Surdité brusque et oxygénothérapie hyperbare A.Duvallet DU – DIU, 30 janvier 2012 La surdité brusque La surdité brusque est une surdité unilatérale (le plus souvent) liée à une atteinte de l'oreille interne ou du nerf auditif, qui s'installe en moins de 24 heures et qui est le plus souvent isolée (sans atteinte des autres paires crâniennes). Elle peut s'accompagner d'acouphènes et de sensations vertigineuses. Elle nécessite un bilan audiométrique soigneux qui doit être réalisé rapidement. En effet, cet examen audiométrique va permettre de déterminer le type de surdité: surdité prédominant sur les basses fréquences, en plateau ou sur les hautes fréquences et d'adapter au mieux la conduite thérapeutique. Il s'agit d'une pathologie fréquente en otoneurologie : sa fréquence de survenue est de 10/100 000 habitants. Toute surdité brutale à TYMPAN NORMAL est une urgence thérapeutique et un avis spécialisé voire une hospitalisation immédiate indispensable DIFFÉRENTS TYPES DE SURDITÉ EN FONCTION DE L'AUDIOGRAMME Les surdités brusques n'ont pas toutes le même pronostic en termes de récupération. On en distingue cinq types différents en fonction de l'allure de la courbe tonale initiale (Tran Ba Huy et Coll, 2001). ORIGINE Les surdités brusques sont le plus souvent idiopathiques. L'origine des surdités brusques a été étudiée à l'aide de méthodes histologiques sur des coupes d'oreille interne en post-mortem. Actuellement, on retient quatre principales causes : - virale - vasculaire - périphérique liée à une rupture de la membrane basilaire. - immunitaire (dans ce cas, la surdité est souvent bilatérale). LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Toute surdité brusque nécessite un bilan complet qui doit comprendre : - un examen audiométrique complet - un examen vestibulaire - une IRM Examen clinique L’otoscopie : classiquement normale Les manœuvres de WEBER et de RINNE (confirment le caractère neurosensoriel de la surdité) Examen vestibulaire (Romberg) et neurologique, CV… L'audiométrie montre une atteinte de perception unilatérale, dominant généralement dans les aigus. Le tympannogramme confirme l'intégralité de l'oreille moyenne et élimine une atteinte tubaire. Le diagnostic de surdité brutale à tympan normal est posé. Le traitement est alors une urgence médicale; au mieux dans les premières 72 heures . Le pourcentage de récupération est alors de 85%. Au delà de 3 jours les chances de récupérations chutent de 50% Exemple de surdité brusque sur l’oreille gauche LES FACTEURS PRONOSTICS Certains facteurs sont de mauvais pronostic : - l'importance de la perte initiale, l'atteinte des hautes fréquences, - l'âge du patient (jeune ou âgé), - le délai du traitement initial. C'est la raison pour laquelle un traitement doit être rapidement mis en place. Dans de rares cas, elles peuvent révéler une pathologie sous-jacente, tel un neurinome du nerf 8 ou une sclérose en plaques. Le pronostic de la surdité brusque est marqué par le degré de la surdité et le délai de la prise en charge. Les surdités sévères et profondes sont de pronostic plus défavorable que celles de niveau moyen. Le délai de prise en charge précoce, inférieur à une semaine, semble aussi un élément favorable, mais inclut un certain nombre de récupérations spontanées. L'amélioration spontanée ou dans les suites d'un traitement est constatée dans 55 à 70 % des cas. LE TRAITEMENT L'évolution spontanée est en général favorable. Toutefois, si 60 % des surdités brusques récupèrent complètement, des séquelles auditives sont observées chez 40 % des patients C'est la raison pour laquelle un traitement doit être mis en place rapidement afin d'augmenter les chances de récupération du patient. Il nécessite - la mise au repos sonore - et l'administration de corticoïdes qui peuvent être délivrés par voie orale ou par voie intra systémique (dans certains cas une hospitalisation peut s'avérer nécessaire). - La perfusion de mannitol ou l'administration de glycérol peut s'avérer utile dans les surdités prédominant sur les basses fréquences. - Un antibiotique, et/ou antiviral peut aussi être prescrit. -Un vasodilatateur - Finalement, l'administration de sulfate de magnésium s'est montrée efficace. • (Gordin et Coll 2002, OtoNeurotol, 447-451). Etiopathogénie L’hypothèse pathogénique classiquement admise est une atteinte de la vascularisation de l’oreille interne, par vasospasme et/ou hyperviscosité, provoquant