hiérarchie de
partitions, qui constitue un arbre binaire de classification appelé dendrogramme (Podani et
al., 2000). La hiérarchisation peut être ascendante (agglomérative, agrégative), quand elle
associe les objets et les groupent les uns après les autres pour terminer par un seul groupe
ou descendante (divisive), quand elle subdivise les groupes jusqu’à obtenir autant de
groupes qu’il a d’objet (Dufrêne, 1998). Toutes ces méthodes de classifications nécessitent
l’utilisation d’un indice similarité ou de distance (dissimilarité). Dans toutes les
classifications, le choix de l’indice similarité ou de dissimilarité est décisif car les résultats
obtenus sont très différents selon l’indice utilisé. Il existe en effet de nombreux indices de
similarité ou dissimilarité. Sans être exhaustif et entrer dans le détail de des méthodes de
classification, on peut énumérer les indices suivants et leurs algorithmes mathématiques :
o L’indice de Whittaker
o L’indice de Jaccard
o L’indice de Sorensen
Figure 4. Classification hiérarchique de 76 relevés et 162 espèces suivant TWINSPAN (Two-Way
Indicator Species Analysis), le logiciel utilisé est PCORD 5 (Soumana et al., 2012).
4
V. Intérêts et limites d’application
Les techniques d’analyses multivariées utilisées dans l’étude de la typologie des pâturages
sont nombreuses. Cependant elles nécessitent au préalable une bonne connaissance des
plantes, une maitrise des analyses multivariées et des méthodes d’échantillonnage. Après
la discrimination des unités de pâturages, on peut évaluer la quantité et la qualité du
fourrage offert par chaque pâturage. Ceci permet de faire le bilan fourrager annuel et de
reconnaitre les zones de forte ou de faible valeur pastorale.
VI.
Références bibliographiques
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14 (1) : 165-180.
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http ://pbil.univlyon.fr/R/stage/stage4.pdf
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GODRON M., 1971. Quelques aspects de l'hétérogénéité dans les formations herbacées du
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1969, C.N.R.S. - C.E.P.E., document n° 56: 101-114.
Jongmann, R. H. G., ter Braak, C. J. F. & van Tongeren, O. F. R. (Eds.), 1987. Data
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Saadou M., 1984. Contribution à l’étude de la flore et de la végétation des milieux drainés
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Soumana I. 2011. Groupements végétaux pâturés des parcours de la région de Zinder et
stratégies d’exploitation développées par les éleveurs Uda’en. Thèse de Doctorat de
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5
ter Braak, C.J.F., 1988. CANOCO a FORTRAN program for canonical community
ordination by (partial) (detrended) (canonial) correspondance analysis, principal
components and redundancy analysis (version 2.1) - Updated in 1990 (version 3.1).
Agricultural Mathematics Group, Ministry of Agriculture and Fisheries, Wageningen, 95
+ 35 pp.
Ter Braak C. J. F. 1986. Canonical correspondence analysis: a new eigenvector technique
formultivariate direct gradient analysis. Ecology, 67, 1167-1179.
SOUMANA Idrissa, Département de Productions Animales (DPA), Institut National de la
Recherche Agronomique du Niger (INRAN), BP : 429, Niamey/Niger, mail : [email protected]
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