Social Science Information http://ssi.sagepub.com/ Réflexions sur la réflexivité en sociologie Jacques Hamel Social Science Information 2007 46: 471 DOI: 10.1177/0539018407079727 The online version of this article can be found at: http://ssi.sagepub.com/content/46/3/471 Published by: http://www.sagepublications.com On behalf of: Maison des Sciences de l'Homme Additional services and information for Social Science Information can be found at: Email Alerts: http://ssi.sagepub.com/cgi/alerts Subscriptions: http://ssi.sagepub.com/subscriptions Reprints: http://www.sagepub.com/journalsReprints.nav Permissions: http://www.sagepub.com/journalsPermissions.nav Citations: http://ssi.sagepub.com/content/46/3/471.refs.html >> Version of Record - Aug 16, 2007 What is This? Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Theory and methods Théorie et méthodes Jacques Hamel Réflexions sur la réflexivité en sociologie Résumé. Cet article envisage la réflexivité surgie de l “individualisation de la vie sociale” née des mutations des sociétés actuelles et qui, par exemple, oblige la sociologie à concevoir son objet à nouveaux frais. Comment définir exactement l’individualité dans cette perspective? Quel statut conférer aux propos des individus qui évoluent dans ce cadre? Après avoir cerné ce à quoi correspond exactement la réflexivité, l’auteur cherche à nuancer les thèses en vogue sur le sujet en prenant pour illustration les théories de P. Bourdieu et d’A. Giddens qui lui permettent de concevoir le sens commun comme connaissance pratique et l’individualité comme médiation obligée pour atteindre le social. La réflexivité de la sociologie est finalement abordée afin de montrer que, de nos jours, la connaissance sociologique alimente la connaissance pratique que mobilisent les individus pour, à leur niveau, rendre raison de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Mots-clés. Individualisation de la vie sociale – Réflexivité – Théorie sociologique Abstract. This article considers the reflexivity that arises from the “individualization of social life,” which is the result of changes in current societies and which, for example, forces sociology to consider its purpose at a new cost. How exactly is individuality to be defined from this perspective? What status is to be conferred on the statements of individuals who are operating in such a framework? Having defined precisely to what reflexivity corresponds, the author seeks to qualify the theses currently held on this topic, as illustrated by the theories of P. Bourdieu and A. Giddens, which provide an opportunity to conceive of common sense as practical knowledge and individuality as the mediation required to attain the social. The reflexivity of sociology is finally addressed in order to show that today, sociological knowledge fuels the practical knowledge that individuals mobilize to make sense, at their own level, of what they are and what they do. Key words. Individualization of social life – Reflexivity – Theory of sociology Social Science Information © SAGE Publications 2007 (Los Angeles, London, New Delhi and Singapore), 0539–0184 DOI: 10.1177/0539018407079727 Vol 46(3), pp. 471–485; 079727 Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 472 Social Science Information Vol 46 – no 3 La réflexivité semble à bien des égards la question à l’ordre du jour de la sociologie, qu’elle soit du reste d’obédience française ou anglo-saxonne (Beck, Giddens et Lash, 1994; Woolgar, 1988). Les considérations de toutes sortes abondent sur le sujet. En effet, la notion, surgie des mutations des sociétés contemporaines, vient relancer les débats à propos du statut conféré à la réflexion des individus et celui concédé aux individus eux-mêmes dans l’élaboration de la connaissance sociologique. Tout compte fait, les discussions en la matière mettent en cause l’objet même de la sociologie qu’on cherche, pour ainsi dire, à concevoir à nouveaux frais. Si, à l’évidence, elle s’emploie à expliquer la société, force est d’admettre que celle-ci n’est saisissable que par le truchement des individus qui gravitent dans son orbite, sinon de ce que ces derniers en disent à la lumière de leur propre expérience de la vie sociale. Comment se conçoit dès lors l’objet des études sociologiques? Quel statut conférer aux propos de tout un chacun qui évolue forcément en société? Comment définir exactement l’individualité dans cette perspective? Voilà quelques-unes des questions que la réflexivité ramène sur le tapis. On doit, en outre, reconnaître que la notion semble en vogue afin de battre en brèche les théories sociologiques dites classiques, celle de Pierre Bourdieu par exemple, pour le motif de la vision déterministe de la vie sociale qu’elle sous-tend d’emblée et qui réduit à néant la figure de l’individu et sa capacité réflexive en société. Cet article cherche à envisager et à nuancer les questions que soulève la réflexivité en y voyant même de faux débats. Qu’est-ce que la réflexivité? La réflexivité paraît chez nombre d’auteurs comme la propriété de la vie sociale née du développement des sociétés actuelles. En bref, elle correspond à