Agranulocytose fébrile

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Agranulocytose
fébrile
Dr Emmanuel Forestier
Service de maladies infectieuses
Centre Hospitalier Métropole Savoie
Cas clinique
Vous êtes médecin généraliste dans un charmant
petit village en fond de vallée alpine. Vous vous
apprêtez à fermer votre cabinet après une matinée
de samedi chargée. Arrive Mr C (que vous
connaissez bien) qui présente une température à
39.5°C 10 jours après une première cure de cisplatine et gemcitabine pour un cancer bronchique.
L’EG est conservé et l’examen clinique est par
ailleurs normal. Le bilan fait la veille montre à la
NFS des PNN à 0,2G/l.
Que faites vous?
Cas clinique
Vous êtes urgentiste dans un charmant centre
hospitalier de l’arc alpin. Vous êtes de garde un samedi
après-midi. Arrive Mr C (que vous ne connaissez pas)
adressé par son médecin traitant pour une
agranulocytose (PNN 0,2G/l) fébrile 10 jours après une
première cure de cis-platine et gemcitabine pour un
cancer bronchique. L’EG s’est altéré depuis qu’il a vu
son MT. L’examen clinique montre une T° à 38.7°C,
une TA à 90/50, une FC à 115/min et une Sa02 à 94%.
L’examen clinique est normal par ailleurs.
Que faites vous?
Cas clinique
Vous êtes infectiologue dans un charmant centre
hospitalier de l’arc alpin. Votre collègue
pneumologue vous demande votre avis à propos
de Mr C hospitalisé depuis 6 jours pour une
agranulocytose fébrile survenue 10 jours après
une première cure de cis-platine et gemcitabine
pour un cancer bronchique. Le bilan de première
intention était négatif. Il est depuis 5 jours sous
vancomycine et piper-tazo. Il reste fébrile à 39°C.
Que faites vous?
Agranulocytose: étiologies
O Acquise
O Iatrogène (toxique ou immuno-allergique)
O Infectieuse
O Néoplasique (envahissement médullaire)
O Auto-immune
O Idiopathique…
O Congénitale
O Maladie de Kostman, syndrome de Wiscott Aldrich
La problématique
• Fièvre au cours des neutropénies
– Fréquente
• Tumeurs solides: 13% des patients et 3,6% des cycles
(Cullen et al NEJM 2005;353:988-98)
• Leucémies/greffe: 70% des patients (Bucaneve et al
NEJM 2005;353:977-87)
– Répétée
• Tumeurs solides: 3% ont au moins 2 épisodes (Cullen et al
NEJM 2005);
• Leucémies/greffe: 15% des patients (Akova et al CID 05)
– Rarement documentée
• Tumeurs solides: 5-7% (Cullen et al NEJM 05)
• Leucémies/greffe: 22-39% (Bucaneve et al NEJM 05)
La problématique
O Agranulocytose fébrile = affection grave
O Modèles animaux
O Infection plus fréquente, plus rapide, inoculum
plus faible, peu de signes inflammatoires,
décès plus fréquent
O Mortalité chez l’homme
O 4% toute neutropénie fébrile
O 6 à 10% si bactériémie
La problématique
O Particularités du patient neutropénique
O Portes d’entrée multiples: peau (KT) et muqueuse
(tube digestif +++)
O Traitements immunosuppresseurs associés
(corticoïdes, cytotoxiques)
O Peu de réaction inflammatoire
O 1 cas sur 2 sans autre signe que la fièvre
O Risque d’aggravation lors de la remontée des PNN
O Causes de fièvre multiples (paranéoplasique,
médicament, transfusion, mucite…)
Freifeld CID 2011
Définitions
O Agranulocytose fébrile
O PNN < 500/mm3 (ou attendus dans les 48h)
O Profonde < 100/mm3
O Fièvre ≥ 38,3°C une fois ou ≥ 38°C ≥ 1h
O Durée
O Courte ≤ 7 jours < longue
 Le risque d’infection et de décès augmente
avec la profondeur et la durée de l’AF
Agranulocytose fébrile:
étiologies
O Etude multicentrique française (n = 513)
O Fièvre d’origine inconnue: 59%
O Fièvre cliniquement documentée: 8%
O Fièvre microbiologiquement documentée:
33% (dont 88% de bactériémies)
 CG+: 63.9%
• SCN: 30.8%
• Streptocoques: 23.7%
• S. aureus: 8.3%
• BGN: 33.1%
• E. coli: 17.7%
• Pseudomonas: 7.7%
Données microbiologiques
Wisplinghoff CID 2003; 36: 1103-1110
Données microbiologiques
O Sévérité variable selon le germe
Blot F Crit Care Med 2001
Données microbiologiques
O En résumé
O Augmentation des CG+ (SCN, S. aureus)
O KT, prophylaxie par FQ
O Diminution des BG- (E.coli > P. aeruginosa)
O Sévérité BG- > CG+
O Place des levures limitée (patient d’hémato
surtout) mais sévérité +++
Thérapeutique
Thérapeutique
Bilan initial
O Patients à haut risque
O Neutropénie profonde prolongée
O Signes cliniques et biologiques de gravité
O Sepsis sévère
O Transa > 5N, Cl créat < 30mL/min
O Atteinte digestive
O Infection de KT
O Infection pulmonaire chez BPCO
O MASCC score < 21
Thérapeutique
Bilan initial
O MASCC Score
O < 60 ans
O Ambulatoire
O Importance de l’AEG liée à l’AF
O Pas d’hypoTA (> 90mmHg)
O Pas de déshydratation
O Pas de BPCO
O Pas d’infection fongique antérieure
2
3
0/3/5
5
3
4
4
Thérapeutique
Bilan initial
O Données cliniques
O ATCD de portage de BMR
O Ttt prophylactique (FQ, antifongique)
O Biologie
O NFS, (CRP), iono, urée, créat, BH
O ≥ 2 hémocultures (avec différentielle si KT)
O Autres prélèvements microbio selon clinique
O Radiologie
O RP si signes clinique d’atteinte respiratoire
Thérapeutique
Thérapeutique
Commentaires
O On ne sait pas ce qu’on traite, et le plus svt on
ne le saura jamais…mais il faut traiter vite !
