devient objet de choix et d’élaboration personnelle” (Beck, 2001: 290). Sur
la lancée, “il faut développer, pour les besoins de sa propre survie, une
image du monde centrée sur le moi, qui renverse en quelque sorte le rapport
entre le moi et la société, et l’adapte aux objectifs de l’organisation indi-
viduelle de l’existence” (2001: 291).
Aux yeux de Beck, les ratés des vecteurs de socialisation que
représentent notamment la famille et la classe sociale contribuent large-
ment à rendre aujourd’hui l’individu responsable de sa vie en société à
son échelle et sous son propre chef. De nos jours, les valeurs et les
normes ne parviennent plus à être la règle en société et, faute d’un
régime normatif commun, chaque individu se voit conséquemment
obligé de “bricoler” son programme de vie aux couleurs de sa propre
individualité. Autrement dit, il est désormais contraint de souscrire à
l’injonction d’“agir de soi-même” en mobilisant d’office sa réflexion
afin d’établir son individualité face à la gamme des choix qu’il doit
régulièrement faire.
L’érosion des religions et des traditions, l’éclatement de la famille, la
flexibilité du travail et la fragmentation de la culture ont rendu caducs les
modes de vie qui, jadis, s’étaient tour à tour imposés à l’échelle de la
société et à chacun de ses membres. La vie individuelle s’axe dorénavant
sur l’ego (Kaufmann, 2001) et, par ricochet, revêt, comme la société, des
formes à géométrie variable. En effet, l’individu n’est désormais plus
imbibé par les règles sociales induites sous la pression de la socialisation
et peut de ce fait ménager lui-même ses motivations pour agir. La société
peut difficilement en contrepartie leur offrir un “programme unique”,
mais une sorte de menu à la carte. La réflexivité s’accroît en conséquence
à l’échelle individuelle puisque tout un chacun demeure libre de con-
cevoir son action à sa guise selon le sens qu’il a le loisir de lui conférer.
La sociologie fourmille à cet égard d’études qui scrutent la vie quot-
idienne dans l’intention de débusquer en acte la “démocratisation de la
vie individuelle” en vertu de laquelle “l’individu choisit sa vérité, sa
morale, ses liens sociaux et son identité” (Kaufmann, 2001: 112). La vie
des individus se forge au gré d’une série d’épreuves (Martuccelli, 2006)
qui forment leur personnalité, leur identité et leur position sociale à la
lumière de leurs expériences subjectives dont la singularité naît de leur
compréhension de soi et de leur propre intelligence de la société.
Le relâchement des instances et des médiations collectives, pour ne
pas dire sociales, a apparemment induit une “distance subjective”
(Dubet, 1994: 96) propice à la réflexivité devenue responsable de l’ind-
ividualité. En effet, le déclin de la normativité a immanquablement jeté
du lest entre l’individu et la société, le forçant à se reconnaître en et pour
Hamel Réflexions sur la réflexivité 473