Le bilan du génocide : 1 million à 1,5 million de morts
Peu de temps après, en mai 1915, c’est le début du génocide, en deux phases successives : de mai à juillet,
dans les sept provinces orientales d’Anatolie et à la fin de l’année 1915 dans les autres provinces
éloignées du front. Dans le reste de l’Empire, les Arméniens sont déportés vers Alep, en Syrie, où une
Direction générale de l’installation des tribus et des déportés répartit les familles selon deux axes : vers le
Sud ou vers l’Est, le long de l’Euphrate, où des mouroirs sont improvisés. Le bilan du génocide fait état de
1 million à 1,5 million de morts, selon diverses estimations qui font autorité. La Turquie, elle, reconnaît le
massacre de 300 000 personnes mais nie sa responsabilité dans le génocide. Seuls survivent un tiers des
Arméniens : ceux de Constantinople, de Smyrne, de la province de Van sauvés par l’avance des Russes et
quelque 100000 déportés des camps du sud de l’Empire. Le 18 mai 1915 : La Grande-Bretagne, la France
et la Russie font savoir qu’elles tiendront personnellement responsables des crimes de la Turquie « contre
l’humanité et la civilisation » tous les membres du gouvernement ottoman. En novembre 1915, la
France s’engage "en accord avec les Alliés" à ne pas oublier "les souffrances atroces des
Arméniens", "lorsque viendra l’heure des réparations légitimes" et "à assurer à l’Arménie une
vie de paix et de progrès". Le 24 juillet 1923 a lieu la signature du Traité de Lausanne qui ne fait
mention ni de l’Arménie, ni des Arméniens. Le départ des troupes françaises provoque de nouveaux
massacres d’Arméniens par les troupes kémalistes. Enfin, en 2001 : La France reconnaît
officiellement le génocide par la loi du 29 janvier mais sans en spécifier l’auteur.
Lors des grands massacres de 1894 et 1897, « Il est convenu que la France ne fera rien » écrit Marcel
Proust.
Ainsi, après avoir détaillé en profondeur le questionnement face à ces évènements, l’auteur en vient à
critiquer le peu de réaction de la politique française face à la persécution arménienne dans l’Empire
ottoman. En effet, tous ces massacres et implications politiques sont le résultat d’un long processus de
conflits prenant place entre la Grèce et la Turquie bien avant 1915. Vincent Duclert note que la
préoccupation française commence à se faire ressentir, mais par le biais d’une mobilisation intellectuelle.
Par exemple, les récits de voyages en Arménie se multiplient. Pourtant lors des grands massacres de 1894
et 1897, « Il est convenu que la France ne fera rien » comme l’écrit Marcel Proust. En effet, Vincent
Duclert pointe du doigt la défaillance des puissances européennes. « La connaissance de première
main issue du travail des diplomates est ignorée, rejetée par les ministres des Affaires
étrangères européens et leur gouvernement. » (p. 62)
Mais pourquoi la France est-elle particulièrement impliqué dans le cas arménien et détient-elle une telle
responsabilité envers ce peuple ? Car Paris refuse de considérer la gravité des massacres dans l’empire
ottoman, et persiste à soutenir le pouvoir hamidien, de plus, le parlement rejette la protestation
grandissante contre l’abandon des arméniens. Pour un pays qui se prétend soutenir les droits de
l’homme, c’est un peu osé. C’est ainsi que l’intervention de grands défenseurs tels que Jean Jaurès,
Anatole France, Paul Cambon expriment un réel engagement parlementaire et commencent à se faire
entendre, en plus de la France des missions à l’appui de personnalités catholique tel que le père
Charmetant, qui interviennent dans un « devoir d’humanité et de patriotisme ». George Clemenceau, au
nom du « droit et de la justice pour tous les hommes sans distinction de race ni de confessions religieuses
» condamnent les gouvernements qui n’ont rien fait. Les intellectuels veulent maintenant faire l’histoire
des Arméniens, mobilisant la force politique des historiens. Une propagande savante est alors mise à
l’œuvre. Le mouvement « Arménophile » est en marche. Comme le précise Vincent Duclert, « L’attitude
publique face aux événements d’Arménie révolte ces intellectuels avant la lettre, motivés par la
recherche et la reconnaissance de la vérité. » (p. 138) et « Les socialistes français ont pour
mission d’obliger les gouvernements à doter la France républicaine d’une diplomatie digne de
cette démocratie. » (p. 146) et enfin « Toutes des intentions exigent de créer un « parti