l’“individualisation de la vie en société” qu’Ulrich Beck associe étroitement à la “décomposition et à l’abandon des modes de vie de la société industrielle (classe, strate, rôle sexué, famille)” pour ceux sur la base desquels “les individus construisent, articulent et mettent en scène leur propre trajectoire individuelle” (Beck, 2001: 283) à la lumière de leur connaissance de la vie sociale. La société devient ainsi “liquide” puisque, aux yeux de Zygmunt Bauman (2006: 7), “les conditions dans lesquelles ses membres agissent changent en moins de temps qu’il n’en faut aux modes d’action pour se figer en habitudes et en routines”. En d’autres termes, les parcours biographiques des individus en société “deviennent ‘autoréflexifs’; ce qui était le produit de déterminations sociales Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 473 devient objet de choix et d’élaboration personnelle” (Beck, 2001: 290). Sur la lancée, “il faut développer, pour les besoins de sa propre survie, une image du monde centrée sur le moi, qui renverse en quelque sorte le rapport entre le moi et la société, et l’adapte aux objectifs de l’organisation individuelle de l’existence” (2001: 291). Aux yeux de Beck, les ratés des vecteurs de socialisation que représentent notamment la famille et la classe sociale contribuent largement à rendre aujourd’hui l’individu responsable de sa vie en société à son échelle et sous son propre chef. De nos jours, les valeurs et les normes ne parviennent plus à être la règle en société et, faute d’un régime normatif commun, chaque individu se voit conséquemment obligé de “bricoler” son programme de vie aux couleurs de sa propre individualité. Autrement dit, il est désormais contraint de souscrire à l’injonction d’“agir de soi-même” en mobilisant d’office sa réflexion afin d’établir son individualité face à la gamme des choix qu’il doit régulièrement faire. L’érosion des religions et des traditions, l’éclatement de la famille, la flexibilité du travail et la fragmentation de la culture ont rendu caducs les modes de vie qui, jadis, s’étaient tour à tour imposés à l’échelle de la société et à chacun de ses membres. La vie individuelle s’axe dorénavant sur l’ego (Kaufmann, 2001) et, par ricochet, revêt, comme la société, des formes à géométrie variable. En effet, l’individu n’est désormais plus imbibé par les règles sociales induites sous la pression de la socialisation et peut de ce fait ménager lui-même ses motivations pour agir. La société peut difficilement en contrepartie leur offrir un “programme unique”, mais une sorte de menu à la carte. La réflexivité s’accroît en conséquence à l’échelle individuelle puisque tout un chacun demeure libre de concevoir son action à sa guise selon le sens qu’il a le loisir de lui conférer. La sociologie fourmille à cet égard d’études qui scrutent la vie quotidienne dans l’intention de débusquer en acte la “démocratisation de la vie individuelle” en vertu de laquelle “l’individu choisit sa vérité, sa morale, ses liens sociaux et son identité” (Kaufmann, 2001: 112). La vie des individus se forge au gré d’une série d’épreuves (Martuccelli, 2006) qui forment leur personnalité, leur identité et leur position sociale à la lumière de leurs expériences subjectives dont la singularité naît de leur compréhension de soi et de leur propre intelligence de la société. Le relâchement des instances et des médiations collectives, pour ne pas dire sociales, a apparemment induit une “distance subjective” (Dubet, 1994: 96) propice à la réflexivité devenue responsable de l’individualité. En effet, le déclin de la normativité a immanquablement jeté du lest entre l’individu et la société, le forçant à se reconnaître en et pour Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 474 Social Science Information Vol 46 – no 3 lui-même, et l’obligeant à réfléchir sur sa vie afin que celle-ci ait la touche d’une élection personnelle qui aujourd’hui vaut sésame. Un nouvel objet pour la sociologie? Selon toute vraisemblance, la sociologie est forcée en pareilles conditions de redéfinir l’objet même qui lui donne sa raison d’être et son droit. En effet, comment étudier la société sous son égide en laissant l’individu dans l’ombre comme il semble de rigueur depuis ses débuts? Comment l’expliquer en faisant fi de la réflexion des individus tenue péjorativement pour sens commun sous le coup de la rupture épistémologique propre au métier de sociologue (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968) en vertu de laquelle la théorie sociologique doit d’emblée s’opposer à la connaissance individuelle peuplée de prénotions vues comme “représentations schématiques et sommaires qui sont formées par la pratique et pour elle, et qui tiennent leur évidence et leur autorité des fonctions sociales qu’elles remplissent” (1968: 28) et que Bourdieu associe à une “sociologie spontanée” dont il faut se méfier à tout prix. L’objet de la sociologie, on le sait, correspond depuis Marx et Durkheim non pas aux individus qui composent la société, mais aux relations qu’ils nouent et en vertu desquelles s’érigent des “forces” ou des “contraintes” dont les propriétés se révèlent