des lésions anoxiques de l’organe de Corti. L’importance de la perte auditive dépend de l’atteinte des cellules ciliées internes, par défaut d’oxygénation. Ce trouble peut siéger au niveau de la strie vasculaire occasionnant des dégâts micro circulatoires, ou au niveau de la cellule sensorielle ou impliquer les liquides labyrinthiques en entraînant des modifications ioniques. La conséquence de ces perturbations est une souffrance du neuro-épithélium sensoriel soit directement par privation sanguine et anoxie, soit indirectement par un phénomène d’œdème augmentant la pression des liquides labyrinthiques. L’hypothèse virale est évoquée en fonction du contexte clinique et plus facilement chez le sujet jeune de moins de quarante ans. Les perturbations de la micro circulation cochléaire sont dues à l’œdème endothélial, à l’hémagglutination et à l’hypercoagulabilité sanguine. D’autres hypothèses sont allergiques, toxiques, auto-immune ou pressionnelle, correspondant à l’hydrops cochléaire de la maladie de Ménière. L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) peut un complément au traitement. De nombreux auteurs ont démontré l’influence de l’oxygène sur la modification du métabolisme cochléaire. Ainsi, l’inhalation d’oxygène provoque une nette élévation de la tension d’oxygène intra-cochléaire. De même, l’oxygénothérapie en augmentant le rendement de la voie des pentoses, jouerait un rôle important dans le maintien de l’activité métabolique intra-cochléaire. Ainsi la cochlée est vraisemblablement sous la dépendance de deux mécanismes énergétiques distincts : aérobie pour la strie vasculaire et glycolytique anaérobie pour l’organe de Corti. Une dette en oxygène peut donc être à l’origine du trouble auditif. Devant une telle diversité, il importe de cibler de façon adéquate les surdités qui sont justiciables d’un traitement par oxygène hyperbare (OHB). Les effets physiologiques de l’oxygénothérapie hyperbare procèdent de l’augmentation du contenu artériel en oxygène engendrant un certain nombre d’effets bénéfiques : - compensation du défaut de perfusion tissulaire malgré la diminution du débit sanguin local; - vasoconstriction des territoires sains, favorisants la diminution de l’œdème, la redistribution vasculaire dans les zones ischémiques et la réapparition d’une vasomotion; - déformabilité des hématies et abaissement de l’indice de filtration érythrocytaire. HAS Indications Le groupe de travail (GT) a validé les indications de l’OHB suivantes : - pathologies aiguës : · intoxication au monoxyde de carbone chez les patients à haut risque de complications à court ou long terme (perte de conscience à l’admission ou après l’admission ; signes neurologiques, cardiaques, respiratoires ou psychologiques ; femmes enceintes), · accident de décompression, · embolie gazeuse, · écrasement de membre, · surdité brusque, · greffes de peau et lambeaux musculo-cutanés à vitalité compromise ; Surdité brusque : la conférence de consensus de l’ECHM valide l’OHB comme traitement adjuvant de la surdité brusque (sur avis d’experts). Une méta-analyse de la Cochrane (n = 16) met en évidence une amélioration significative des paramètres audiométriques dans le groupe OHB (probabilité d’amélioration de 25 % des paramètres avant et après traitement p < 0,02). lère CONFERENCE EUROPEENNE DE CONSENSUS SUR LA MEDECINE HYPERBARE LILLE., 19 au 21 septembre 1994 RECOMMANDATIONS DU JURY* VIII - Surdités brusques Dans les surdités brusques, l'utilisation de l'OHB, associée à d'autres mesures thérapeutiques telles l'hémodilution, est recommandée (recommandation de type 2). Cependant, l'efficacité respective de chacune de ces méthodes n'est pas actuellement précisable. Prise en charge: -Recherche de contre indication à l’OHB -Prescription des séances - 2,5 à 2,8 ATA (15 à 20 mêtres) - 1heure 02 à 100% (fénêtre air ?) - 1 ou 2 séances par jour - 20 séances - appréciation clinique et audiométrique à la 10ème séance - suivi avec l’ORL (autres médication) Pré requis et données expérimentales : Amélioration de la fonction auditive et augmentation de la PO² au niveau de l’oreille interne, sous OHB. Lamm (1998) a montré un effet positif de l’OHB dans 50% des cas après échec des traitements classiques (étude rétrospective). Daumann (1985) comparant : OHB + corticoïdes + vasodilatateurs versus corticoïdes + vasodilatateurs seuls, conclut à de meilleurs résultats dans le groupe OHB