et en dernier d’une scène physique, ou d’une mise en scène, travaillée par les
indications suggérées par le dramaturge lui-même, accompagnée par les grandes
toiles — noirs, blancs et gris —, du dramaturge qui en fait, gagne aussi sa vie avec la
peinture. Ainsi le concept d’identification s’avère-t-il particulièrement complexe dans
une représentation théâtrale en tant qu’art. De quelle réalité participe-t-elle ? Peut-on
parler d’un mode d’être, d’existence, ou de devenir ? Car si l’on remonte aux origines
dionysiaques du théâtre en mettant l’accent sur la représentation, l’on repense à la
présence d’un espace théâtral : de quelle façon manipule-t-on les paramètres du
temps, de l’action et du discours dans une représentation scénique, de sorte qu’un
véritable espace théâtral se construise, s’articule et existe, malgré ses formes
diverses ? En recourant à la révolte, au silence, à l’aliénation, au « troisième œil », au
bilinguisme, voire à une quête de spiritualité, ou autres, afin de mettre en œuvre sa
philosophique « littérature froide », l’écriture théâtrale de Gao relève-t-elle d’une
écriture d’exil ?
« La littérature froide », déclare Gao, « est une littérature de fuite pour
préserver sa vie, c’est une littérature de sauvegarde spirituelle de soi-même afin
d’éviter l’étouffement par la société. »
1
Prenant la mesure de la résistance d’un artiste
au pouvoir politique, la pression et l’invasion des valeurs du marché d’une société
capitaliste de consommation, il précise, « N’ayant naturellement aucun intérêt aux
yeux des mass media, [ce genre de littérature] ne peut attirer l’attention du grand
public. Elle n’existe que par le fait que le genre humain est en quête, en dehors de
satisfactions matérielles, d’une activité de nature purement spirituelle. »
2
La
pertinence de la compréhension de cette « littérature » en question dans l’œuvre
théâtrale de Gao Xingjian découle en partie de certains traits biographiques qui, à la
fin, l’ont conduit à « fuir » plusieurs situations répressives : lors des persécutions
pendant la Révolution culturelle et les campagnes politiques des années 80, ainsi
qu’après avoir été désigné persona non grata, à la suite du massacre de Tian’anmen
en 1989.
1
Gao, Xingjian, « La Raison d’être de la littérature », traduit du chinois par Noël et Liliane Dutrait
dans La Raison d’être de la littérature, suivi de Au plus près du réel, La Tour d’Aigues, Éditions de
l’Aube, collection « L’Aube poche », 2001, p. 17.
2
Gao, Xingjian, « La littérature froide » dans Le Témoignage de la littérature, traduit du chinois par
Noël et Liliane Dutrait, Paris, Seuil, 2004, p. 41.