irréductibles à l’action et à la conscience individuelles. Selon Durkheim, par exemple, la société, aux yeux des sociologues, est “plus et autre chose” que la “somme des relations concrètes que nouent les individus entre eux”. La sociologie prend pour objet un “ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux: ils consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui” (Durkheim, 1988: 96). Par le fait, il affirme dans cette veine que la “vie sociale doit s’expliquer, non pas par la conception que s’en font ceux qui y participent, mais par des causes profondes qui échappent à la conscience” (Durkheim, 1897: 648). Bref, l’objet susceptible de produire la connaissance sociologique ne peut nullement être élaboré à l’échelle individuelle et sur la base de la conscience des individus qui évoluent dans le rayon de la société. L’anthropologie est venue conforter cette vision à bien des égards, elle qui, avec notamment Margaret Mead et Ruth Benedict, avance que les rites et les traditions qui, à leur niveau, orchestrent la vie des individus en société induisent en eux, dans leur corps, les règles qui les gouvernent sous la forme de patterns qui outrepassent leurs actions et Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 475 pensées (voir Deliège, 2006: 108 et suiv.). Le structuralisme lévi-straussien a donné sa version canonique à cette perspective qui, à l’instar de la sociologie classique, bat de l’aile face à la réflexivité propre à donner aux individus des figures singulières. La désuétude de la sociologie classique, un exemple La théorie de Pierre Bourdieu, par exemple, est taillée en pièces du fait qu’elle s’élabore “contre l’idée d’une pratique orientée rationnellement, intentionnellement, volontairement vers des fins explicites, contre l’idée d’une réflexivité, d’une conscience consciente, systématique et calculatrice” (Lahire, 1998: 171). Sous l’influence de Durkheim et de l’anthropologie, Bourdieu envisage en effet les individus sous l’angle des “relations dans lesquelles ils s’insèrent”, celles-ci apparaissant “largement indépendantes des volontés et des consciences individuelles” (Bourdieu, 1992: 72) selon la célèbre formule de Marx qu’il se plaît à citer. Selon lui, en établissant des relations entre eux, les règles de la vie sociale s’infiltrent progressivement dans les individus, dans leurs corps, et forment l’habitus qu’il conçoit comme “l’ensemble des relations historiques déposées au sein des corps individuels sous la forme de schémas mentaux et corporels de perception, d’appréciation et d’action” (Bourdieu, 1992: 24). L’habitus, dans son esprit, correspond en réalité à des inclinations ou des dispositions qui, incorporées dans le corps, gouvernent l’action des individus sans que ses mobiles et ses motivations ne fassent expressément l’objet d’une réflexion. Le sportif illustre éloquemment l’habitus et la conception que se fait Bourdieu de l’individu, de son action et de sa réflexivité.1 Les coups du boxeur aguerri, par exemple, n’obéissent pas à un calcul rationnellement et consciemment élaboré, propre à soupeser les possibilités qui surgissent dans le feu de l’action, mais au “sens du jeu” qui s’est progressivement incorporé dans son corps à force d’entraînement et de pratique et qui le conduit à saisir d’emblée les coups dirigés vers lui ou à asséner à son vis-à-vis sans avoir besoin d’y réfléchir ou de les poser consciemment comme fin explicite de son action.2 Les coups livrés par le boxeur complètement investi dans le combat échappent ainsi largement à sa conscience et correspondent en définitive à “la seule chose à faire” comme le veut sa conception de l’habitus qui est “au principe de ces enchaînements de coups qui sont objectivement organisés comme des stratégies sans être le produit d’une véritable intention stratégique” (Bourdieu, 1980: 104). Ils ne font pas l’objet de mûres Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 476 Social Science Information Vol 46 – no 3 réflexions dans les circonstances parce qu’ils apparaissent sous le mode de l’évidence qui, chez Bourdieu, donne forme à la violence symbolique de laquelle naît la domination à l’échelle du jeu social. Dans cette optique, les individus agissent sous la tutelle des règles induites par le jeu des relations dans lesquelles ils s’insèrent, règles qui échappent à leur conscience puisqu’elles paraissent “évidentes”, “naturelles”, “allant de soi” par le fait qu’elles ne sont pas l’objet de réflexions au sens strict de ce terme. La réflexivité surgie de l’individualisation de la vie sociale vient donc sérieusement miner la pertinence de la théorie de Bourdieu associée de surcroît à un structuralisme aujourd’hui désuet pour expliquer justement les sociétés actuelles. La redécouverte en France de l’ethnométhodologie mise au point par Harold Garfinkel a également contribué à la reléguer en marge. A l’encontre de la tendance à considérer en sociologie l’acteur social comme un “idiot culturel” (cultural dope) qui se borne à appliquer mécaniquement des “modèles d’action” extérieurs à lui, Garfinkel s’est évertué à axer sa microsociologie sur la réflexivité en acte