O Contraintes
O Clinique et imagerie peu contributifs
O Réévaluation indispensable à 72 heures
O Aggravation précoce = échec
O Amélioration même imparfaite = succès
O Prise en compte des résultats microbiologiques
et paracliniques
Thérapeutique
Commentaires
O PEC ambulatoire
O A discuter au cas par cas
O Evaluation clinique rigoureuse
O En lien avec spécialiste en charge du patient
O Ciprofloxacine ou ofloxacine ?
O Pas de FQ si utilisées en prophylaxie. Place
de la ceftriaxone ?
O Alternative AUGMENTIN: clindamycine
Thérapeutique
Commentaires
O PEC hospitalière
O Stratégies ECIL 4
O Place des aminosides
O Place des « anti Gram + »
O Place des antifongiques
O Place des facteurs de croissance
O Mesures d’hygiène
Thérapeutique
Commentaires
O Problématique
Mortalité élevée
=
Nécessité d’une
ATB efficace
rapide si infection
bactérienne
Antibiothérapie à
spectre large
=
Pression de
sélection
Thérapeutique
Stratégies ECIL 4
Escalade
« Privilégie » les ATB
Desescalade
« Privilégie » le patient
O ATB spectre étroit initiale
O ATB spectre large initial
O Adaptation selon
O Restriction spectre si
prélèvement
O Elargissement si aggravation
O Arrêt précoce (72h) des ATB
si apyréxie depuis 48h et
prélèvement neg
bactério neg et initialement
pas grave
O Arrêt précoce (72h) des ATB
si apyréxie depuis 48h et
prélèvement neg
Averbuch et al ECIL-4 @EBMT.org
Thérapeutique
Place des aminosides
O Référence historique du traitement de l’AH:
β lactamine + aminoside
O Pas de bénéfice démontré et plus d’EI
association vs monothérapie
O Mais
O Augmentation prévalence des BMR
O Cas particulier des sepsis et chocs septiques
 Restent indiqués uniquement dans ces
situations
Paul. Cochrane Database Systematic Reviews 2003
Thérapeutique
Place des anti-Gram +
Référence: vancomycine - Alternatives: daptomycine, linézolide, ceftaroline
Pour
Contre
O Augmentation de la
O CG+ moins grave que BG-
fréquence des CG+
O Pourrait diminuer
l’exposition aux
antifungiques
O Couvertures des
entérocoques si usage C3G
O Effets indésirables
Vanco: insuffisance rénale
O Linézolide: tox médullaire
O
O Coût (dapto, linézolide, cefta)
O Pas de bénéfice démontré
(mais études anciennes)
Paul et al Cochrane 2014
Vardakas Lancet ID 2005; 5: 431-439
Thérapeutique
Place des anti Gram +
O En première intention si
O Sepsis sévère ou choc septique
O Pneumopathie à la radio
O Infection de KT suspectée ou prouvée
O Infection peau et tissus mous
O Mucite sévère si ATB prophylaxie par FQ
O Hémoc + à CG+ genre staph
O Colonisation connue à SARM, ERG ou PSDP
Reco IDSA 2010
Thérapeutique
Place des antifungiques
O Toujours si infection documentée à levures
O Patient à haut risque
O En cas d’AF longue, fièvre persistante après
4 à 7 jours malgré une antibiothérapie à
large spectre
O Discuter ttt préemptif si très haut risque
O Patient à bas risque
O Pas d’indication à un traitement empirique
Reco IDSA 2010
Thérapeutique
Place des antifungiques
O Quels antifungiques?
