N°408 - Février 2014
PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INNOVATIONS
zones favorables peuvent être suivies au cours des
programmes de sélection, ce qui permet un déve-
loppement plus rapide des complémentarités entre
parents.
P.A. : Les variétés hybrides permettent-elles seule-
ment de gagner en rendement ?
J.-F. : Non, un effet hétérosis peut être observé
au niveau de bien d’autres caractères : hauteur de
plante, résistance à la maladie, résistance au déficit
hydrique, nombre de feuilles, précocité de floraison…
Il est cependant plus important pour les caractères
les plus complexes tels que le rendement.
P.A. : Doit-on encore attendre un progrès génétique
grâce à l’effet hétérosis ?
J.-F. : En maïs, il y a encore des découvertes. Le po-
tentiel des lignées augmente, à tel point que le rende-
ment de certaines lignées a rejoint celui des premiers
hybrides… Mais les hybrides ne cessent de progresser
parallèlement. L’écart entre lignées et hybrides reste
important ce qui justifie le développement de varié-
tés hybrides pour le maïs. Aujourd’hui, nous travail-
lons sur la base des groupes hétérotiques, qui ras-
semblent des lignées génétiquement assez proches.
Dans les schémas de sélection classiques du maïs,
une variété est choisie pour représenter son groupe
hétérotique, on la nomme testeur, et elle est croi-
sée avec les lignées d’autres groupes hétérotiques
de façon à tester de nouvelles combinaisons. La re-
cherche continue d’explorer des voies d’amélioration,
notamment grâce au projet investissement d’avenir
Amaizing. Depuis 2011 et pour une durée de huit ans,
celui-ci fédère tous les acteurs de la filière pour amé-
liorer la résistance des variétés au déficit hydrique, au
froid ou encore leur capacité à valoriser la nutrition
azotée. Nous essayons de mieux prédire l’effet hété-
rosis. De plus, nous souhaitons mieux utiliser la di-
versité génétique pour produire de nouvelles lignées.
P.A. : Est-il opportun de développer des variétés
hybrides en céréales ?
J.-F. : Il faut bien distinguer les espèces allogames,
telles que le maïs, le tournesol ou le seigle, des es-
pèces autogames comme le blé ou le riz. Ces dernières
se reproduisent par autofécondation. Les variétés dis-
tribuées pour les espèces autogames sont majoritai-
rement des lignées homozygotes. Pour cette catégorie
de plantes, l’effet heterosis est très diminué. Pour un
blé hybride, les gains de rendement dépassent rare-
ment 10 %. Il faut quand même ne pas oublier que l’ef-
fet d’hétérosis est plus fort lorsque les conditions sont
peu favorables, les « mauvaises années ». L’avantage
de ces variétés hybrides doit donc être étudié en plu-
riannuel car il risque d’y avoir peu d’avantage à investir
dans des semences hybrides les bonnes années mais
cet investissement sera payant les mauvaises années.
Les variétés hybrides sont certes plus chères à pro-
duire mais elles restent le moyen le plus rapide de
combiner dans un même génotype les gènes domi-
nants favorables. Les blés hybrides, par exemple,
permettent de réunir plusieurs gènes de résistance
aux maladies.
Les premiers blés hybrides commercialisés en
France ne datent que de 1993. Ce développement
récent s’explique par le fait que des semences
hybrides sont beaucoup plus difficiles à produire.
En maïs, il suffit de couper les panicules (fleurs
mâles) des plantes qui serviront de femelles (elles
ne peuvent plus produire de pollen) pour croiser
les variétés. En blé, c’est une autre histoire. Deux
solutions sont envisageables : utiliser des variétés
mâles stériles puis restaurer la fertilité ou bien uti-
liser un agent chimique d’hybridation. Néanmoins,
le développement d’hybrides en blé peut-être une
piste pour obtenir des variétés mieux adaptées aux
conditions de production ou économes en intrants.
Propos recueillis par Lise Monteillet
Pour un blé hybride, les gains
de rendement dépassent
rarement 10 %. »
Les premiers blés hybrides
commercialisés en France
ne datent que de 1993.
© N. Cornec
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