dans l’action quotidienne au sens où ses artisans sont toujours en mesure d’expliciter ce qu’ils sont en train de faire au gré de leurs relations routinières que notre auteur nomme interactions.3 Les “ethnométhodes” désignent chez lui les procédures du raisonnement que les individus mettent en œuvre dans leurs activités quotidiennes et qui, nées d’un stock considérable de connaissances, peuvent être audacieusement qualifiées de “raisonnements sociologiques pratiques” (Garfinkel, 1967: vii) du fait que les “comptes rendus” (accounts) qu’ils formulent pour rendre des comptes relèvent d’une véritable sociologie spontanée. La sociologie fait figure, par différence, de “compte rendu des comptes rendus” (account of accounts) quand elle cherche à expliquer. Dans cette optique, il ne saurait y avoir d’opposition entre cette “sociologie spontanée” et la “sociologie professionnelle” (1967: vii) par contraste avec la rupture épistémologique qui est de rigueur notamment dans la sociologie classique que représente Bourdieu. Le préfixe “ethno” fait allusion, d’une façon ou d’une autre, au “savoir quotidien de la société en tant que connaissance de tout ce qui est à la disposition d’un des ses membres” (Garfinkel, 1985: 5). L’écoute de jurés chargés de décider du verdict au terme d’un procès tenu à la cour de Wichita lui a révélé, preuves à l’appui, que les individus en présence “étaient préoccupés par des notions telles que compte-rendu adéquat, description adéquate, preuve adéquate. Ils ne voulaient pas ‘avoir de sens commun’ lorsqu’ils utilisaient des notions Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 477 de sens commun. Ils voulaient suivre la légalité” (1985: 5). Les individus en présence dans les circonstances faisaient preuve de la capacité à réfléchir et à formuler le “raisonnement sociologique” susceptible de traduire leur vision de la société qui intente procès en l’occurrence. Il en résulte, dans cette perspective, que tout fait social ne peut échapper à la conscience des individus qui, en leur qualité d’acteurs sociaux, peuvent être considérés comme “sociologues” pour la raison qu’ils font preuve de réflexivité et se révèlent sans conteste les maîtres-d’œuvre de leurs actions respectives. La réflexivité, dans cette voie, fait office de notion qui, chez Garfinkel, conçoit le langage grâce auquel se formulent les “raisonnements sociologiques pratiques” en tant que vecteur de description et d’élaboration consciente de la vie sociale. La théorie de la réflexivité (voir Bonny, 2004) a gagné du terrain sur ce plan en s’opposant aux théories classiques responsables de l’éclipse de l’individu et de sa réflexivité dans l’orbite sociologique. Elle est toutefois sujette au débat chez des auteurs, comme Alain Ehrenberg, selon lesquels la société ne peut nullement être considérée “comme un tas d’expériences individuelles reposant sur la subjectivité de chacun”. Car la société, à l’ère du déclin de la normativité, semble correspondre strictement à des “relations intersubjectives” en vertu desquelles “l’individu produirait à lui seul, subjectivement et grâce à sa capacité réflexive, le lien social dans ses interactions avec d’autres sujets” (Ehrenberg, 2005: 201). Quel statut conférer à la réflexivité? Le débat, on le voit, se joue donc autour de l’épineuse question de la réflexivité et du statut qui doit lui être conféré dans l’élaboration de l’objet apte à produire la connaissance sociologique. Car, il faut bien le reconnaître, comme dans ce manuel de base qu’est le Métier de sociologue, que la “malédiction de la sociologie est d’avoir affaire à un objet qui parle” (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968: 56–7). En effet, contrairement à l’objet d’autres sciences, celui de la sociologie – peu importe son orientation théorique et méthodologique – n’est saisissable que par le truchement de la conscience ou de la connaissance des individus dont le langage se révèle la clef de voûte, comme le constate pertinemment Garfinkel. L’affirmation a ici valeur de truisme puisque, depuis sa naissance, la sociologie prend le visage d’une entreprise basée sur des moyens – voire des “méthodes” – capables de recueillir les propos des individus afin de donner corps à la “société”. En effet, les sociologues, nonobstant leur obédience théorique, conduisent des enquêtes Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 478 Social Science Information Vol 46 – no 3 qui font continuellement appel au sondage ou aux entrevues, toujours réalisés auprès d’individus, afin de cerner leur objet d’étude qui, par principe, doit avoir trait à la société, y compris à l’heure de l’“individualisation de la vie sociale”. Les artisans de la sociologie sont donc confrontés d’office à ce problème: quelle valeur donner aux propos tenus par les individus dans ce cadre? Ou, plus généralement, sur le plan épistémologique, quel statut leur conférer face à cette entreprise qui est d’élaborer la connaissance capable d’expliquer à l’échelle de la société? Sans vouloir retracer les réponses apportées à ces questions, la sociologie, notamment sous la plume de Bourdieu, a d’abord eu tendance à envisager