© Transeuropéennes, Paris & Fondation Anna Lindh, Alexandrie - 2011
l'ensemble de la région, elles ne furent pas sans poser le problème du choix des textes à traduire et
des méthodes appliquées à la traduction, ainsi qu'une véritable distinction au niveau de la
reconnaissance officielle du théâtre traduit publié ou non-publié, et cela particulièrement depuis les
années 1990.
Cette époque voit la chute des moyens des principaux éditeurs du théâtre dans la région, leur
éloignement de cette écriture qui a de moins en moins de lecteurs et de moyens de production, et
l'apparition d'une nouvelle génération de metteurs en scène qui prennent l'initiative de traduire-
adapter eux-mêmes des pièces de théâtre du répertoire européen contemporain, ou leurs propres
textes. C'est aussi le début de l'émergence d'opérateurs culturels indépendants (associations,
espaces, festivals…) de plus en plus présents dans les réseaux régionaux et internationaux, et dont
plusieurs se sont donné comme mission de soutenir cette nouvelle écriture, sa traduction et la
production théâtrale contemporaine en général. Malheureusement, leurs moyens restent limités, et
ils ne sont pas encore en mesure de répondre à l'intégralité de la demande des professionnels de
l'ensemble de la région, surtout pas sans le soutien des services culturels diplomatiques, qui ont eux
de leur part toujours joué un rôle primordial dans la diffusion de l'écriture théâtrale européenne dans
le monde arabe.
Dans ce sens, nous pouvons qualifier la dernière décennie, constituant l'axe principal de cette étude,
d'″âge d'or″ du manuscrit théâtral: ce qui est écrit et traduit pour la scène reste souvent pour la
scène, et dans une situation idéale pourrait peut-être bénéficier d'une traduction dans le but d'un
surtitrage dans le cadre d'une diffusion à l'international, comme nous le verrons ci-dessous.
De l'arabe vers les langues européennes
Les Arabes ayant importé le théâtre d'Europe, à travers la traduction dans un premier temps, ont
encore du mal à trouver leur place auprès des traducteurs et des éditeurs européens; et les metteurs
en scène du Nord de la Méditerranée ont tendance à adapter des textes non-dramatiques arabes
(Les Mille et Une Nuits, contes, poèmes…), plutôt que de se pencher sur l'écriture théâtrale du Sud
proprement dite. Cette écriture fait surtout l'objet d'études littéraires, linguistiques et orientalistes,
dans des cadres universitaires et des revues spécialisées. Ce qui explique par exemple la profusion
des traductions du théâtre de l'auteur égyptien Tawfiq al-Hakim (1898-1987), figure emblématique de
l'écriture théâtrale arabe de la première moitié du XXème siècle et dont la première traduction en
français remonte à 1936 (Schérezade), qui bat jusqu'à ce jour les records en terme de traduction en
langues européennes, alors que son écriture est considérée comme inadaptable à la scène par la
majorité des praticiens arabes, malgré (à cause de) ses qualités poétiques.
Si le théâtre européen bénéficie des programmes nationaux dédiés au soutien à la diffusion
internationale, il n'existe malheureusement pas ou très peu de programmes arabes qui ont pour
mission de diffuser le théâtre écrit dans la région sur le continent européen, et de là au reste du
monde. Paradoxalement, nous verrons que lorsque ces initiatives existent, elles émanent d'entités
étrangères (missions culturelles, universités, centres de traductions et de recherche…).
Les traductions du théâtre arabe sont soumises dans la plupart des cas à l'intérêt personnel d'un
traducteur d'origine arabe pour une pièce provenant dans la plupart des cas de son pays d'origine, ou
aux événements nationaux célébrant la culture d'un autre pays (Année de l'Algérie, Le Printemps
palestinien en France…). Jusqu'à nos jours, il n'y a pas vraiment eu de stratégie globale de traduction