O En première intention: AmphoB liposomale,
ou casponfungine, ou voriconazole
O Discuter fluconazole en première intention si
pas d’ATCD de ttt récent avec azolé, de
portage de Candida non albicans, et absence
de signe de gravité
O Adaptation selon les résultats des
prélèvements
Reco IDSA – Pappas CID 2009
Antibiothérapie des neutropénies fébrile CHRU Lille 2013
Neutropénies courtes (lymphomes, MM - hors autogreffe)
Neutropénie < 8j chez un patient sans ATB/hopital dans les 3 mois
Pas de notion de BMR
Patient stable: neutropénie fébrile sans signe de gravité
100 mg/kg/j
- Céfotaxime
- ou Claventin®
200 mg/kg/j (max 20g)
Sepsis sévère = sepsis + hypoperfusion et/ou défaillance d’organe
Gentamicine
100 mg/kg/j
- Céfotaxime
- ou Claventin®
+
200 mg/kg/j (max 20g)
OU
7 mg/kg/j
Lévofloxacine (si CI aminosides
J1
et pas de prophylaxie) 500mg/12h
Puis 500mg/j
Sepsis sévère et portage CONNU de BLSE
50 mg/kg/j (max 3g)
Imipénème
+
Genta ou levo
(si CI aminosides)
Changement pour autre β-lactamine
IMPERATIF si pas de BLSE aux hémocs/ECBU
A discuter si BLSE sensible autre βlactamine
Echec 1ère ligne, ou 1ère ligne si > 8j de neutropénie ou notion de BMR
ou patient hospitalisé et/ou sous C3G/quinolones dans les 3 mois
Exception
200 mg/kg/j (max 20g)
100 mg/kg/j (max 8g)
Pipé/Tazo
60 mg/kg/j (max 6g)
Ceftazidime
Monothérapie si NF sans signe de gravité
Si sepsis sévère/choc septique/BGN multi-R
Ajouter:
Amikacine
20 mg/kg /j 3 j
Gentamicine 7 mg/kg si BLSE
Cefepime
50 mg/kg/j (max 3g)
Imipénème
BLSE documenté
Si choc septique/CG+/ILC/ceftazidime
Ajouter:
Vancomycine
40 mg/kg/j
Arret si pas de CG+ aux HC
Ciprofloxacine 400mg/8h si CI aminosides
Imipénème si portage BLSE CONNU
Changement pour autre β-lactamine :
IMPERATIF si pas de BLSE aux hémocs/ECBU
A discuter si BLSE sensible autre βlactamine
RÉEVALUATION A 72h
SUCCES CLINIQUE
HC -
ECHEC CLINIQUE
HC -
HC +
Adaptation ATBGr
Arret aminoside/FQ J3
Arret vanco si HCSortie neutropénie:
•Arret b-lactamine
(7j TT min)
Modif b-lactamine
Poursuite même TT
jusqu’à J5
Antifongique
Scan tho
Selon clinique/ATCD/BMR
Neutropénie < 10j
Neutropénie > 10j
3ème ligne: «rattrapage» = Cas par cas
Amorce de remontée de PNN:
Discuter arret ATB si
7j TT min
et 72h apyrexie min
Cas particulier de P. aeruginosa
Pas d’éléments prédictifs de souches multirésistantes
Choc/portage/infection à PA/HC à BGN non amélioré sous TT initial:
discuter
Colimycine:100000 à 150000 UI/Kg en 3 perfs +
ceftazidime (bolus 2g, puis 100mg/kg/j) + amikacine 25 mg/kg
Thérapeutique
Place des facteurs de croissance
O Indication en prévention de la survenue
d’une agranulocytose
O Pas d’indication en cas d’agranulocytose
fébrile installée
Reco IDSA 2010
Mesures d’hygiène
O Pas d’isolement protecteur, application des
précautions standard (hors greffe de moëlle)
O Eviter les plantes en pot et les fleurs dans
les chambres
Questions sans réponse
O Durée de traitement des bactériémies
O Arret ou pas ATB quel que soit niveau de PNN ?
O Impact BMR/ATB inadapté et mortalité
O Pas significatif, mais…
O Prise en compte d’un portage/ATCD de BMR
O Uniquement selon sévérité clinique ?
O Carbapénémases
O Obsession de l’épargne des carbapénèmes
Traitements
prophylactiques
O Antibiotiques
O FQ si neutropénie profonde et prolongée
attendue
O Antifongiques
O Réservés aux patients d’hématologie
O Antiherpétiques
O Réservés aux patients d’hématologie
Conclusion
O Evaluation initiale du patient fondamentale
O Trouver le bon compromis entre
« paracétamol monothérapie » et « vancoimipénème-genta-caspo pour tout le monde »
O Affaire de spécialiste, quand même…
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