les propos des individus placés sous sa loupe à la lumière du statut qui est consenti à ces derniers et qui fait que “dès qu’il réfléchit sur sa pratique, l’[individu] perd toute chance d’exprimer la vérité de sa pratique” (Bourdieu, 1980: 152). En d’autres termes, l’individu ne peut à son niveau rendre compte de son action sous l’éclairage de la connaissance établie à l’échelle sociale. La connaissance sociologique se forme par conséquent grâce au “principe souverain d’une distinction sans équivoque entre le vrai et le faux” (Bourdieu, Chamboredon et Passeron, 1968: 47) qu’orchestre la rupture épistémologique qui crée ainsi une opposition entre les deux formes de connaissance en jeu dans l’entreprise sociologique et qui ouvre cette dernière à l’explication attendue de la science. Les théories de la réflexivité formulées à la lumière de l’“individualisation de la vie sociale” sont le fait d’auteurs qui cherchent précisément à nuancer ce statut conféré en sociologie à la connaissance qu’ont les individus de leur action en société. Anthony Giddens, pour ne nommer que lui, propose avec audace de leur reconnaître une “capacité réflexive”, “constamment engagée dans le flot des conduites quotidiennes et dans les divers contextes de l’activité sociale” (Giddens, 1987: 33). La réflexivité s’ancre “dans le contrôle continu de l’action qu’exerce chaque être humain qui, en retour, attend des autres qu’ils exercent aussi un contrôle semblable” (1987: 51). Il note toutefois que la réflexivité n’opère qu’en partie au niveau discursif: “ce que les [individus] savent de ce qu’ils font et ce pourquoi ils le font relève davantage de la conscience pratique” (Giddens, 1987: 51) qu’il a soin de distinguer de la “conscience discursive”. La compétence réflexive des individus tient à “tout ce qu’ils connaissent de façon tacite, tout ce qu’ils savent faire dans la vie sociale sans pour autant pouvoir l’exprimer directement de façon discursive” et en cela elle se révèle conscience pratique. La conscience discursive s’exerce pour sa part quand Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 479 “la rationalisation des conduites prend la forme de raisons formulées verbalement” (p. 344), rationalisation toutefois limitée par l’inconscient qui, chez Giddens, “inclut les formes de cognition ou d’impulsion qui sont totalement refoulées, ou qui n’apparaissent dans la conscience qu’une fois déformées” (p. 53). Dans cette optique, la sociologie tend donc à reconnaître que “tous les acteurs sociaux ont une connaissance remarquable des conditions et des conséquences de ce qu’ils font dans leur vie de tous les jours” (Giddens, 1987: 343). Selon Giddens, si en général les acteurs peuvent “donner un compte rendu discursif de ce qu’ils font et des raisons pour lesquelles ils le font” (p. 343), pour l’essentiel leur compétence réflexive “s’enchâsse dans le cours des conduites quotidiennes” qui, répétitives, forment ce qu’il appelle la “routine”, laquelle “loge surtout dans la conscience pratique et s’insère comme un coin entre le contenu potentiellement explosif de l’inconscient et le contrôle réflexif de l’action qu’exercent les individus” (p. 33). L’élaboration de l’objet sociologique se complique singulièrement dans cette voie. En effet, Giddens reconnaît certes, à son grand mérite, la capacité réflexive des individus en leur attribuant même une compétence en la matière, mais les raisons qui éclairent leur action peuvent être verbalisées en partie, par le fait qu’ils “peuvent mettre en mots des choses” (1987: 93), mais qui tendent pour l’essentiel à être refoulées dans l’inconscient et, sous sa tutelle, disparaître de la conscience discursive ou y affleurer de manière “déformée”. S’ils acceptent de répondre aux questions des sociologues, les individus auront certes l’occasion de verbaliser certaines des raisons qui motivent leur action tandis que d’autres s’évaporent puisqu’elles sont refoulées dans l’inconscient qui renvoie, dans la théorie psychanalytique, à “l’incapacité d’une personne d’exprimer de façon verbale ce qui l’incite à l’action” (1987: 93). Outre en jouant au psychanalyste, comment les sociologues peuvent-ils atteindre la réflexivité des acteurs qui se dérobe de leur conscience discursive? Si elle apparaît comme le fer de lance de l’action, individuelle et sociale, la réflexivité semble toutefois difficilement saisissable en fonction de la capacité à verbaliser reconnue aux individus dans la perspective qui veut qu’ils puissent “agir de soi”. Connaissance pratique et connaissance sociologique, une relation réflexive? Sur cette base, on est bien plutôt fondé à penser que les raisons de l’action disparaissent de la réflexion des acteurs, non pas parce qu’elles se Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 480 Social Science Information Vol 46 – no 3 réfugient dans leur inconscient, mais par le fait de la nature routinière de leur action qui les laisse apparaître sous le mode de l’évidence selon la vision de Bourdieu. En effet, l’auteur par excellence de la sociologie classique, apparemment fermée à la réflexivité, en est venu à nuancer audacieusement sa conception du