Chapitre
1
Introduction
à
la corrosion aqueuse des métaux
Jean-Louis
CROLET
Résumé.
La corrosion aqueuse des métaux est
un
mode complexe de détérioration dont la
compréhension nécessite
une
approche multidisciplinaire, mais qui s'appuie essentiellement
sur l'électrochimie
:
pouvoir oxydant, représentation des phénomènes
...
Dans ce chapitre,
sont abordés les aspects électrochimiques de la corrosion et
le
principe des méthodes
expérimentales qui en découlent. Différentes formes de corrosion font ensuite l'objet de
développements particuliers
:
la corrosion uniforme, la résistance
à
la corrosion et la
passivité, la corrosion
sous
dépôts, la corrosion galvanique, la corrosion caverneuse, la
corrosion par piqûres et la corrosion
sous
tension. Dans ces processus,
le
rôle
des bactéries
se
borne
à
une
modification de la physico-chimie du milieu.
I.
Préambule
1.1
La nécessaire multidisciplinarité
L'eau est le constituant principal de tout être vivant. Beaucoup d'entre eux ne peuvent même
vivre que dans l'eau, qu'ils modifient localement
à
la fois par leurs prélèvements et par leurs
rejets.
Enfin,
la vie se développe uniquement
à
"basse" température, c'est-à-dire pour la plupart
de ces êtres en dessous de 1ûû"C, et en tout état de cause en dessous de la limite théorique
attendue vers
150°C.
Or,
dans cette gamme de température, l'eau et les milieux aqueux constituent le milieu corrosif
par excellencedes métaux. II est donc naturel qu'il
y
ait interaction entre la vie et la corrosion.
Toutefois, ce n'est jamais l'être vivant lui-même qui corrode, mais les modifications qu'il
apporte au milieu corrosif
il
vit
[
1
1.
I1
n'existe que quelques cas d'interactions liées
à
des espèces supérieures, par exemple en milieu
marin entre balanes et aciers inoxydables
[I],
ou entre vers et alliages d'aluminium.
La
plupart
des interactions avec les métaux concernent en effet des micro-organismes et spécifiquement
des
bactéries, d'où le terme de "corrosion bactérienne" (en anglais microbial corrosion
ou
microbially induced corrosion:
MIC).
La
seule façon simple de comprendre la corrosion
bactérienne est de dissocier la question en trois étapes:
-
interaction entre la corrosion et le milieu corrosif: c'est le travail du corrosionniste,
-
interaction entre les bactéries et leur biotope: c'est le travail du microbiologiste,
-
relation entre ce biotope et le milieu corrosif
local:
c'est la corrosion bactérienne dans
les
"biofilms" présents sur les parois.
La
compréhension de cette troisième étape nécessite
évidemment d'avoir accès aux deux disciplines précédentes.
Le
but de ce premier chapitre est donc de présenter la première de ces interactions aussi
simplement que possible,
sans
recourir
à
des connaissances préalables inutilement spécialisées.
Les corrosionnistes et métallurgistes de métier seront peut-être frustrés. Toutefois, avant
d'évoquer une éventuelle trop grande "simplicité" de ce premier chapitre, ils feront bien d'avoir
lu
les trois autres chapitres d'introduction respectivement
à
la corrosion des polymères et
à
la
microbiologie des bactéries et des champignons.
4
J.-L.
Croiet
En d'autres termes,
il
ne s'agit pas ici d'approfondir les quatre disciplines impliquées dans la
biodétérioration des matériaux.
La
nécessaire multidisciplinarité implique en effet que chacun
reste dans
sa
propre discipline,
et
ne rêve pas d'exercer
celle
des autres. En revanche,
il
est
impératif qu'il puisse comprendre la discipline des autres. Cela implique
un
effort pédagogique
de chacun.
En particulier, cette introduction
à
la
corrosion s'est volontairement limitée aux aspects qui
peuvent être nécessaires
à
la compréhension de la corrosion bactérienne.
II
existe également bien
d'autres phénomènes, dérivés
à
des degrés divers de ceux que l'on verra, mais n'apparaissant
que dans des milieux
toute vie est impossible (milieux chauds, acides
ou
alcalis concentrés),
ou
encore
les biofilms sont rendus impossibles par abrasion, agitation, etc. Cette
introduction se veut donc aussi claireque possible,
mais
en aucun cas exhaustive.
1.2
L'incontournable électrochimie
Pour
le profane,
ou
tout simplement pour celui qui subit la corrosion, celle-ci se décrit
a
priori
de trois manières
:
-
par le faciès
:
corrosion uniforme, corrosion par piqûres, corrosion caverneuse (dans les
-
par
la cause
:
corrosion par
02,
CO,,
HIS, H,SO,, HCI, NaOH, NaCI, etc
;
~
par le dommage
:
perte progressive d'épaisseur (en mm/an),
ou
son inverse la durée de vie,
Cette apparente simplicité recouvre en fait une situation inextricable. En effet, toutes les
combinaisons peuvent exister, sans aucun lien logique entre elles. Dans la réalité,
il
faut donc
soigneusement distinguer l'analyse d'un problème de corrosion, qui est en partie celle ci-
dessus, et l'analyse des phénomènes de corrosion eux-mêmes.
Or
ces derniers ne peuvent être
présentés simplement que dans une approche électrochimique, car c'est précisément
le
fondement de la corrosion aqueuse. Certes, cette approche électrochimique est souvent redoutée
du profane,
ou
perçue comme étrangère
à
son problème. En réalité,
il
s'agit
pour
l'essentiel
d'un problème de communication, et
pour
beaucoup le résultat des tâtonnements d'une
gdagogie qui a mis longtemps
à
se trouver
121. En
fait,
il
n'y
a
pas plus simple que
l'électrochimie, dès lors que l'on ne s'ingénie pas
à
la compliquer inutilement.
interstices), corrosion fissurante, etc
...;
percement(en
I
nuit,
I
mois
ou
5
ans), fissuration (lente
ou
foudroyante), etc
...
II.
Les aspects électrochimiques de
la
corrosion
11.1
Nature électrochimique de la corrosion
La
nature électrwhimique de la corrosion esî liée
à
la structure atomique et électrique de la
matière
121.
En effet, cettedernière est constituée de particules élémentaires porteuses de charges
électriques,
les
ions et électrons, et de particules électriquement neutres, les atomes et les
molécules.
La phase métallique solide comprend ainsi (Fig.
I)
:
-.
des ions métalliques
M"'
,
disposés suivant
un
empilement compact rigide: c'est le réseau
cristallin;
~
des électrons de conduction e-, libres de se déplacer n'importe
dans le volume du métal.
Ces électrons libres se comportent comme un
gaz
baignant les ions immobiles du réseau
cristallin.
Ils
confirent
à
la phase métallique les propriétés d'emploi usuelles des métaux,
et
en premier lieu leur très grande condirctibilité électrique.
La
phase aqueuse est
un
liquide, c'est-à-dire
un
empilement compact déformable
et
compressible qui comprend
:
-
des molécules neutres, eau et composés divers
non
dissociés;
-
des ions positifs (cations)
ou
négatifs (anions); c'est la mobilité de ces ions qui confère
à
l'eau sa conductibilité électrique.
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