sens commun et, par ricochet, le statut qu’il lui confère. A la lumière de son enquête sur la Misère du monde, Bourdieu tend à l’associer à des “routines de la pensée” (Bourdieu, 1994: 9) par contraste avec la “sociologie spontanée” à laquelle elle correspond dans le Métier de sociologue sous un statut extrêmement péjoratif comme on l’a noté précédemment. En ce sens, les individus rendent raison de leurs actions en termes de “réalités substantielles”, c’est-à-dire en fonction d’individus, d’événements, de contextes et autres éléments tangibles propres à l’orbite dans laquelle ils gravitent. La réflexivité dont ils font preuve à cet égard se formule ainsi sous forme de raisons pratiques qui, sans conteste, peuvent être conçues comme connaissance de cet ordre. La connaissance pratique donne corps à des “routines de pensée”, celles de la “pensée ordinaire du monde social” (Bourdieu, 1994: 9). Le terme routine sous sa plume vient qualifier la nature de l’action des individus d’être répétitive, exactement comme chez Giddens. Sur cette base, la connaissance pratique qu’affichent les individus tend à rendre raison de leur action sous le mode du “naturel”, du “gros bon sens”, du “c’est comme ça” ou de l’“évidence” qui correspond chez Bourdieu à la violence symbolique qu’il s’emploie à nuancer en avançant qu’elle tient moins à leur domination – néanmoins indéniable – qu’à la nature routinière de leur action. Parallèlement, la réflexivité des individus s’exprime sous la forme de la connaissance pratique qui, sans l’ombre d’un doute, correspond à la conscience de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font que Giddens conçoit comme conscience pratique. Les individus la formulent dans leurs termes quand il s’agit pour eux de verbaliser les raisons qui motivent leurs actions en ce que Giddens appelle, semblablement à Garfinkel, des compte-rendus discursifs. Or, sous ce mode, les raisons invoquées par les individus, loin de s’enfouir dans l’inconscient, sont verbalisées. En effet, faisant état de ses entretiens avec les acteurs sociaux appelés à témoigner de la misère du monde, Bourdieu souligne à ce propos que “les enquêtés, surtout parmi les plus démunis, semblent saisir cette situation [l’entretien sociologique] comme une occasion exceptionnelle qui leur est offerte de témoigner … de s’expliquer, au sens le plus complet du terme, c’est-à-dire de construire leur point de vue sur eux-mêmes et sur le monde, et de rendre manifeste le point, à l’intérieur de ce monde, à partir duquel ils se voient eux-mêmes et voient le monde, et deviennent Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 481 compréhensibles, justifiés, et d’abord pour eux mêmes” (Bourdieu, 1993: 915) et cela “sans aucune intention de dissimulation”. Sans nul doute, les individus sont capables de verbaliser les raisons susceptibles de rendre compte de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Bourdieu ajoute du même élan qu’ils formulent toutefois les raisons propres à éclairer leurs actions sur le mode de l’évidence ou du sens commun, c’est-à-dire en termes de réalités substantielles que sont les individus, les circonstances ou les événements qui s’inscrivent dans la routine sans qu’il y ait de leur part l’intention de dissimuler quoi que ce soit. La réflexion des individus s’exprime totalement sous ce mode et il est exagéré de penser que des raisons propres à expliquer leur action doivent être recherchées en fouillant l’inconscient du fait qu’ils seraient incapables de les verbaliser ou de les traduire en mots. La connaissance sociologique susceptible de l’expliquer doit forcément se baser sur la connaissance pratique qu’ont les individus de leur propre action qu’on aurait toutefois tort de considérer hâtivement, à l’instar de Garfinkel, comme “raisonnement sociologique pratique” identique à celui de la “sociologie professionnelle”. Car l’entreprise que commande la sociologie sous-entend d’office une rupture épistémologique que Bourdieu conçoit désormais avec nuances comme “une rupture plus ou moins éclatante avec les évidences du sens commun, communément identifié au bon sens” (Bourdieu, 1993: 918–19). Il a soin d’ajouter à ce propos que cette rupture s’impose par le fait que “les agents sociaux n’ont pas la ‘science infuse’ de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font; plus précisément, ils n’ont pas nécessairement accès au principe de leur [action]” (1993: 918–19). En d’autres termes, les individus vont réfléchir sur leur action dans les termes de leur connaissance pratique, non pas en vertu de ceux qui sont propres à la connaissance sociologique. En effet, les individus, à leur niveau, tendent à l’éclairer sur la base de “réalités substantielles” plutôt qu’en termes de “relations objectives que l’on ne peut ni montrer ni toucher du doigt et qu’il faut conquérir, construire et valider par le travail scientifique” (Bourdieu, 1994: 9). Voilà ce que sont l’objet et l’enjeu de la connaissance sociologique face à la capacité réflexive qu’affichent les individus à l’égard de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font en société, et qui forge leur connaissance pratique. La sociologie, une “connaissance d’une connaissance” L’objet de la sociologie correspond donc dans cette veine aux “relations objectives” dans lesquelles les individus s’insèrent pour agir en société. Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 482 Social Science Information Vol 46 – no 3 La théorie de Bourdieu les conçoit à la lumière du capital – c’est-à-dire l’ensemble des ressources et des pouvoirs de différentes espèces – que mobilisent les individus selon leur habitus qui, on l’a vu, correspond à des schémas mentaux et corporels de perception, d’appréciation et d’action. La combinaison du capital et de l’habitus détermine en théorie la position de l’individu dans l’espace qu’est le champ susceptible de la représenter sous la forme d’une géométrie sociale qui prend corps au gré de points unis par des “relations objectives”. La connaissance sociologique a donc pour enjeu de puiser les éléments susceptibles de donner leurs visages au capital et à l’habitus dans la connaissance pratique des acteurs en vertu de laquelle ils sont formulés – pour ne pas dire verbalisés – en termes de réalités substantielles: individus, contextes, événements et autres éléments tangibles. Aux yeux de Bourdieu, la sociologie se révèle à cet égard, une “connaissance d’une connaissance” (Bourdieu, 1992: 103), preuve ironique qu’on a affaire à un auteur ouvert à la réflexivité. En effet, dans son esprit, la connaissance qu’affichent les individus tient lieu de point de départ de l’entreprise qui s’amorce dès l’élaboration de l’objet susceptible d’engendrer en dernier ressort la connaissance dite sociologique. La connaissance pratique sert de base grâce à laquelle la connaissance sociologique cherche à expliquer en transposant les raisons formulées sur le mode de l’évidence en termes de “réalités substantielles” sous la forme de “relations objectives”. Si l’on reprend l’exemple de la théorie de Bourdieu, l’explication sociologique surgit, dans cette perspective, de la transposition de la connaissance pratique basée sur des “réalités substantielles” en connaissance théorique axée sur les notions d’habitus et de capital propices à l’élaboration de la géométrie sociale destinée à les représenter sous ce mode afin d’en rendre raison sur le plan théorique. Expliquer correspond donc à combiner les concepts et à en régler l’articulation sur la base de la compréhension de la connaissance pratique des individus et du jeu épistémologique que la sociologie met en œuvre sous la forme de la “connaissance d’une connaissance” déjà signalée et qui amène Bourdieu à affirmer avec audace que “contre la vieille distinction diltheyenne, il faut poser que comprendre et expliquer ne font qu’un” (Bourdieu, 1993: 910). En effet, la “malédiction d’avoir affaire à un objet qui parle” oblige les sociologues à comprendre la connaissance pratique affichée par les individus en cherchant à la déchiffrer afin de porter au jour le “raisonnement sociologique” qui, dans son giron, s’exprime en termes de “réalités substantielles”. Cela fait, ils doivent du même élan le “traduire” ou, plus exactement, l’établir au moyen de concepts aptes à produire une représentation Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 483 qui, à l’instar de la géométrie sociale de Bourdieu, engendre d’office une connaissance théorique propice à expliquer. Le “raisonnement sociologique” que renferme la connaissance pratique est d’autre part saisissable à l’échelle individuelle, à l’inverse de la vision développée dans le Sens pratique selon laquelle dès qu’il réfléchit sur son action, l’individu “perd toute chance d’exprimer la vérité” par le fait qu’il est impossible d’y puiser les “relations objectives” susceptibles de l’atteindre, c’est-à-dire d’expliquer dans les termes de la géométrie sociale qui, chez Bourdieu, fait office de connaissance sociologique. Dans cette voie, il affirme avec nuances que “contrairement à ce que pourrait faire croire une vision naïvement personnaliste de la singularité des personnes sociales, c’est la mise à jour des structures immanentes aux propos conjoncturels qui, seule, permet de ressaisir l’essentiel de ce qui fait l’idiosyncrasie de chacun [des individus] et toute la complexité singulière de leurs actions et de leurs réactions” (Bourdieu, 1993: 916). L’objet de l’analyse, autrement dit ce que l’analyse sociologique cible dans les propos conjoncturels qu’est la connaissance pratique, donne corps aux “relations objectives” posées comme explicatives et, à cet égard, la singularité de l’individu n’y change rien. La sociologie se révèle de la sorte réflexive et capable de concevoir l’individualité sous son égide selon un statut qui n’est en rien péjoratif. Les débats sur la réflexivité et sur “l’individualisation de la vie sociale” ont le mérite de le rappeler sans toutefois pouvoir prétendre que la sociologie fait peau neuve en abordant ces sujets. En manière de conclusion: la valeur réflexive de la sociologie Si la sociologie se révèle enfin une “connaissance d’une connaissance”, c’est-à-dire une connaissance théorique vouée à expliquer sur la base de la connaissance pratique propre à la capacité réflexive des acteurs sociaux, il est opportun de noter pour conclure que la connaissance sociologique a elle-même valeur réflexive. En effet, les explications élaborées par les sociologues, de nos jours répercutées par les médias et la culture de masse, s’infiltrent de bien des manières dans la connaissance pratique qu’ont les individus de leur action et de leur position sociales. Les théories sociologiques dans ces conditions “vont et viennent continuellement par rapport à leur objet: elles restructurent ce dernier, qui a, pour sa part, appris à penser en termes de sociologie” de telle sorte qu’on est fondé à penser que la “modernité est profondément et intrinsèquement sociologique” (Giddens, 1994: 49). Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 484 Social Science Information Vol 46 – no 3 La connaissance sociologique est donc continuellement en passe de devenir sens commun, car ils sont légion les individus qui rendent raison de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font à la lumière de la connaissance sociologique expurgée de ses concepts et traduite en termes de “réalités substantielles”. Bref, les individus réfléchissent couramment en s’adossant aux explications sociologiques propres à donner tout son éclat à la réflexivité dont ils font preuve à l’égard de leur action et de leur position dans la société. Le jeu réciproque de la “connaissance de la connaissance” qu’orchestre l’entreprise qui a pour nom sociologie se mue sous ces conditions en l’“explication d’une explication” (Geertz, 1998: 80) tant aujourd’hui la capacité réflexive des individus puise dans les explications sociologiques pour rendre raison de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font sans qu’ils ne soient de ce fait “sociologues professionnels”, mais des individus, aujourd’hui comme hier, investis par la réflexivité pour comprendre leur vie quotidienne et la société dans laquelle ils évoluent. Jacques Hamel est professeur titulaire au département de sociologie de l’Université de Montréal et professeur associé à l’Observatoire Jeunes et Société placé sous l’égide de l’Institut national de la recherche scientifique (Urbanisation, culture et société). Spécialiste de la jeunesse, il conduit des enquêtes et des recherches sur les jeunes depuis une quinzaine d’années et publie régulièrement sur le sujet. Il est également l’auteur de nombreux écrits sur l’épistémologie et la méthodologie qualitative en sociologie. Il a récemment publié: “Décrire, comprendre et expliquer. Réflexions et illustrations en sociologie”, SociologieS 2006 [en ligne, http://w3.univ-tlse2.fr/aislf/spip/ article.php3?id_article=150] dans la revue électronique SociologieS de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF) et “Etre en bonne posture sous l’angle de la méthodologie qualitative. Réflexions sur l’objectivation du sujet et de l’objet”, in P. Paillé (dir.) La méthodologie qualitative. Postures de recherche et travail de terrain (Paris, Armand Colin, 2006). Adresse de l’auteur: Département de sociologie, Université de Montréal, Case postale 6128, succursale Centre-ville, Montréal, Québec H3C 3J7, Canada. [courriel: [email protected]] Notes 1. Cette section de l’article s’appuie sur le remarquable mémoire que Baptiste Pizzinat (2006) a soutenu au terme de ses travaux et recherches sur la boxe au département de sociologie de l’Université de Montréal et intitulé La sociologie et le Noble Art. Étude sur la logique de la pratique. 2. Dans son “programme pour une sociologie du sport”, Bourdieu note à ce sujet: “Il y a des foules de choses que nous comprenons seulement avec notre corps, en deçà de la conscience, sans avoir les mots pour le dire. Le silence des sportifs tient pour une part au fait que, quand on n’est pas un professionnel de l’explicitation, il y a des choses qu’on ne sait pas dire, et les pratiques sportives sont de ces pratiques dans lesquelles la compréhension est corporelle” (Bourdieu, 1987: 214). Downloaded from ssi.sagepub.com at UNIVERSITE DE MONCTON on July 31, 2013 Hamel Réflexions sur la réflexivité 485 3. Aaron Cicourel mentionne à cet égard que “le terme ‘ethnométhodologie’ a été utilisé pour la première fois par Harold Garfinkel pour cataloguer l’étude du raisonnement pratique quotidien en tant que fondement de toute activité humaine. Une des considérations essentielles dans l’étude du raisonnement pratique est le fait que les individus utilisent le langage pour décrire le statut empirique de leurs expériences et de leurs activités” (Cicourel, 1979: 133). Références Bauman, Z. (2006) La vie liquide. Paris: Le Rouergue et Chambon. Beck, U. (2001) La société du risque. Paris: Aubier. Beck, U., Giddens, A. et Lash, S. (1994) Reflexive Modernization. Stanford, CA: Stanford University Press. Bonny, Y. (2004) Sociologie du temps présent. Modernité avancée ou postmodernité. Paris: Armand Colin. Bourdieu, P. (1987) “Programme pour une sociologie du sport”, in P. Bourdieu, Choses dites, pp. 203–16. Paris: Editions de Minuit. Bourdieu, P. (1994) Raisons pratiques. Paris: Seuil. Bourdieu, P. 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